Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels
Népal
3. Le Comité note avec satisfaction qu'un dialogue ouvert, franc et constructif s'est instauré avec la délégation, laquelle s'est montrée disposée à répondre aux questions et à accepter les observations des membres du Comité, mais il regrette l'absence d'experts de la capitale pour répondre à toutes les questions techniques.
5. Le Comité note avec satisfaction qu'en 1996 le Népal a approuvé un projet de coopération technique et a signé un mémorandum d'accord avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et que, dans le cadre de ce projet, un certain nombre d'activités ont été entreprises dans le domaine de l'administration de la justice, de l'adhésion aux traités, des obligations en matière d'établissement de rapports, de renforcement de la Commission nationale des droits de l'homme, de compilation et de publication en népalais des instruments internationaux ratifiés par le Népal ainsi que l'appui aux organisations non gouvernementales.
6. Le Comité se félicite de la mise en place d'une commission nationale indépendante des droits de l'homme ainsi que de la création d'un comité présidé par le Premier Secrétaire du secrétariat du Cabinet afin de veiller à l'application du plan d'action pour les droits de l'homme conformément à la Déclaration et au Programme d'action de Vienne.
7. Le Comité se félicite de la création, en 1995, du Ministère des affaires concernant les femmes, les enfants et la protection sociale.
8. Le Comité prend note avec satisfaction de l'adoption de la loi sur la lutte contre la traite, visant à combattre la traite des femmes et des enfants, ainsi que de l'application de mesures aux niveaux national et régional à cette fin.
9. Le Comité se félicite de l'abolition, en 2000, du système de travail agricole servile (Kamaiya).
10. Le Comité note que l'État partie a pris des mesures visant à abolir et à réprimer les pratiques de la polygamie, la dot, la tradition du «Deuki» (consistant à dédier des petites filles à un dieu ou une déesse, petites filles qui deviennent «les prostituées du temple») et la prostitution au sein de la caste des Bedi.
12. Le Comité reconnaît également que la persistance de certaines traditions coutumières au Népal continue à entraver le plein exercice par les femmes et les filles de leurs droits en vertu du Pacte.
13. Le Comité note que l'économie nationale de l'État partie est essentiellement tributaire de l'agriculture dans les zones rurales.
15. Le Comité note que l'État partie a adopté une série de plans concernant plusieurs questions relatives aux droits de l'homme, mais regrette l'absence de données de référence illustrant l'ampleur ou la mesure des résultats obtenus.
16. Le Comité est profondément préoccupé par l'ampleur de la pauvreté au Népal, en particulier dans les zones rurales, où la pauvreté et la discrimination à l'égard des femmes sont le plus accentuées. À ce sujet, il note que les objectifs fixés dans le neuvième plan, qui consistaient en une réduction progressive du taux de pauvreté de 42 % à 32 %, n'ont pas été atteints. Il note en outre que la Commission pour l'allégement de la pauvreté n'a pas encore été mise en place.
17. Le Comité note avec préoccupation les inégalités entre les hommes et les femmes existant dans la législation en ce qui concerne l'héritage, le mariage, le divorce, la garde des enfants en cas de divorce et de remariage et l'octroi de la nationalité aux enfants. Il se déclare aussi préoccupé par l'inégalité de fait qui existe entre les hommes et les femmes dans la société népalaise, malgré les garanties d'égalité énoncées dans la loi. Il note en outre la faible représentation des femmes dans la fonction publique, les taux élevés d'analphabétisme parmi les femmes et l'inégalité de rémunération pour un travail de même valeur.
18. Le Comité est profondément préoccupé par le nombre élevé de femmes et de filles victimes de la traite en vue de la prostitution. Il regrette aussi le maintien de la pratique de la polygamie, de la dot, du Deuki et de la prostitution au sein de la caste des Bedi, en particulier dans les zones rurales.
19. Le Comité est préoccupé par les taux élevés de violence dans la famille et par l'absence de législation spécifique dans ce domaine.
20. Le Comité est préoccupé par le taux élevé de chômage et de sous-emploi au Népal et par l'absence d'enseignement professionnel.
