2. En effet, le principe de non-discrimination est si fondamental que, conformément à l'article 3, les Etats parties s'engagent à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits énoncés dans le Pacte. Même si le paragraphe 1 de l'article 4 autorise les Etats parties en cas de danger public exceptionnel à prendre des mesures dérogeant à certaines obligations prévues dans le Pacte, ce même paragraphe prévoit, entre autres, que ces mesures ne doivent pas entraîner une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale. En outre, conformément au paragraphe 2 de l'article 20, les Etats parties ont l'obligation d'interdire par la loi tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination.
3. En raison de leur caractère fondamental et général, le principe de non-discrimination, tout comme ceux de l'égalité devant la loi et de l'égale protection de la loi sont parfois expressément énoncés dans des articles relatifs à des catégories particulières de droits de l'homme. Le paragraphe 1 de l'article 14 prévoit que tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice, et le paragraphe 3 du même article dispose que toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties qui sont énumérées aux alinéas a) à g) du paragraphe 3. De même, l'article 25 prévoit la participation égale de tous les citoyens aux affaires publiques sans aucune des discriminations visées à l'article 2.
4. Il appartient aux Etats parties de décider quelles mesures sont appropriées pour appliquer les dispositions pertinentes. Le Comité souhaite toutefois être informé de la nature de ces mesures et de leur conformité avec les principes de non-discrimination, d'égalité devant la loi et d'égale protection de la loi.
5. Le Comité appelle l'attention des Etats parties sur le fait que le Pacte leur demande parfois expressément de prendre des mesures pour garantir l'égalité des droits des personnes en cause. Par exemple, il est stipulé au paragraphe 4 de l'article 23 que les Etats parties prendront les mesures appropriées pour assurer l'égalité de droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Ces mesures peuvent être d'ordre législatif, administratif ou autre, mais les Etats parties ont l'obligation positive de faire en sorte que les époux jouissent de l'égalité des droits conformément au Pacte. En ce qui concerne les enfants, l'article 24 stipule que tout enfant, sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance, a droit, de la part de la famille, de la société et de l'Etat, aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur.
6. Le Comité note que le Pacte ne contient pas de définition du terme discrimination, et qu'il n'y est pas indiqué non plus ce qui constitue la discrimination. Toutefois, l'article premier de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale dispose que l'expression discrimination raciale vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique. De même, l'article premier de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dispose que l'expression discrimination à l'égard des femmes vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.
7. Ces instruments ne concernent, bien sûr, que certains cas de discrimination fondés sur des motifs précis, mais le Comité considère que le terme discrimination, tel qu'il est utilisé dans le Pacte, doit être compris comme s'entendant de toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée notamment sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, et ayant pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par tous, dans des conditions d'égalité, de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Cependant, la jouissance des droits et des libertés dans des conditions d'égalité n'implique pas dans tous les cas un traitement identique. A cet égard, les dispositions du Pacte sont explicites. Par exemple, aux termes du paragraphe 5 de l'article 6, la peine de mort ne peut pas être imposée à des personnes âgées de moins de 18 ans et ne peut être exécutée contre des femmes enceintes. De même, conformément au paragraphe 3 de l'article 10, les jeunes délinquants doivent être séparés des adultes. En outre, l'article 25 garantit certains droits politiques, en prévoyant une différenciation fondée sur la citoyenneté et l'âge.
9. Les rapports de nombreux Etats parties contiennent des renseignements sur les mesures législatives et administratives et sur les décisions judiciaires relatives à la discrimination en droit, mais manquent très souvent de renseignements sur la discrimination dans les faits. Lorsqu'ils font rapport sur les articles 2, paragraphe 1, 3 et 26 du Pacte, les Etats parties citent généralement les dispositions de leur Constitution ou de leur législation sur l'égalité des chances à propos de l'égalité des personnes. Ces renseignements sont évidemment utiles, mais le Comité souhaiterait savoir s'il se pose encore des problèmes liés à une discrimination de fait, de la part, soit de pouvoirs publics ou de la communauté, soit des particuliers ou des organismes privés. Le Comité voudrait être informé des dispositions législatives et des mesures administratives qui visent à réduire ou à éliminer cette discrimination.
10. Le Comité fait également observer que l'application du principe d'égalité suppose parfois de la part des Etats parties l'adoption de mesures en faveur de groupes désavantagés, visant à atténuer ou à supprimer les conditions qui font naître ou contribuent à perpétuer la discrimination interdite par le Pacte. Par exemple, dans les Etats où la situation générale de certains groupes de population empêche ou compromet leur jouissance des droits de l'homme, l'Etat doit prendre des mesures spéciales pour corriger cette situation. Ces mesures peuvent consister à accorder temporairement un traitement préférentiel dans des domaines spécifiques aux groupes en question par rapport au reste de la population. Cependant, tant que ces mesures sont nécessaires pour remédier à une discrimination de fait, il s'agit d'une différenciation légitime au regard du Pacte.
11. Le paragraphe 1 de l'article 2 et de l'article 26 contiennent l'un et l'autre une énumération des motifs de discrimination, tels que la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Le Comité a constaté que les motifs de discrimination faisant l'objet d'une interdiction dans le Pacte, tels qu'ils figurent au paragraphe 1 de l'article 2, ne sont pas tous mentionnés dans certaines constitutions et législations. Il souhaiterait donc que les Etats parties lui fassent savoir comment il convient d'interpréter de telles omissions.
12. Alors qu'aux termes de l'article 2, les droits qui doivent être protégés contre la discrimination sont limités aux droits énoncés dans le Pacte, l'article 26 ne précise pas une telle limite. Cet article consacre en effet le principe de l'égalité devant la loi et de l'égale protection de la loi, et stipule que la loi doit garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre la discrimination pour chacun des motifs énumérés. De l'avis du Comité, l'article 26 ne reprend pas simplement la garantie déjà énoncée à l'article 2, mais prévoit par lui-même un droit autonome. Il interdit toute discrimination en droit ou en fait dans tout domaine réglementé et protégé par les pouvoirs publics. L'article 26 est par conséquent lié aux obligations qui sont imposées aux Etats parties en ce qui concerne leur législation et l'application de celle-ci. Ainsi, lorsqu'un Etat partie adopte un texte législatif, il doit, conformément à l'article 26, faire en sorte que son contenu ne soit pas discriminatoire. En d'autres termes, l'application du principe de non-discrimination énoncé à l'article 26 n'est pas limitée aux droits stipulés dans le Pacte.
13. Enfin, le Comité fait observer que toute différenciation ne constitue pas une discrimination, si elle est fondée sur des critères raisonnables et objectifs et si le but visé est légitime au regard du Pacte.