University of Minnesota



Observation générale No 29, Observation Générale Sur l’Article 4 (adoptée le 24 juillet 2001 à sa 1950e session), CCPR/C/21/Rev.1/Add.11 (2001).


 


31 août 2001
FRANÇAIS
Original: ANGLAIS
Observation générale n° 29
États d’urgence (art. 4)
NATIONS UNIES CCPR
CCPR/C/21/Rev.1/Add.11


1. L’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques revêt une importance primordiale pour le système de protection des droits de l’homme dans le cadre de cet instrument. D’une part, il autorise l’État partie à adopter unilatéralement des mesures dérogeant provisoirement à certaines obligations qui lui incombent en vertu du Pacte. D’autre part, il soumet à la fois ces dérogations elles-mêmes et leurs conséquences matérielles à un régime de garantie bien précis. Le retour à une situation normale, permettant d’assurer de nouveau le plein respect du Pacte, doit être l’objectif primordial de l’État partie qui déroge au Pacte. Dans la présente observation générale, qui remplace l’Observation générale n° 5 adoptée à sa treizième session (1981), le Comité vise à aider les États parties à satisfaire aux prescriptions de l’article 4.

2. Les mesures dérogeant aux dispositions du Pacte doivent avoir un caractère exceptionnel et provisoire. Avant qu’un État ne décide d’invoquer l’article 4, il faut que deux conditions essentielles soient réunies: la situation doit représenter un danger public exceptionnel qui menace l’existence de la nation et l’État partie doit avoir proclamé officiellement un état d’urgence. Cette dernière condition est essentielle au maintien des principes de légalité et de primauté du droit à des moments où ils sont plus que jamais nécessaires. Lorsqu’ils proclament un état d’urgence susceptible d’entraîner une dérogation à l’une quelconque des dispositions du Pacte, les États doivent agir dans le cadre de leur constitution et des dispositions législatives qui régissent l’exercice des pouvoirs exceptionnels; il appartient au Comité de vérifier que les lois en question permettent et garantissent le respect de l’article 4. Pour que le Comité puisse s’acquitter de sa tâche, les États parties au Pacte devraient donner, dans les rapports qu’ils soumettent en application de l’article 40, des renseignements suffisants et précis sur leur législation et leur pratique dans le domaine des pouvoirs exceptionnels.

3. Tout trouble ou toute catastrophe n’entre pas automatiquement dans la catégorie d’un danger public exceptionnel qui menace l’existence de la nation, selon la définition du paragraphe 1 de l’article 4. Pendant un conflit armé, international ou non, les règles du droit international humanitaire deviennent applicables et contribuent, outre les dispositions de l’article 4 et du paragraphe 1 de l’article 5 du Pacte, à empêcher tout abus des pouvoirs exceptionnels par un État. Le Pacte stipule expressément que même pendant un conflit armé, des mesures dérogeant au Pacte ne peuvent être prises que si, et dans la mesure où, cette situation
constitue une menace pour la vie de la nation. L’État partie qui envisage d’invoquer l’article 4 dans une situation autre qu’un conflit armé devrait peser soigneusement sa décision pour savoir si une telle mesure se justifie et est nécessaire et légitime dans les circonstances. Le Comité a exprimé à plusieurs occasions sa préoccupation au sujet d’États parties qui semblaient avoir dérogé aux droits protégés par le Pacte, ou dont le droit interne semblait autoriser une telle
dérogation dans des situations non couvertes par l’article 41.

4. Une condition fondamentale à remplir concernant toutes mesures dérogeant aux dispositions du Pacte, telles qu’énoncées au paragraphe 1 de l’article 4, est que ces dérogations ne soient permises que dans la stricte mesure où la situation l’exige. Cette condition vise la durée, l’étendue géographique et la portée matérielle de l’état d’urgence et de toute dérogation appliquée par l’État du fait de l’état d’urgence. Une dérogation à certaines obligations découlant du Pacte se différencie clairement des restrictions ou limites autorisées même en temps ordinaire par plusieurs dispositions du Pacte2. Néanmoins, l’obligation de limiter les dérogations à ce qui est strictement exigé par la situation a son origine dans le principe de proportionnalité qui est commun aux pouvoirs de dérogation et de restriction. En outre, le simple fait qu’une dérogation admise à une disposition spécifique puisse être en soi exigée par les circonstances ne dispense pas de montrer également que les mesures spécifiques prises conformément à cette dérogation sont dictées par les nécessités de la situation. Dans la pratique, cela garantira qu’aucune disposition du Pacte, même s’il y est dérogé valablement, ne puisse être entièrement inapplicable au comportement d’un État partie. Lors de l’examen de rapports d’États parties, le Comité s’est déclaré préoccupé par le fait qu’il ne soit pas tenu suffisamment compte du principe de proportionnalité3.

