Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Observations du Comité des droits de l'homme
AUTRICHE
80. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l'Autriche (CCPR/C/51/Add.2) de sa 1098e à sa 1100e séance, les 24 et 25 octobre 1991 (CCPR/CR/SR.1098-1100). (Pour la composition de la délégation, voir annexe VIII.)
81. Le rapport a été présenté par le représentant de l'Etat partie, qui a attiré l'attention des membres du Comité, en particulier, sur le fait que le deuxième Protocole facultatif relatif à l'abolition de la peine de mort avait été soumis au Parlement autrichien pour approbation et devait être ratifié au début de 1992.
Cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte
82. A propos de cette question, les membres ont demandé quelles mesures l'Autriche avait prises pour donner effet aux droits reconnus dans le Pacte et si elle s'était heurtée à des difficultés à cet égard. Ils se sont aussi enquis des recours ouverts aux individus qui affirmaient que les droits qui leur étaient garantis par le Pacte avaient été violés. En ce qui concerne la promotion des droits de l'homme, ils souhaitaient savoir en particulier s'il serait créé une commission nationale des droits de l'homme, un bureau de l'ombudsman ou un organisme semblable et quelles mesures avaient été prises pour mieux faire connaître au grand public le Pacte et le Protocole facultatif.
83. Des membres se sont préoccupés du statut du Pacte étant donné que l'Autriche avait incorporé dans sa législation interne la Convention européenne des droits de l'homme mais pas le Pacte. Ils se demandaient si, à défaut de l'ensemble du Pacte, du moins les dispositions du Pacte qui n'avaient pas d'équivalent dans la Convention européenne, ne pourraient pas être incorporées dans le droit interne autrichien. En outre, des membres ont voulu savoir s'il existait un mécanisme de surveillance de la législation afin d'assurer la compatibilité de cette dernière avec les obligations internationales qui incombent à l'Autriche en vertu du Pacte; quelle suite serait réservée à des plaintes compte tenu des dispositions du Protocole facultatif et s'il existait une procédure législative permettant d'abroger les dispositions du Pacte. Des membres se sont aussi inquiétés des réserves formulées par l'Autriche à l'égard du Pacte et du Protocole facultatif et ont demandé si l'Autriche envisageait d'en retirer quelques-unes.
84. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a déclaré que, bien qu'il ne fasse pas partie intégrante du droit interne autrichien, le Pacte était reconnu comme un instrument imposant des obligations au regard du droit international public. Les droits de l'homme fondamentaux étaient garantis en Autriche depuis la promulgation de la Loi fondamentale de 1867 et la ratification de la Convention européenne des droits de l'homme, laquelle avait été intégrée au droit constitutionnel interne en 1964. En dépit du fait que ni les juges, ni les autorités administratives n'étaient tenus d'appliquer directement les dispositions du Pacte, l'Autriche n'avait pas de difficultés à donner effet aux droits qui y étaient reconnus. Le Pacte imposant une obligation internationale à l'Autriche, abroger l'une quelconque de ses dispositions reviendrait à violer le droit international. Néanmoins, dans le cadre du droit constitutionnel en vigueur, il ne serait pas possible d'envisager son incorporation partielle dans le droit interne.
85. A propos des recours, le représentant a expliqué que le droit appliqué par les tribunaux prévoyait toute une hiérarchie dans les recours ouverts aux personnes lésées et que toute décision rendue par une juridiction pouvait donc faire l'objet d'un recours devant une ou plusieurs juridictions supérieures. L'indemnisation des victimes était aussi prévue à divers niveaux de l'administration. Après épuisement de tous les recours qui leur étaient offerts dans le secteur administratif, les requérants pouvaient saisir la Cour constitutionnelle si la décision administrative était contestée au motif qu'elle constituait une violation des droits de l'homme. La Cour constitutionnelle pouvait annuler la disposition législative mise en cause et/ou infirmer la décision administrative ayant fait l'objet du recours.
