Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
Soixante-neuvième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations finales du Comité des droits de l'homme
Australie
500. Le Comité regrette que le troisième rapport ait été présenté avec beaucoup de retard, puisqu'il a été reçu dix ans après l'examen du deuxième rapport périodique.
501. Le Comité se félicite de la contribution des organisations non gouvernementales et des institutions spécialisées à l'examen des rapports de l'État partie.
503. Le Comité se félicite de l'adoption d'une législation antidiscriminatoire, y compris de dispositions au bénéfice des handicapés, dans toutes les régions placées sous la juridiction de l'État partie.
504. Le Comité note avec satisfaction la création en 1993 du poste de commissaire à la justice sociale pour les populations aborigènes et insulaires du détroit de Torres.
505. Le Comité note avec satisfaction que la condition des femmes dans la société australienne s'est considérablement améliorée pendant la période sur laquelle porte le rapport, en particulier dans la fonction publique, dans le monde du travail en général ainsi que dans l'enseignement supérieur, encore qu'une plus grande égalité ne soit pas encore obtenue dans bien des secteurs. Le Comité se félicite des initiatives prises pour faciliter l'accès des femmes à des services juridiques dans des conditions d'égalité, y compris en milieu rural, ainsi que du renforcement de la loi de 1984 relative à la discrimination fondée sur le sexe.
507. L'État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que les autochtones interviennent davantage dans la prise des décisions concernant leurs terres ancestrales et ressources naturelles (art. premier, par. 2).
508. En dépit d'une évolution positive de la situation qui tend vers une reconnaissance des droits fonciers des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres, comme en témoignent certaines décisions judiciaires (Mabo 1992, Wik 1996) et l'adoption de la loi sur les titres fonciers autochtones de 1993, ainsi que la délimitation de terres d'une superficie considérable, le Comité demeure préoccupé par le fait que, dans de nombreuses régions, les droits fonciers et les intérêts autochtones continuent de soulever des problèmes et que la loi de 1998 portant amendement de la loi sur les titres fonciers autochtones limite, à certains égards, les droits des individus et des communautés autochtones, en particulier leur participation effective dans tous les domaines ayant trait à la propriété et à l'exploitation de la terre et affecte leurs intérêts fonciers sur les terres autochtones, notamment les pâturages.
509. Le Comité recommande que l'État partie prenne de nouvelles mesures pour garantir les droits que l'article 27 du Pacte confère à sa population autochtone. L'exclusion très marquée et la misère dont les autochtones sont victimes attestent l'urgence de ces mesures. Le Comité recommande en particulier que les mesures voulues soient prises pour rétablir et protéger les titres et intérêts des autochtones sur leurs terres ancestrales, et notamment que l'État partie envisage de modifier de nouveau la loi sur les titres fonciers autochtones eu égard à ces préoccupations.
510. Le Comité note avec préoccupation que le souci d'assurer le maintien et la viabilité à long terme de l'économie des minorités autochtones sous ses formes traditionnelles (chasse, pêche et cueillette) et de protéger les sites ayant une signification religieuse ou culturelle pour lesdites minorités, comme l'exige l'article 27, n'est pas toujours ce qui détermine au premier chef l'utilisation des terres.
511. Le Comité recommande que dans le cadre de l'élaboration du texte final du projet de loi destiné à remplacer la loi de 1984 relative à la protection du patrimoine aborigène et insulaire du détroit de Torres, l'État partie accorde à ces valeurs le poids qu'elles méritent.
512. Le Comité, tout en reconnaissant les efforts que l'État partie a faits pour chercher à réparer les tragédies engendrées par la politique des époques précédentes qui a consisté à enlever des enfants autochtones à leurs familles, demeure préoccupé par les effets persistants de cette politique.
513. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ces efforts pour que les victimes elles-mêmes et leurs familles estiment avoir reçu une réparation adéquate (art. 2, 17 et 24).
514. Le Comité note avec préoccupation que, étant donné l'absence d'une charte des droits constitutionnels ou d'une disposition de la Constitution donnant effet au Pacte, la protection des droits énoncés dans le Pacte demeure lacunaire dans le système juridique australien. Des cas continuent de se présenter où la législation interne n'offre pas de recours utile aux personnes dont les droits que le Pacte leur reconnaît ont été violés.
