Nations Unies
E/C.12/KOR/CO/3Conseil économique et social
Distr. générale17 décembre 2009
Français
Original: anglais
Comité des droits économiques, sociaux et culturels
Quarante-troisième session
Genève, 2-20 novembre 2009
Examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte
Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels
République de Corée
1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le troisième
rapport périodique de la République de Corée sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/KOR/3) à ses 42e, 43e et 44e séances (E/C.12/2009/SR.42, 43 et 44), les 10 et 11 novembre 2009. Il a adopté, à sa 55e séance, le
19 novembre 2009, les observations finales ci-après.A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de la République de Corée et les réponses écrites qui ont été données à la liste des points à traiter, notamment les données statistiques (E/C.12/KOR/Q/3/Add.1). Il se félicite du dialogue franc et constructif qui a eu lieu avec la délégation de l’État partie, composée de représentants de divers ministères connaissant particulièrement bien les questions couvertes par le Pacte.
3. Le Comité note avec satisfaction la contribution de la Commission nationale des droits de l’homme au processus d’établissement des rapports.
B. Aspects positifs
4. Le Comité note avec satisfaction les efforts accomplis par l’État partie pour promouvoir la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et en particulier:
a) L’établissement du plan d’action national pour la protection et la promotion des droits de l’homme 2007-2011, et la désignation du Conseil national de la politique des droits de l’homme en tant qu’organe consultatif chargé de son exécution;
b) L’entrée en vigueur de l’abolition du système du Ho ju;
c) La ratification par l’État partie de la Convention relative aux droits des personnes handicapées;
d) La ratification des Conventions no 187 et no 155 de l’Organisation internationale du Travail sur la sécurité et la santé au travail;
e) Les modifications apportées à la loi relative au contrôle de l’immigration, qui confèrent aux personnes ayant un statut humanitaire le droit de travailler et donnent aux demandeurs d’asile la possibilité de solliciter un permis de travail;
f) L’élargissement de l’éducation gratuite et obligatoire à l’enseignement secondaire en 2004;
g) L’introduction dans les écoles d’un système pilote de bons et mauvais points visant à remplacer les châtiments corporels;
h) La mise en place de programmes de bons culturels visant à faciliter l’accès des personnes et des familles à faible revenu aux manifestations culturelles.
C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte
5. Le Comité constate l’absence de tous facteurs ou difficultés majeurs empêchant la mise en œuvre du Pacte dans l’État partie.
D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
6. Le Comité est préoccupé par le fait que les dispositions du Pacte ne sont pas toutes incorporées dans le droit interne, malgré les observations finales du Comité datant de 2001 (E/C.12/1/Add.59). Il demeure préoccupé par les faits suivants:
a) La portée des droits économiques, sociaux et culturels inscrits dans la Constitution est plus restreinte que celle des droits consacrés par le Pacte;
b) La Constitution s’applique uniquement aux citoyens coréens (art. 3);
c) Les droits énoncés dans le Pacte ont rarement été invoqués devant les cours, les tribunaux et les autorités administratives de l’État partie, ou directement appliqués par ceux-ci.
Le Comité réitère la recommandation adressée à l’État partie tendant à conférer au Pacte un statut juridique qui permette de l’invoquer directement dans le cadre de l’ordre juridique interne. À cet égard, le Comité renvoie à son Observation générale no 9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national. Il prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les décisions de cours, tribunaux ou autorités administratives de l’État partie donnant effet aux droits consacrés par le Pacte.
7. Le Comité est préoccupé par le fait que l’objectif que l’État partie s’est fixé pour 2015 en matière d’aide publique au développement (APD) est bien en deçà de l’objectif convenu au niveau international, qui est de 0,7 % du produit intérieur brut (PIB) (art. 2.1), et que l’aide bilatérale est encore en partie liée, tout en notant avec satisfaction le rythme de développement économique de l’État partie, qui lui a permis de passer du statut de pays bénéficiaire de l’aide à celui de donateur, et l’information selon laquelle l’État partie compte continuer d’augmenter régulièrement le niveau de son APD.
Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour porter le montant de son APD à 0,7 % de son PIB d’ici à 2015, conformément à l’objectif convenu au niveau international. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie de prendre en considération les recommandations du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) concernant l’augmentation de l’élément de libéralité des engagements d’APD en faveur des pays les moins avancés dans le portefeuille d’aide de l’État partie.
8. Le Comité s’inquiète de la compétence limitée de la Commission nationale des droits de l’homme pour ce qui est des droits consacrés par le Pacte, due au fait qu’elle n’a aucun pouvoir en matière d’enquête. Il est vivement préoccupé par le fait que les effectifs de la Commission ont été réduits de 21 % alors que ceux de tous les autres ministères n’ont été réduits que de 2 % au plus. Il est particulièrement préoccupé par les faits nouveaux survenus dans l’État partie, qui ont mis à rude épreuve l’indépendance de la Commission.
Le Comité rappelle à l’État partie la responsabilité qui lui incombe de veiller à ce que la Commission nationale des droits de l’homme demeure conforme aux Principes de Paris. Il lui recommande aussi:
a) De renforcer et d’élargir le mandat de la Commission afin de l’étendre à tous les droits consacrés par le Pacte;
b) D’allouer à la Commission des ressources humaines et financières suffisantes, et de mettre notamment à sa disposition des experts des droits de l’homme conformément à la loi relative à la Commission nationale des droits de l’homme;
c) De permettre aux particuliers d’adresser directement à la Commission des plaintes pour violation des droits économiques, sociaux et culturels.
9. Le Comité constate avec préoccupation le fait que l’État partie n’a pas encore adopté de loi complète contre la discrimination, vu que le projet de loi contre la discrimination soumis à la dix-septième Assemblée nationale en décembre 2007 a été rejeté sans être examiné. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que la version actuelle examinée par l’équipe spéciale «n’énumère pas tous les motifs de discrimination interdits et contient plutôt une liste des motifs de discrimination habituels, à titre d’exemple» et qu’elle n’énonce que certains motifs de discrimination, excluant d’autres motifs qui figuraient dans le projet de loi initial comme la nationalité et l’orientation sexuelle (art. 2).
Le Comité invite instamment l’État partie à adopter rapidement une loi complète contre la discrimination qui énonce clairement tous les motifs de discrimination, conformément à l’article 2.2 du Pacte et à l’Observation générale no 20 du Comité (La non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels) (art. 2, par. 2).
10. Le Comité est préoccupé par les difficultés auxquelles se heurtent les personnes qui demandent le statut de réfugié ou l’asile en raison des longs délais d’attente pour que les demandes soient traitées. Il demeure préoccupé par la proportion extrêmement faible de réfugiés et demandeurs d’asile reconnus par l’État partie et par le fait que la procédure menant à la reconnaissance de ce statut est encore longue.
Le Comité recommande à l’État partie de faire des efforts plus importants afin de réduire les délais d’attente de la reconnaissance du statut de réfugié et de demandeur d’asile:
a) En allouant des ressources suffisantes à la mise en œuvre de la loi relative au contrôle de l’immigration révisée et de son décret d’application, y compris en augmentant le nombre de fonctionnaires des services de l’immigration;
b) En harmonisant les procédures d’asile;
c) En collectant systématiquement des données relatives aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations concernant les mesures adoptées à cet égard, y compris des statistiques relatives à l’octroi du statut de réfugié et de demandeur d’asile.
11. Le Comité, tout en reconnaissant les mesures positives adoptées par l’État partie, craint que les changements survenus au Ministère de l’égalité des sexes, tant sur le plan des compétences que sur celui de l’allocation de ressources, n’empêchent les femmes de jouir de manière substantielle de l’égalité (art. 2).
Le Comité réitère sa recommandation précédente tendant à ce que l’État partie offre un cadre institutionnel adéquat et dégage les ressources nécessaires pour permettre au Ministère de l’égalité des sexes d’exercer efficacement ses fonctions et d’adopter systématiquement une optique d’égalité entre les sexes dans la législation et les programmes. Il demande instamment à l’État partie d’entreprendre, à titre prioritaire, une étude complète de sa législation en vue d’assurer l’égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes dans toutes les sphères de la vie, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 2 et de l’article 3 du Pacte. À cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 16 (2005) relative au droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels, et prie l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées concernant les progrès accomplis à cet égard.
