COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS
Vingt-huitième session
29 avril-17 mai 2002
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE
Observations finales du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels
TRINITÉ-ET-TOBAGO
1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le deuxième
rapport périodique de la Trinité-et-Tobago sur l'application du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/1990/6/Add.30) à ses
15e et 16e séances, tenues le 8 mai 2002 (E/C.12/2002/SR.15 et 16), et a adopté,
à sa 27e séance, tenue le 17 mai 2002, les observations finales ci-après.
A. INTRODUCTION
2. Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de
l'État partie, qui a été établi de façon générale conformément à ses directives.
Tout en regrettant que le deuxième rapport périodique ait été soumis tardivement,
il se félicite d'avoir pu reprendre un dialogue avec l'État partie. Il déplore,
toutefois, le fait que la délégation ne comprenait un nombre suffisant d'experts
des droits économiques, sociaux et culturels.
B. ASPECTS POSITIFS
3. Le Comité se félicite de la création en 1998 de la section des droits de
l'homme du Ministère de la justice.
4. Le Comité prend note avec satisfaction des textes de loi adoptés par l'État
partie au cours des cinq dernières années, notamment de la loi sur l'égalité
des chances, de la loi sur la violence au foyer, de la loi sur la protection
de la maternité et de la loi modifiée sur les enfants.
5. Le Comité se félicite de la ratification par l'État partie de la Convention
de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967.
6. Le Comité se félicite aussi de la création du Service sur la violence au
foyer au sein de la Division de l'égalité des sexes.
7. Le Comité note avec satisfaction l'instauration de l'enseignement secondaire
gratuit pour tous.
C. FACTEURS ET DIFFICULTÉS ENTRAVANT
L'APPLICATION DU PACTE
8. Le Comité note d'après ce qu'a déclaré la délégation que l'impasse politique
actuelle empêche l'adoption de lois pour la promotion et la pleine réalisation
des droits économiques, sociaux et culturels de la population de la Trinité-et-Tobago.
D. PRINCIPAUX SUJETS DE PRÉOCCUPATION
9. Le Comité constate avec une vive préoccupation que l'État partie n'a pas
incorporé le Pacte ou ses dispositions dans la législation interne ou n'en
a pas pris compte, et qu'il n'a pas pu fournir de renseignements sur la jurisprudence
montrant que les droits consacrés par le Pacte ont été invoqués devant les
tribunaux.
10. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie n'a pas encore formulé
de plan d'action global sur les droits de l'homme, comme il est recommandé
au paragraphe 71 de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne de 1993.
11. Le Comité note aussi avec préoccupation que les droits économiques, sociaux
et culturels ne font pas partie du mandat de l'Ombudsman.
12. Le Comité est préoccupé par le fait que l'État partie n'a toujours pas
ratifié plusieurs Conventions de l'OIT concernant les droits économiques,
sociaux et culturels et qu'il a dénoncé divers instruments relatifs aux droits
de l'homme, notamment le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques.
13. Le Comité note avec préoccupation l'absence dans le rapport de l'État
partie et dans ses réponses écrites de données désagrégées concernant en particulier
la répartition des emplois selon le sexe, la participation des femmes et des
enfants aux activités du secteur non structuré et la pauvreté, notamment parmi
les groupes défavorisés et marginalisés.
14. Le Comité note avec préoccupation l'absence d'un ensemble de lois spécifiques
antidiscrimination. Il est en particulier préoccupé par le fait que la loi
de 2000 sur l'égalité des chances n'offre pas de protection contre la discrimination
fondée, notamment, sur l'orientation sexuelle, l'âge et l'infection par le
VIH ou le fait d'être atteint du sida.
15. Le Comité est préoccupé par le manque d'installations à l'intention des
personnes handicapées, qui sont privées d'accès à un grand nombre d'emplois
en raison des obstacles physiques et de l'insuffisance des aménagements.
16. Le Comité s'inquiète du taux élevé de chômage à la Trinité-et-Tobago,
en particulier parmi les jeunes de 15 à 19 ans.
17. Le Comité note avec préoccupation que le salaire des femmes est moins
élevé que celui des hommes pour un travail de valeur égale, en particulier
dans le secteur privé.
