1. Le Comité a examiné, à sa 9ème séance, tenue le 30 avril 1999 (vingtième session), l'état de la mise en oeuvre par les Îles Salomon des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte, et il a adopté, à sa 24ème séance, tenue le 11 mai 1999, les observations finales suivantes :
2. À sa septième session, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a décidé de procéder à l'examen de la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans un certain nombre d'États parties qui, en dépit des nombreuses demandes qui leur avaient été adressées à cet effet, ne se sont pas acquittés de leur obligation de faire rapport conformément aux articles 16 et 17 du Pacte.
3. Le système de présentation de rapports prévu dans le Pacte vise à amener les États parties à rendre compte à l'organe conventionnel compétent, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, et, par son intermédiaire, au Conseil économique et social, des mesures adoptées, des progrès réalisés et des difficultés rencontrées pour assurer la jouissance des droits énoncés dans le Pacte. Outre qu'il constitue une violation du Pacte, tout manquement par un État partie à son obligation de faire rapport entrave considérablement la tâche du Comité. Celui-ci est néanmoins tenu de s'acquitter de ses fonctions de surveillance en pareil cas et doit le faire en se fondant sur tous les renseignements fiables dont il dispose.
4. Par conséquent, lorsqu'un gouvernement n'a fourni au Comité aucune information sur la manière dont il s'est acquitté de ses obligations au titre du Pacte, le Comité doit fonder ses observations sur divers éléments émanant de sources intergouvernementales et non gouvernementales. Si les premières fournissent essentiellement des données statistiques et des indicateurs économiques et sociaux importants, l'information collectée dans des travaux universitaires ou auprès d'organisations non gouvernementales et des médias est généralement, de par sa nature même, plus critique de la situation politique, économique et sociale dans les pays intéressés. Normalement, le dialogue constructif qui s'instaure entre l'État partie faisant rapport et le Comité donne au gouvernement la possibilité d'exprimer ses propres vues, de tenter de réfuter toute critique et de convaincre le Comité que ses politiques sont conformes aux exigences du Pacte. Un État partie qui ne soumet pas de rapport et ne se présente pas devant le Comité se prive donc de la possibilité de mettre les choses au clair.
5. Tout en comprenant parfaitement que les Îles Salomon aient des difficultés à s'acquitter des obligations en matière de rapport que leur impose le Pacte, le Comité rappelle que les Îles Salomon sont parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels depuis le 17 mars 1982 et qu'elles n'ont pas encore présenté leur rapport initial. Il invite donc l'État partie à faire tous ses efforts pour s'acquitter de ses obligations en matière de rapport afin d'établir un dialogue constructif avec le Comité.
6. Conscient de la situation générale exceptionnellement difficile des Îles Salomon, le Comité juge bon de se borner, dans ses observations finales, à faire le bilan des délibérations qu'il a tenues, à sa présente session, sur la situation des droits économiques, sociaux et culturels aux Îles Salomon. Il estime également que, vu les sources d'information limitées dont il dispose et la nécessité d'offrir à l'État partie une assistance technique pour lui permettre de s'acquitter de ses obligations en matière de rapport, ses observations finales ne peuvent avoir qu'un caractère très préliminaire.
7. Le Comité souligne que, pour évaluer la manière dont le Gouvernement salomonien applique le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, il faut tenir dûment compte de la situation politique, économique et sociale de ce pays à l'heure actuelle. Il note, en particulier, que dans les années 90, les Îles Salomon ont traversé de graves crises économiques et financières qui ont considérablement réduit le champ d'action de son Gouvernement.
8. Le Comité note que les Îles Salomon sont un des pays les moins développés de la région du Pacifique occidental, région qui, en termes de revenu par habitant, fait partie des pays qui reçoivent le plus d'aide. La pauvreté y est généralisée, surtout dans les zones rurales, où vivent environ 80 % de la population. Selon un rapport conjoint du Programme des Nations Unies pour le développement et du Fonds des Nations Unies pour la population publié en 1997, il y a un grand écart dans la répartition du revenu entre les zones urbaines et les zones rurales. La grande majorité des habitants subsiste avec moins de 300 dollars É.-U. par an. Les Îles Salomon viennent au 123e rang des 174 pays classés dans l'Indicateur du développement humain établi par le PNUD en 1998.