86. Le Gouvernement n'avait pas l'intention d'instituer une commission des droits de l'homme ou un organisme spécial pour promouvoir les droits de l'homme. Toutefois, il existait un ombudsman depuis 1976 et toutes les institutions gouvernementales étaient prêtes à fournir sur demande tout renseignement concernant les droits de l'homme. Bien que le grand public soit moins familiarisé avec le Pacte qu'avec la Convention européenne des droits de l'homme, il connaissait en général ses dispositions ainsi que celles du Protocole facultatif. Le Gouvernement autrichien estimait que les dispositions de la Loi fondamentale et de la Convention européenne des droits de l'homme, amendées par des protocoles ultérieurs, suffiraient à assurer le respect des dispositions du Pacte. En outre, le texte de chaque loi ou décret était scrupuleusement examiné à la lumière des libertés et droits fondamentaux prévus dans le Pacte, la Convention européenne et le droit interne. Pour veiller à ce que toute personne dont les droits ou les libertés étaient violés dispose de recours utiles, l'Autriche était prête à modifier sa législation interne de façon à assurer une nouvelle possibilité de recours ou à faciliter l'accès à un recours existant si le Comité des droits de l'homme le jugeait approprié, comme elle l'avait déjà fait précédemment à la suite de décisions adoptées par la Cour européenne.
87. Les problèmes qui avaient conduit l'Autriche à formuler un certain nombre de réserves au moment de la ratification du Pacte étaient imputables en grande partie à des divergences d'opinion quant à la pratique autrichienne et à l'interprétation des dispositions de la Convention européenne. Toutefois, il serait toujours possible d'envisager de retirer telle ou telle des réserves qui avaient été formulées.
Non-discrimination et égalité de l'homme et de la femme
88. A propos de cette question, les membres ont demandé comment les droits énoncés au paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte étaient garantis par la Constitution autrichienne; si l'égalité de salaire entre les femmes et les hommes était assurée et quelles mesures avaient été prises pour encourager les femmes à participer à la vie du pays dans les divers secteurs de la société; quelle était la proportion d'hommes et de femmes dans les divers établissements d'enseignement, comment la Loi constitutionnelle spéciale interdisant la discrimination raciale avait été appliquée dans la pratique; à quels égards les droits des étrangers étaient limités par rapport à ceux des citoyens; si tous les types de discrimination envisagés dans le Pacte étaient interdits; si la Constitution prévoyait toujours que les membres des maisons régnantes et des anciennes familles régnantes ne pouvaient pas se porter candidats à la présidence de l'Etat; et pourquoi les articles 26 et 27 du Pacte ne pourraient pas être directement appliqués en Autriche puisque la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale avait été rendue applicable en Autriche par l'adoption d'une loi constitutionnelle.
89. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a déclaré que la Constitution interdisait la discrimination. Etant donné que quasiment tous les droits consacrés dans le Pacte l'étaient également dans la Convention européenne qui avait été incorporée dans la Constitution autrichienne, on pouvait dire que le droit autrichien contenait nécessairement des dispositions analogues à celles du Pacte. Néanmoins, pour des raisons historiques, l'article 7 de la Constitution (qui a trait aux droits des citoyens seulement) n'était pas identique à l'article 2 du Pacte (qui a trait aux droits de tous les individus). Quant à la façon dont était traitée l'ancienne famille impériale, le représentant a indiqué qu'il ferait connaître au Gouvernement autrichien les vues du Comité à ce sujet.
90. Concernant le traitement réservé aux étrangers et aux nationaux en général, le représentant a mis l'accent sur le fait qu'en Autriche, le principe de l'égalité s'appliquait à tous les étrangers, conformément aux dispositions de la Loi constitutionnelle relative à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la Convention européenne, sous réserve de quelques différences en ce qui concerne l'emploi, dans certains cas comme dans celui de la fonction publique qui n'était accessible qu'aux personnes possédant la nationalité autrichienne. Le représentant de l'Etat partie ne disposait d'aucun renseignement sur l'application de la Loi constitutionnelle spéciale interdisant la discrimination raciale étant donné qu'aucun tribunal n'avait jamais eu à connaître d'une plainte invoquant ce texte.
