University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Armenia, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.100 (1998).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME
Soixante-quatrième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU
DE L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme


Arménie

1. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Arménie (CCPR/C/92/Add.2) à ses 1710ème et 1711ème séances (CCPR/C/SR.1710 et 1711), le 26 octobre 1998, et a adopté les observations finales ci-après à ses 1721ème et 1725ème séances (CCPR/C/SR.1721 et 1725) tenues les 2 et 4 novembre 1998.


A. Introduction

2. Tout en constatant qu'il a été présenté avec beaucoup de retard, le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l'État partie, qui porte sur les événements survenus depuis l'accession du pays à l'indépendance, et se félicite du dialogue qu'il a eu avec la délégation sur l'application des dispositions du Pacte. Il apprécie la franchise avec laquelle l'État partie reconnaît les problèmes existants, dus en partie au fait que le pays se trouve dans une période de transition, et se félicite qu'il se montre disposé à fournir des renseignements complémentaires par écrit.


B. Aspects positifs

3. Le Comité félicite l'État partie d'avoir entrepris de modifier sa législation pour qu'elle cadre pleinement avec ses obligations internationales. Il accueille avec satisfaction la création d'une Commission constitutionnelle chargée de revoir la Constitution et l'adoption de la loi sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, de la loi sur le parquet, le Code pénal et le Code civil, de la loi sur les procédures civile et pénale, le Code du travail et le Code électoral, de la loi sur la citoyenneté et des lois sur les droits de l'enfant. Il attend avec intérêt de recevoir le texte de ces nouvelles lois lorsqu'elles entreront en vigueur.

4. Le Comité prend note avec satisfaction de la création de la Commission des droits de l'homme en tant qu'organe consultatif du Président de la République ayant compétence pour examiner le projet de législation sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Il prend acte de la création d'un Département des droits de l'homme au sein du Ministère des affaires étrangères. Le Comité accueille en outre avec satisfaction la proposition relative à la création d'une charge d'ombudsman qui aurait pour fonction de donner suite aux plaintes émanant de particuliers.

5. Le Comité félicite l'État partie d'avoir exprimé l'intention d'abolir la peine de mort à compter du 1er janvier 1999 avec effet automatique sur toutes les personnes actuellement condamnées à mort.

6. Le Comité se félicite que les prisonniers politiques d'Arménie aient été libérés après les dernières élections présidentielles. À cet égard, il note avec satisfaction que des organisations non gouvernementales ont reçu l'importante mission de rendre visite aux prisonniers et d'effectuer des vérifications ponctuelles. Le Comité prend note du rôle joué par le Comité des mères de soldats concernant les plaintes exprimées dans les garnisons militaires. En outre, le Comité prend note de l'accord passé avec le Comité international de la Croix-Rouge autorisant les représentants du CICR à rendre visite aux détenus en Arménie.


C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7. Le Comité est très préoccupé par l'incompatibilité de certaines dispositions importantes de la Constitution avec le Pacte : par exemple, l'article 22 de la Constitution, qui garantit la liberté de circuler uniquement aux citoyens arméniens, contrevient à l'article 12 du Pacte; les articles 23, 44 et 45 de la Constitution, qui autorisent des dérogations en période d'état d'urgence et des restrictions à la liberté de pensée et de religion, contreviennent au paragraphe 2 de l'article 4 et à l'article 18 du Pacte. L'incompatibilité de la législation nationale avec les dispositions du Pacte engendre une insécurité juridique et risque en outre de conduire à des violations des droits reconnus dans le Pacte.

8. Le Comité constate que l'indépendance de l'appareil judiciaire n'est pas pleinement garantie. Il observe en particulier que l'élection des juges par vote populaire pour une durée fixe maximale de six ans ne garantit pas leur indépendance et leur impartialité.

9. Le Comité est préoccupé par le fait que, selon l'article 101 de la Constitution, seuls les représentants des corps exécutif et législatif peuvent saisir le Tribunal constitutionnel. Le Comité recommande à l'État partie de modifier sa Constitution de façon à permettre aux particuliers de porter, le cas échéant, à l'attention du Tribunal constitutionnel des questions concernant les droits de l'homme garantis dans la Constitution, dont un grand nombre sont également reconnus dans le Pacte.

10. Le Comité note que le nouveau Code pénal prévoit l'abolition de la peine de mort, et recommande que tous les condamnés à mort fassent l'objet d'une commutation de peine immédiate. Il espère que l'État partie envisagera de ratifier le deuxième Protocole facultatif au Pacte, visant à abolir la peine de mort.

