University of Minnesota


Observation Generale No 22, Article 13 (quarante-huitième session, 1993), Compilation des commentaires generaux et Recommendations generales adoptees par les organes des traites, U.N. Doc. HRI\GEN\1\Rev.1 (1994).


1. Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (qui implique la liberté d'avoir des convictions) visé au paragraphe 1 de l'article 18 a une large portée; il englobe la liberté de pensée dans tous les domaines, les convictions personnelles et l'adhésion à une religion ou une croyance, manifestée individuellement ou en commun. Le Comité appelle l'attention des Etats parties sur le fait que la liberté de pensée et la liberté de conscience sont protégées à égalité avec la liberté de religion et de conviction. Le caractère fondamental de ces libertés est également reflété dans le fait qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte, il ne peut être dérogé à l'article 18, même en cas de danger public exceptionnel.

2. L'article 18 protège les convictions théistes, non théistes et athées, ainsi que le droit de ne professer aucune religion ou conviction. Les termes conviction et religion doivent être interprétés au sens large. L'article 18 n'est pas limité, dans son application, aux religions traditionnelles ou aux religions et croyances comportant des caractéristiques ou des pratiques institutionnelles analogues à celles des religions traditionnelles. Le Comité est donc préoccupé par toute tendance visant à faire preuve de discrimination à l'encontre d'une religion ou d'une conviction quelconque pour quelque raison que ce soit, notamment parce qu'elle est nouvellement établie ou qu'elle représente des minorités religieuses susceptibles d'être en butte à l'hostilité d'une communauté religieuse dominante.

3. L'article 18 distingue la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, et la liberté de manifester sa religion ou sa conviction. Il n'autorise aucune restriction quelle qu'elle soit à la liberté de pensée et de conscience ou à la liberté d'avoir ou d'adopter la religion ou la conviction de son choix. Ces libertés sont protégées sans réserve au même titre que le droit de chacun de ne pas être inquiété pour ses opinions, énoncé au paragraphe 1 de l'article 19. Conformément à l'article 17 et au paragraphe 2 de l'article 18, nul ne peut être contraint de révéler ses pensées ou son adhésion à une religion ou une conviction.

4. La liberté de manifester une religion ou une conviction peut être exercée individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé. La liberté de manifester sa religion ou sa conviction par le culte, l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement englobe des actes très variés. Le concept de rite comprend les actes rituels et cérémoniels exprimant directement une conviction, ainsi que différentes pratiques propres à ces actes, y compris la construction de lieux de culte, l'emploi de formules et d'objets rituels, la présentation de symboles et l'observation des jours de fête et des jours de repos. L'accomplissement des rites et la pratique de la religion ou de la conviction peuvent comprendre non seulement des actes cérémoniels, mais aussi des coutumes telles que l'observation de prescriptions alimentaires, le port de vêtements ou de couvre-chefs distinctifs, la participation à des rites associés à certaines étapes de la vie et l'utilisation d'une langue particulière communément parlée par un groupe. En outre, la pratique et l'enseignement de la religion ou de la conviction comprennent les actes indispensables aux groupes religieux pour mener leurs activités essentielles, tels que la liberté de choisir leurs responsables religieux, leurs prêtres et leurs enseignants, celle de fonder des séminaires ou des écoles religieuses, et celle de préparer et de distribuer des textes ou des publications de caractère religieux.

5. Le Comité fait observer que la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction implique nécessairement la liberté de choisir une religion ou une conviction, y compris, notamment, le droit de substituer à sa religion ou sa conviction actuelle une autre religion ou conviction ou d'adopter une position athée, ainsi que le droit de conserver sa religion ou sa conviction. Le paragraphe 2 de l'article 18 interdit la contrainte pouvant porter atteinte au droit d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction, y compris le recours ou la menace de recours à la force physique ou à des sanctions pénales pour obliger des croyants ou des non-croyants à adhérer à des convictions et à des congrégations religieuses, à abjurer leur conviction ou leur religion ou à se convertir. Les politiques ou les pratiques ayant le même but ou le même effet, telles que, par exemple, celles restreignant l'accès à l'éducation, aux soins médicaux et à l'emploi ou les droits garantis par l'article 25 et par d'autres dispositions du Pacte, sont également incompatibles avec le paragraphe 2 de l'article 18. Les tenants de toutes les convictions de nature non religieuse bénéficient d'une protection identique.

6. Le Comité est d'avis que le paragraphe 4 de l'article 18 permet d'enseigner des sujets tels que l'histoire générale des religions et des idées dans les établissements publics, à condition que cet enseignement soit dispensé de façon neutre et objective. La liberté des parents ou des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions, prévue au paragraphe 4 de l'article 18, est liée à la garantie de la liberté d'enseigner une religion ou une conviction proclamée au paragraphe 1 du même article. Le Comité note que l'éducation publique incluant l'enseignement d'une religion ou d'une conviction particulière est incompatible avec le paragraphe 4 de l'article 18, à moins qu'elle ne prévoie des exemptions ou des possibilités de choix non discriminatoires correspondant aux voeux des parents et des tuteurs.

7. Conformément à l'article 20, la manifestation d'une religion ou d'une conviction ne peut correspondre à une forme de propagande en faveur de la guerre ou à un appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence. Comme l'a indiqué le Comité des droits de l'homme dans l'observation générale No 11 (19), les Etats parties sont tenus d'adopter les mesures législatives voulues pour interdire ces actions.

