COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l'Uruguay (E/1990/6/Add.10) à ses 42ème, 43ème et 44ème séances, tenues les 27 et 28 novembre 1997, et a adopté, à sa 54ème séance, le 5 décembre 1997, les observations finales suivantes :
2. Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique présenté par l'Uruguay et les informations écrites fournies par ce pays en réponse à la liste des points à traiter dressée par le Comité (E/C.12/Q/URU/1), ainsi que le dialogue constructif qui s'est instauré entre ses membres et la délégation uruguayenne, qui était de haut niveau et composée d'experts. Le Comité note avec satisfaction que le rapport a été établi conformément aux principes directeurs concernant la forme et le contenu des rapports présentés par les Etats parties.
3. Le Comité note avec satisfaction que l'Etat partie a ratifié le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme, dit Protocole de San Salvador.
4. Le Comité accueille avec satisfaction les progrès réalisés par l'Etat partie qui a atteint un taux élevé d'alphabétisation, rendu l'enseignement primaire gratuit et obligatoire et assuré la gratuité de l'enseignement secondaire et supérieur. Il est également heureux qu'aient été mis en place à l'intention des enfants défavorisés des programmes tels que celui des cuisines scolaires (bandejas escolares).
5. Le Comité note que certains des droits énoncés dans le Pacte peuvent être invoqués directement devant les tribunaux. A cet égard, il sait gré à l'Etat partie de la liste de décisions pertinentes faisant jurisprudence, qui a été jointe au rapport.
6. Le Comité se félicite des mesures prises par l'Etat partie pour définir des politiques de l'emploi à l'intention des jeunes et des travailleurs ruraux, ainsi que celles qui visent à recycler les chômeurs.
7. Le Comité prend note des difficultés économiques auxquelles se heurte l'Etat partie, en particulier un taux de chômage élevé.
8. Le Comité constate avec inquiétude èéqu'en dépit des efforts et des progrès réalisés par l'Etat partie pour améliorer le niveau de vie une proportion élevée de la population continue de vivre dans la pauvreté, en particulier la minorité noire. Il note en outre avec inquiétude que, d'après les enquêtes menées au sein de la population de l'Etat partie, la minorité noire serait encore l'objet de préjugés.
9. Le Comité note avec préoccupation que le nombre de travailleurs syndiqués a sensiblement diminué et que le salaire minimum est fixé unilatéralement uniquement pour le secteur agricole. Il constate avec une préoccupation particulière que le salaire minimum est totalement insuffisant pour vivre et n'est utilisé que comme indicateur, en dépit des recommandations qu'il a faites en 1994 et de celles qui ont été formulées par la Commission d'experts de l'OIT en 1993 au sujet de la Convention No 131 (1970) concernant la fixation des salaires minima.éé
10. Le Comité considère que les ressources consacrées par l'Etat à la santé et à l'éducation publiques sont insuffisantes. En particulier, il juge alarmant le fait que, en raison des très bas salaires versés aux infirmières, il y a aujourd'hui en Uruguay moins d'une infirmière pour cinq médecins, d'où une diminution de la qualité des soins médicaux et l'augmentation des difficultés rencontrées pour y accéder. Un problème analogue se pose dans l'enseignement, comme en témoigne notamment la baisse continue du pouvoir d'achat des enseignants.
11. Le Comité note avec inquiétude l'augmentation du nombre d'accidents liés au travail, due au non-respect des mesures de sécurité, en particulier dans le secteur du bâtiment, comme la Commission d'experts de l'OIT l'a fait observer en 1995 à propos de la Convention No 62.
12. Le Comité est profondément préoccupé par la situation des enfants en Uruguay. Le travail des enfants demeure un grave problème, comme l'attestent les observations finales du Comité des droits de l'enfant et le fait que l'âge minimum d'admission à l'emploi tel qu'il est prévu dans la Convention No 138 de l'OIT n'est pas pleinement respecté par l'Etat partie. Il s'inquiète aussi de l'état de santé des mineurs étant donné le nombre de cas d'obésité et la fréquence des suicides.
13. Le Comité note avec préoccupation que le Code civil établit une distinction entre les enfants légitimes et les enfants nés hors mariage.
14. Le Comité constate en outre avec préoccupation qu'une discrimination entre hommes et femmes subsiste, dans la pratique, en ce qui concerne l'application du principe "à travail égal salaire égal". Il regrette aussi l'insuffisance des informations données sur la situation des femmes en général et la violence domestique en particulier.
15. De l'avis du Comité, il est inquiétant qu'une proportion importante de la population souffre d'un handicap (7 %) et que 70 % de ces personnes souffrent de troubles mentaux. Le Comité juge aussi préoccupant le problème de l'alcoolisme, qui explique le taux élevé d'accidents de la route, notamment d'accidents mortels.
16. Le Comité continue d'être préoccupé par la pénurie de logements, le prix élevé des loyers et par les conditions dans lesquelles des expulsions peuvent avoir lieu, en particulier en ce qui concerne les groupes les plus vulnérables.
17. Le Comité souhaiterait recevoir des informations supplémentaires sur les mesures prises par l'Etat partie pour assurer l'exercice, par la minorité noire, de ses droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit d'être protégé contre la discrimination.
18. Le Comité exhorte l'Etat partie à s'acquitter des obligations découlant de l'article 7 du Pacte et, en particulier, à prendre des mesures en vue de fixer, en consultation avec les représentants des employeurs et les représentants des travailleurs, un salaire minimum national indexé sur le coût de la vie. Le Comité engage vivement l'Etat partie à faire en sorte que la législation relative à la santé et à la sécurité au travail actuellement en vigueur soit pleinement appliquée et que le système d'inspection du travail soit renforcé.
19. Le Comité recommande l'adoption des mesures législatives et économiques voulues pour protéger les droits des personnes souffrant d'un handicap et des enfants des rues. Une importance particulière devrait être accordée à des programmes d'information concernant les soins de santé, physique et mentale. En outre, toutes les dispositions du Code civil ou du Code de la famille qui établissent une discrimination à l'égard des enfants nés hors mariage devraient être abrogées.
20. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre des mesures visant à accroître les salaires réels des enseignants et des infirmières.
21. Le Comité engage l'Etat partie à prendre des mesures pour améliorer les soins de santé dispensés aux personnes vivant dans les zones rurales.
22. Le Comité est d'avis que les efforts faits par l'Etat partie pour mettre en oeuvre une politique adéquate en matière de logement restent insuffisants et il l'exhorte à les intensifier. Il souhaite en outre recevoir des informations plus détaillées sur le nombre d'expulsions et sur la manière dont il est procédé à ces expulsions.
23. Le Comité insiste auprès de l'Etat partie pour qu'il accorde une plus grande attention au problème de la discrimination de facto exercée contre les femmes et mette en oeuvre des programmes pour éliminer les inégalités entre hommes et femmes dans le secteur public comme dans le secteur privé. Il recommande que des mesures juridiques appropriées soient adoptées pour lutter contre la violence contre les femmes, dans la famille et en dehors.
24. Enfin, le Comité recommande que les préoccupations exprimées dans les présentes observations finales, ainsi que les questions qui ont été soulevées au cours de l'examen du deuxième rapport périodique et qui sont restées sans réponse soient traitées dans le troisième rapport périodique de l'Etat partie et il engage vivement l'Etat partie à diffuser largement les présentes observations finales adoptées par le Comité à la suite de son examen du deuxième rapport périodique de l'Etat partie.