21. Le Comité note avec préoccupation que les questions concernant les terres et les réformes agraires n'ont toujours pas été traitées de façon appropriée et qu'en conséquence les fermiers et les paysans ne possèdent pas leurs propres terres.
22. Le Comité constate avec préoccupation que, bien que le système de travail agricole servile connu sous le nom de Kamaiya ait été aboli en juillet 2000, les Kamaiyas libérés se heurtent à de nombreux problèmes, notamment au manque de logements, de terres, de travail et de possibilités d'éducation pour leurs enfants.
23. Le Comité note avec préoccupation que le salaire minimum ne suffit pas à assurer un niveau de vie décent aux travailleurs et à leur famille, en particulier dans le secteur agricole.
24. Le Comité se déclare préoccupé par le fait que l'État partie n'a pas ratifié les Conventions nos 29, 81, 87 et 182 de l'OIT.
25. Le Comité regrette que la législation de l'État partie contienne des dispositions en vertu desquelles la «turpitude morale» constitue un motif valable pour limoger quelqu'un de la fonction publique ou pour empêcher quelqu'un d'y accéder, sans que l'expression soit définie avec précision, ce qui peut donner lieu à des interprétations arbitraires.
26. Le Comité se déclare préoccupé par la fréquence du travail des enfants au Népal, en particulier dans les zones rurales.
27. Le Comité note avec regret que 29 % de la population n'ont pas accès à l'eau salubre, 90 % n'ont pas accès aux services de santé et 84 % n'ont pas accès à des installations sanitaires.
28. Le Comité est préoccupé par les cas d'expulsions forcées, notamment par les cas des personnes déplacées en raison des projets de centrales hydroélectriques de Kulekhani et de Marshynagdi, en l'absence de mesures appropriées d'indemnisation ou de réinstallation.
29. Le Comité note avec préoccupation que seuls les Tibétains qui sont arrivés au Népal avant 1990 et les Bhoutanais sont reconnus comme réfugiés par les autorités. Il note en outre qu'alors que les réfugiés tibétains bénéficient d'un traitement approprié, les réfugiés bhoutanais ne sont pas autorisés à travailler, n'ont pas de liberté de mouvement en dehors des camps de réfugiés et n'ont pas accès aux mêmes installations de soins de santé et d'éducation que les citoyens népalais.
30. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie n'a adhéré ni à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ni au Protocole de 1967, ni à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, ni à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie. Il note également que les autorités népalaises n'ont pas mis en place de mécanisme pour traiter des enfants réfugiés non accompagnés.
31. Le Comité est préoccupé par le taux élevé de mortalité infantile et juvénile, en particulier dans les zones rurales. Il note en outre qu'un grand nombre d'enfants dans les zones rurales souffrent de malnutrition.
32. Le Comité note avec une profonde préoccupation les taux élevés de mortalité maternelle, en particulier dans les zones rurales, qui sont dus essentiellement aux avortements pratiqués dans de mauvaises conditions et illégalement, et il s'inquiète de ce que l'espérance de vie des femmes au Népal soit plus faible que celle des hommes.
33. Le Comité note avec une vive inquiétude que l'avortement est totalement illégal et est considéré comme un délit pénal passible de lourdes peines, et ne peut pas être pratiqué, même lorsque la grossesse est une menace pour la vie ou le résultat d'un inceste ou d'un viol. Le Comité regrette également que les services existant en matière de santé génésique et sexuelle ne soient pas opérationnels en raison du manque de ressources financières.
34. Le Comité constate avec préoccupation qu'en vertu de l'actuel plan national de santé pour 1997-2017, peu de place soit accordée au rôle de l'État dans l'élaboration d'un système national de soins de santé conforme à la nouvelle politique de libéralisation et de privatisation. Il note en outre que les services de soins de santé mentale au Népal sont insuffisants et qu'il n'existe pas de programmes communautaires de soins de santé mentale.
35. Le Comité est profondément préoccupé par le fait que l'épidémie de VIH/sida se propage dans l'État partie à un rythme alarmant en raison de l'exploitation sexuelle à des fins commerciales et de la traite de femmes et d'enfants ainsi que du tourisme sexuel.