8. Le paragraphe 3 de l'article 18 n'autorise les restrictions apportées aux manifestations de la religion ou des convictions que si lesdites restrictions sont prévues par la loi et sont nécessaires pour protéger la sécurité, l'ordre et la santé publics, ou la morale ou les libertés et droits fondamentaux d'autrui. Aucune restriction ne peut être apportée à la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction en l'absence de toute contrainte ni à la liberté des parents et des tuteurs d'assurer à leurs enfants une éducation religieuse et morale. En interprétant la portée des clauses relatives aux restrictions autorisées, les Etats parties devraient s'inspirer de la nécessité de protéger les droits garantis en vertu du Pacte, y compris le droit à l'égalité et le droit de ne faire l'objet d'aucune discrimination fondée sur les motifs spécifiés aux articles 2, 3 et 26. Les restrictions imposées doivent être prévues par la loi et ne doivent pas être appliquées d'une manière propre à vicier les droits garantis par l'article 18. Le Comité fait observer que le paragraphe 3 de l'article 18 doit être interprété au sens strict: les motifs de restriction qui n'y sont pas spécifiés ne sont pas recevables, même au cas où ils le seraient, au titre d'autres droits protégés par le Pacte, s'agissant de la sécurité nationale, par exemple. Les restrictions ne doivent être appliquées qu'aux fins pour lesquelles elles ont été prescrites et doivent être en rapport direct avec l'objectif spécifique qui les inspire et proportionnelles à celui-ci. Il ne peut être imposé de restrictions à des fins discriminatoires ni de façon discriminatoire. Le Comité fait observer que la conception de la morale découle de nombreuses traditions sociales, philosophiques et religieuses; en conséquence, les restrictions apportées à la liberté de manifester une religion ou une conviction pour protéger la morale doivent être fondées sur des principes qui ne procèdent pas d'une tradition unique. Les personnes déjà soumises à certaines contraintes légitimes, telles que les prisonniers, continuent de jouir de leur droit de manifester leur religion ou leurs convictions dans toute la mesure compatible avec la nature de ces contraintes. Dans leurs rapports, les Etats parties devraient donner des informations détaillées sur la portée et les effets des restrictions prévues au paragraphe 3 de l'article 18 et appliquées tant dans le cadre de la loi que dans des circonstances particulières.

9. Le fait qu'une religion est reconnue en tant que religion d'Etat ou qu'elle est établie en tant que religion officielle ou traditionnelle, ou que ses adeptes représentent la majorité de la population, ne doit porter en rien atteinte à la jouissance de l'un quelconque des droits garantis par le Pacte, notamment les article 18 et 27, ni entraîner une discrimination quelconque contre les adeptes d'autres religions ou les non-croyants. En particulier certaines mesures de caractère discriminatoire pour ces derniers, par exemple des mesures restreignant l'accès au service de l'Etat aux membres de la religion prédominante, leur accordant des privilèges économiques ou imposant des restrictions spéciales à la pratique d'autres religions, ne sont pas conformes à l'interdiction de la discrimination fondée sur la religion ou la conviction, ni à la garantie d'une protection égale énoncées à l'article 26. Les mesures envisagées au paragraphe 2 de l'article 20 du Pacte constituent d'importantes protections contre les atteintes aux droits des minorités religieuses et d'autres groupes religieux du point de vue de l'exercice des droits protégés par les articles 18 et 27, et contre les actes de violence ou de persécution dirigés contre ces groupes. Le Comité souhaite être informé des mesures prises par les Etats parties concernés pour protéger la pratique de toutes les religions ou convictions contre toute atteinte, et pour protéger leurs adeptes contre la discrimination. De même, des renseignements sur le respect des droits des minorités religieuses en vertu de l'article 27 sont nécessaires au Comité pour pouvoir évaluer la mesure dans laquelle la liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction a été protégée par les Etats parties. Les Etats parties concernés devraient également inclure dans leurs rapports des renseignements sur les pratiques qui selon leur législation et leur jurisprudence sont blasphématoires et punissables à ce titre.

10. Si un ensemble de convictions est traité comme une idéologie officielle dans des constitutions, les lois, des proclamations des partis au pouvoir, etc., ou dans la pratique, il ne doit en découler aucune atteinte aux libertés garanties par l'article 18 ni à aucun autre droit reconnu par le Pacte, ni aucune discrimination à l'égard des personnes qui n'acceptent pas l'idéologie officielle ou s'y opposent.

11. De nombreux individus ont invoqué le droit de refuser le service militaire (objection de conscience) en se fondant sur le fait que ce droit découle des libertés que leur attribue l'article 18. Pour répondre à leurs demandes, un nombre croissant d'Etats ont, dans leur législation, exempté du service militaire obligatoire leurs citoyens qui professent sincèrement des convictions religieuses ou autres interdisant l'accomplissement de ce service, et ils lui ont substitué un service national de remplacement. Le Pacte ne mentionne pas explicitement un droit à l'objection de conscience, mais le Comité estime qu'un tel droit peut être déduit de l'article 18, dans la mesure où l'obligation d'employer la force au prix de vies humaines peut être gravement en conflit avec la liberté de conscience et le droit de manifester sa religion ou ses convictions. Lorsque ce droit sera reconnu dans la législation ou la pratique, il n'y aura plus de différenciation entre objecteurs de conscience sur la base de la nature de leurs convictions particulières, de même qu'il ne s'exercera pas de discrimination contre les objecteurs de conscience parce qu'ils n'ont pas accompli leur service militaire. Le Comité invite les Etats parties à faire rapport sur les conditions dans lesquelles des personnes peuvent être exemptées du service militaire sur la base des droits qui leur sont reconnus par l'article 18 et sur la nature et la durée du service national de remplacement.

 



Page Principale || Traités || Recherche || Liens