12. Le Comité demeure préoccupé par le fait que les étrangers mariés à des Coréens restent dépendants de leur conjoint pour ce qui est de leur statut de résident (F-2) (art. 2).
Le Comité recommande à l’État partie de faire plus d’efforts pour éliminer la discrimination dont sont victimes les étrangères mariées à des Coréens en leur donnant la possibilité d’acquérir le statut de résidente ou d’être naturalisées sans dépendre de leur mari.
13. Le Comité demeure préoccupé par le fait que malgré les amendements apportés au droit civil, en particulier l’abolition du système du Ho ju, la discrimination à l’égard des femmes persiste dans de nombreuses sphères de la vie. Il réaffirme sa préoccupation au sujet de la persistance de l’écart de rémunération entre hommes et femmes, du faible pourcentage de femmes occupant des postes de haut rang dans la vie politique et publique et de la séparation entre les sexes dans le monde du travail. Il est préoccupé en outre par le faible taux de présence des femmes sur le marché du travail de l’État partie, qui est inférieur à la moyenne de l’OCDE, malgré le taux élevé d’inscription des femmes dans l’enseignement supérieur. Il constate aussi avec préoccupation que la diminution du taux de fécondité des femmes dans l’État partie reflète peut-être les difficultés auxquelles elles se heurtent lorsqu’elles cherchent à concilier vie professionnelle et vie familiale (art. 3).
Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’adopter les mesures législatives et les mesures de politique générale nécessaires pour veiller à ce que le nouveau système d’enregistrement des familles garantisse l’égalité entre les sexes, la dignité et le respect de la vie privée;
b) D’envisager des arrangements institutionnels tels que des réductions d’impôt et des incitations en matière de sécurité sociale pour permettre aux hommes et aux femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale;
c) D’encourager les hommes à participer aux soins à la famille, notamment grâce à des mesures d’incitation comme le congé de paternité et le congé parental;
d) D’autoriser les horaires de travail flexibles qui permettent aux hommes et aux femmes de concilier travail rémunéré et responsabilités familiales;
e) D’étendre le réseau de services sociaux, notamment les possibilités de garde d’enfants comme les garderies publiques et les restaurants scolaires.
14. Le Comité est préoccupé par le manque de possibilités d’emploi dans l’État partie, en particulier pour les jeunes et les femmes. Il regrette que les informations fournies à propos des politiques nationales pour l’emploi des jeunes n’aient pas été suffisamment détaillées (art. 6).
Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir l’emploi accru des femmes et des jeunes, qui sont sous-représentés dans la population active. Il recommande également à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre l’objectif d’une présence de 55 % de femmes sur le marché du travail d’ici à 2010, en intensifiant ses efforts pour créer des emplois durables et fournir un soutien ainsi qu’une formation et un perfectionnement adéquats aux femmes qui souhaitent réintégrer le marché du travail après avoir élevé des enfants et connu des interruptions de carrière. Le Comité recommande en outre à l’État partie de créer des possibilités d’emploi pour les jeunes en renforçant les activités de formation professionnelle adaptées aux besoins du marché.
15. Le Comité est préoccupé par le fait que 34,9 % de la population active totale est composée de travailleurs non réguliers, que 44,1 % des femmes qui travaillent le font de façon non régulière et que la plupart des travailleurs des zones économiques spéciales sont non réguliers. Le Comité est préoccupé en outre par:
a) Le montant du salaire mensuel d’un travailleur non régulier, inférieur environ de moitié à celui d’un travailleur régulier;
b) Les conditions de travail et d’assurance sociale inadéquates des travailleurs non réguliers et des travailleurs détachés;
c) L’augmentation du nombre des travailleurs susmentionnés; le fait qu’ils courent le risque d’être renvoyés sans préavis avant la fin de leur contrat de deux ans, ce qui les empêche de devenir des travailleurs «réguliers»; et
d) L’inefficacité des garanties visant à protéger les travailleurs non réguliers contre les licenciements abusifs (art. 7).
