COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
1. Le Comité a examiné le rapport initial du Zimbabwe (E/1990/5/Add.28) à ses 8èmeè, 9èmeè, 10èmeè et 14èmeè séances, tenues les 2, 5 et 7 mai 1997 (E/C.12/1997/SR.8, 9, 10 et 14) et a adopté, à sa 25ème séance tenue le 15 mai 1997, les observations finales ci-après :
2. Le Comité remercie l'Etat partie de son rapport initial, établi en partie selon les directives du Comité et de ses réponses écrites - toutefois incomplètes - à la liste de questions communiquée avant la session. Le Comité note que ce rapport contient des renseignements à caractère trop général et contient très peu de données statistiques. La délégation zimbabwéenne avait indiqué qu'elle s'efforcerait d'obtenir certains des renseignements manquants pour que le Comité en prenne connaissance avant la fin de la session, mais ces renseignements n'ont malheureusement pas été reçus. A cet égard, le Comité se félicite de ce que la délégation ait proposé d'envoyer par écrit des renseignements complémentaires précis.
3. Le Comité regrette que la délégation n'ait compté parmi ses membres aucun expert officiel d'Harare, de sorte qu'elle n'a pu sur de nombreux points donner de réponses précises aux questions posées par des membres du Comité. En dépit de ce qui précède, le Comité se félicite de la franchise qui a caractérisé le dialogue et du fait que la délégation a clairement reconnu que de nombreuses insuffisances devaient être corrigées. A ce sujet, le Comité est conscient de l'héritage historique du Zimbabwe et reconnaît les efforts faits dans le sens d'une démocratisation et d'une bonne gestion des affaires publiques.
4. Le Comité se félicite de ce que le Zimbabwe ait adhéré au Pacte sans formuler de réserve. Il note que le Zimbabwe a ratifié plusieurs instruments relatifs aux droits de l'homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant.
5. Le Comité se félicite de la publicité donnée au Pacte, de sa publication dans le Journal officiel (Official Gazette) et les journaux parlementaires, ainsi que du caractère public des débats du Parlement sur le Pacte.
6. Le Comité se félicite des initiatives en cours au Zimbabwe pour que tous les travailleurs soient couverts par une nouvelle législation intégrée du travail.
7. En ce qui concerne la place du Pacte dans le droit interne, le Comité note qu'il ne peut pas être invoqué directement devant les tribunaux zimbabwéens, malgré l'assurance donnée par la délégation que ses principes sont généralement reflétés dans la législation interne.
8. Quant à la surveillance du respect des droits économiques, sociaux et culturels à l'échelle nationale, le Comité se félicite de la création du bureau de l'ombudsman, mais regrette que les forces de défense, la police et les services pénitentiaires soient expressément exclus du champ des enquêtes, de même que le Président et ses collaborateurs, le Cabinet, le Procureur général et les personnels judiciaires. En outre, l'ombudsman ne peut agir de sa propre initiative et ne peut ouvrir une enquête que si une plainte a été déposée.
9. Le Comité regrette que l'Etat partie n'ait pas fourni de réponses écrites aux questions concernant l'application des articles 10, 11, 12, 13 et 15 du Pacte (questions 36 à 55 et 57) et que, lors de la présentation orale du rapport et du dialogue avec les membres du Comité, la délégation n'ait donné que peu de renseignements complémentaires et aucune donnée statistique.
10. Bien que le Gouvernement ait officiellement proclamé l'égalité en droit de l'homme et de la femme, le Comité estime que la situation des femmes dans la société zimbabwéenne, en particulier dans les zones rurales, est très insatisfaisante. Il est préoccupé par la discrimination de fait à l'égard des femmes, imputable à des pratiques traditionnelles consistant par exemple à arranger des mariages entre enfants et à forcer une veuve à épouser un frère de son mari décédé. De telles pratiques sont incompatibles avec l'article 3 du Pacte.
11. Le Comité regrette que, en vertu de la Constitution du Zimbabwe, les fonctionnaires, les enseignants et les personnels infirmiers ne puissent pas adhérer à un syndicat et que des médecins et des infirmiers qui avaient organisé des grèves aient été arrêtés et licenciés.
12. Le Comité est préoccupé par le maintien du recours à la main-d'oeuvre enfantine dont il est fait état au paragraphe 76 du rapport de l'Etat partie. De telles pratiques sont contraires à l'article 10 du Pacte.
