COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE
Observations finales du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels
HONDURAS
1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport
initial du Honduras sur l'application du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (E/1990/5/Add.40) à ses 5e, 6e et 7e séances
(E/C.12/2001/SR.5 à 7), les 25 et 26 avril 2001, et il a adopté, à sa 25e
séance (E/C.12/2001/SR.25), le 9 mai 2001, les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite du rapport initial de l'État partie, qui, dans l'ensemble,
a été établi conformément aux directives du Comité, encore qu'il ait été présenté
avec plusieurs années de retard. Le Comité se félicite en particulier du dialogue
constructif, franc et ouvert qu'il a eu avec la délégation et de la bonne
volonté avec laquelle cette dernière a répondu à ses questions.
B. Aspects positifs
3. Le Comité note avec satisfaction que, selon l'État partie, le Pacte a été
incorporé au droit interne et peut être invoqué devant les tribunaux du pays.
Toutefois, la délégation n'a pas été en mesure de fournir des exemples de
jurisprudence.
4. Le Comité note aussi avec satisfaction que l'État partie serait favorable
à l'établissement d'un protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5. Le Comité prend note avec satisfaction de l'établissement d'institutions
telles que les Fiscalías Especiales de Derechos Humanos (procureurs
spéciaux pour les droits de l'homme), l'Instituto Nacional de la Mujer
(Institut national de la femme), les Consejerías de la Familia (Conseils
de la famille) et le Défenseur du peuple, ainsi que l'adoption de lois importantes
dans le domaine des droits de l'homme, telles que la Ley de Igualdad
de Oportunidades entre el Hombre y la Mujer (loi sur l'égalité des chances
des hommes et des femmes), la Ley contra la Violencia Doméstica (loi
réprimant la violence dans la famille) et la Ley sobre la Salud Reproductiva
(loi sur la santé génésique).
6. Le Comité prend note avec satisfaction des programmes d'allocations
familiales destinés aux groupes les plus pauvres et les plus vulnérables,
et en particulier aux enfants de moins de 5 ans, aux femmes enceintes ou
allaitantes et aux personnes âgées.
7. Le Comité constate également avec satisfaction que la part du budget
national consacrée à l'éducation n'a cessé d'augmenter au cours de la période
1996-2001, passant de 12,95 % à 22,76 %.
8. Le Comité se félicite qu'au cours de la période 1996-2000, 345 centres
d'éducation de base aient été créés dans les 18 régions du pays.
C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte
9. Le Comité note que les efforts déployés par l'État partie pour s'acquitter
de ses obligations en vertu du Pacte sont entravés par le fait qu'il est classé
parmi les pays pauvres très endettés et que le service de la dette extérieure
absorbe jusqu'à 40 % du budget national annuel.
10. Le Comité reconnaît, en outre, que les politiques d'ajustement structurel
mises en œuvre dans l'État partie ont eu des répercussions négatives
sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de la population,
en particulier des groupes vulnérables et marginalisés de la société.
11. Le Comité note que le grave problème de la pauvreté au Honduras a été
aggravé par les effets dévastateurs qu'a eus en octobre 1998 l'ouragan Mitch
sur l'infrastructure et les secteurs de production, qui sont aujourd'hui
toujours en cours de relèvement.
D. Principaux sujets de préoccupation
12. Le Comité est préoccupé par l'absence dans l'État partie, d'une formation
adéquate en matière de droits de l'homme, à l'intention en particulier de
la magistrature et d'autres responsables de l'application du Pacte, en ce
qui concerne notamment les droits garantis par le Pacte et la Constitution
hondurienne.
13. Le Comité juge préoccupante l'inégalité qui existe de fait - en dépit
des lois en vigueur - entre les hommes et les femmes dans la société hondurienne
et que reflètent tout particulièrement l'inégalité de la rémunération pour
un travail égal et la faible représentation des femmes dans la fonction
publique et l'administration.
14. Le Comité est préoccupé par la discrimination persistante dont sont
victimes les populations autochtones, en particulier dans les domaines de
l'emploi et de la protection des terres agricoles et ancestrales traditionnelles.