91. Selon des chiffres portant sur 1988-1989, la proportion d'élèves de sexe féminin dans les jardins d'enfants et dans les établissements d'enseignement primaire et secondaire était d'environ 50 %; au niveau universitaire, un tiers des étudiants étaient de sexe féminin. Un rapport sur les mesures prises pour favoriser la participation des femmes à la vie du pays serait porté à la connaissance du Comité dès qu'il serait prêt. S'agissant de l'égalité de salaire, le représentant a reconnu que cette égalité n'était pas assurée en Autriche. Le Gouvernement avait donc institué une commission de l'égalité de traitement mais il était évident que les choses ne pouvaient évoluer que lentement.
Etat d'exception
92. Au sujet de cette question, des membres ont souhaité savoir comment le Gouvernement ferait face à une situation d'urgence dans la mesure où la suspension des droits fondamentaux n'était pas prévue dans la Constitution.
93. Dans sa réponse, le représentant a déclaré qu'il n'existait aucune législation particulière en Autriche pour régir de tels cas. La Constitution habilitait le Gouvernement fédéral à prendre des décrets qui avaient force de disposition parlementaire mais cette faculté n'avait jamais été utilisée.
Droit à la vie
94. Des membres ont noté à ce sujet que l'Autriche envisageait de ratifier le deuxième Protocole facultatif relatif à l'abolition de la peine de mort. Ils ont aussi demandé quels étaient les lois et règlements régissant l'utilisation d'armes à feu par la police et les forces de sécurité; si la notion d'homicide sur la demande de la victime incluait ou non l'euthanasie pratiquée par un médecin; si le suicide avait été dépénalisé; quand il était envisagé de légaliser l'avortement; et si des mesures avaient été prises pour assurer à la population un environnement sain en limitant la pollution et en adoptant des mesures de prévention du syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA), du cancer, ou des maladies dues au tabac.
95. Dans sa réponse, le représentant a dit que l'utilisation d'armes à feu par la police et les forces de sécurité était régie par une loi de 1969 selon laquelle ces armes ne pouvaient être utilisées que pour briser la force agressive d'une personne après l'avoir dûment avertie et lorsque d'autres moyens avaient échoué. L'euthanasie "active" était considérée comme illégale et contraire à l'éthique médicale. La tentative de suicide ne constituait plus un délit, mais quiconque aidait une personne à se donner la mort était passible de poursuites pénales. L'interruption de grossesse pendant les trois premiers mois de la grossesse n'était pas un acte punissable par la loi. Le Code de procédure pénale avait été modifié en 1987 afin de sanctionner plus largement les délits en rapport avec la pollution de l'environnement, mais le débat sur cette question délicate se poursuivait. Un système d'enregistrement des cas de SIDA avait été instauré et le principe de l'anonymat était strictement respecté. Les dispositions législatives réprimant la prostitution homosexuelle avaient été abrogées car elles empêchaient d'appliquer des mesures de prévention et de lutter plus efficacement contre le SIDA. Il était aussi prévu de fournir aux toxicomanes des produits de substitution.
Liberté et sécurité de la personne et traitement des prisonniers et autres détenus
96. En ce qui concerne cette question, les membres du Comité souhaitaient savoir s'il y avait eu des allégations de violation des obligations découlant de l'article 7 du Pacte et s'il existait des statistiques des cas de mauvais traitements infligés à des détenus. Notant que la torture avait été pratiquée en Autriche, des membres ont demandé quelles mesures avaient été prises pour éviter les mauvais traitements; quelles étaient les autorités compétentes pour enquêter en cas de plaintes de ce type et les procédures d'examen de ces plaintes; quels étaient les principaux problèmes auxquels étaient confrontés les comités pénitentiaires et comment ces problèmes avaient été réglés. Certains membres ont également demandé comment la législation autrichienne satisfaisait aux exigences des articles 7 et 9 (3) du Pacte; si des directives avaient été données aux forces de sécurité; et quelle était la durée moyenne de la détention provisoire. D'autres ont souhaité savoir sur quels principes reposait la recevabilité des preuves, et en particulier si des aveux obtenus par la torture constituaient des preuves valables.