Le Comité recommande à l’État partie d’achever rapidement son évaluation de la situation des travailleurs non réguliers et des travailleurs détachés. Il recommande vivement que les travailleurs non réguliers aient droit à:
a) Un salaire égal pour un travail de valeur égale;
b) Une couverture suffisante en matière d’assurance sociale;
c) La protection prévue par le droit du travail, y compris les indemnités de licenciement, les congés payés et le paiement des heures supplémentaires;
d) Des garanties contre les licenciements abusifs.
16. Le Comité demeure préoccupé par le fait qu’un nombre croissant de travailleurs sont exclus du bénéfice du salaire minimum et que la législation en la matière ne s’applique pas à tous les secteurs malgré les modifications apportées en 2005 à la loi relative au salaire minimum, qui ont étendu le champ d’application du salaire minimum légal (art. 7).
Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour veiller à ce que le salaire minimum soit effectivement appliqué et qu’il permette aux travailleurs et à leur famille d’avoir un niveau de vie suffisant conformément au paragraphe a) ii) de l’article 7 du Pacte. Le Comité recommande également à l’État partie de faire en sorte que la législation relative au salaire minimum soit étendue aux secteurs dans lesquels elle ne s’applique pas actuellement et d’intensifier ses efforts pour garantir l’application du salaire minimum en renforçant les inspections du travail et en imposant des amendes ou d’autres sanctions appropriées aux employeurs qui ne respectent pas la législation. Le Comité recommande aussi à l’État partie de veiller à ce que les modifications qu’il est envisagé d’apporter au calcul du salaire minimum afin de tenir compte des déductions pour les frais de repas et d’hébergement n’affectent pas de manière disproportionnée les travailleurs migrants.
17. Le Comité constate avec préoccupation les faits suivants:
a) Il n’y a toujours pas d’accord sur ce qu’est le harcèlement sexuel au travail;
b) Le harcèlement sexuel au travail n’est pas qualifié d’infraction pénale;
c) Les victimes demandent rarement réparation de crainte de perdre leur emploi ou leur statut d’immigration;
d) Le harcèlement sexuel est souvent occulté lors des procédures.
Le Comité recommande vivement à l’État partie d’adopter et de mettre en œuvre une législation qui érige en infraction pénale le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et de créer des mécanismes chargés d’en suivre l’application. Le Comité recommande également à l’État partie de donner aux organismes publics qui s’occupent du harcèlement sexuel sur le lieu de travail l’autorité nécessaire pour imposer des mesures punitives, et d’indemniser les victimes. Il recommande en outre à l’État partie de continuer à faire mieux comprendre au public le caractère criminel du harcèlement sexuel.
18. Le Comité est préoccupé par le grand nombre d’accidents industriels dans l’État partie et par le nombre insuffisant d’inspecteurs du travail. Il est préoccupé en outre par les allégations faisant état d’inspections du travail davantage axées sur le statut en matière d’immigration des travailleurs que sur leur sécurité et leurs conditions de travail (art. 7).
Le Comité recommande à l’État partie d’augmenter le nombre d’inspecteurs du travail et de dispenser une formation adéquate concernant la sécurité au travail et les conditions de travail aux inspecteurs du travail, aux employeurs et aux employés.
19. Le Comité réitère sa préoccupation quant au fait qu’en vertu de l’article 33 de la Constitution, seuls certains fonctionnaires désignés par la loi jouissent des droits syndicaux. Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour garantir les droits des fonctionnaires et des enseignants. Le Comité réitère toutefois sa préoccupation quant au fait que les syndicats sont interdits par la loi dans les universités publiques et privées et que le Syndicat des enseignants coréens créé en 2001 n’a pas été accepté, ce qui constitue une violation directe de l’article 8 du Pacte (art. 8).
Le Comité recommande que la législation relative à la fonction publique soit modifiée en vue de lever les restrictions imposées au droit des fonctionnaires de s’affilier à un syndicat et de faire grève, conformément aux observations qu’a formulées en 2001 la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT) à propos de la Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (no 87).