11. Le Comité se dit préoccupé par le fait que tous les motifs de détention provisoire ne sont pas énumérés dans la loi actuelle. Tout en notant que le nouveau Code pénal prévoit une période de détention de trois mois au maximum, il craint que très peu de détenus ne puissent bénéficier de la mise en liberté provisoire sous caution et demande instamment à l'État partie d'observer strictement les dispositions du paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte.

12. Le Comité exprime sa préoccupation devant les allégations de torture et de mauvais traitements par des membres des forces de l'ordre. Il recommande la création d'un organe spécial indépendant chargé d'enquêter sur les plaintes faisant état de torture et de mauvais traitements infligés par les membres des forces de l'ordre.

13. Le Comité est préoccupé par les piètres conditions régnant dans les prisons. Il rappelle à l'État partie que toutes les personnes privées de liberté doivent être traitées avec humanité et avec le respect dû à la dignité inhérente à l'être humain, et recommande à l'État partie d'observer l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

14. Le Comité constate que la discrimination de facto qui s'exerce contre les femmes persiste du fait de la coutume et souligne que ce problème doit être traité à la lumière des obligations qui incombent à l'Arménie en vertu du Pacte.

15. Le Comité est préoccupé par la discrimination dont les femmes font l'objet dans le domaine de l'emploi et par leur sous-représentation dans la conduite des affaires publiques. Il déplore en outre le niveau disproportionné de chômage parmi les femmes, que la délégation a attribué aux difficultés économiques.

16. Il ne faudrait pas déduire de l'absence de données sur les cas de violence domestique que ces formes de violence n'existent pas. Le Comité recommande donc que des mesures spécifiques de protection et de répression soient prises concernant toutes les formes de violence exercées contre les femmes, notamment le viol. Il invite l'État partie à rassembler des données sur ce sujet et à les présenter dans le prochain rapport périodique.

17. Le Comité note avec préoccupation que le phénomène des enfants des rues existe en Arménie. L'État partie doit d'urgence s'occuper de cette question conformément à l'article 24 du Pacte.

18. Le Comité regrette l'absence de dispositions juridiques prévoyant d'autres formules que le service militaire dans le cas de l'objection de conscience. Il déplore que des objecteurs de conscience aient été enrôlés de force et sanctionnés par des tribunaux militaires, et qu'il y ait eu des cas de représailles contre des membres de leurs familles.

19. Le Comité est préoccupé par l'obligation d'enregistrement des religions et par le fait que le nombre d'adeptes requis pour obtenir l'enregistrement a été relevé. Il note également que les religions non reconnues font l'objet d'une discrimination en ce qui concerne le droit à la propriété privée et le droit de recevoir des fonds de l'étranger.

20. Le Comité s'inquiète de la compatibilité de la loi de 1991 sur la presse avec la liberté d'expression prévue à l'article 19 du Pacte : il craint en particulier que les notions de "secrets d'État" et d'"informations mensongères et non vérifiées" (art. 6 de la loi sur la presse) ne soient des restrictions excessives à la liberté d'expression. Il est également préoccupé par l'étendue du monopole de l'État sur l'impression et la distribution des journaux.

21. Le Comité exprime sa préoccupation devant la rigueur du contrôle exercé par le Gouvernement sur les médias électroniques, qui peut être mise en cause au regard de l'article 19 du Pacte et qui a pour effet de gravement limiter l'exercice des droits énoncés à l'article 25 du Pacte, en ce qui concerne notamment la tenue d'élections.

22. Le Comité est préoccupé par la position de l'État partie selon laquelle il n'est pas possible de garantir aux petites minorités nationales l'accès à des possibilités d'enseignement dans leur langue d'origine. Il recommande que des mesures soient prises conformément à l'article 27 du Pacte.

23. Le Comité félicite l'État partie pour les efforts qu'il a déployés en vue de diffuser des informations sur les droits de l'homme, y compris un enseignement sur ce sujet dans le cadre des programmes scolaires. Il fait observer en particulier que, dans le cas des professions juridiques et de l'appareil judiciaire, une formation aux droits de l'homme est nécessaire à la démocratie. Le Comité recommande donc de dispenser une formation de ce type. Il engage l'État partie à diffuser largement son rapport initial ainsi que les observations finales du Comité.

24. Le Comité a fixé à octobre 2001 la date à laquelle l'Arménie devra présenter son deuxième rapport périodique.




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