97. En outre, des membres ont voulu savoir s'il existait une procédure de révision des décisions d'internement forcé; si le Comité européen pour la prévention de la torture avait relevé des cas de violation des dispositions de la Convention européenne pour la prévention de la torture; combien de temps après son arrestation un détenu était autorisé à se mettre en contact avec un conseil; quels étaient les pouvoirs des comités pénitentiaires et comment ils s'acquittaient de leurs fonctions; quelle était l'autorité chargée de surveiller régulièrement la façon dont sont traitées les personnes détenues dans des établissements psychiatriques ou des établissements de redressement pour mineurs délinquants. Des membres ont aussi contesté les raisons invoquées par le Gouvernement autrichien à l'appui de la réserve qu'il avait formulée à l'égard de l'article 10 du Pacte et se sont demandé s'il ne pourrait pas la retirer.
98. En réponse aux questions soulevées par les membres, le représentant de l'Etat partie a confirmé qu'il y avait eu des cas d'allégations de violation des obligations découlant de l'article 7 du Pacte. Un décret ordonnant que les allégations qui semblaient fondées fassent l'objet non seulement d'une enquête de police, mais aussi d'une enquête approfondie par un magistrat instructeur indépendant, avait été publié en 1989. Bien qu'il soit encore trop tôt pour fournir des statistiques sur les résultats de ces enquêtes (un décret demandant que des statistiques concernant les allégations de mauvais traitement en cours de détention soit établi avait été publié en mai 1991), le représentant a fait état d'un rapport publié par Amnesty International en 1990 dans lequel 14 cas individuels étaient cités. Même avant la publication de ce rapport, le Ministre de la justice avait pris un décret donnant des consignes rigoureuses en ce qui concerne le droit des personnes arrêtées de communiquer avec un conseil, et la possibilité d'avertir de leur arrestation une tierce partie. En outre, une brochure sur les droits des mineurs détenus avait également été publiée. Les comités pénitentiaires étaient des organes indépendants chargés de surveiller les conditions pénitentiaires et de recommander des mesures visant à les améliorer. Des propositions avaient été ainsi faites en vue d'améliorer les conditions de détention et de promouvoir la mise au point de programmes de formation à l'intention des détenus.
99. En ce qui concerne la détention provisoire, le représentant a rappelé que toute personne détenue provisoirement devait être conduite devant un juge dans les 48 heures, lequel était tenu de l'interroger dans les 24 heures, le délai pour l'interrogatoire pouvant être prolongé jusqu'à 72 heures. Si le juge doutait de la légalité de l'arrestation ou de la détention, il devait remettre en liberté la personne arrêtée mais cette décision était susceptible de recours. Selon les chiffres disponibles pour 1988, la durée moyenne de la détention provisoire était de 76 jours.
100. A propos de l'utilisation comme élément de preuve des aveux obtenus par de mauvais traitements, le représentant a expliqué que la déclaration faite par le Parlement autrichien au moment de la ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants revenait en fait à interdire l'utilisation des déclarations obtenues par la torture. Le Gouvernement autrichien était conscient du fait que le Code de procédure pénale devrait être modifié à la lumière de l'article 15 de la Convention européenne des droits de l'homme de façon à comporter des dispositions expresses interdisant l'utilisation d'aveux obtenus par de mauvais traitements comme éléments de preuve. Aux yeux des autorités autrichiennes, l'article 15 de la Convention européenne était encore plus restrictif que l'article 7 du Pacte.
101. En réponse aux questions relatives à l'internement dans des établissements psychiatriques, le représentant a indiqué que le nombre des cas d'internement forcé avait diminué des deux tiers en 15 ans et qu'une nouvelle loi prévoyant de nouvelles procédures était entrée en vigueur le 1er janvier 1991. Conformément à cette loi, toute personne internée contre son gré dans un établissement psychiatrique devait être présentée devant le tribunal civil compétent dans les deux jours et interrogée par le juge d'instruction dans les quatre jours qui suivaient. Toute restriction à la liberté de circulation et de communication devrait faire l'objet d'une décision judiciaire qui devait être prise dans un délai de huit jours et dont il pouvait être fait appel dans les 14 jours.
102. A propos de la réserve émise par l'Autriche au sujet de l'article 10 du Pacte, le représentant a expliqué qu'elle était due entre autres au fait que le Gouvernement n'avait pas jugé les dispositions du Pacte relatives aux mineurs délinquants suffisantes ou conformes à sa propre pratique. L'Autriche reconnaissait le principe de la séparation des jeunes prévenus et des adultes mais, si ce principe était strictement appliqué, un jeune de 18 ans ne pourrait pas partager la cellule d'un jeune de 19 ans, alors que 19 ans était l'âge de la responsabilité pénale depuis 1988. En outre, dans les dernières années, il n'y avait guère plus de deux ou trois jeunes emprisonnés dans chaque établissement pénitentiaire et le nombre total de mineurs délinquants purgeant des peines d'emprisonnement n'avait jamais dépassé 50.
103. En réponse à la question de savoir si la durée maximum de la détention provisoire pouvait être ramenée de cinq à trois jours, le représentant a déclaré que le Gouvernement envisageait de modifier le Code de procédure pénale dans ce sens, pour se conformer ainsi aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. Il n'existait pas de disposition spéciale sur le terrorisme et, heureusement, aucun acte terroriste n'avait été jusqu'ici commis par un Autrichien. L'enregistrement audio-vidéo des interrogatoires de police n'était pas encore une pratique courante dans les démocraties européennes. Toutefois, avec la réforme du Code de procédure pénale prévue, les détenus auraient le droit de demander à une personne de confiance, avocat ou autre, d'être présente durant l'interrogatoire. De plus, le Gouvernement avait récemment pris des mesures pour assurer la formation des policiers en matière de droits de l'homme.
Droit à un procès équitable
104. S'agissant de cette question, les membres voulaient savoir selon quels critères on sélectionnait les membres des jurys; quelle était la durée moyenne des affaires pénales; s'il y avait eu des demandes de versement de dommages-intérêts conformément à la loi pénale sur les dommages-intérêts; et si la réserve faite à propos de l'article 14 du Pacte serait levée.
105. En réponse à ces questions, le représentant a déclaré que depuis le 1er janvier 1991, les membres des jurys et les assesseurs étaient choisis de façon aléatoire. La durée moyenne des affaires pénales était plutôt brève par rapport à la situation dans d'autres pays, en particulier depuis l'institution d'un système de contrôle en 1990. La question du versement de dommages-intérêts se posait en cas de détention illégale, de détention préventive n'aboutissant pas à une inculpation et d'acquittement prononcé à l'issue d'un second procès d'une personne condamnée et emprisonnée. Il ressortait des statistiques des huit années passées qu'il y avait en moyenne 5 à 24 cas de cette nature par an, dont la plupart étaient en rapport avec la détention préventive. Dans les deux tiers des cas, les demandes avaient été reconnues justifiées et les victimes avaient reçu des dommages-intérêts.
106. En ce qui concerne les réserves faites par l'Autriche à propos du paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte, le représentant a expliqué que, dans la mesure où il existait toujours deux échelons dans la procédure pénale en Autriche, les autorités autrichiennes n'étaient pas certaines que l'imposition, en deuxième instance, d'une condamnation plus sévère qui ne serait pas susceptible d'appel, soit conforme à la disposition en question. C'est donc par précaution que ces réserves avaient été formulées. Quant aux réserves relatives au paragraphe 7 de l'article 14, le représentant a expliqué qu'il était exceptionnel qu'un procès soit rouvert après un jugement définitif et que les cas de cette nature impliquaient généralement la présentation d'éléments de preuve nouveaux. Le Gouvernement pourrait envisager de retirer les réserves de l'Autriche si le Comité ou tout autre organe des Nations Unies pouvait lui apporter l'assurance que la pratique de l'Autriche n'était pas incompatible avec les dispositions du Pacte.