5. La question de savoir quand et dans quelle mesure il peut être dérogé à certains droits ne peut être examinée sans qu’il soit tenu compte de la disposition du paragraphe 1 de l’article 4 du Pacte selon laquelle toute dérogation aux obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte n’est permise que «dans la stricte mesure où la situation l’exige». Cette condition fait obligation aux États parties de justifier précisément non seulement leur décision de proclamer un état d’exception, mais aussi toute mesure concrète découlant de cette proclamation. L’État partie qui entend invoquer le droit de déroger au Pacte, lors, par exemple, d’une catastrophe naturelle, d’une manifestation massive comportant des actes de violence ou d’un accident industriel majeur, doit pouvoir justifier que cette situation représente une menace pour l’existence de la nation mais aussi que toutes les mesures qu’il a prises et qui dérogent au Pacte sont strictement exigées par la situation. De l’avis du Comité, la possibilité de limiter l’exercice de certains droits garantis dans le Pacte, par exemple la liberté de mouvement (art. 12) ou la
liberté de réunion (art. 21) suffit généralement dans ce genre de situation et une dérogation aux dispositions en question ne serait pas justifiée par ce qu’exige la situation.

6. Le fait que le paragraphe 2 de l’article 4 stipule que certaines dispositions du Pacte ne sont pas susceptibles de dérogation ne signifie pas qu’il est permis de déroger à volonté à d’autres articles du Pacte, même lorsqu’il y a une menace pour l’existence de la nation. L’obligation juridique de limiter toutes les dérogations au strict minimum nécessaire pour faire face aux exigences de la situation implique à la fois pour les États parties et pour le Comité le devoir de procéder à une analyse minutieuse en se fondant sur chaque article du Pacte et sur une évaluation objective de la situation en question.

7. Le paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte stipule expressément qu’il ne peut être dérogé aux articles suivants: article 6 (droit à la vie), article 7 (interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et des expériences médicales ou scientifiques menées sans le libre consentement de la personne concernée), article 8, paragraphes 1 et 2 (interdiction de l’esclavage, de la traite des esclaves et de la servitude), article 11 (interdiction d’emprisonner une personne incapable d’exécuter une obligation contractuelle), article 15 (principe de légalité en matière pénale, en vertu duquel la responsabilité pénale et les peines doivent être définies dans des dispositions claires et précises d’une loi qui était en vigueur et applicable au moment où l’action ou l’omission a eu lieu, sauf dans les cas où une loi ultérieure prévoit une peine moins lourde), article 16 (reconnaissance de la personnalité juridique de chacun) et article 18 (liberté de pensée, de conscience et de religion). Les droits consacrés dans ces dispositions ne sont pas susceptibles de dérogation du simple fait qu’ils sont énumérés au
paragraphe 2 de l’article 4. Il en va de même dans le cas des États parties au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte visant à abolir la peine de mort, tel qu’il figure à l’article 6 de cet instrument. Théoriquement, le fait de dire qu’une disposition du Pacte n’est pas susceptible de dérogation ne signifie pas qu’il ne peut en aucun cas y avoir des limitations ou des restrictions justifiées à son application. La référence, au paragraphe 2 de l’article 4, à l’article 18, dont le
paragraphe 3 traite spécifiquement des restrictions, montre que la question de l’admissibilité des restrictions est indépendante de celle de savoir si une dérogation est possible. Même en cas de danger public extrêmement grave, les États qui font obstacle à l’exercice de la liberté de manifester sa religion ou sa conviction doivent justifier leurs actions en fonction des impératifs mentionnés au paragraphe 3 de l’article 18. À plusieurs occasions, le Comité s’est déclaré préoccupé par le fait qu’il était dérogé ou qu’il risquait pouvoir être dérogé à des droits non susceptibles de dérogation conformément au paragraphe 2 de l’article 4, du fait de l’insuffisance du régime juridique de l’État partie4.