18. Le Comité est préoccupé par le fait que le salaire minimum n'est pas suffisant
pour assurer un niveau de vie acceptable aux travailleurs et à leurs familles.
19. Le Comité est vivement préoccupé par le fait que l'âge minimum d'admission
à l'emploi, qui est trop bas et qui dans certains cas ne dépasse pas 12 ans,
rend les enfants vulnérables à l'exploitation et compromet l'exercice de leur
droit à l'éducation.
20. Le Comité s'inquiète du grand nombre de catégories de travailleurs auxquels
le droit de faire grève de façon légale est refusé. Il note également avec
préoccupation l'existence de textes de lois qui restreignent considérablement
la reconnaissance de la place des syndicats dans les négociations collectives
avec les employeurs.
21. Le Comité est préoccupé par le nombre élevé d'enfants qui travaillent
à la Trinité-et-Tobago. Il note à cet égard avec préoccupation que l'État
partie n'a pas ratifié la Convention no 182 de l'OIT sur les pires formes
de travail des enfants.
22. Le Comité constate avec inquiétude que malgré quelques initiatives positives,
notamment la création d'un service sur la violence au foyer, les cas de violence
contre les femmes demeurent fréquents. Le Comité note également avec préoccupation
la persistance de stéréotypes sexuels discriminatoires à l'égard des femmes.
23. Le Comité note avec préoccupation que les avortements clandestins sont
à l'origine du taux élevé de mortalité maternelle résultant des infections
et des complications dues à des interventions faites dans des conditions non
hygiéniques par du personnel sans formation.
24. Le Comité note également avec préoccupation la persistance d'un pourcentage
élevé de personnes infectées par le VIH ou atteintes du sida, en particulier
parmi les jeunes femmes.
25. Le Comité note qu'en répondant aux questions concernant les programmes
concrets pour combattre et prévenir la mortalité infantile et maternelle ainsi
que les grossesses précoces et les avortements clandestins, l'État partie
n'a pas fourni de données comparatives ventilées de nature à permettre au
Comité de poser des questions précises quant à la manière dont les programmes
de santé formulés ont été exécutés dans la pratique.
26. Le Comité est profondément préoccupé par les conditions de vie des prisonniers
et des détenus dans l'État partie, en particulier pour ce qui est de l'accès
aux soins de santé, à une alimentation appropriée et aux services de base.
27. Le Comité est préoccupé par le grand nombre de personnes vivant en dessous
du seuil de pauvreté et en particulier de femmes chefs de famille monoparentale,
qui ne reçoivent pas de l'État partie une protection suffisante leur permettant
d'exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels.
28. Le Comité est vivement préoccupé par le manque de programmes destinés
à assurer aux segments les plus pauvres de la population un logement convenable.
Il est aussi profondément préoccupé par le nombre de communautés de squatters
qui risquent d'être expulsés par la force compte tenu des dispositions juridiques
extrêmement restrictives régissant leur droit de jouissance.
29. Tout en se félicitant de l'abolition des châtiments corporels dans les
établissements scolaires, le Comité est préoccupé par leur maintien dans la
famille et pour les hommes adultes dans le système de justice.
30. Le Comité est aussi préoccupé par le taux élevé de violence au foyer et
sexuelle ainsi qu'au recours excessif à la force de la part de la police et
par la persistance d'une «pratique de la violence» généralisée dans l'État
partie.
31. Le Comité constate avec préoccupation que les problèmes dus à la surcharge
persistante des hôpitaux, au manque de personnel et à la non-disponibilité
des médicaments essentiels ont mis à rude épreuve les services de santé publique
ce qui a eu des effets néfastes sur l'accès aux installations, biens et services
essentiels de soins de santé, en particulier pour les groupes défavorisés
et marginalisés.
E. SUGGESTIONS ET RECOMMANDATIONS
32. Le Comité invite instamment l'État partie à faire en sorte que les droits
économiques, sociaux et culturels soient incorporés à la législation interne
nationale et puissent être invoqués devant les tribunaux. Il fait observer
que, quel que soit le système par lequel le droit international est incorporé
dans l'ordre juridique interne (monisme ou dualisme), l'État partie est dans
l'obligation, dès lors qu'il a ratifié un instrument international, de s'y
conformer et de lui donner pleinement effet dans l'ordre juridique interne.
