1. Le Comité a examiné le rapport initial de la République islamique d'Iran (E/1990/5/Add.9) à ses 7ème, 8ème, 9ème et 20ème séances, tenues les 18, 19 et`28 mai 1993, et a adopté à sa 20eme seance (huitieme session), tenue le 28 mai 1993 les observations finales ci-après :
2. Le Comité remercie l'Etat partie d'avoir accepté de coopérer et d'engager un dialogue avec lui. Il note avec satisfaction que le Gouvernement iranien a tenu compte de certaines des observations finales qu'il a formulées à sa cinquième session (E/1991/23, par. 209 à 212) et que, comme le Comité l'avait demandé, le rapport à l'examen contient des renseignements sur la mise en oeuvre de l'article 15 du Pacte, ainsi que sur la situation des femmes en Iran. Par ailleurs, il constate que le rapport, essentiellement axé sur les textes de loi, ne contient pas suffisamment de renseignements sur la mise en oeuvre du Pacte dans la pratique et sur les facteurs et difficultés pouvant en entraver l'application. De plus, le rapport ne contient pas suffisamment de renseignements sur l'application des articles premier à 5 du Pacte. C'est pourquoi le Comité se félicite des réponses et des précisions apportées oralement par la délégation de l'Etat partie, complétant ainsi, dans une certaine mesure, les renseignements fournis dans le rapport écrit, ce qui lui a permis de se faire une meilleure idée de la mesure dans laquelle le Gouvernement iranien applique les dispositions du Pacte.
3. Le Comité note que le taux de ch_mage, qui était passé à 15 % à la suite de la guerre avec l'Iraq, est tombé à 10 % dans les quatre années qui ont suivi la fin de la guerre, qu'en vertu de la nouvelle législation sur le travail, les congés annuels sont passés de 12 à 30 jours et l'âge minimum d'emploi de 12 à 15 ans, et que le Ministère du travail a mis en place dans l'ensemble du pays un réseau d'inspecteurs du travail chargés de veiller à l'application de la réglementation du travail et habilités à ordonner la fermeture partielle ou complète de toute entreprise dans laquelle les mesures de sécurité sont jugées insuffisantes.
4. Le Comité note que le Gouvernement iranien, dans son rapport écrit, n'a pas fourni d'informations sur les facteurs et difficultés l'empêchant de s'acquitter pleinement de ses obligations en vertu du Pacte, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 de l'article 17 de cet instrument. Il relève néanmoins que, selon divers articles de la Constitution iranienne, l'exercice des droits de l'homme universellement reconnus, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, est soumis à des restrictions, comme il ressort des expressions ci-après : "à condition qu'elle ne soit pas contraire à l'Islam" (art. 28), "dans le strict respect des préceptes de l'Islam" (art. 20), "conformément aux préceptes de l'Islam" (art. 20) et "sauf lorsque son exercice porte atteinte aux principes fondamentaux de l'Islam" (art. 24). Le Comité considère à cet égard, en se fondant sur les dispositions du Pacte et sur tous les renseignements dont il dispose, que ces clauses restrictives ont des incidences négatives sur l'application des dispositions du Pacte, en particulier celles du paragraphe 2 de l'article 2 (non-discrimination), de l'article 3 (égalité des droits des hommes et des femmes), de l'article 6 (droit au travail), de l'article 12 (droit à la santé), de l'article 13 (droit à l'éducation) et de l'article 15 (droit de participer à la vie culturelle). Les autorités iraniennes invoquent apparemment la religion comme prétexte pour aller à l'encontre de ces droits.