8. En vertu du paragraphe 1 de l’article 4, pour qu’une quelconque dérogation aux dispositions du Pacte soit justifiée, il faut que les mesures prises n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. Bien que l’article 26 ou les autres dispositions du Pacte concernant la non-discrimination (art. 2 et 3, par. 1 de l’article 14, par. 4 de l’article 23, par. 1 de l’article 24 et art. 25) ne figurent pas parmi les dispositions non susceptibles de dérogation énoncées au paragraphe 2 de l’article 4, il y a des éléments ou aspects du droit à la non-discrimination auxquels aucune dérogation n’est possible, quelles que soient les circonstances. En particulier, cette disposition du paragraphe 1 de l’article 4 doit être respectée s’il est fait une quelconque distinction entre les personnes quand des mesures dérogeant au Pacte sont appliquées.

9. En outre, le paragraphe 1 de l’article 4 exige qu’aucune mesure dérogeant aux dispositions du Pacte ne soit incompatible avec les autres obligations qui incombent aux États parties en vertu du droit international, en particulier les règles du droit international humanitaire. L’article 4 du Pacte ne saurait être interprété comme justifiant une dérogation aux dispositions du Pacte si une telle dérogation doit entraîner un manquement à d’autres obligations internationales incombant à
l’État concerné, qu’elles découlent d’un traité ou du droit international général. Ce principe est reflété également au paragraphe 2 de l’article 5, en vertu duquel il ne peut être admis aucune restriction ou dérogation aux droits fondamentaux reconnus dans d’autres instruments, sous prétexte que le Pacte ne les reconnaît pas ou les reconnaît à un moindre degré.

10. Bien qu’il n’entre pas dans le mandat du Comité des droits de l’homme de procéder à un examen du comportement de l’État partie au regard d’autres instruments, dans l’exercice de ses fonctions en vertu du Pacte, le Comité est compétent, lorsqu’il s’agit de déterminer si le Pacte autorise un État partie à déroger à telle ou telle de ses dispositions, pour prendre en compte les autres obligations internationales dudit État. En conséquence, quand ils se prévalent du paragraphe 1 de l’article 4 ou quand ils informent, en application de l’article 40, sur le cadre légal relatif aux situations d’exception, les États parties devraient fournir des renseignements sur leurs autres obligations internationales concernant la protection du droit en question, en particulier celles auxquelles ils sont tenus dans les situations d’urgence5. À cet égard, les États parties devraient prendre dûment en considération l’évolution du droit international en ce qui concerne les normes relatives aux droits fondamentaux applicables dans les situations d’urgence6.

11. L’énumération des dispositions non susceptibles de dérogation figurant à l’article 4 est liée – sans se confondre avec elle – à la question de savoir si certaines obligations relatives aux droits de l’homme revêtent le caractère de normes impératives du droit international. Le fait que certaines dispositions du Pacte soient, au paragraphe 2 de l’article 4, proclamées non susceptibles de dérogation doit être interprété en partie comme une constatation du caractère impératif de quelques droits fondamentaux garantis par traité dans le Pacte (par exemple les articles 6 et 7). Il est évident toutefois que d’autres dispositions du Pacte ont été incluses dans la liste de celles auxquelles il ne peut être dérogé parce qu’elles portent sur des droits dont la dérogation ne peut jamais être rendue nécessaire par la proclamation d’un état d’exception (par exemple, art. 11 et 18). De plus, la catégorie des normes impératives est plus étendue que la liste des dispositions
intangibles figurant au paragraphe 2 de l’article 4. Les États parties ne peuvent en aucune circonstance invoquer l’article 4 du Pacte pour justifier des actes attentatoires au droit humanitaire ou aux normes impératives du droit international, par exemple une prise d’otages, des châtiments collectifs, des privations arbitraires de liberté ou l’inobservation de principes fondamentaux garantissant un procès équitable comme la présomption d’innocence.

12. Pour déterminer quelles sont les limites au-delà desquelles aucune dérogation aux dispositions du Pacte ne saurait être légitime, un des critères possibles se trouve dans la définition de certaines violations des droits de l’homme en tant que crimes contre l’humanité. Si un acte commis sous l’autorité d’un État engage la responsabilité pénale individuelle pour crime contre l’humanité des personnes qui y ont participé, l’article 4 du Pacte ne peut être invoqué pour affirmer qu’ayant agi dans le contexte d’un état d’exception, l’État concerné est dégagé de sa responsabilité en ce qui concerne l’acte en question. Dans cette optique, la récente
codification des crimes contre l’humanité, à des fins juridictionnelles, dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale est à prendre en considération lorsqu’on veut interpréter l’article 4 du Pacte7.