9. Le Comité tient compte des effets extrêmement préjudiciables que la crise financière asiatique a eu sur l'économie salomonienne, qui repose essentiellement sur l'exportation de bois, de copra, d'huile de palme et de cacao. Cette économie est extrêmement sensible aux fluctuations de la demande mondiale de ces produits. L'effondrement des prix sur le marché des grumes, provoqué par la crise financière qui a frappé les principaux exportateurs de ce produit - le Japon, la République de Corée et les Philippines -, a non seulement paralysé l'exploitation forestière en 1997, mais a aussi provoqué une baisse considérable des recettes de l'État, dont 40 % viennent de l'exploitation forestière. Les revenus de la pêche (thon), la deuxième ressource naturelle des Îles Salomon, se sont aussi amenuisés en raison de la crise économique asiatique.
10. Le Comité note que la plus grande partie des ressources naturelles du pays est exploitée par des sociétés étrangères qui paient peu ou pas d'impôts à l'État et qui, en transférant à l'étranger l'essentiel de leurs profits, n'en laissent qu'une faible partie dans le pays. En outre, l'éventail des mesures macroéconomiques dont dispose le Gouvernement est considérablement limité par les obligations que le service de la dette lui impose à l'égard des pays créanciers ainsi que par les conditions de prêts extrêmement contraignantes imposées par la Banque asiatique de développement, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.
11. Le Comité se félicite des efforts louables que fait le nouveau gouvernement pour établir les fondements d'une croissance économique durable. Il encourage, en particulier, le Gouvernement à mettre en oeuvre ses plans visant à restructurer le secteur de l'industrie forestière en faisant appel à des experts étrangers et en adoptant des mesures pour contrôler ce secteur.
12. Le Comité note que l'article 13 de la Constitution salomonienne reconnaît le droit des travailleurs de former des syndicats ou de s'y affilier et que les tribunaux nationaux ont confirmé ce droit. Il constate que, si 10 à 15 % seulement de la population sont employés dans le secteur structuré, 60 à 70 % environ des salariés sont organisés en syndicats.
13. Le Comité constate avec satisfaction que la Constitution salomonienne interdit le travail forcé, y compris le travail forcé et le travail servile des enfants, et que cette interdiction semble être respectée. Il note que des lois ont été promulguées pour protéger les enfants de moins de 12 ans contre les travaux pénibles, pour interdire aux enfants de moins de 15 ans de travailler dans l'industrie ou sur des navires, et pour interdire d'employer des enfants de moins de 18 ans pour travailler sous terre ou dans les mines.
14. Le Comité note avec satisfaction que le Gouvernement salomonien accorde une grande importance à la santé, comme l'indique le pourcentage élevé du budget national consacré à ce secteur. Les services de santé de base sont gratuits et le Gouvernement a pris des mesures importantes pour s'attaquer aux problèmes de santé de la population, en coopération avec des donateurs étrangers et des institutions spécialisées comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Malgré l'incidence très forte du paludisme, dont plus de 120 000 cas en 1993 (selon une estimation de l'OMS) et qui affecte surtout les travailleurs agricoles, des progrès ont été faits dans la lutte contre les maladies telles que la diarrhée, les affections respiratoires aiguës et le paludisme. Le Comité reconnaît que le programme d'immunisation de l'État partie a réduit l'incidence des maladies que la vaccination permet d'éviter, telles que la rougeole, la diphtérie, la coqueluche et le tétanos. L'amélioration du système des soins de santé a contribué à une augmentation sensible de l'espérance de vie qui, selon certaines estimations, dépasse 70 ans.