20. Le Comité est vivement préoccupé par la fréquence avec laquelle des poursuites sont engagées contre des travailleurs dans le cadre de relations professionnelles et il est fait recours à une force excessive contre des travailleurs en grève, principalement en vertu de l’article 314 du Code pénal relatif à l’«obstruction de la production». Le Comité réaffirme sa préoccupation quant au fait que les droits syndicaux ne sont pas suffisamment garantis dans l’État partie (art. 8).
Le Comité recommande vivement à l’État partie de garantir le droit de toute personne de former un syndicat et de s’affilier au syndicat de son choix, de participer à des négociations collectives par le truchement des syndicats et de faire grève, en s’abstenant de recourir systématiquement à la disposition relative à l’«obstruction de la production» pour affaiblir le droit de grève, et en ne recourant à la force que lorsque cela est strictement nécessaire pour maintenir l’ordre public. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’envisager de ratifier les conventions de l’OIT concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical (Convention no 87) et l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective (Convention no 98).
21. Le Comité déplore le fait que des travailleurs migrants souffrent d’exploitation, de discrimination et du non-versement de leur salaire.
Le Comité recommande que le régime des permis de travail, qui reconnaît déjà aux travailleurs migrants le droit à la protection offerte par la législation du travail, soit encore modifié. Il recommande qu’une attention particulière soit accordée au fait que le délai de trois mois fixé pour un changement d’emploi est largement insuffisant. Cela est particulièrement vrai dans la situation économique actuelle, où les travailleurs migrants n’ont souvent pas d’autre choix que d’accepter des emplois assortis de mauvaises conditions de travail, uniquement pour conserver le statut de travailleur régulier. Le Comité recommande en outre que l’État partie confirme la décision de la Cour suprême d’accorder un statut juridique au Syndicat des migrants.
22. Le Comité réaffirme sa préoccupation au sujet du fait que le rythme rapide de la croissance économique, sans précédent en Asie, et qui a placé le pays au douzième rang mondial, n’a pas été accompagné par une jouissance accrue des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier pour les personnes et groupes défavorisés et marginalisés. À cet égard, le Comité s’inquiète de ce que 8,2 % de la population totale, et en particulier certains groupes et personnes défavorisés et marginalisés, sont exclus du régime national de sécurité des moyens de subsistance de base qui, en principe, garantit un «minimum national» aux personnes les plus défavorisées, en l’absence de filet de sécurité sociale national fermement établi. C’est pourquoi le Comité s’inquiète de l’insuffisance des dépenses sociales publiques et du degré élevé de privatisation des services sociaux, y compris les soins de santé, l’éducation et l’approvisionnement en eau et en électricité, qui a aggravé les difficultés qu’ont les personnes et les groupes les plus défavorisés et marginalisés pour accéder à ces services et les utiliser.
Le Comité, prenant note de l’information communiquée par l’État partie selon laquelle le régime national de sécurité des moyens de subsistance de base est actuellement réexaminé en fonction des critères relatifs à l’«obligation d’entretien» et aux revenus et en vue de l’accès universel à ce régime, exhorte l’État partie à achever rapidement cet examen et à garantir l’accès au système pour les personnes qui ne justifient pas d’une période minimum de stabilité résidentielle, y compris celles qui sont sans abri et celles qui vivent dans des foyers.
23. Le Comité réitère sa préoccupation quant au grand nombre de personnes âgées qui ne bénéficient que partiellement du régime national de retraite, d’autant que le taux d’emplois indépendants dans l’État partie est l’un des plus élevés au monde et que, dans seulement vingt-deux ans, la proportion de la population âgée de plus de 60 ans passera de 7 % à 14 % (art. 9).
Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’autres dispositifs que le régime national de retraite, ou des dispositifs complémentaires, comme une retraite minimum universelle ou d’autres prestations d’assistance sociale qui permettraient aux personnes âgées d’avoir une vie décente.
