Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME
Soixante-quatrième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations finales du Comité des droits de l'homme
Belgique
1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/94/Add.3) à ses 1706ème et 1707ème séances (CCPR/C/SR.1706 et SR.1707) tenues le 22 octobre 1998, et adopté, à sa 1720ème séance (CCPR/C/SR.1720) tenue le 2 novembre 1998, les observations finales ci-après :
2. Le Comité remercie l'État partie de son rapport approfondi, ainsi que de son très utile document de base. Il se félicite de la franchise et de l'esprit d'autocritique manifestés par l'État partie dans son rapport, établi en coopération avec de nombreuses institutions et universités nationales. Il note toutefois que si le rapport donne des détails sur le système juridique, il en contient peu sur la pratique effective. Le Comité se félicite des renseignements complémentaires fournis par la délégation après consultation avec son gouvernement et de ce que celle-ci se soit déclarée prête à fournir des réponses écrites aux questions en suspens.
3. Le Comité accueille favorablement l'établissement de mécanismes institutionnels visant à surveiller le respect des droits de l'homme par les autorités publiques, notamment le Centre pour l'égalité et pour la lutte contre le racisme et le Comité de surveillance des services de police, qui a compétence sur tous les services de police.
4. Le Comité note avec satisfaction la création du conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes. Il note que la participation des femmes aux affaires publiques s'est accrue depuis le rapport précédent, mais demande que de plus amples renseignements sur la proportion de femmes dans la population active soient présentés dans le prochain rapport périodique.
5. Le Comité se félicite des mesures prises par l'État partie pour réformer le système judiciaire, notamment de celles qui visent à renforcer l'indépendance du pouvoir judiciaire par la création d'un conseil judiciaire suprême et d'un conseil des procureurs. La nouvelle loi sur le recrutement des juges et l'accroissement de leur effectif est un fait nouveau positif. Par ailleurs, les procédures pénales ont été améliorées en ce qui concerne la collecte d'informations et les enquêtes ainsi que le traitement de l'information par la police. Le rôle de la police et celui du juge d'instruction sont mieux définis. Le Comité se félicite de ce que la loi du 11 juillet 1994 ait été abrogée en vue de moderniser le système de justice pénale et de réduire le retard pris dans l'examen des recours.
6. Le Comité prend note des nouvelles instructions relatives aux méthodes et techniques d'expulsion.
7. Le Comité note avec satisfaction que les enfants d'immigrants illégaux ont droit à l'éducation et aux soins médicaux.
8. Il voit un signe positif dans le fait que les mineurs non accompagnés demandeurs d'asile ne sont pas renvoyés dans leur pays d'origine si leur sécurité n'y est pas garantie.
9. En ce qui concerne l'extradition des demandeurs d'asile, le Comité se félicite des assurances données par la délégation selon lesquelles les procédures d'extradition sont suspendues tant que la décision d'octroyer ou non l'asile n'est pas prise.
10. Le Comité se félicite de ce que la Belgique ait entamé la procédure de ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.
11. Le Comité se félicite de la création d'un comité interministériel ayant compétence en matière de traite de personnes, de prostitution et de pornographie, ainsi que de l'adoption d'autres mesures législatives d'application extraterritoriale. Il se félicite aussi de l'entrée en vigueur de nouvelles lois visant à lutter plus efficacement contre la traite des mineurs.
12. Le Comité se félicite des mesures prises par l'État partie pour améliorer les conditions dans les prisons, notamment en introduisant de nouvelles formes de punition et en construisant de nouveaux établissements pour remédier au surpeuplement.
13. Le Comité se déclare profondément préoccupé par les informations selon lesquelles les brutalités policières à l'encontre de suspects en garde à vue seraient répandues. Il regrette l'apparente absence de transparence dans la conduite des enquêtes de la part des autorités de police et la difficulté d'accès à ces informations.
14. Le Comité exprime ses préoccupations au sujet du comportement des soldats belges dans le cadre de l'Opération des Nations Unies en Somalie (ONUSOM II) et prend acte du fait que l'État partie a reconnu l'applicabilité du Pacte à cet égard et ouvert 270 dossiers aux fins d'enquête. Il regrette de ne pas avoir reçu d'informations complémentaires sur le résultat de ces enquêtes et les décisions prises et demande à l'État partie de lui en communiquer.
15. Les procédures appliquées en matière de rapatriement de certains demandeurs d'asile, et en particulier la méthode du coussin employée pour briser toute résistance, comportent un risque mortel. L'affaire récente du décès d'une ressortissante nigériane par suite de l'emploi de ce genre de techniques illustre la nécessité de réexaminer l'ensemble de la procédure des expulsions forcées. Le Comité souhaiterait recevoir par écrit des informations sur les résultats des investigations ainsi que sur toute procédure pénale ou disciplinaire engagée. Il recommande que toutes les forces de sécurité concernées par l'application des ordres d'expulsion reçoivent une formation spéciale.