13. Bien que la "famille élargie" offre une certaine protection à quelques sans-abri, le Comité note que la situation en matière de droit au logement demeure nettement insuffisante. Il est particulièrement préoccupé par la situation précaire des personnes vivant dans des structures illégales ou des logements non autorisés (par. 107 du rapport). Personne ne doit être expulsé de force si ce n'est dans des conditions compatibles avec le Pacte.
14. Le Comité est préoccupé par les réductions opérées dans les dépenses d'enseignement, qui ont pour effet de porter atteinte au paragraphe 2 a) de l'article 13 du Pacte, en vertu duquel l'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous.
15. Le Comité appelle l'attention sur l'obligation qu'a le Zimbabwe de veiller à ce que les engagement pris en vertu du Pacte soient dûment reflétés dans la législation et la politique nationales et prie instamment le Gouvernement de garantir la possibilité de s'adresser aux tribunaux pour faire valoir les droits consacrés dans le Pacte.
16. Certes, de nombreuses dispositions du Pacte doivent être appliquées progressivement et en fonction des moyens financiers de l'Etat partie, mais il existe d'autres droits qui doivent être garantis immédiatement, tels que la non-discrimination en droit et la protection des droits culturels des minorités.
17. Le Comité demande instamment que la priorité soit donnée à la promotion du rôle de la femme dans la société et à l'élimination de toute discrimination de fait à l'encontre des femmes. Il recommande en particulier d'établir des programmes pour corriger les déséquilibres affectant la condition de la femme dans la société, en particulier dans les districts ruraux.
18. Malgré les mesures évoquées plus haut au paragraphe 5, le Comité note qu'aucune mesure n'a été prise pour informer la population sur le Pacte. Il invite donc instamment l'Etat partie à lancer une véritable campagne d'information pour en faire connaître les dispositions à la population ainsi qu'aux agents de l'Etat, à tous les niveaux. Le Comité recommande aussi d'élargir les programmes d'éducation afin de mieux faire connaître les dispositions du Pacte dans l'ensemble de la société et d'assurer leur application dans les procédures judiciaires ainsi que leur respect par les organismes chargés de faire appliquer la loi.
19. En ce qui concerne l'article 8 du Pacte, le Comité se félicite de l'intention de l'Etat partie d'envisager de ratifier la Convention de l'OIT de 1948 (No 87) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la Convention de l'OIT de 1949 (No 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective et la Convention de l'OIT de 1978 (No 151) sur les relations de travail dans la fonction publique. Il invite instamment l'Etat partie à harmoniser au plus tôt sa législation du travail avec ces instruments. Le Comité souhaiterait être informé des mesures prises pour réintégrer ou indemniser les membres du corps médical licenciés récemment pour avoir organisé une grève.
20. Le Comité recommande à l'Etat partie d'entreprendre une réforme constitutionnelle de façon à permettre aux fonctionnaires, aux enseignants et aux personnels infirmiers de se syndiquer, conformément à l'article 8 du Pacte, ainsi que d'engager des négociations collectives et de faire grève.
21. Le Comité recommande d'adopter des mesures appropriées pour mieux garantir le droit au logement et en particulier pour veiller à ce que personne ne soit expulsé de force sans bénéficier d'un autre logement, conformément à l'Observation générale 4 (1991) du Comité. Il souhaiterait aussi connaître le nombre d'expulsions forcées qui ont été effectuées et avoir de plus amples renseignements sur l'application de l'article 11 du Pacte, en particulier en ce qui concerne le droit au logement.
22. Le Comité rappelle à l'Etat partie que, en tant que signataire du Pacte, il est tenu d'assurer l'enseignement primaire gratuit et obligatoire à tous les enfants du Zimbabwe. Tout en ayant conscience des difficultés que connaît actuellement le Zimbabwe et des efforts déployés par le Gouvernement dans ce domaine, le Comité invite l'Etat partie à soumettre avant un an un plan d'action et un rapport intérimaire sur l'observation de cette obligation.
23. Etant donné que les membres du Comité avaient demandé des renseignements précis qui n'ont pas été apportés lors de l'examen du rapport de l'Etat partie, en particulier sur la situation culturelle et la participation des groupes minoritaires à la vie culturelle, le Comité engage l'Etat partie à lui soumettre des renseignements supplémentaires et des données statistiques dans les trois mois suivant la réception des présentes observations finales et, en tout état de cause, avant la dix-septième session du Comité.