36. Le Comité note que l'État partie a lancé un programme d'enseignement primaire gratuit, mais s'inquiète de constater que la politique de l'enseignement obligatoire n'est toujours pas appliquée. Il note en outre la grande disparité des inscriptions à l'école primaire entre les filles et les garçons, le taux élevé d'abandons scolaires parmi les élèves et la mauvaise qualité de l'enseignement dans les établissements publics.
38. Le Comité recommande vivement que les obligations contractées par le Népal en vertu du Pacte soient prises en considération dans tous les aspects des négociations de l'État partie avec les institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce, afin de veiller à ce que les droits économiques, sociaux et culturels, en particulier les droits des groupes les plus vulnérables, soient dûment protégés.
39. Le Comité invite instamment l'État partie à continuer d'élaborer et à adopter un plan national d'action pour les droits de l'homme comprenant les droits économiques, sociaux et culturels, conformément à la Déclaration et au Programme d'action de Vienne de 1993, dans le cadre d'un processus de participation ouvert et consultatif. Il lui demande également de joindre une copie du plan au deuxième rapport périodique qu'il lui présentera.
40. Le Comité encourage l'État partie à faire en sorte que la Commission nationale des droits de l'homme ne s'attache pas uniquement aux droits civils et politiques, mais accorde une importance et une attention égales aux droits économiques, sociaux et culturels.
41. Le Comité recommande que les autorités népalaises tiennent explicitement compte du Pacte lors de l'élaboration des politiques, programmes et projets d'allégement de la pauvreté. Il recommande en outre à l'État partie d'instituer la Commission d'allégement de la pauvreté. Il renvoie à ce propos l'État partie à la déclaration sur la pauvreté adoptée par le Comité le 4 mai 2001.
42. Le Comité demande instamment à l'État partie d'appliquer plus énergiquement la législation en vigueur et d'y intégrer une perspective sexospécifique, afin d'assurer une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, en particulier dans les domaines de la famille, de l'emploi, des conditions de travail et de la représentation dans les services publics et l'administration.
43. Le Comité demande instamment à l'État partie de promulguer des textes de loi ou de faire appliquer la législation interdisant les pratiques traditionnelles telles que la polygamie, le Deuki et la prostitution au sein de la caste des Bedi, les pratiques liées à la dot, l'accès restreint des femmes à la terre et aux biens familiaux, ce qui constitue des violations des droits des femmes et des filles, et de prendre des mesures pour lutter contre ces pratiques par tous les moyens, y compris dans le cadre de programmes nationaux d'éducation.
44. Le Comité recommande à l'État partie d'adopter une législation spécifique relative à la violence dans la famille contre les femmes et les enfants.
45. Le Comité recommande à l'État partie de faire appliquer la législation nationale de façon efficace et de mettre en place des mécanismes administratifs ainsi que des systèmes de surveillance afin de prévenir et de combattre la traite des femmes et des enfants. Il recommande en outre de renforcer les mesures visant à permettre le retour, la réadaptation et la réinsertion dans la société des femmes victimes de la traite.
46. Le Comité demande instamment à l'État partie de faire appliquer efficacement la législation et les programmes visant à mettre un terme à la discrimination, en particulier en ce qui concerne l'accès au logement, au travail et à l'éducation, à l'égard des personnes appartenant à la caste des intouchables (Dalits) et des Kamaiyas libérés.
47. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces pour réduire le taux de chômage, notamment en offrant des services d'enseignement professionnel et de formation spécialisée, en particulier dans le secteur agricole.
48. Le Comité recommande à l'État partie de réviser sa législation et d'adopter toutes les mesures appropriées dans le but de poursuivre la réforme agraire et de régler les questions relatives à l'occupation des terres.
49. Le Comité recommande que le salaire minimum soit fixé en fonction des critères du niveau de vie adéquat dans l'État partie, en particulier pour ce qui est des travailleurs du secteur agricole.