À cet égard, le Comité appelle l'attention de l'État partie sur son Observation
générale no 9 sur l'application du Pacte au niveau national.
33. Le Comité recommande à l'État partie de formuler et d'appliquer un plan
d'action national global pour la protection et la promotion des droits de
l'homme, comme il est recommandé au paragraphe 71 de la Déclaration et du
Programme d'action de Vienne de 1993, et de fournir des informations à ce
sujet dans son prochain rapport périodique.
34. Le Comité recommande à l'État partie de doter l'Ombudsman des pouvoirs
requis pour qu'il puisse s'occuper de toutes les questions relatives aux droits
de l'homme, y compris des droits économiques, sociaux et culturels.
35. Le Comité recommande à l'État partie de ratifier les Conventions de l'OIT
concernant les droits économiques, sociaux et culturels et de retirer la réserve
qu'il a formulée au sujet de l'article 8 du Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels. En outre, le Comité note avec intérêt
la déclaration de l'État partie indiquant qu'il reconsidérerait sa position
concernant la dénonciation des instruments relatifs aux droits de l'homme.
36. Le Comité prie l'État partie d'inclure dans son prochain rapport périodique
des données par sexe détaillées afin de faciliter l'analyse des tendances,
des progrès ou des orientations inquiétantes concernant l'exercice des droits
économiques, sociaux et culturels.
37. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces
d'ordre législatif et autres pour éliminer la discrimination, conformément
au paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte. Il tient en particulier à encourager
l'État partie à mettre en œuvre des politiques actives de promotion des
droits de personnes faisant l'objet d'une discrimination en raison de leur
orientation sexuelle ou parce qu'elles sont infectées par le VIH ou atteintes
du sida.
38. Le Comité prie instamment l'État partie d'adopter une législation spécifique
et de prendre des mesures concrètes pour assurer de meilleures conditions
de vie aux personnes handicapées.
39. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces
pour combattre le chômage parmi les jeunes en offrant davantage de possibilités
de formation professionnelle.
40. Le Comité engage l'État partie à prendre des mesures d'ordre législatif
et autres pour garantir aux hommes et aux femmes un salaire égal pour un travail
de valeur égale.
41. Le Comité recommande à l'État partie de revoir le salaire minimum pour
permettre aux travailleurs d'atteindre un niveau de vie suffisant pour eux
et pour leur famille.
42. Le Comité demande instamment à l'État partie de réviser et d'harmoniser
sa législation concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et de mettre
en œuvre des mesures de nature à assurer aux enfants une protection appropriée
par la loi. À cet égard, il recommande à l'État partie de ratifier la Convention
no 138 de l'OIT sur l'âge minimum d'admission à l'emploi.
43. Le Comité recommande que la législation empêchant les travailleurs de
faire grève soit modifiée compte tenu des engagements internationaux de l'État
partie, et que les conditions exigées pour l'affiliation aux syndicats soient
abaissées afin de faciliter un dialogue plus constructif et plus fructueux
entre les travailleurs et les employeurs. Il engage également l'État partie
à faire en sorte que des ressources humaines et financières suffisantes soient
attribuées aux mécanismes de surveillance des conditions de travail, afin
que ces derniers contribuent à protéger efficacement les droits de travailleurs.
44. Le Comité prie instamment l'État partie de prendre des mesures législatives
et autres efficaces pour lutter contre le problème du travail des enfants
dans le pays. À cet égard, il recommande à l'État partie de ratifier la Convention
no 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants.
45. Le Comité demande à l'État partie de prendre toutes les mesures efficaces,
y compris en faisant appliquer la législation en vigueur et en menant des
campagnes nationales de sensibilisation, pour éliminer toutes les formes de
violence et de discrimination contre les femmes.
46. Le Comité prie l'État partie de fournir dans son prochain rapport périodique
des renseignements détaillés fondés sur des données comparatives au sujet
du problème de l'avortement et des mesures d'ordre législatif ou autres -
y compris, le cas ÚchÚant, l'examen de sa prÚsente lÚgislation - qu'il
a prises en vue de protÚger les femmes contre les avortements clandestins
et dangereux.