15. Le Comité regrette que l'État partie n'ait pas pris de mesures législatives
et administratives en vue de limiter les effets négatifs des activités des
sociétés transnationales sur les conditions d'emploi et de travail des travailleurs
honduriens et de veiller à la conformité de ces activités avec la législation
nationale du travail. À titre d'exemple de ces effets négatifs, il note
le faible niveau des salaires et des conditions de travail inférieures aux
normes dans les maquiladoras (usines de montage et de finition),
en particulier dans celles qui emploient essentiellement des femmes.
16. Le Comité est particulièrement préoccupé par le très faible nombre
d'inspecteurs du travail et l'incapacité de ceux-ci à s'acquitter de leurs
responsabilités d'une manière adéquate, en raison des restrictions qui limiteraient
leur accès aux entreprises et à d'autres lieux de travail assujettis à l'inspection.
17. Le Comité constate avec une vive préoccupation que le salaire minimum
ne permet pas d'assurer un niveau de vie suffisant au Honduras.
18. Le Comité est également préoccupé par la protection insuffisante offerte
par l'État partie aux syndicats qui souhaitent négocier avec des employeurs
étrangers, eu égard en particulier au grand nombre de travailleurs syndiqués.
En outre, le Comité regrette profondément que la loi interdise la présence
de plus d'un syndicat au sein de chaque entreprise.
19. Le Comité note avec préoccupation que le système de sécurité sociale
couvre moins d'un tiers de la population et qu'en sont notamment exclus
les groupes de la société qui n'ont aucun revenu. À cet égard, le Comité
juge préoccupant que l'État partie n'ait pas ratifié les conventions pertinentes
de l'OIT (nos 102, 117 et 118) concernant la sécurité sociale.
20. Le Comité est alarmé par le nombre élevé d'enfants forcés de travailler
pour vivre, et en particulier par la situation grave des enfants des rues
et le phénomène des bandes de rue (maras). À cet égard, il note aussi
avec une vive préoccupation que de nombreux enfants sont victimes de violences
sexuelles, d'exploitation et de prostitution et qu'aucun plan national n'a
été adopté pour combattre ces phénomènes.
21. Le Comité exprime sa préoccupation devant l'ampleur du phénomène de
la violence dans la famille et l'incapacité apparente de l'État partie à
appliquer la législation mise en place pour combattre ce phénomène, en raison
surtout de l'absence d'une formation appropriée des policiers et autres
agents de la force publique.
22. Le Comité regrette l'absence de stratégie nationale en matière de logement,
compte tenu des dommages causés aux infrastructures par l'ouragan Mitch.
23. Le Comité est préoccupé par les expulsions forcées sans indemnisation
adéquate ou mesures de réinstallation appropriées qui touchent en particulier
les paysans et les populations autochtones et ont lieu dans les régions
où sont menées des activités minières.
24. Le Comité est particulièrement préoccupé par les effets extrêmement
nocifs sur l'environnement de l'emploi de polluants et de substances toxiques
dans des secteurs agricoles et industriels spécifiques, notamment la production
de bananes et l'extraction de l'or, qui mettent en danger la santé et la
vie des travailleurs et de ceux qui vivent à proximité des zones concernées.
À cet égard, le Comité constate aussi avec inquiétude que les études d'impact
sur l'environnement sont effectuées par les secteurs en cause ou en leur
nom, sans contrôle effectif de mécanismes indépendants.
25. Le Comité déplore que l'État partie n'ait pas pris de mesures pour
résoudre efficacement le problème du déboisement excessif, qui a des incidences
négatives sur l'habitat des populations autochtones.
26. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des services médicaux, en
particulier dans les zones rurales, et par les difficultés d'accès de la
population à des établissements de soins de santé. Il s'inquiète aussi vivement
du taux élevé de personnes séropositives ou atteintes du sida, dans l'État
partie, l'un des plus forts de la région, et de l'insuffisance des informations
fournies par l'État partie sur les mesures prises en vue de la fourniture
de médicaments essentiels.
27. Le Comité juge également préoccupantes les difficultés rencontrées
par l'État partie pour mettre en œuvre sa politique en matière de santé
génésique, notamment en ce qui concerne la distribution et l'emploi de préservatifs,
qui sont dues à la résistance opposée par certaines institutions religieuses
et au fait que les programmes d'éducation ne visent souvent que les femmes.