515. L'État partie devrait prendre des mesures pour donner effet à tous les droits et libertés énoncés dans le Pacte et faire en sorte que toutes les personnes lésées dans les droits et libertés que leur reconnaît le Pacte bénéficient d'un recours utile (art. 2).
516. Tout en prenant note de l'explication de la délégation selon laquelle des négociations politiques ont lieu entre le Gouvernement du Commonwealth et les gouvernements des États et territoires lorsque ces derniers adoptent des lois ou des mesures susceptibles de porter atteinte aux droits énoncés dans le Pacte, le Comité souligne que ces négociations ne sauraient exonérer l'État partie de l'obligation de faire respecter et de garantir ces droits sur l'intégralité de son territoire sans limitation ni exception aucune (art. 50).
517. Le Comité considère que des arrangements politiques entre le Gouvernement du Commonwealth et les gouvernements des États ou territoires ne sauraient justifier que les droits énoncés dans le Pacte fassent l'objet de restrictions non autorisées par le Pacte.
518. Le Comité prend note avec préoccupation du projet de loi du Gouvernement qui stipulerait, contrairement à une décision judiciaire, que la ratification des traités relatifs aux droits de l'homme n'a pas légitimement pour conséquence que les fonctionnaires du Gouvernement doivent utiliser leur pouvoir de décision d'une manière conforme à ces traités.
519. Le Comité considère que l'adoption d'un tel projet de loi serait incompatible avec les obligations qui incombent à l'État partie en vertu de l'article 2 du Pacte et invite instamment le Gouvernement à le retirer.
520. Le Comité note avec préoccupation la suite que l'État partie a réservée aux constatations du Comité concernant la communication No 560/1993 (A. c. Australie). En rejetant l'interprétation que le Comité donne du Pacte quand cette interprétation ne correspond pas à celle qu'en donne l'État partie dans ses communications, l'État partie enlève toute valeur à l'acte par lequel il a reconnu la compétence du Comité pour examiner des communications en vertu du Protocole facultatif.
521. Le Comité recommande que l'État partie reconsidère son interprétation afin de donner pleinement effet à ses constatations.
522. La législation de l'Australie occidentale et du Territoire du Nord sur la détention obligatoire, qui, dans biens des cas, aboutit à imposer des peines sans rapport avec la gravité des infractions commises et qui paraît incompatible avec les mesures prises par l'État partie pour réduire le nombre disproportionné d'autochtones aux prises avec la justice pénale, pose de graves questions au regard de divers articles du Pacte.
523. L'État partie est instamment invité à reconsidérer la législation sur l'emprisonnement obligatoire afin de garantir que tous les droits énoncés dans le Pacte soient respectés.
524. Le Comité note que le Parlement a réexaminé récemment les politiques d'immigration de l'État partie à l'égard des réfugiés et pour motifs humanitaires, et que le Ministre de l'immigration et des affaires pluriculturelles a publié des directives tendant à ce que les affaires qui soulèvent des questions touchant le respect du Pacte par l'État partie lui soient renvoyées.
525. Le Comité considère que le devoir de remplir les obligations imposées par le Pacte doit être inscrit dans la législation interne. Il recommande qu'en vertu de cette législation, les personnes qui affirment que leurs droits n'ont pas été respectés doivent disposer d'un recours utile.
526. Le Comité considère que la mise en détention obligatoire, en vertu de la loi sur les migrations, des "non-citoyens en situation irrégulière", y compris des demandeurs d'asile, soulève la question du respect des dispositions du paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte, qui stipule que nul ne peut faire l'objet d'une détention arbitraire. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie a pour politique, dans le contexte de cette mise en détention obligatoire, de ne pas informer les détenus de leur droit de demander une assistance juridique et de ne pas autoriser les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme à se rendre auprès des détenus pour les informer de ce droit.
527. Le Comité prie instamment l'État partie de reconsidérer sa politique de mise en détention obligatoire des "non-citoyens en situation irrégulière", et d'adopter d'autres méthodes pour assurer un processus d'immigration ordonné. Le Comité recommande que l'État partie informe tous les détenus des droits que leur reconnaît la loi, y compris leur droit de solliciter l'aide d'un conseil.
528. Le Comité demande que le cinquième rapport périodique soit présenté au plus tard le 31 juillet 2005. Il demande que les présentes observations finales et le prochain rapport périodique fassent l'objet d'une large diffusion auprès du public, y compris la société civile et les organisations non gouvernementales ayant des activités dans l'État partie.