5. Le Comité constate avec regret que la documentation que lui ont fournie des organisations non gouvernementales et le rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, M. Reynaldo Galindo Pohl (E/CN.4/1993/41), confirment l'avis unanime selon lequel pratiquement aucun progrès n'a été réalisé en République islamique d'Iran pour assurer un plus grand respect et une meilleure protection des droits des communautés religieuses non musulmanes, en général, et des droits économiques, sociaux et culturels des personnes appartenant à des groupes minoritaires, en particulier. Il appelle de nouveau l'attention de l'Etat partie sur les questions ci-après concernant la situation de certains groupes minoritaires, à propos desquelles il avait exprimé son inquiétude à sa cinquième session en 1990 et auxquelles il n'a pas été répondu de façon satisfaisante à la session en cours :
a) Violation des droits de la communauté baha'ie;
b) Violation des droits économiques, sociaux et culturels, s'ajoutant aux violations des droits civils et politiques;
c) Discrimination fondée sur des motifs religieux dans l'enseignement;
d) Insuffisance de l'enseignement offert aux enfants appartenant à la minorité kurde;
e) Interdiction aux Baha'is de suivre des études universitaires ;
f) Restriction de la liberté de débat et de choix dans les établissements universitaires;
g) Absence d'informations sur la situation des Kurdes et sur les inégalités qui existent entre les différents groupes ethniques et économiques dans l'exercice des droits à l'éducation, au travail, à la liberté de déplacement, au logement et à la participation aux activités culturelles.
6. Le Comité exprime une inquiétude particulière à propos de l'application par le Gouvernement iranien des dispositions de l'article 3 du Pacte, selon lesquelles les Etats parties s'engagent à assurer le droit égal de l'homme et de la femme à l'exercice de tous les droits économiques, sociaux et culturels énumérés dans le Pacte. A cet égard, le Comité estime que le fait que les femmes ne soient pas autorisées à étudier l'ingénierie, l'agronomie et les sciences de l'industrie minière et métallurgique ou à entrer dans la magistrature, que de nombreuses matières à l'université leur soient interdites et qu'elles soient tenues d'avoir l'autorisation de leur mari pour travailler ou voyager à l'étranger est incompatible avec le respect des obligations contractées par le gouvernement de l'Etat partie conformément au Pacte. Le Comité souhaite des éclaircissements sur les droits de la femme qui ont été "restaurés" conformément au paragraphe i) de l'article 20 de la Constitution.
7. A propos du droit de participer à la vie culturelle, le Comité souhaite également des renseignements plus précis sur la législation et les mesures protégeant la liberté de création. Il se déclare en particulier gravement préoccupé par les incidences négatives de la publication de fatwahs sur l'exercice de ce droit. Au cours de l'examen du rapport par le Comité, plusieurs membres ont appelé à cet égard l'attention sur le cas d'un auteur, M. Salman Rushdie. Ces décrets sont certes émis par les autorités religieuses, et non pas par des organismes de l'Etat lui-même, mais la question de la responsabilité de l'Etat se pose nettement dans les cas où l'Etat ne prend pas toutes les mesures nécessaires pour éliminer les menaces manifestes pesant sur le respect des droits reconnus en Iran du fait de la ratification du Pacte.
Le Comité engage le Gouvernement iranien à déclarer qu'il considère inacceptable la publication de tels fatwahs, compte tenu de ses obligations internationales en matière de respect des droits de l'homme. Il prie également le gouvernement de lui donner l'assurance que si un fatwah était mis à exécution en Iran, ou ailleurs par un citoyen iranien, les autorités veilleraient à ce que le(s) responsable(s) fasse(nt) l'objet de poursuites pénales.
8. Le Comité recommande à l'Etat partie d'énoncer clairement des fondements législatifs, juridiques et administratifs précis propres à donner aussi pleinement que possible effet aux dispositions du Pacte "en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives" (par. 1 de l'article 2 du Pacte). Il invite le Gouvernement iranien à prendre toutes les mesures nécessaires, tant dans la législation que dans la pratique, pour veiller à ce que les droits énoncés dans le Pacte soient exercés sans aucune discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion et l'opinion politique ou toute autre opinion, en particulier s'agissant des minorités ethniques ou religieuses. Il note que l'obligation d'assurer des chances égales aux femmes doit faire l'objet d'une attention particulière, notamment pour ce qui est du droit au travail, des droits au sein de la famille et du droit à l'éducation.
9. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie de fournir dans son deuxième rapport périodique des informations non seulement sur les mesures législatives adoptées, mais également sur l'application de ces mesures, sur les difficultés rencontrées dans leur application et sur les questions soulevées dans les présentes observations finales.