Liberté de circulation et expulsion des étrangers
107. Sur ce point, les membres du Comité souhaitaient recevoir un complément d'information concernant les procédures judiciaires ou administratives de recours pertinentes en cas de décision d'interdiction de résidence et ils ont demandé si un tel recours avait un effet suspensif. En outre, des membres ont voulu savoir s'il existait dans la loi ou dans la pratique des restrictions au droit de chaque citoyen d'établir sa résidence et son domicile n'importe où en Autriche; quelle était la politique de l'Autriche en matière d'immigration et de droit d'asile; combien de personnes avaient demandé à bénéficier du statut de réfugié ou d'un refuge temporaire en Autriche après avoir fui la Yougoslavie; et quelle politique le Gouvernement envisageait d'adopter à leur égard à l'avenir.
108. Le représentant a répondu que la teneur de l'article 13 du Pacte avait été incorporée dans le septième Protocole de la Convention européenne des droits de l'homme, et donc dans le droit constitutionnel autrichien. Toutefois, le Protocole différait du Pacte sur le point particulier de savoir si un recours contre une décision d'expulsion avait un effet suspensif. Bien que le Protocole reconnaisse qu'un recours devrait en principe avoir un effet suspensif en cas d'expulsion, il avait été jugé nécessaire d'introduire quelques exceptions dans les affaires touchant à l'ordre public ou à la sécurité nationale. Dans ces cas exceptionnels, un étranger pourrait être expulsé avant d'exercer son droit de présenter des arguments contre son expulsion, de faire réexaminer son cas et d'être représenté.
109. En ce qui concerne la liberté de circulation, le représentant de l'Etat partie a confirmé que les ressortissants autrichiens pouvaient se déplacer librement dans le pays. Pour ce qui est de la question de l'asile, la politique de l'Autriche consistait à accorder en toute circonstance le droit d'asile aux réfugiés politiques. Pour les autres réfugiés, le Gouvernement tentait d'élaborer une politique appropriée. Actuellement, si un réfugié était passé par un pays où sa sécurité était garantie, il était refoulé dans ce pays. Le statut de réfugié avait été accordé aux quelques Slovènes et Croates qui l'avaient demandé.
Liberté de religion et d'expression, interdiction de la propagande en faveur de la guerre et de l'incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse
110. A propos de ces questions, les membres souhaitaient savoir quelles étaient les modalités applicables aux objecteurs de conscience et la durée du service sous une autre forme qu'ils devaient accomplir; comment étaient traités les Témoins de Jéhovah qui rejetaient toute forme de service de remplacement; quelles pratiques étaient considérées comme étant incompatibles avec l'ordre public et les bonnes moeurs; comment la liberté de rechercher des informations, dont il est question au paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte, était garantie; si l'application de l'article 111 du Code pénal autrichien avait donné lieu à des difficultés pour ce qui était de l'application de l'article 19 du Pacte; et quelles limites la législation autrichienne apportait à la liberté de rechercher et de répandre des informations.
111. Constatant qu'il n'existait pas de chaînes de télévision ou de stations de radio privées en Autriche, des membres ont souhaité aussi savoir si ces types d'organes d'information étaient entièrement monopolisés par l'Etat. Certains ont aussi demandé quels étaient les principes appliqués pour garantir l'objectivité de l'information diffusée par la presse, selon quels critères des subventions étaient accordées à la presse et quel était le mécanisme de sélection. En outre, ils ont demandé des éclaircissements sur les fondements juridiques, l'interprétation et l'application de l'article 188 du Code pénal qui sanctionne le fait de tourner en dérision ou de discréditer une croyance, une coutume ou une institution et qui serait l'autorité légale habilitée, conformément à l'article 14 de la Loi fondamentale, à obliger une autre personne à participer à des activités religieuses.
112. Dans sa réponse, le représentant a expliqué que selon une nouvelle proposition actuellement à l'étude, les objecteurs de conscience ne seraient plus soumis à un examen et que le service de substitution auquel ils seraient astreints ne durerait que deux mois de plus que le service militaire. Quant aux problèmes posés par les Témoins de Jéhovah, on lui avait trouvé une solution dans la pratique qui reposait sur une disposition juridique selon laquelle les autorités militaires pouvaient exempter du service militaire les personnes qui y étaient inaptes.
113. Les Autrichiens étaient entièrement libres de rechercher et de répandre les informations de leur choix à condition de ne pas enfreindre le code pénal. La façon dont des informations étaient fournies aux personnes qui les avaient demandées dépendait des circonstances de chaque cas, compte étant dûment tenu des intérêts des parties concernées. L'article 111 du Code pénal était essentiellement un mécanisme destiné à défendre la réputation des personnes privées et il n'était pas envisagé pour l'instant de le modifier. La violation de l'ordre public n'était pas un délit pénal mais une infraction administrative, et ni les juges ni les avocats généraux n'étaient donc saisis de questions ayant trait à l'ordre public dans le contexte de l'article 111.
114. La radio et la télévision n'étaient pas un monopole de l'Etat mais ils relevaient d'une administration distincte dotée de la personnalité juridique qui autorisait les responsables des journaux radiodiffusés ou télédiffusés à recueillir des informations et à les diffuser. Une commission composée notamment de juges contrôlait l'objectivité des émissions de radio et de télévision, mais ses décisions pouvaient faire l'objet d'un recours. Le Gouvernement était en train de remanier le texte des lois antimonopole et des lois antitrust en général. Le nouveau projet comprendrait une section spéciale concernant les médias. Le représentant a déclaré ne pas connaître les directives relatives à l'octroi de subventions à la presse, mais il était clair que le Gouvernement n'avait aucune influence sur la politique rédactionnelle des journaux qui bénéficiaient de ces subventions.
115. S'agissant de l'article 188 du Code pénal, le représentant était aussi d'avis que ses dispositions concernant le blasphème étaient anachroniques mais il a fait observer qu'elles étaient destinées à défendre l'ordre public et la tolérance entre les différents groupes religieux. L'article 188 s'appliquait en cas de comportement public suscitant, chez des membres d'un groupe religieux particulier, une contrariété justifiée ou une grave irritation et il n'était pas incompatible avec le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte. Dans l'affaire Lingens, la Cour européenne des droits de l'homme avait estimé qu'il y avait lieu d'établir une distinction entre la substance de l'information et les opinions qui risquaient de choquer ou d'offenser et la forme sous laquelle elles étaient exprimées. Ainsi, par exemple, Les versets sataniques seraient protégés en vertu d'une disposition spéciale concernant la liberté artistique de la législation autrichienne et l'article 188 du Code pénal serait interprété à la lumière de cette liberté. En réponse à la demande de précisions au sujet des cas dans lesquels des personnes exerceraient une autorité sur d'autres, le représentant a expliqué qu'en ce qui concerne la religion, les enfants étaient placés sous l'autorité de leurs parents jusqu'à l'âge de 14 ans.
Liberté de réunion et d'association
116. Les membres souhaitaient savoir à ce sujet si des réunions avaient été dissoutes par les autorités au cours de la période considérée; dans quel cas la formation d'une association avait été interdite ou une association dissoute; pourquoi les réunions en plein air n'étaient pas autorisées et pourquoi les étrangers n'avaient pas le droit de promouvoir, d'organiser ou de diriger des réunions traitant d'affaires publiques.
117. Dans sa réponse, le représentant a fait observer que la liberté de réunion était garantie en Autriche conformément à l'article 21 du Pacte, mais qu'un préavis de 24 heures devait être donné aux autorités. Les dernières réunions qui avaient été dispersées concernaient le Parti national socialiste qui, en vertu du droit constitutionnel, était interdit de réunion en Autriche. La liberté de former des associations était elle aussi garantie et les cas récents d'interdiction se rapportaient à la création de groupes néo-nazis ou d'autres formations non constitutionnelles. Les restrictions imposées aux étrangers, en ce qui concernait la tenue de réunions, ne s'appliquaient que dans le cas d'ingérence dans les affaires publiques et étaient compatibles avec l'article 16 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Droits des personnes appartenant à des minorités
118. Concernant cette question, les membres du Comité souhaitaient avoir des renseignements sur les facteurs et difficultés entravant l'application et l'exercice des droits énoncés à l'article 27 du Pacte; sur la composition, les fonctions et les activités des conseils consultatifs des groupes ethniques et sur le pourcentage des personnes appartenant à des minorités qui avaient une charge publique.