50. Le Comité recommande vivement à l'État partie de ratifier toutes les conventions applicables de l'OIT, en particulier les Conventions nos 29, 81 et 87.
51. Le Comité invite instamment l'État partie à définir avec précision l'expression «turpitude morale» afin d'éviter que ce critère ne serve arbitrairement à limoger un fonctionnaire ou à empêcher quelqu'un d'accéder à la fonction publique.
52. Le Comité demande instamment à l'État partie de prendre des mesures efficaces pour renforcer la législation existante sur le travail des enfants et pour améliorer ses mécanismes de surveillance afin de veiller à ce que cette législation soit appliquée et de protéger les enfants contre l'exploitation économique. À cet égard, il engage l'État partie à poursuivre sa collaboration avec le Programme international de l'OIT pour l'abolition du travail des enfants et à envisager de ratifier la Convention no 182 de l'OIT concernant les pires formes de travail des enfants.
53. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures appropriées d'indemnisation et de réinstallation en faveur des personnes qui ont été expulsées de force en raison de projets de mise en valeur, notamment dans le cas des projets des centrales hydroélectriques de Kulekhani et de Marshynagdi, conformément aux Observations générales nos 4 et 7 du Comité.
54. Le Comité recommande à l'État partie de reconnaître comme réfugiés les ressortissants de pays autres que le Tibet et le Bhoutan et d'accorder le même traitement à tous les réfugiés. Il invite l'État partie à envisager d'adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, au Protocole de 1967, à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.
55. Le Comité demande instamment à l'État partie de prendre des mesures pour lutter contre le problème des avortements clandestins, des grossesses non désirées et du taux élevé de mortalité maternelle. Il engage l'État partie à renforcer les programmes et les services de santé génésique et sexuelle, en particulier dans les zones rurales, et à autoriser l'avortement lorsque la grossesse menace la vie ou résulte d'un viol ou d'un inceste.
56. Le Comité demande à l'État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des données sur les plans à court terme dans le domaine de la santé et des informations plus détaillées sur les handicapés mentaux ainsi que sur l'accès aux hôpitaux et aux établissements privés pour les groupes de population les plus marginalisés.
57. Le Comité recommande que la scolarité primaire et élémentaire soit gratuite et obligatoire pour tous, sans discrimination fondée sur le sexe, l'appartenance ethnique, la religion ou la condition sociale.
58. L'État partie est prié instamment d'adopter un plan national d'éducation pour tous comme il est prévu au paragraphe 16 du Cadre d'action de Dakar. Il est demandé à l'État partie, lorsqu'il formulera et mettra en œuvre son plan d'éducation pour tous, de tenir compte des Observations générales nos 11 et 13 du Comité et de l'Observation générale n° 1 du Comité des droits de l'enfant, et de mettre en place un système efficace de surveillance de l'application du plan. L'État partie est également encouragé à continuer à faire appel aux conseils et à l'assistance techniques de l'UNESCO pour l'élaboration et l'application de son plan d'éducation pour tous.
59. Le Comité engage l'État partie à inclure des données de référence dans tous ses plans d'action concernant divers domaines afin que les progrès éventuels puissent être mesurés.
60. Le Comité recommande à l'État partie de veiller à ce que les projets de privatisation des services d'approvisionnement en eau permettent d'assurer de façon ininterrompue et à un coût abordable l'approvisionnement en eau des communautés locales, des autochtones et des secteurs de la société les plus défavorisés et marginalisés.
61. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à faire appel à l'assistance technique et à la coopération du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et des institutions spécialisées et programmes des Nations Unies, en particulier pour l'établissement du deuxième rapport périodique qu'il présentera au Comité.
62. Le Comité demande à l'État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société et de l'informer de toutes les mesures qui auront été prises pour y donner suite. Il encourage également l'État partie à consulter les organisations non gouvernementales et d'autres membres de la société civile lors de l'élaboration de son deuxième rapport périodique.
63. Enfin, le Comité prie l'État partie de soumettre son deuxième rapport périodique d'ici au 30 juin 2006 et d'y inclure des renseignements détaillés sur les mesures qu'il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales.