COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS
Vingt-neuvième session
11-29 novembre 2002
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE
Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels
POLOGNE
1. Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Pologne sur l'application
du Pacte (E/C.12/4/Add.9) à ses 33e et 34e séances, tenues les 13 et 14 novembre
2002 (voir E/C.12/2002/SR.33 et 34), et il a adopté les observations finales
ci-après à sa 56e séance, tenue le 29 novembre 2002.
A. INTRODUCTION
2. Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de
la Pologne, qui a été établi conformément aux directives qu'il a formulées.
Il se félicite des réponses écrites détaillées qui ont été données à la liste
de points à traiter (E/C.12/Q/POL/2) et des renseignements supplémentaires
fournis pendant et après le dialogue constructif qui a eu lieu avec la délégation
de l'État partie.
B. ASPECTS POSITIFS
3. Le Comité prend note avec satisfaction de la panoplie de mesures concrètes
qui ont été prises par l'État partie pendant la période considérée pour donner
suite à ses recommandations précédentes.
4. Le Comité félicite l'État partie du processus qu'il a entrepris pour harmoniser
sa législation avec les dispositions du Pacte et des mesures spécifiques qu'il
a adoptées afin de garantir l'exercice des droits économiques, sociaux et
culturels sur son territoire.
5. Le Comité accueille avec satisfaction la nomination, en novembre 2001,
du Commissaire du Gouvernement chargé de l'égalité des sexes, qui a pour mission
de promouvoir le principe de l'égalité des sexes dans les politiques gouvernementales
et la législation. Il note que ses responsabilités viennent d'être étendues
à la discrimination fondée sur la race, l'origine ethnique, la religion et
les croyances, l'âge et l'orientation sexuelle.
6. Le Comité accueille avec satisfaction les programmes et mesures adoptés
par l'État partie pour faire face à l'augmentation alarmante du chômage, notamment
la Stratégie nationale pour la croissance de l'emploi et la mise en valeur
des ressources humaines pendant la période 2000-2006.
7. Le Comité se félicite en outre des amendements qui viennent d'être apportés
au Code du travail, lesquels interdisent la discrimination pour des raisons
de sexe, d'âge, d'invalidité, de nationalité ou de croyance et garantissent
un salaire égal pour un travail égal. Il note également avec satisfaction
qu'en vertu du nouveau Code du travail, la charge de la preuve incombe aux
employeurs, s'ils sont accusés de pratiques discriminatoires.
8. Le Comité se félicite que la définition du travail des enfants vienne d'être
modifiée et fixe à 16 ans au lieu de 15 l'âge d'admission à l'emploi.
9. Le Comité salue la création, en 2000, du poste de Médiateur pour les enfants,
dont le titulaire est chargé de veiller au respect des droits de l'enfant
en Pologne.
10. Le Comité salue en outre l'adoption, en 1997, de la Charte des droits
des handicapés ainsi que l'entrée en vigueur, en 1998, de la loi du 27 août
1997 sur la réinsertion sociale et professionnelle et l'emploi des handicapés.
11. Le Comité prend acte avec satisfaction des initiatives entreprises par
l'État partie pour réduire la consommation d'alcool et de cigarettes, notamment
l'interdiction récente de la vente d'alcool aux mineurs et de la promotion
et de la publicité du tabac.
C. FACTEURS ET DIFFICULTÉS ENTRAVANT L'APPLICATION DU PACTE
12. Le Comité prend note des difficultés auxquelles se heurte l'État partie
dans la mise en œuvre des droits énoncés dans le Pacte en raison du processus
de transition vers une économie de marché.
D. PRINCIPAUX SUJETS DE PRÉOCCUPATION
13. Le Comité est profondément préoccupé par l'augmentation récente des manifestations
xénophobes et des actes de violence contre certaines minorités, en particulier
les Juifs et les Roms.
14. Le Comité regrette que l'État partie n'ait pas fourni de données concernant
la population rom vivant en Pologne et qu'il n'ait pas encore adopté ni appliqué
de programmes de grande ampleur pour régler les problèmes auxquels se heurtent
les communautés roms, notamment le chômage et des conditions de vie déplorables.
Le Comité est également préoccupé par le taux élevé d'abandon scolaire parmi
les élèves roms.