13. Dans les dispositions du Pacte qui ne figurent pas au paragraphe 2 de l’article 4, il y a des éléments qui, de l’avis du Comité, ne peuvent pas faire l’objet d’une dérogation licite en vertu de l’article 4. On en donne ci-après quelques exemples représentatifs.
a) Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Bien que ce droit, énoncé à l’article 10 du Pacte, ne soit pas expressément mentionné au paragraphe 2 de l’article 4, le Comité considère que le Pacte exprime ici une norme du droit international général, ne souffrant aucune dérogation, opinion étayée par la mention de la dignité inhérente à l’être humain faite dans le préambule du Pacte et
par le lien étroit entre l’article 7 et l’article 10.
b) L’interdiction de la prise d’otages, des enlèvements ou des détentions non reconnues n’est pas susceptible de dérogation. Le caractère absolu de cette interdiction, même dans une situation d’exception, est justifié par son rang de norme du droit international général.
c) Le Comité est d’avis que la protection internationale des droits des personnes appartenant à des minorités comporte des aspects qui doivent être respectés en toutes circonstances. Cela est reflété dans l’interdiction du génocide en droit international, dans l’inclusion d’une clause interdisant la discrimination dans l’article 4 lui-même (par. 1) ainsi que par l’interdiction de déroger à l’article 18.
d) Comme le confirme le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la déportation ou le transfert forcé de population, entendus comme le fait de déplacer des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international, constituent un crime contre l’humanité8. Le droit légitime de déroger à l’article 12 du Pacte en cas de situation d’exception ne peut en aucun cas être reconnu comme justifiant de telles mesures.
e) En aucun cas la proclamation d’un état d’exception faite conformément au paragraphe 1 de l’article 4 ne peut être invoquée par un État partie pour justifier qu’il se livre, en violation de l’article 20, à de la propagande en faveur de la guerre ou à des appels à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitueraient une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence.

14. Le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte exige que soient assurés des recours internes utiles contre toute violation des dispositions du Pacte. Même si cette clause ne fait pas partie des dispositions auxquelles il ne peut être dérogé énumérées au paragraphe 2 de l’article 4, elle constitue une obligation inhérente au Pacte. Même si les États parties peuvent, pendant un état d’urgence, apporter, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des ajustements aux modalités
concrètes de fonctionnement de leurs procédures relatives aux recours judiciaires et autres recours, ils doivent se conformer à l’obligation fondamentale de garantir un recours utile qui est prévu au paragraphe 3 de l’article 2.

15. Un élément inhérent à la protection des droits expressément déclarés non susceptibles de dérogation au paragraphe 2 de l’article 4 est qu’ils doivent s’accompagner de garanties de procédure, qui sont souvent judiciaires. Les dispositions du Pacte relatives aux garanties de procédure ne peuvent faire l’objet de mesures qui porteraient atteinte à la protection des droits non susceptibles de dérogation; ce qui implique que l’article 4 ne peut être invoqué dans le but
de déroger aux dispositions non susceptibles de dérogation. De plus, étant donné que l’article 6 du Pacte, dans son ensemble, n’est pas susceptible de dérogation, toute imposition de la peine capitale au cours d’un état d’urgence doit être conforme aux dispositions du Pacte et doit, dès lors, être conforme aux garanties des articles 14 et 15.

16. Toute garantie relative à la dérogation, consacrée à l’article 4 du Pacte, repose sur les principes de légalité et la primauté du droit, inhérents à l’ensemble du Pacte. Certains éléments du droit à un procès équitable étant expressément garantis par le droit international humanitaire en cas de conflit armé, le Comité ne voit aucune justification à ce qu’il soit dérogé à ces garanties au cours d’autres situations d’urgence. De l’avis du Comité, ces principes et la disposition concernant les recours utiles exigent le respect des garanties judiciaires fondamentales pendant un état d’urgence. Seuls les tribunaux peuvent juger et condamner un individu pour infraction pénale. La présomption d’innocence doit être strictement respectée. Afin de protéger les droits non susceptibles de dérogation, il découle du même principe que le droit d’introduire un recours devant un tribunal, dans le but de permettre au tribunal de statuer sans délai sur la légalité d’une détention, ne peut être affecté par la décision d’un État partie de déroger au Pacte9.