À cet égard, le Comité note aussi avec préoccupation que le taux de grossesses
précoces est élevé et que les adolescentes concernées sont privées de la
possibilité de poursuivre leurs études.
28. Le Comité prend note avec regret du taux élevé d'analphabétisme (19,5
%) confirmé par la délégation de l'État partie.
29. Le Comité juge préoccupant que les autochtones n'aient que des possibilités
limitées de recevoir une instruction et d'employer leur propre langue dans
leurs relations avec la justice.
E. Suggestions et recommandations
30. Le Comité encourage vivement l'État partie à faire en sorte qu'il soit
tenu compte du Pacte lors de l'élaboration et de l'exécution de toutes les
politiques concernant les droits économiques, sociaux et culturels.
31. Le Comité recommande à l'État partie d'améliorer les programmes de
formation aux droits de l'homme à l'intention, en particulier, de la magistrature,
des agents de la force publique et d'autres responsables de l'application
du Pacte, de manière à faire mieux connaître, comprendre et appliquer le
Pacte et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.
32. Le Comité invite instamment l'État partie à appliquer avec plus d'énergie
la législation en vigueur et à tenir compte des sexospécificités dans sa
législation, en vue de garantir une plus grande égalité entre hommes et
femmes, en particulier en ce qui concerne l'emploi, les conditions de travail
et la représentation dans les services publics et l'administration.
33. Le Comité recommande à l'État partie de reconnaître les droits économiques,
sociaux et culturels des populations autochtones en tant que groupe minoritaire
distinct et de veiller à ce que ces populations soient protégées plus efficacement
contre la discrimination, en particulier dans les domaines de l'emploi,
de la santé et de l'éducation.
34. Le Comité recommande également que l'État partie tienne explicitement
compte du Pacte dans les politiques, programmes et projets conçus dans le
cadre de son document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP),
qui fait partie intégrante de l'Initiative renforcée en faveur des pays
pauvres très endettés (PPTE). À cet égard, il appelle l'attention de l'État
partie sur la déclaration sur la pauvreté adoptée par le Comité le 4 mai
2001.
35. Le Comité engage l'État partie à conclure l'adoption de son Code du
travail.
36. Le Comité recommande vivement à l'État partie de mettre en œuvre
les mesures législatives et administratives existantes pour éviter que des
sociétés transnationales ne violent le droit du travail et le droit de l'environnement.
37. Le Comité invite instamment l'État partie à augmenter le nombre d'inspecteurs
du travail et à veiller à ce qu'ils puissent pleinement exercer leur autorité
sur les lieux de travail.
38. Le Comité exhorte l'État partie à adopter et mettre en œuvre des
mesures législatives et autres pour protéger les travailleurs contre les
risques que présente pour leur santé l'emploi de substances toxiques, telles
que des pesticides et le cyanure, aux fins de la production de bananes et
de l'extraction de l'or.
39. Le Comité recommande vivement à l'État partie d'étendre son système
de sécurité sociale, pour y intégrer les groupes à faible revenu et les
groupes du secteur informel qui en sont à présent exclus. En outre, le Comité
recommande à l'État partie de ratifier les conventions pertinentes de l'OIT
(nos 102, 117 et 118) concernant la sécurité sociale.
40. Le Comité invite instamment l'État partie à adopter d'urgence des mesures
pour lancer des programmes de réinsertion à l'intention des enfants des
rues. Il l'engage également à s'attaquer au problème des violences sexuelles
dont sont victimes des enfants, de la prostitution de ces derniers et de
leur exploitation, en adoptant un plan national pour combattre ce problème
et notamment en recueillant des données pertinentes et en procédant à une
étude approfondie de la question.
41. Le Comité recommande vivement à l'État partie de faire appliquer avec
plus d'énergie la législation en vigueur concernant la violence dans la
famille et de mieux former à cette fin les policiers et autres agents de
la force publique.
42. Le Comité recommande que le montant du salaire minimum soit fixé sur
la base de critères permettant d'assurer un niveau de vie suffisant dans
l'État partie.