15. Le Comité note avec regret qu'il n'a pas reçu de réponse satisfaisante
de l'État partie à la question de savoir si les travailleurs migrants et les
membres de leur famille ont le droit de faire appel devant les tribunaux.
Le Comité relève avec préoccupation que les droits énoncés dans le Pacte ne
sont pas suffisamment protégés en ce qui concerne un grand nombre de travailleurs
migrants résidant en Pologne.
16. Le Comité est préoccupé par le niveau élevé du chômage dans l'État partie
qui, depuis l'examen du dernier rapport périodique, a augmenté régulièrement
et touche aujourd'hui plus de 17 % de la population active. Le Comité note
avec préoccupation que les zones rurales sont frappées plus durement du fait
de la restructuration du secteur public dans le domaine de l'agriculture.
17. Le Comité s'inquiète également de constater que, malgré les mesures prises
par l'État partie pour lutter contre la discrimination à l'égard des femmes
dans l'emploi, un écart persiste entre la loi et la pratique pour ce qui est
de l'égalité de salaire pour un travail égal et de la promotion dans l'emploi,
comme l'a reconnu la délégation des États parties.
18. Le Comité est également préoccupé par l'absence de règlement spécifique
interdisant le harcèlement sexuel dans l'État partie. Il note avec regret
que ce dernier n'a pas fourni d'information à ce sujet dans son rapport ou
dans ses réponses écrites à la liste de points à traiter, comme il le lui
avait demandé.
19. Le Comité note avec préoccupation que l'âge de la retraite n'est pas le
même pour les hommes (65 ans) que pour les femmes (60 ans), différence qui
se traduit concrètement par des pensions de retraite moins élevées pour les
femmes.
20. Le Comité constate avec inquiétude que le salaire minimum en Pologne n'assure
pas aux travailleurs et à leurs familles un niveau de vie suffisant.
21. Le Comité s'inquiète également de constater que les lois et règlements
sur la sécurité du travail sont mal appliqués dans l'État partie, avec pour
conséquence un nombre relativement élevé d'accidents sur le lieu de travail.
22. Le Comité note avec inquiétude que la législation de l'État partie contient
encore des dispositions qui restreignent les droits des fonctionnaires de
se syndicaliser et de faire grève.
23. Le Comité est préoccupé de constater que le travail des enfants dans les
zones rurales, assez largement répandu, comme l'a reconnu la délégation de
l'État partie, a des conséquences négatives sur la santé des enfants et sur
leur droit à l'éducation.
24. Le Comité s'inquiète de l'incidence croissante de la traite de jeunes
femmes en vue de leur exploitation sexuelle.
25. Le Comité est également préoccupé par le nombre élevé d'actes de violence
familiale qui sont signalés et regrette que l'État partie n'ait pas donné
suffisamment d'informations à ce sujet.
26. Le Comité est également préoccupé de constater que, en vertu de la législation
en vigueur, des expulsions forcées peuvent avoir lieu sans que soient proposées
d'autres possibilités de logement, contrairement aux dispositions de l'Observation
générale no 7 (1997) du Comité concernant les expulsions forcées.
27. Le Comité regrette de ne pas avoir reçu de renseignements suffisants sur
le nombre de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.
28. Le Comité note avec préoccupation qu'aucune prestation de planification
familiale n'est proposée dans le cadre du système public de santé et que les
femmes n'ont pas accès à des moyens contraceptifs d'un coût abordable. Il
s'inquiète également de constater que l'éducation sexuelle et la santé génésique
occupent une place insuffisante dans les programmes scolaires nationaux.
29. Le Comité s'inquiète du caractère restrictif des lois sur l'avortement,
qui fait que de nombreuses femmes mettent leur santé en danger en recourant
à l'avortement clandestin.
30. Le Comité se déclare préoccupé par la prévalence élevée des maladies cardiovasculaires,
que l'État partie reconnaît.
31. Le Comité s'inquiète vivement du nombre élevé de personnes atteintes de
troubles mentaux et du nombre également élevé d'enfants et de jeunes adultes
qui ont eu besoin de soins psychologiques au cours de la période considérée.
32. Le Comité regrette de ne pas avoir reçu suffisamment d'informations sur
les programmes mis en œuvre dans l'État partie pour combattre le VIH/sida.