119. Dans sa réponse, le représentant a déclaré que l'Autriche ne connaissait pas de difficultés à cet égard étant donné que les dispositions du Traité d'Etat de 1955 étaient nettement plus ambitieuses que celles de l'article 27. Comme 90 % des citoyens autrichiens étaient de religion catholique romaine, les minorités religieuses ne constituaient qu'une faible proportion de la population et elles professaient et pratiquaient leur religion sans restriction aucune. Le Gouvernement avait établi un rapport sur les minorités ethniques dont la version anglaise serait mise à la disposition du Comité en temps voulu. Les conseils consultatifs des groupes ethniques conseillaient le Gouvernement fédéral et ses ministres pour toutes les questions relatives aux groupes ethniques et avaient pour rôle de sauvegarder et de représenter l'ensemble des intérêts culturels, sociaux et économiques des minorités. Ils participaient à la rédaction des instruments juridiques pertinents et étaient habilités à faire des propositions concernant l'amélioration de la situation de ces groupes. Ces conseils consultatifs avaient le même statut, les mêmes fonctions et la même compétence à l'égard des gouvernements des Länder. Quatre minorités ethniques vivaient en Autriche : les Slovènes, les Croates, les Hongrois et les Tchèques. Des subventions, dont le montant avait d'ailleurs augmenté, étaient allouées aux minorités ethniques. Il n'avait pas été possible de déterminer le pourcentage des personnes appartenant à des minorités ayant une charge publique car celles-ci étaient difficiles à identifier. Seuls ceux qui revendiquaient une affiliation avec un groupe ethnique donné, et ils représentaient une proportion minime de la population du pays, étaient réputés appartenir à ce groupe.
Observations finales de certains membres
120. Les membres du Comité se sont vivement félicités de la qualité du rapport, instructif et sans ambiguïté, soumis par l'Autriche. Ils ont également remercié les représentants de l'Etat partie d'avoir répondu avec franchise et compétence aux questions du Comité, ce qui avait permis un dialogue utile et constructif.
121. Tout en reconnaissant les traditions de l'Autriche et les efforts du Gouvernement autrichien pour promouvoir le respect des droits de l'homme, ils ont déclaré rester préoccupés par un certain nombre de situations susceptibles à leur avis d'être améliorées. Le statut du Pacte par rapport au droit autrichien était notamment un sujet de préoccupation. Il a été noté en particulier qu'en ce qui concernait les motifs de discrimination, la législation autrichienne n'était pas entièrement conforme aux dispositions du Pacte. L'incorporation au moins des articles 26 et 27 du Pacte dans le droit interne a été suggérée en tant que solution possible à cet égard. Autre sujet de préoccupation : le nombre de réserves formulées à l'égard du Pacte que les membres ont invité instamment l'Autriche à réduire.
122. Parmi les autres sujets de préoccupation évoqués par les membres du Comité figuraient des questions telles que l'indépendance des tribunaux administratifs; l'insuffisance de la protection accordée aux détenus au stade de l'interrogatoire; l'impartialité des mécanismes d'enquête sur les allégations de torture et de mauvais traitements par la police; le monopole de l'Etat sur les médias; et les restrictions à la liberté de parole en vertu de l'article 111 du Code pénal, ainsi qu'à la liberté de répandre des informations.
123. Le représentant de l'Etat partie a déclaré que le dialogue avec le Comité avait été extrêmement intéressant et a remercié le Comité de l'accueil chaleureux qu'il avait réservé à sa délégation.
124. Le Président a déclaré que l'examen du deuxième rapport périodique de l'Autriche était achevé; il a remercié la délégation autrichienne pour les réponses qu'elle avait données aux questions du Comité sur un excellent rapport et l'a priée de communiquer aux autorités compétentes les observations finales du Comité.