43. Le Comité demande que, dans son prochain rapport périodique, l'État
partie fournisse des renseignements sur l'élaboration d'une stratégie nationale
en matière de logement et sur les progrès faits en vue d'assurer à tous
un logement suffisant, en particulier aux personnes à faible revenu, aux
personnes vulnérables ou marginalisées et à celles qui ont subi des pertes
du fait de l'ouragan Mitch. Le Comité recommande également à l'État partie
de prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre le problème des
expulsions forcées et des sans-abri.
44. Le Comité recommande à l'État partie de revoir sa législation et d'adopter
toutes les mesures nécessaires pour poursuivre la réforme agraire et régler
les problèmes liés aux régimes fonciers d'une manière qui prenne en considération
les besoins des campesinos (paysans) et les droits fonciers des populations
autochtones.
45. Étant donné que les concessions minières peuvent avoir des incidences
importantes sur l'application des dispositions de l'article 12 et d'autres
dispositions du Pacte, le Comité recommande que les demandes de concessions
soient rendues publiques dans toutes les localités où ont lieu des activités
d'exploitation minière et qu'opposition puisse être faite à l'octroi d'une
concession dans les trois mois (et non plus dans les 15 jours) suivant la
publication de la demande dans la localité concernée, conformément aux principes
d'une procédure équitable.
46. Le Comité invite instamment l'État partie à prendre immédiatement des
mesures pour combattre les répercussions qu'a sur l'environnement et la
santé l'emploi de polluants et de substances toxiques dans le cadre de certaines
activités agricoles et industrielles, notamment la production de bananes
et l'extraction de l'or. À cet égard, le Comité recommande à l'État partie
de créer un mécanisme qui lui permette de contrôler efficacement les études
d'impact sur l'environnement faites par les secteurs concernés ou en leur
nom.
47. Le Comité invite instamment l'État partie à prendre des mesures efficaces
pour combattre la progression du VIH et du sida et en particulier pour faciliter
l'accès aux médicaments essentiels et à faire appel à la coopération internationale
dans ce domaine.
48. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à mettre en œuvre
sa politique en matière de santé génésique, en mettant l'accent sur les
jeunes, et de développer ses programmes d'éducation et ses services de consultation
à l'intention des hommes comme des femmes.
49. Le Comité prie l'État partie de fournir dans son prochain rapport périodique
des renseignements détaillés sur les handicapés mentaux et notamment d'exposer
brièvement le régime juridique s'appliquant aux handicapés mentaux hospitalisés
d'office et les mesures prises pour assurer la protection de ces personnes.
50. L'État partie est instamment prié d'adopter un plan national complet
d'éducation pour tous, tel que le prévoit le paragraphe 16 du Cadre d'action
de Dakar. Il est invité instamment à prendre en compte, lors de l'élaboration
et de l'application de ce plan, les observations générales nos 11 et 13
du Comité et à mettre en place un mécanisme efficace de contrôle de l'exécution
du plan. En outre, le Comité encourage l'État partie à demander à l'UNESCO
de lui fournir des avis et une assistance techniques tant pour l'élaboration
que pour la mise en œuvre du plan.
51. Le Comité prie l'État partie de lui fournir dans son prochain rapport
périodique des données statistiques actualisées sur le taux d'analphabétisme,
ainsi que des renseignements sur les mesures qu'il a prises pour combattre
l'analphabétisme et sur les résultats de ces mesures.
52. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures pour veiller
à ce que les autochtones aient accès à l'éducation et puissent employer
leur propre langue dans leurs relations avec la justice.
53. Le Comité recommande à l'État partie de faire plus activement appel
aux services de coopération et d'assistance techniques du Haut-Commissariat
des Nations Unies aux droits de l'homme et des institutions spécialisées
et programmes compétents des Nations Unies, en particulier pour l'établissement
de son deuxième rapport périodique.
54. Le Comité prie l'État partie de diffuser largement les présentes observations
finales dans toutes les couches de la société et de l'informer de toutes
les mesures prises pour leur donner effet. En outre, il encourage l'État
partie à consulter les organisations non gouvernementales et d'autres membres
de la société civile lorsqu'il établira son deuxième rapport périodique.
55. Enfin, le Comité prie l'État partie de présenter son deuxième rapport
périodique d'ici au 30 juin 2006 et de faire figurer dans ledit rapport
des renseignements détaillés sur les mesures qu'il aura prises pour mettre
en œuvre les recommandations faites dans les présentes observations
finales.