24. Le Comité demeure préoccupé par le fait que les victimes de violence familiale ne bénéficient toujours pas d’une protection adéquate. Il est préoccupé en outre par le fait que le taux de signalement − pourtant obligatoire − des cas de violence familiale est très bas, qu’une action en justice est rarement engagée contre les auteurs et que le traitement d’un certain nombre de cas s’est soldé par l’absence de poursuites (art. 10).
Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, d’ordre législatif ou autre, pour réagir comme il convient face à la violence familiale. Il recommande en particulier à l’État partie de continuer à faire mieux comprendre le caractère criminel de la violence familiale, de traduire les auteurs en justice et de les condamner et de renforcer les programmes de conseil. Il recommande en outre à l’État partie d’accroître le nombre de foyers et de services d’aide psychosociale destinés aux victimes.
25. Le Comité s’inquiète de ce que, bien que la législation de l’État partie réprime la traite, non seulement à des fins de prostitution ou d’exploitation sexuelle, mais aussi à toute autre fin lucrative, un grand nombre de femmes et d’enfants continuent d’être victimes de la traite à partir et à l’intérieur de l’État partie ou en transit sur son territoire, à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé, en particulier des travailleuses arrivées initialement au bénéfice d’un visa E6 délivré aux professions du spectacle. Le Comité est particulièrement préoccupé par le faible nombre de poursuites et de condamnations à l’encontre de trafiquants (art. 10).
Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier sa lutte contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, quelles qu’en soient les fins, notamment:
a) En contrôlant mieux la délivrance de visas E6;
b) En appuyant les programmes et les campagnes d’information visant à prévenir la traite;
c) En rendant obligatoire la formation des membres des forces de l’ordre, des procureurs et des magistrats aux questions relatives à la législation réprimant la traite;
d) En apportant une aide médicale, psychologique et juridique accrue aux victimes;
e) En veillant à ce que les travailleurs migrants aient accès à un mécanisme de plainte efficace quel que soit leur statut migratoire;
f) En menant des enquêtes approfondies sur les cas de traite d’êtres humains et en garantissant la justice.
26. Le Comité constate avec préoccupation que, malgré un taux de croissance du PIB élevé, l’ampleur et l’acuité de la pauvreté continuent de s’accentuer (art. 11).
Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des fonds suffisants à la pleine mise en œuvre de sa stratégie d’éradication de la pauvreté. Tout en notant l’existence d’un seuil de pauvreté officiel qui permet de déterminer le coût minimum de la vie, le Comité recommande à l’État partie de contrôler effectivement l’impact de sa stratégie d’éradication de la pauvreté sur les personnes et groupes défavorisés et marginalisés. Le Comité demande instamment à l’État partie d’assurer la pleine intégration des droits économiques, sociaux et culturels dans la stratégie, comme cela est recommandé dans sa déclaration intitulée «La pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels» (E/C.12/2001/10). Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les résultats des mesures adoptées au titre de la stratégie, y compris des données statistiques actualisées, par année, concernant le pourcentage de la population qui vit dans la pauvreté, ventilées par sexe, âge, nombre d’enfants par ménage, nombre de ménages monoparentaux, population rurale ou urbaine et groupe ethnique.
27. Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas de stratégie pour traiter le problème des sans-abri, en examiner l’ampleur et les causes et garantir un niveau de vie acceptable aux sans-abri.
Le Comité exhorte l’État partie à adopter une stratégie en vue de traiter le problème des sans-abri, après en avoir examiné l’ampleur et les causes, et de garantir aux sans-abri un niveau de vie acceptable. Il l’invite aussi à inclure dans ses prochains rapports périodiques des données sur l’étendue du phénomène des sans-abri dans l’État partie ventilées par sexe, âge et population rurale ou urbaine.
28. Le Comité est vivement préoccupé par le fait que, lors du recensement de la population et du logement de 2005, 2 060 000 ménages (13 % de ceux qui ont été enregistrés) vivaient dans des conditions nettement inférieures aux normes minimales d’habitabilité. Le Comité est aussi préoccupé par le système de logements locatifs publics (art. 11).