47. Tout en prenant note des efforts soutenus déployés pour faire face aux
problèmes posés par le VIH/sida, le Comité engage l'État partie à intensifier
les mesures prises pour combattre le VIH/sida et, en particulier, pour assurer
une éducation dans le domaine de la santé génésique et de la santé de la sexualité.
48. Le Comité recommande à l'État partie de fournir dans son prochain rapport
périodique des statistiques plus détaillées, reposant sur des données désagrégées
et comparatives, concernant les programmes de santé destinés spécifiquement
à combattre et à prévenir la mortalité infantile, maternelle, prénatale et
néonatale, ainsi que les grossesses chez les adolescentes et les avortements
clandestins. L'État partie est invité à fixer dans ce domaine des objectifs
qui pourraient servir de base pour le dialogue avec le Comité lors de l'examen
du prochain rapport périodique.
49. Le Comité demande instamment à l'État partie d'adopter des textes de lois
spécifiques et les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de vie
des prisonniers et des détenus.
50. Le Comité engage l'État partie à intégrer les droits économiques, sociaux
et culturels, dans tous les programmes de lutte contre la pauvreté. À cet
égard, l'État partie est invité instamment à accorder l'attention la plus
minutieuse à la déclaration sur la pauvreté, adoptée par le Comité le 4 mai
2001 (E/C.12/2001/10).
51. Le Comité prie instamment l'État partie de concevoir une stratégie du
logement pour les groupes défavorisés et marginalisés et de leur fournir des
logements à coût modéré. Il engage en outre l'État partie à communiquer davantage
de données ventilées sur les squatters ainsi qu'à adopter des mesures pour
améliorer leur situation juridique en ce qui concerne la sécurité de jouissance.
En outre, le Comité recommande à l'État partie de tenir compte des Observations
générales nos 4 et 7 du Comité sur le droit à un logement suffisant et sur
les expulsions forcées.
52. Le Comité invite l'État partie à interdire d'une manière effective le
recours aux châtiments corporels dans tous les domaines de la vie.
53. Le Comité exhorte l'État partie d'user de toute l'autorité de la loi et
de tous les moyens à sa disposition pour éliminer ce fléau qu'est la violence.
Il rappelle à l'État partie qu'en agissant pour combattre la violence, il
est tenu de respecter la dignité humaine et de protéger constamment les droits
de l'homme. Le Comité invite l'État partie à fournir dans son prochain rapport
périodique des renseignements détaillés sur les mesures prises et les progrès
accomplis dans ses efforts pour éliminer toutes les formes de violence, en
particulier la violence contre les femmes et les enfants, et le recours excessif
à la force par la police.
54. Le Comité recommande à l'État partie de fournir dans son prochain rapport
des faits et des chiffres, reposant sur des données désagrégées et comparatives
par année, concernant l'accès aux installations, biens et services de soins
de santé de base, ainsi que des chiffres analogues relatifs à la mise en place
d'un système privé de soins de santé, y compris sur les effets de ce processus
sur l'accès des groupes défavorisés et marginalisés aux services de santé.
55. Le Comité encourage l'État partie à continuer de fournir une éducation
relative aux droits de l'homme dans les établissements scolaires à tous les
niveaux et à susciter une prise de conscience des droits de l'homme, en particulier
des droits économiques, sociaux et culturels, parmi les agents de l'État et
les membres de l'appareil judiciaire.
56. Le Comité demande à l'État partie de faire largement connaître les présentes
observations finales dans tous les secteurs de la société et en particulier
aux agents de l'État et aux membres de l'appareil judiciaire et de l'informer,
dans son troisième rapport périodique, de toutes les mesures qui auront été
prises pour y donner suite. Il recommande également à l'État partie de faire
participer les organisations non gouvernementales et d'autres membres de la
société civile à l'élaboration de son troisième rapport périodique.
57. Enfin, le Comité prie l'État partie de soumettre son troisième rapport
périodique d'ici au 30 juin 2007 et de faire figurer dans ce rapport des informations
détaillées sur les mesures qu'il aura prises pour donner suite aux recommandations
formulées dans les présentes observations finales.