17. Au paragraphe 3 de l’article 4, les États parties s’engagent à observer un système de notification internationale quand ils usent du droit de dérogation prévu à l’article 4. L’État partie qui se prévaut du droit de dérogation est tenu d’informer immédiatement les autres États parties, par l’intermédiaire du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, des dispositions auxquelles il a dérogé, et des motifs justifiant cette dérogation. Une telle notification est essentielle non seulement pour les fonctions du Comité, en particulier, pour pouvoir déterminer si les mesures prises par l’État partie sont dictées par la stricte exigence de la situation, mais également pour permettre aux États parties d’assumer leur responsabilité de veiller à la mise en oeuvre des dispositions du Pacte. Étant donné le caractère lapidaire des notifications qu’il a reçues à ce jour, le Comité tient à souligner que devraient figurer dans toute notification des renseignements pertinents sur les mesures prises ainsi que des explications claires sur les motifs qui ont amené l’État partie à les prendre, accompagnés de l’intégralité des documents relatifs
aux dispositions juridiques. Des notifications supplémentaires seront requises dans la mesure où l’État partie prend des mesures ultérieures en application de l’article 4, par exemple en prolongeant l’état d’urgence. L’obligation de notifier immédiatement aux autres États parties s’applique également quand la dérogation prend fin. Ces obligations n’ont pas toujours été respectées: des États parties n’ont pas notifié immédiatement aux autres États parties, par l’entremise du Secrétaire général, qu’ils avaient proclamé l’état d’urgence, et des mesures résultant de la dérogation d’une ou de plusieurs dispositions du Pacte, ou ont négligé de transmettre la notification des modifications d’ordre territorial ou autre découlant de l’exercice des pouvoirs exceptionnels10. Il arrive également que la proclamation d’un état d’urgence et la question de savoir si l’État partie a dérogé aux dispositions du Pacte ne parviennent à la connaissance du Comité qu’à l’occasion de l’examen du rapport périodique par l’État partie. Le Comité insiste sur l’obligation de notification internationale immédiate chaque fois qu’un État
partie se prévaut du droit de dérogation. Cela étant, le Comité a le devoir d’examiner le droit et la pratique d’un État partie en vue de s’assurer que l’article 4 est respecté, que l’État partie ait ou n’ait pas fait parvenir la notification.

 

Notes_____________________________

1 Voir les observations finales concernant les rapports des États ci-après: République-Unie de Tanzanie (1992), CCPR/C/79/Add.12, par. 7; République dominicaine (1993), CCPR/C/79/Add.18, par. 4; Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (1995), CCPR/C/79/Add.55, par. 23; Pérou (1996), CCPR/C/79/Add.67, par. 11; Bolivie (1997), CCPR/C/79/Add.74, par. 14; Colombie (1997), CCPR/C/79/Add.76, par. 25; Liban (1997), CCPR/C/21/Rev.1/Add.11 CCPR/C/79/Add.78, par. 10; Uruguay (1998), CCPR/C/79/Add.90, par. 8; Israël (1998), CCPR/C/79/Add.93, par. 11.

2 Voir par exemple les articles 12 et 19 du Pacte.

3 Voir par exemple les observations finales concernant le rapport d’Israël (1998), CCPR/C/79/Add.93, par. 11.

4 Voir les observations finales concernant les rapports des États ci-après: République dominicaine (1993), CCPR/C/79/Add.18, par. 4; Jordanie (1994), CCPR/C/79/Add.35, par. 6; Népal (1994), CCPR/C/79/Add.42, par. 9; Fédération de Russie (1995), CCPR/C/79/Add.54, par. 27; Zambie (1996), CCPR/C/79/Add.62, par. 11; Gabon (1996), CCPR/C/79/Add.71, par. 10; Colombie (1997), CCPR/C/79/Add.76, par. 25; Iraq (1997), CPR/C/79/Add.84, par. 9; Uruguay (1998), CCPR/C/79/Add.90, par. 8; Israël (1998), CCPR/C/79/Add.93, par. 11; Arménie (1998), CCPR/C/79/Add.100, par. 7; Mongolie (2000), CCPR/C/79/Add.120, par. 14; Kirghizistan (2000), CCPR/CO/69/KGZ, par. 12.