Le Comité réitère à l’État partie sa recommandation tendant à déterminer qui, au sein du Gouvernement, est chargé de recevoir les plaintes ou les demandes d’assistance en matière de logement. Il recommande également à l’État partie d’allouer des fonds suffisants à l’exécution de programmes visant à garantir la sécurité de jouissance et des logements abordables, en particulier aux personnes et groupes défavorisés et marginalisés, conformément à son Observation générale no 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant. Le Comité recommande vivement à cet égard que la priorité soit accordée aux sans-abri et aux personnes dont les conditions de logement sont particulièrement médiocres. Le Comité recommande aussi que l’État partie fournisse des renseignements détaillés comprenant des données annuelles ventilées par sexe, âge et ménages.
29. Le Comité regrette profondément l’absence de consultation effective et de garantie du droit à réparation des personnes touchées par les renvois forcés ou les expulsions forcées ainsi que l’absence de mesures visant à garantir une indemnisation suffisante ou des sites de réinstallation convenables aux personnes et aux familles qui ont été expulsées. Il déplore aussi le fait que le rapport de l’État partie ne contenait pas d’informations suffisantes sur l’étendue des expulsions forcées pratiquées dans l’État partie, notamment en raison de l’ampleur énorme des projets de développement (art. 11).
Le Comité recommande que l’expulsion forcée ne soit utilisée qu’en dernier ressort, et qu’aucun projet de développement ou de rénovation urbaine ne soit réalisé sans que les personnes touchées ne soient informées au préalable et qu’elles aient accès à un logement temporaire, afin d’éviter tout recours à la violence comme dans l’incident de Yongsan.
Le Comité demande instamment à l’État partie, à titre prioritaire, et conformément à son Observation générale no 7 relative aux expulsions forcées:
a) De faire en sorte que les personnes expulsées de leur logement reçoivent une indemnisation suffisante et/ou bénéficient d’une réinstallation;
b) D’engager un débat public et des consultations constructives avec les résidents et les communautés touchés avant de mettre en œuvre des projets de développement ou des plans de réhabilitation de l’environnement résidentiel;
c) De veiller à ce que les sites de relogement soient équipés des services de base et des infrastructures collectives nécessaires, tels que l’eau potable, l’électricité, les équipements sanitaires et les installations d’assainissement et un accès facile aux écoles, aux centres de soins de santé et aux moyens de transport;
d) De fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les expulsions forcées, y compris des données annuelles ventilées par sexe, âge et ménages.
30. Le Comité s’inquiète de ce que, malgré le programme d’assistance médicale, les personnes et les groupes marginalisés et défavorisés ne disposent pas d’un accès suffisant aux services médicaux offerts dans les hôpitaux privés, qui représentent 90 % des hôpitaux. Il est en outre préoccupé par le fait que le régime national d’assurance maladie ne couvre qu’environ 65 % des frais médicaux totaux et qu’en conséquence le montant des sommes à débourser par le patient reste important (art. 12).
Le Comité demande instamment à l’État partie d’augmenter ses dépenses de santé et d’adopter les mesures voulues pour assurer l’accès universel aux soins de santé, à un coût accessible à tous, et appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 14 (2000) relative au droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint.
31. Le Comité s’inquiète de ce que, malgré des programmes obligatoires sur l’éducation sexuelle, une éducation systématique et rigoureuse sur la santé sexuelle et génésique fait défaut dans les écoles. Il s’inquiète en outre du fait qu’un certain nombre d’adolescentes enceintes quittent le système scolaire et recourent à l’avortement à cause des préjugés qui règnent à l’encontre des mères célibataires.
Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer systématiquement son programme d’éducation sexuelle obligatoire dans les écoles. Il recommande également que le programme contienne des informations sur la santé sexuelle et génésique et l’utilisation de méthodes contraceptives. Il recommande en outre à l’État partie de fournir une aide financière et psychologique aux mères célibataires et de promouvoir des campagnes d’information visant à combattre les préjugés à l’encontre de ces femmes, profondément ancrés dans la société.
32. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la pollution des systèmes d’approvisionnement en eau des villages par des substances radioactives dont le taux est supérieur aux normes pour l’eau potable. Il est préoccupé en outre par le fait que les sociétés qui commercialisent l’eau en bouteille utilisent des ressources en eau souterraines dont les communautés locales ont besoin pour les activités agricoles et l’eau de boisson. Le Comité déplore en outre que la présence de substances carcinogènes dans l’eau en bouteille n’a pas été révélée.
Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour veiller à ce que les communautés locales ne soient pas privées des ressources en eau souterraines dont elles ont besoin pour les activités agricoles et l’eau de boisson. Il recommande également à l’État partie de veiller à ce qu’une information adéquate sur les risques pour la santé liés à l’eau en bouteille où ont été trouvées certaines substances carcinogènes soit portée à la connaissance du public. Il recommande en outre à l’État partie d’appliquer effectivement les normes de l’Organisation mondiale de la santé relatives à la qualité de l’eau potable qui ont déjà été adoptées, et de prendre en considération l’Observation générale no 14 du Comité relative au droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint et l’Observation générale no 15 relative au droit à l’eau dans les renseignements qui figureront dans son prochain rapport périodique (art. 11).
33. Le Comité est inquiet du montant élevé des frais annexes d’éducation que doivent assumer les parents. Il s’inquiète en outre des informations faisant état de l’aggravement des inégalités dans le domaine de l’éducation et du fait que les chances d’un élève d’entrer dans l’une des meilleures universités sont souvent déterminées par la possibilité qu’ont ses parents de lui offrir un soutien scolaire ou des cours privés.
Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer ses efforts pour veiller à ce que l’éducation soit accessible à tous dans des conditions d’égalité et sans discrimination, en fonction des aptitudes et non des moyens financiers. Il recommande en outre à l’État partie, qui a reconnu que les «dépenses d’éducation privée excessives font peser un lourd fardeau sur l’économie des ménages» et représentent «la principale cause du déclin de la qualité de vie de la classe moyenne», de renforcer le système éducatif public et d’offrir aux familles à faible revenu une aide financière qui couvre les dépenses associées à l’éducation (art. 13).
34. Le Comité est préoccupé par l’augmentation, parmi les élèves, des cas de dépression clinique et de trouble de l’attention avec hyperactivité causés par la compétition extrême et le stress lié aux études (art. 12 et 13).
Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’appliquer la décision de la Cour constitutionnelle concernant la limitation des horaires d’ouverture des écoles privées de préparation intensive aux examens;
b) D’élaborer de nouveaux modèles d’apprentissage à titre expérimental;
c) D’éduquer les parents et le grand public au sujet des effets à long terme du surmenage scolaire des enfants;
d) De contrôler le fonctionnement des écoles privées qui dispensent des cours du soir ou une préparation intensive aux examens;
e) De réévaluer le système du Iljegosa qui crée une compétition inutile entre les écoles et limite le choix des filières dans l’enseignement supérieur.
35. Le Comité est préoccupé par l’absence d’autorégulation et de diversité de l’enseignement universitaire dans les domaines de l’art et de la culture, due au fait que le Ministère de la culture, des sports et du tourisme a demandé à l’Université nationale des arts de se concentrer uniquement sur «l’enseignement pratique».
Le Comité, tout en notant l’information fournie par l’État partie concernant la nécessité de procéder à des audits généraux, recommande que les universités soient libres d’exercer pleinement leur autorité académique et de contrôler leurs programmes et leurs méthodes d’enseignement.
36. Le Comité encourage l’État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
37. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier auprès de l’administration, de l’appareil judiciaire et des organisations de la société civile, de les traduire, et de leur donner la plus large publicité possible, et de l’informer des mesures qu’il aura prises pour y donner suite dans son prochain rapport périodique. Il invite aussi l’État partie à continuer d’associer les institutions nationales des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.
38. Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier et d’appliquer la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
39. Le Comité demande à l’État partie de soumettre son quatrième rapport périodique, établi conformément aux directives harmonisées du Comité concernant l’établissement de rapports (E/C.12/2008/2), d’ici au 30 juin 2014.