E. SUGGESTIONS ET RECOMMANDATIONS
33. Le Comité demande à l'État partie de préciser, dans son cinquième rapport
périodique, si, sur son territoire, des particuliers peuvent invoquer les
droits énoncés dans le Pacte devant les tribunaux nationaux, et de porter
à sa connaissance toute jurisprudence éventuelle sur l'application du Pacte.
À ce propos, il appelle l'attention de l'État partie sur son Observation générale
no 9 (1998) concernant l'application du Pacte au niveau national. Le Comité
engage l'État partie à prendre des mesures pour sensibiliser la population
aux dispositions du Pacte et à la possibilité de les invoquer devant les tribunaux.
34. Le Comité recommande à l'État partie d'élaborer et d'appliquer un vaste
plan d'action national pour la promotion et la protection des droits de l'homme,
comme recommandé au paragraphe 71 de la Déclaration et du Programme de Vienne,
adoptés en 1993. Le Comité demande à l'État partie d'inclure dans son prochain
rapport périodique une copie de son plan national d'action sur les droits
de l'homme et des renseignements sur sa mise en œuvre.
35. Le Comité prie instamment l'État partie d'adopter des mesures législatives
et autres pour interdire et poursuivre les organisations qui incitent à la
discrimination raciale ou l'encouragent.
36. Le Comité prie également instamment l'État partie de fournir des informations
actualisées sur la population rom et d'adopter un programme de grande envergure
pour éliminer les obstacles qui s'opposent à l'amélioration de la condition
de la population rom, notamment des mesures visant à garantir un recours efficace
en cas de discrimination contre les Roms dans l'emploi, le logement et les
soins de santé. Il prie en outre instamment l'État partie d'adopter des mesures
efficaces pour lutter contre le faible taux de fréquentation scolaire et les
taux élevés d'abandon parmi les élèves roms et pour assurer leur intégration
dans les classes ordinaires, à égalité avec les autres enfants polonais.
37. Étant donné le grand nombre de travailleurs migrants en Pologne, le Comité
prie instamment l'État partie de veiller à ce que ces personnes et les membres
de leur famille jouissent effectivement des droits énoncés dans le Pacte.
38. Pour lutter contre le chômage, le Comité prie instamment l'État partie
d'intensifier ses efforts pour mettre en œuvre des plans d'action nationaux
visant à assurer l'adaptation de la main-d'œuvre à l'évolution du marché
du travail et à fournir d'autres sources de revenu aux travailleurs touchés
par les programmes de restructuration, en particulier dans l'industrie lourde
et le secteur agricole.
39. Le Comité recommande une fois de plus à l'État partie de veiller à l'application
des dispositions juridiques et des réglementations administratives garantissant
l'égalité des salaires des hommes et des femmes et l'égalité des chances en
matière de promotion dans l'emploi, l'ancienneté et la compétence étant les
seuls facteurs entrant en ligne de compte. Le Comité encourage l'adoption
du projet de loi sur l'égalité de statut des hommes et des femmes qui est
actuellement examiné par le Sénat de l'État partie.
40. Le Comité recommande également de nouveau que le harcèlement sexuel soit
interdit par la loi et engage l'État partie à fournir des informations sur
le harcèlement sexuel dans son prochain rapport périodique.
41. Le Comité recommande que l'âge de la retraite soit le même pour les hommes
et pour les femmes.
42. Le Comité recommande également à l'État partie d'évaluer et d'ajuster
le salaire minimal sur la base du coût de la vie afin que les travailleurs
et leur famille jouissent de conditions de vie décentes.
43. Le Comité recommande de nouveau à l'État partie de redoubler d'efforts
pour que la législation relative à la sécurité du travail soit correctement
appliquée, en particulier en allouant des ressources suffisantes à l'Inspection
nationale du travail et en imposant des sanctions suffisamment sévères en
cas de violation de la réglementation en la matière.
44. Le Comité recommande à l'État partie d'amender la loi relative à la fonction
publique de manière à lever les restrictions imposées au droit des fonctionnaires
d'adhérer à des syndicats et de faire grève, conformément aux observations
formulées en 2001 par la Commission d'experts de l'Organisation internationale
du Travail au sujet de la Convention sur la liberté syndicale et la protection
du droit syndical (no 87).
