Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante et unième session
1. Le Comité des droits de l'homme a examiné le rapport initial de l'Azerbaïdjan (CCPR/C/81/Add.2) à ses 1332ème et 1336ème séances, les 12 et 14 juillet 1994, et a adopté à sa 1354ème séance, tenue le 27 juillet 1994 les observations suivantes :
2. Le Comité remercie l'Azerbaïdjan pour son rapport initial et se félicite de la présence devant lui d'une délégation de haut niveau. Il constate que le rapport a été produit dans les délais requis et remercie l'Etat partie pour le document de base (HRI/CORE/1/Add.41/Rev.1). Le Comité note cependant avec regret que tout en donnant des renseignements détaillés sur la législation en vigueur dans le pays, le rapport ne contient pas suffisamment d'informations sur la manière dont le Pacte est appliqué en pratique ainsi que sur les facteurs et difficultés entravant l'application de celui-ci sur l'ensemble du territoire relevant de la juridiction de l'Azerbaïdjan. L'information fournie oralement par la délégation a permis, dans une certaine mesure, de compléter utilement ces lacunes et de fournir au Comité un meilleur aperçu de la situation des droits de l'homme en Azerbaïdjan.
3. La situation de conflit armé avec un pays voisin ainsi que les troubles répétés à l'intérieur du pays entravent la mise en oeuvre des droits de l'homme en Azerbaïdjan et ont été à l'origine de violations graves et répétées des droits de l'homme. Les obstacles reconnus découlant de la transition de l'ordre juridique hérité du passé à un système démocratique doivent être abordés d'une façon compatible avec le respect des dispositions du Pacte.
4. Le Comité note que l'Azerbaïdjan a déclaré qu'il était tenu par les dispositions du Pacte en vertu d'une déclaration d'adhésion, bien qu'il aurait dû se considérer comme succédant aux obligations découlant du Pacte en tant qu'Etat membre de l'ex-Union soviétique. Il note néanmoins avec satisfaction que la délégation, en répondant aux questions des membres du Comité, n'a pas nié la responsabilité du gouvernement dans les événements survenus dans le pays après l'indépendance mais avant l'adhésion. Il prend aussi note des efforts déployés par le Gouvernement azerbaïdjanais pour inclure les droits de l'homme dans sa nouvelle Constitution, adopter de nouvelles normes légales en matière de droits de l'homme et assurer la primauté du droit. Il observe également que le gouvernement a manifesté la volonté d'engager de profondes réformes de structure, en particulier dans le domaine judiciaire.
5. Le Comité se montre préoccupé par le statut du Pacte au sein du système juridique azerbaïdjanais et par le manque de clarté quant à la résolution d'éventuels conflits entre celui-ci et la législation nationale. Par ailleurs, il ne semble pas qu'il soit possible pour un particulier d'invoquer le Pacte devant les tribunaux.
6. Le Comité regrette la position adoptée dans le rapport au regard du principe d'autodétermination. Il rappelle à cet égard que ce principe, en vertu de l'article premier du Pacte, s'applique à tous les peuples et pas seulement aux peuples colonisés.
7. Le Comité constate que l'état d'urgence a été déclaré en 1993, et se montre préoccupé par l'absence de précision de la loi régissant les conditions dans lesquelles cet état d'urgence peut être mis en oeuvre.
8. Le Comité déplore vivement les événements récemment survenus en Azerbaïdjan dans le contexte du conflit armé qui ont entraîné de nombreuses violations des droits garantis par le Pacte. Des cas d'exécutions sommaires, de disparitions forcées ou involontaires, de torture et autres violences contre la personne ainsi que des détentions arbitraires ont été rapportés. La pratique des prises d'otages comme mesure de rétorsion ou à titre de monnaie d'échange semble aussi largement répandue. De telles violations n'ont pas fait l'objet d'enquêtes et les personnes responsables de ces actes n'ont, en conséquence, pas été sanctionnées. Par ailleurs, les victimes ou leurs familles n'ont pas été indemnisées.
9. Le Comité s'inquiète du nombre de peines de mort prononcées ainsi que de l'absence de recours à la disposition des condamnés à mort.
10. Le Comité s'est montré préoccupé par les obstacles posés jusqu'ici à l'application de l'article 12 du Pacte. En effet, les demandes de passeport semblent souvent être refusées sans justifications précises. L'exigence d'un visa pour certaines catégories de personnes désirant quitter le pays est un obstacle inacceptable à la liberté d'aller et venir et l'exigence d'un visa pour rentrer en Azerbaïdjan est contraire à l'article 12 du Pacte.
11. Le Comité s'interroge sur l'indépendance et l'impartialité de la magistrature en Azerbaïdjan et déplore à cet égard que la "Procuratura" soit toujours en place.
12. Le Comité constate avec inquiétude qu'il n'existe pas de lois garantissant le droit à l'information, et que les lois héritées de l'ancien régime n'ont pas été modifiées pour garantir les droits prévus à l'article 19 du Pacte.
13. Le Comité s'inquiète du pouvoir du Ministère de la justice de refuser l'enregistrement d'un parti politique ou d'une association, empêchant ainsi le pluralisme de partis politiques tel que prévu à l'article 25 du Pacte.
14. Le Comité recommande à l'Etat partie de réviser au plus vite l'ancienne législation, pour mettre en place un système démocratique plus conforme aux exigences du Pacte.
15. Le Comité recommande instamment au Gouvernement azerbaïdjanais de mettre fin aux violations massives des droits de l'homme qui se sont produites en Azerbaïdjan et qui continuent de s'y produire, de mener des enquêtes à cet égard, de sanctionner les personnes s'étant rendues coupables de tels actes et d'indemniser les victimes.
16. Le Comité recommande que l'application de la peine de mort soit réduite. De même, un droit de recours contre une condamnation à cette peine doit être prévu.
17. Le Comité invite le Gouvernement azerbaïdjanais à modifier son système judiciaire le plus rapidement possible et à supprimer l'ancienne "Procuratura".
18. Le Comité suggère aux autorités de l'Etat partie de se doter d'une législation garantissant la liberté de l'information, de la presse et d'une manière générale la liberté d'expression et d'opinion.
19. Le Comité recommande au Gouvernement azerbaïdjanais d'assurer le pluralisme des partis politiques et de lever les obstacles qui s'opposent à leur enregistrement.
20. Le Comité recommande au gouvernement de prendre en compte l'observation générale du Comité No 23 (50) concernant l'article 27 du Pacte, dans l'élaboration de textes législatifs ou réglementaires visant à pleinement protéger les droits des personnes appartenant à des minorités.
21. Le Comité insiste sur la nécessité d'intensifier l'information et l'éducation en matière de droits de l'homme afin de mieux faire connaître à la population les dispositions du Pacte. Il recommande également aux autorités d'envisager la possibilité d'adhérer au premier protocole facultatif se rapportant au Pacte.