.5 On se réfère ici à la Convention relative aux droits de l’enfant qui a été ratifiée par presque tous les États parties au Pacte et ne contient aucune clause dérogatoire. Comme l’indique clairement l’article 38 de cette Convention, celle-ci est applicable aux situations d’urgence.

6 On rappellera les rapports du Secrétaire général qui ont été soumis à la Commission des droits de l’homme conformément aux résolutions 1998/29, 1999/65 et 2000/69 sur les règles minima d’humanité (ultérieurement: règles d’humanité fondamentales), E/CN.4/1999/92, E/CN.4/2000/94 et E/CN.4/2001/91, et les travaux précédents visant à identifier les droits fondamentaux applicables en toutes circonstances, par exemple les critères minimums des normes relatives aux droits de l’homme dans les états d’exception adoptés à Paris, (Association de droit international, 1984), les Principes de Syracuse concernant les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui autorisent des restrictions ou des dérogations, le rapport final de M. Leandro Despouy, Rapporteur spécial de la Sous-Commission sur les droits de l’homme et les états d’exception (E/CN.4/Sub.2/1997/19 et Add.1), les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays (E/CN.4/1998/53/Add.2), la Déclaration des règles minima d’humanité adoptées à Turku (Åbo), 1990 (E/CN.4/1995/116). Dans le domaine des travaux en cours, on mentionnera la décision adoptée lors de la 26e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (1995) tendant à confier au Comité international de la Croix-Rouge le soin d’établir un rapport sur les règles coutumières du droit international humanitaire applicables dans les conflits armés internationaux ou non.

7 Voir les articles 6 (génocide) et 7 (crimes contre l’humanité) du Statut qui, au 1er juillet 2001, était ratifié par 35 États. Si un grand nombre d’actes spécifiques énumérés à l’article 7 du Statut se rapportent directement à des violations des droits fondamentaux considérés comme intangibles en vertu du paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte, la catégorie des crimes contre l’humanité, telle qu’elle est définie dans l’article 7 du Statut, vise aussi la violation de dispositions du Pacte qui ne figurent pas dans l’article 4. Par exemple, certaines violations graves de l’article 27 peuvent constituer un génocide au sens de l’article 6 du Statut de Rome et, de son côté, l’article 7 du Statut vise des pratiques qui se rapportent non seulement aux articles 6 à 8 du Pacte, mais également aux articles 9, 12, 26 et 27.

8 Voir l’alinéa d du paragraphe 1 et l’alinéa d du paragraphe 2 de l’article 7 du Statut de Rome.

9 Voir les observations finales du Comité concernant Israël (1998) (CCPR/C/79/Add.93, par. 21): «... Le Comité considère que l’internement administratif tel qu’il est appliqué actuellement est incompatible avec les articles 7 et 16 du Pacte, auxquels il ne peut être dérogé en cas de danger public. Il souligne cependant qu’un État partie ne saurait contrevenir à la prescription qui veut que la mise en détention fasse l’objet d’un contrôle judiciaire effectif.» Voir également la
recommandation du Comité à la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, au sujet d’un projet de troisième protocole facultatif se rapportant au Pacte: «Le Comité est convaincu que les États parties, d’une manière générale, comprennent que les recours en habeas corpus et en amparo ne devraient pas se limiter aux situations d’urgence. En outre, le Comité est d’avis que les recours prévus aux paragraphes 3 et 4
de l’article 9, considérés conjointement avec l’article 2, sont inhérents au Pacte dans son ensemble.» Documents officiels de l’Assemblée générale, quarante-neuvième session, Supplément n° 40 (A/49/40), vol. I, annexe XI, par. 2.

10 Voir les observations finales concernant les rapports des États suivants: Pérou (1992), CCPR/C/79/Add.8, par. 10; Irlande (1993), CCPR/C/79/Add.21, par. 11; Égypte (1993), CCPR/C/79/Add.23, par. 7; Cameroun (1994), CCPR/C/79/Add.33, par. 7; Fédération de Russie (1995), CCPR/C/79/Add.54, par. 27; Zambie (1996), CCPR/C/79/Add.62, par. 11; Liban (1997), CCPR/C/79/Add.78, par. 10; Inde (1997), CCPR/C/79/Add.81, par. 19; Mexique (1999),
CCPR/C/79/Add.109, par. 12.

 



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