Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Observations du Comité des droits de l'homme */
REPUBLIQUE DE BOSNIE-HERZEGOVINE
1. Profondément préoccupée par les événements dont le territoire de l'ex-Yougoslavie a été récemment ou est actuellement le théâtre et qui affectent les droits de l'homme protégés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; notant que toutes les populations qui se trouvent sur le territoire de l'ex-Yougoslavie ont droit aux garanties énoncées dans le Pacte; et agissant conformément aux dispositions du paragraphe 1 b) de l'article 40 du Pacte, le Comité a, le 7 octobre 1992, prié le Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine de lui présenter un bref rapport sur les questions suivantes, concernant ces événements et les personnes relevant à présent de sa juridiction :
a) mesures prises pour prévenir et combattre la politique de "nettoyage" menée, selon plusieurs sources d'information, sur le territoire de certaines parties de l'ex-Yougoslavie, eu égard aux articles 6 et 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
b) mesures prises contre les arrestations arbitraires et l'assassinat ainsi que la disparition de personnes, eu égard aux articles 6 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
c) mesures prises contre les exécutions arbitraires, la torture et autres traitements inhumains dans les camps de détention, eu égard aux articles 6, 7 et 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
d) mesures prises pour lutter contre tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence, eu égard à l'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
2. En réponse à cette demande, le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine a présenté un document d'information daté d'août 1992 sur les violations des droits de l'homme qui s'étaient produites sur le territoire de la République, document que le Comité a examiné à sa 1200ème séance, le 3 novembre 1992. La République de Bosnie-Herzégovine était représentée par le professeur Muhamed Filipovic, vice-président de l'Académie des sciences et des arts de la République de Bosnie-Herzégovine, membre de l'Assemblée de la République de Bosnie-Herzégovine, membre de la délégation d'Etat de la République de Bosnie-Herzégovine à la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie; M. Kasim Trnka, membre de la Cour constitutionnelle de la République de Bosnie-Herzégovine, membre de la délégation d'Etat de la République de Bosnie-Herzégovine à la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie; et M. Mustafa Bijedic, ministre conseiller, chargé d'affaires de la Mission de la République de Bosnie-Herzégovine auprès de l'Office des Nations Unies à Genève. Le document présenté a été complété oralement, en détail et en profondeur, sur les points particulièrement préoccupants au sujet desquels le Comité avait demandé un rapport.
3. Le Comité note qu'en présentant le rapport demandé et en envoyant une délégation, la République de Bosnie-Herzégovine a confirmé qu'elle a, pour ce qui est de son territoire, succédé à l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie dans les obligations que celle-ci avait souscrites au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
4. Le Comité a constaté avec satisfaction que, selon la délégation, la République de Bosnie-Herzégovine se considère comme légalement responsable de tout ce qui s'est produit non seulement sur la partie de son territoire qu'elle contrôle effectivement mais aussi sur les autres parties. Le Comité a aussi pris note des mesures prises pour combattre et prévenir les violations des droits de l'homme, et en particulier pour veiller à ce que le pouvoir d'arrêter et de détenir des personnes soit exercé uniquement par les autorités légales et non par des éléments incontrôlés. Il a également noté qu'il y avait, sur le plan juridique, une séparation très nette entre les autorités militaires et les autorités civiles de police en matière de responsabilité; que les commandants responsables de violations avaient été démis de leur poste et que les groupes et unités responsables de violations avaient été dissous. Il a enfin noté les mesures prises pour protéger les personnes et les biens des Serbes.
5. Depuis que la Bosnie-Herzégovine est devenue un Etat distinct, une grande partie de son territoire a échappé à son contrôle et a été le théâtre d'opérations militaires qui ont entraîné des violations massives des droits de l'homme - pertes en vies humaines, tortures, disparitions, exécutions sommaires, viols et mauvais traitements. La délégation a déclaré que ces violations étaient dues en grande partie à l'action de forces de l'extérieur ainsi que de groupes et d'individus incontrôlés.
6. Le Comité s'est déclaré préoccupé par le grand nombre de meurtres, d'arrestations arbitraires, de détentions et de sévices, ainsi que par le fait que des prisons étaient administrées par des personnes privées.
7. Le Comité recommande que la République de Bosnie-Herzégovine fasse officiellement acte de succession en ce qui concerne le Pacte en soumettant au Secrétaire général de l'ONU la notification appropriée. Le Comité recommande que les mesures déjà prises par la République soient encore renforcées et que leur application soit systématiquement surveillée afin qu'il n'y ait pas de "nettoyage ethnique", dicté par la vengeance ou tout autre motif, que l'on ne fasse pas des prisonniers dans le but de les échanger éventuellement, que tous les lieux de détention soient officiellement déclarés, qu'une liste de tous les détenus soit établie et publiée, et que les lieux de détention puissent être visités par le Comité international de la Croix-Rouge et par les familles des détenus. Tous les lieux de détention qui ne répondent pas à ces conditions doivent être immédiatement démantelés. Des mesures administratives doivent être prises pour permettre aux personnes de retrouver les membres de leur famille qui ont disparu et des enquêtes doivent être ouvertes sans délai pour que tous les responsables de violations soient traduits en justice.
*/ Adoptées à la 1205ème séance (quarante-sixième session), le 6 novembre 1992.