16. Le Comité regrette que la Belgique n'ait pas retiré ses réserves au Pacte et invite instamment le Gouvernement à reconsidérer sa position concernant en particulier l'article 10. L'explication du Gouvernement selon laquelle cette réserve est nécessaire parce qu'il existe un problème de surpeuplement dans les prisons n'est guère convaincante. En outre, la condamnation à des peines de substitution, notamment les travaux d'intérêt général, devrait être encouragée eu égard à leur fonction de réhabilitation.
17. Les travaux d'intérêt général et la libération conditionnelle devraient être surveillés et supervisés de manière plus cohérente. Le Comité encourage le Gouvernement à entreprendre une étude globale de sa politique de fixation des peines et de la formation du personnel judiciaire qui doit en résulter. Il est préoccupé par le fait que les suspects ne peuvent actuellement consulter un avocat ou un médecin dès leur arrestation. Il est également préoccupé par la non-application des garanties judiciaires dans les tribunaux administratifs et autres entités non judiciaires. Les suspects devraient être promptement informés de leurs droits dans une langue qu'ils comprennent.
18. Le Comité est préoccupé par la longueur de la détention provisoire et le nombre élevé de détenus qui attendent encore leur procès dans les prisons. Le Comité rappelle à l'État partie que, conformément au paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte, la détention provisoire devrait être considérée comme exceptionnelle et doit être justifiable. Il invite instamment l'État partie à revoir ses règles et sa pratique de mise en liberté sous caution. Il note en outre que la période de détention de cinq mois - qui peut être portée à huit mois - à laquelle les demandeurs d'asile sont susceptibles d'être soumis peut constituer une détention arbitraire en contravention avec l'article 9 du Pacte, à moins que cette détention ne soit sujette à examen judiciaire avec possibilité de libérer l'intéressé s'il n'existe aucun motif légal de le maintenir en détention.
19. Compte tenu de ce que, conformément au paragraphe 3 de l'article 10 du Pacte, l'objectif essentiel de l'incarcération devrait être l'amendement et le reclassement social des délinquants, le Comité invite instamment l'État partie à mettre au point des programmes de réhabilitation à exécuter tant au cours de leur incarcération qu'après leur libération, lorsque les ex-délinquants doivent se réintégrer dans la société, pour éviter qu'ils ne deviennent des récidivistes.
20. Le Comité considère que la doctrine actuelle de la Cour de cassation, selon laquelle les garanties judiciaires ne s'appliquent pas dans la phase préparatoire du procès, est contraire au Pacte; en conséquence, ces garanties devraient être étendues à la phase préparatoire du procès.
21. Le Comité se déclare profondément préoccupé par le maintien de l'article 53 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, qui autorise les autorités à incarcérer des mineurs pendant 15 jours. Cette pratique soulève des questions non seulement au titre de l'article 10, mais également au titre de l'article 7 et de l'article 24. Par ailleurs, la pratique consistant à ne pas séparer les mineurs et les adultes dans les prisons est non seulement incompatible avec le paragraphe 3 de l'article 10, mais encore manifestement contraire à l'article 24.
22. Tout en notant que l'État partie prend des mesures pour abolir la pratique consistant à maintenir des malades mentaux dans les annexes psychiatriques des prisons pendant plusieurs mois avant de les transférer dans des établissements de protection sociale, le Comité rappelle que cette pratique est incompatible avec les articles 7 et 9 du Pacte et qu'il devrait y être mis fin.
23. Le Comité se déclare préoccupé par la distinction faite dans la législation belge entre liberté de réunion et droit de manifester, qui fait l'objet de restrictions excessives. Il recommande que cette différenciation soit abolie.
24. Le Comité note que l'obligation d'obtenir une autorisation préalable pour la distribution de chaînes étrangères sur les réseaux câblés n'est pas entièrement conforme à l'article 19. Le droit à la liberté de diffusion devrait en premier lieu être reconnu; des restrictions peuvent être imposées dans les conditions prévues au paragraphe 3 de l'article 19.
25. Le Comité note que les procédures relatives à la reconnaissance des religions et les règles concernant le versement de subventions publiques aux religions reconnues soulèvent des problèmes au titre des articles 18, 26 et 27 du Pacte.
26. Le Comité est préoccupé de ce que le rapport donne très peu de renseignements sur la situation de facto des femmes. Il demande que le prochain rapport contienne des renseignements précis sur le bilan des mesures prises pour promouvoir l'égalité et lutter contre la violence à l'égard des femmes.
27. Le Comité demeure préoccupé par la production, la vente et la distribution de pédopornographie. Il invite instamment l'État partie à prendre des mesures efficaces pour restreindre la possession et la distribution de ces matériels criminels.
28. Le Comité est préoccupé de ce que les dispositions relatives aux mariages blancs et à l'expulsion des étrangers risquent de rendre insuffisante la protection du droit de se marier et du droit d'avoir une vie de famille reconnus aux articles 17 et 23 du Pacte.
29. Le Comité demande à l'État partie de veiller à publier et diffuser largement en Belgique le rapport de l'État partie ainsi que les observations finales du Comité.
30. Le Comité a fixé au mois d'octobre 2002 la date de présentation du quatrième rapport périodique de la Belgique.