45. Le Comité recommande également à l'État partie d'adopter une législation
réglementant le travail des enfants dans les zones rurales de manière à garantir
le plein exercice par les enfants qui travaillent de leur droit à la santé
et à l'éducation.
46. Le Comité recommande en outre à l'État partie de prendre des mesures efficaces
pour lutter contre la traite des femmes, en veillant notamment à ce que les
responsables soient traduits en justice, et de ratifier les instruments internationaux
qui visent à intensifier la coopération entre États dans ce domaine, y compris
le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes,
en particulier des femmes et des enfants. Le Comité prie l'État partie de
lui rendre compte des progrès réalisés dans ce domaine dans son prochain rapport
périodique.
47. Le Comité recommande à l'État partie de renforcer ses programmes de lutte
contre la violence dans la famille et d'accroître les crédits qui y sont alloués,
en veillant notamment à ce que des centres de crise où les victimes puissent
se réfugier et être conseillées soient disponibles et accessibles.
48. Le Comité réitère sa recommandation selon laquelle les conditions des
expulsions forcées autorisées devraient être régies par la loi et que des
dispositions devraient être prises pour reloger les personnes expulsées, comme
précisé dans l'Observation générale no 7 du Comité concernant les expulsions
forcées.
49. Le Comité recommande à l'État partie de surveiller étroitement le niveau
de pauvreté et de fournir dans son prochain rapport périodique des données
ventilées et comparatives sur le nombre de personnes qui vivent en dessous
du seuil de pauvreté. Il invite en outre l'État partie à élaborer une stratégie
nationale de lutte contre la pauvreté intégrant tous les droits de l'homme,
y compris les droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, le Comité
renvoie l'État partie à la Déclaration adoptée par le Comité le 4 mai 2001
sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels (E/2002/22-E/C.12/2001/17, annexe VII).
50. Le Comité recommande par ailleurs que des prestations de planification
familiale soient assurées dans le cadre du système public de santé, que des
moyens contraceptifs soient proposés à des prix abordables et que l'éducation
sexuelle et la santé génésique figurent aux programmes nationaux d'enseignement
scolaire.
51. Le Comité prie l'État partie de fournir dans son prochain rapport périodique
des informations détaillées, notamment des données comparatives, sur le problème
de l'avortement en Pologne et sur les mesures, législatives ou autres –
y compris l'examen de sa législation actuelle – qu'il a adoptées pour
protéger les femmes contre les avortements clandestins et dangereux.
52. Compte tenu du nombre élevé de décès causés par les maladies cardiovasculaires,
le Comité recommande à l'État partie de surveiller étroitement la situation
et d'inclure dans son prochain rapport périodique des données ventilées et
comparatives sur les effets des mesures prises dans ce domaine.
53. Le Comité demande à l'État partie de fournir, dans son prochain rapport
périodique, des informations détaillées sur les conditions dans les hôpitaux
psychiatriques et de communiquer des données sur les résultats du programme
de protection de la santé mentale.
54. Le Comité prie également l'État partie d'inclure dans son prochain rapport
périodique des renseignements sur les résultats concrets de l'application
de la Charte des droits des handicapés (1997) et de la loi relative à la réinsertion
professionnelle et sociale et à l'emploi des handicapés (1998).
55. Le Comité prie aussi l'État partie de communiquer des informations sur
la législation et les programmes relatifs aux personnes touchées par le VIH/sida,
conformément à la demande formulée dans la liste des points à traiter à l'occasion
de l'examen du présent rapport.
56. Le Comité encourage l'État partie à fournir une éducation relative aux
droits de l'homme dans les établissements scolaires à tous les niveaux et
à sensibiliser les agents de l'État et les membres de l'appareil judiciaire
aux droits de l'homme, et en particulier aux droits économiques, sociaux et
culturels.
57. Le Comité demande à l'État partie de faire largement connaître les présentes
observations finales à tous les secteurs de la société et en particulier aux
agents de l'État et aux membres de l'appareil judiciaire et de l'informer,
dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures qui auront été
prises pour y donner suite.
58. Enfin, le Comité prie l'État partie de soumettre son cinquième rapport
périodique d'ici au 30 juin 2007 et l'encourage à consulter des organisations
non gouvernementales et d'autres membres de la société civile dans le cadre
de l'élaboration de ce rapport.