15. Le Comité note que la culture kastom et wantok de la population, qui est unique, a été maintenue à peu près intacte jusqu'à présent. La préservation du système traditionnel de la famille élargie, qui est fondée sur un sens très fort de la solidarité sociale, a amorti en grande partie les répercussions sociales de la récente crise économique. Le Comité constate aussi avec satisfaction qu'en 1995, le Gouvernement a créé une galerie d'art nationale et un centre culturel et qu'il a pris l'initiative, avec les cinq autres États mélanésiens, d'organiser régulièrement des festivals d'art et de culture mélanésiens.
16. Le Comité note avec préoccupation que, bien que la Constitution interdise la discrimination et qu'une politique nationale pour les femmes ait été récemment adoptée, les femmes restent soumises au patriarcat. Bien que le rôle et la place des femmes soient respectés dans la société salomonienne, ainsi qu'en témoignent des traditions comme la transmission des terres par filiation maternelle, elles n'en sont pas moins inférieures aux hommes par leur statut. Par conséquent, elles n'ont que peu accès à la vie politique et économique du pays. Comme l'indique le rapport mondial sur le développement humain 1998 publié par le PNUD, les femmes ne représentent que 3 % des administrateurs et des directeurs et 27 % des cadres et du personnel technique. En outre, elles n'occupent aucun poste de ministre ou de secrétaire d'État dans le Gouvernement, et un seul des 47 membres du Parlement est une femme.
17. Le Comité se déclare préoccupé par la montée du chômage, qui a joué un rôle important dans l'aggravation des querelles intestines.
18. Le Comité est pleinement conscient du fait que les Îles Salomon sont gravement touchées par les restrictions financières entraînées par la crise économique actuelle, mais il rappelle néanmoins que les récentes réductions d'emplois dans le secteur public, qui représente presque un tiers des salariés, ont des répercussions sociales graves. Le Comité note également que l'accès au secteur structuré de l'emploi est particulièrement limité pour les personnes handicapées.
19. Le Comité note avec préoccupation que le problème de la violence dans la famille est répandu dans la société salomonienne et n'est pas toujours traité comme il faudrait par les autorités compétentes.
20. Tout en reconnaissant que l'État partie a besoin de se procurer des ressources pour financer son programme de réformes économiques et de développement, le Comité est préoccupé par le fait que le Gouvernement a l'intention de privatiser les terres communales pour qu'elles puissent être utilisées à des fins commerciales pour le développement urbain. Il rappelle que 90 % environ des terres des Îles Salomon sont soumises à un régime foncier coutumier, ce qui signifie que ces terres appartiennent à la communauté en tant que telle plutôt qu'à l'individu. Il appelle l'attention du Gouvernement sur le fait que la privatisation des terres soumises à un régime foncier coutumier risque de saper les bases de la société salomonienne et de déposséder la majorité de leurs habitants les privant ainsi de leur principale source de revenu. En ce qui concerne l'intention du Gouvernement de privatiser complètement le logement, le Comité craint que le nombre de sans-abri dans les zones urbaines augmente considérablement.
21. Le Comité note que l'État partie n'accorde pas toute l'attention voulue aux menaces que constituent pour les ressources naturelles des Îles Salomon les pratiques de la déforestation et de la surpêche, qui compromettent le droit de leurs habitants à un niveau de vie suffisant, droit garanti par l'article 11 du Pacte.
22. Le Comité note que la mortalité infantile reste une cause majeure de préoccupation, en dépit des politiques louables adoptées par le Gouvernement salomonien dans le domaine de la santé qui ont réduit considérablement le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans. Selon une publication de l'OMS de 1996, le taux de mortalité infantile est estimé à 26,8 morts pour 1 000 naissances vivantes, alors que, selon un rapport conjoint publié en 1997 par le PNUD et le FNUAP, le taux de mortalité maternelle atteint 550 morts pour 100 000 naissances vivantes. Le Comité est préoccupé par le faible pourcentage de la population qui vit dans des conditions d'hygiène adéquates (9 % seulement de la population rurale) et qui dispose d'eau potable à la maison ou à une distance raisonnable (63 %), selon une publication de l'OMS de 1996. Le Comité rappelle que l'absence de conditions d'hygiène adéquates ajoute encore au grave problème du paludisme, qui frappe plus d'un tiers de la population.
23. Tout en notant que le manque de ressources financières, dû à la crise économique que traversent actuellement les Îles Salomon, ne permet guère à l'État partie d'assurer des services d'enseignement adéquats, le Comité est préoccupé par l'absence d'enseignement primaire obligatoire dans ce pays, où 60 % seulement des enfants d'âge scolaire ont accès à l'enseignement primaire. En conséquence, le Comité appelle l'attention du Gouvernement sur l'obligation qui lui incombe en vertu du paragraphe 2, alinéa a) de l'article 13 et de l'article 14 du Pacte, qui stipulent que l'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous ainsi que sur son Observation générale No 11 intitulée "Plan d'action pour l'enseignement primaire" (art. 14 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels). Il est préoccupé, en particulier, par le faible taux d'alphabétisation des adultes, en particulier des femmes. D'après le rapport du PNUD de 1998 sur le développement humain, l'alphabétisation des adultes ne dépasserait pas 23 %, ce qui, évidemment, est dû en grande partie au manque de ressources financières consacrées à l'éducation.
24. Le Comité prie de nouveau le Gouvernement salomonien de participer activement à un dialogue constructif avec le Comité sur la manière de mieux s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il appelle son attention sur le fait que le Pacte impose à tous les États parties l'obligation de présenter un rapport initial et des rapports périodiques et que les Îles Salomon manquent à cette obligation depuis des années.
25. Le Comité recommande que le Gouvernement salomonien fasse appel aux services consultatifs du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme afin d'être en mesure de présenter dès que possible un rapport complet sur la mise en oeuvre du Pacte, conformément aux directives générales révisées du Comité, en mettant l'accent en particulier sur les problèmes et les préoccupations mentionnés dans les présentes observations finales. Par ailleurs, il encourage le Haut-Commissariat aux droits de l'homme à mettre des experts à la disposition du Gouvernement, dans le cadre de son programme de services consultatifs et de coopération technique, pour lui permettre de formuler des politiques en matière de droits économiques, sociaux et culturels, d'appliquer des plans d'action cohérents et complets en vue de la promotion et de la protection des droits de l'homme, et de mettre au point les moyens nécessaires pour en évaluer et en surveiller la réalisation.
26. Le Comité recommande au Gouvernement salomonien de prendre des mesures pour que les ressources halieutiques et forestières ne soient pas surexploitées.
27. En outre, le Comité suggère que le Gouvernement salomonien convoque un sommet national sur l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel participeraient toutes les entités nationales et internationales intéressées, par exemple, le pouvoir central et les administrations locales, les syndicats, les ONG locales, les institutions spécialisées et les pays donateurs.
28. En vertu du paragraphe 1 de l'article 2 et l'article 23 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les institutions spécialisées sont invitées à fournir au Comité des informations supplémentaires sur l'état et l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels aux Îles Salomon et à lui faire part de leurs observations sur ce sujet, aidant ainsi le Comité et l'État partie à déterminer les mesures à prendre pour assurer l'application du Pacte dans les Îles Salomon. Le Comité invite l'État partie à participer, durant sa vingt et unième session, à un dialogue avec les représentants des institutions spécialisées compétentes telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la FAO, l'OMS, l'OIT, le PNUD, l'UNICEF et l'UNESCO. Il est convaincu que seul un dialogue constructif entre l'État partie, les institutions susmentionnées et le Comité peut permettre une évaluation réaliste des stratégies de développement et des droits de l'homme possibles, dans l'intérêt de tous les citoyens salomoniens.
29. Le Comité tient à souligner que les suggestions et recommandations formulées dans les paragraphes précédents ne seront suivies d'effets que si l'État partie s'attache à nouveau à s'acquitter des obligations qui lui incombent en matière de rapports et des autres obligations internationales que lui impose le Pacte.