University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Burundi, U.N. Doc. A/49/40, paras. 354-370 (1994).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN VERTU DE L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations du Comité des droits de l'homme


Burundi


354. Prenant en considération les événements qui s'étaient produits au Burundi et continuaient de s'y produire concernant les droits de l'homme garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et agissant en vertu de l'article 40, paragraphe 1, alinéa b) du Pacte, le Comité a, le 29 octobre 1993, prié le Gouvernement du Burundi de soumettre un rapport, au plus tard le 31 janvier 1994, au besoin sous forme résumée, ayant trait, en particulier, à l'application pendant la période actuelle des articles 4, 6, 7, 9, 12 et 25 du Pacte, pour qu'il puisse l'examiner à sa cinquantième session.

355. Lors de sa cinquantième session, le Comité a noté que le rapport demandé n'avait pas été soumis par le Gouvernement burundais et a demandé, par l'intermédiaire de son président, qu'il soit soumis au Comité pour examen lors de sa cinquante et unième session. En réponse à cette demande, le Gouvernement du Burundi a présenté un rapport le 12 juillet 1994 (CCPR/C/98) qui a été examiné par le Comité lors de ses 1349e et 1350e séances, tenues le 25 juillet 1994. Le Comité a adopté30 les observations suivantes :


1. Introduction

356. Le Comité remercie l'État partie pour son rapport et se félicite de la présence devant lui d'une délégation de haut niveau. Le Comité note cependant avec regret que tout en donnant certains renseignements sur la mise en oeuvre des articles 4, 6, 7, 9, 12 et 25 du Pacte, le rapport ne contient pas suffisamment d'informations sur la situation prévalant dans le pays et les difficultés entravant l'application du Pacte. L'information fournie oralement par la délégation a permis de compléter utilement ces lacunes et de fournir au Comité un meilleur aperçu de la situation des droits de l'homme au Burundi.


2. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre du Pacte

357. Le Comité note que le Burundi a régulièrement fait face depuis son accession à l'indépendance, en raison notamment de difficultés sociopolitiques héritées du passé, à des situations de conflits graves entre la majorité hutue et la minorité tutsie. Ces conflits, en particulier le plus récent survenu à l'automne 1993, suite à l'assassinat du Président de la République, ont été marqués par des violations massives des droits de l'homme. L'absence de mesures efficaces suite à de tels événements et l'impunité dans les faits dont bénéficient à tous les échelons de l'armée, de la police, de la gendarmerie, de la sûreté ou de l'administration les personnes responsables de graves violations des droits de l'homme empêchent le rétablissement d'une paix durable et la rupture du cycle de violences entre la majorité hutue et la minorité tutsie.

358. La position dominante occupée au sein de l'armée, de la police, de la gendarmerie, de la sûreté, de l'appareil judiciaire et, en général, aux postes les plus élevés de l'administration de l'État, de personnes appartenant à une composante minoritaire du pays est un facteur constant entravant gravement l'application du Pacte et suscitant d'une manière constante les craintes de la majorité de la population. Les troubles récents d'une ampleur sans précédent survenus dans un pays voisin (le Rwanda), marqués, pour ce qui concerne le Burundi, par un afflux important de réfugiés, constituent une autre difficulté susceptible d'influencer d'une manière extrêmement négative la mise en oeuvre du Pacte dans ce pays.


3. Aspects positifs

359. Les autorités ont fait l'effort d'envisager un certain nombre de mesures destinées à rétablir la paix civile et la concorde entre les différentes composantes de la population burundaise, bien que ces efforts ne semblent pas pour l'instant avoir été suivis d'effets concrets.

360. Le Comité note également que des organisations non gouvernementales étrangères ont pu conduire des enquêtes sur les violations des droits de l'homme dans le pays sans obstacle.


4. Principaux sujets de préoccupation

361. Le Comité déplore les massacres consécutifs aux affrontements entre Hutus et Tutsis ayant eu lieu au Burundi depuis l'examen du rapport initial de ce pays en octobre 1992, et, par suite, les difficultés de plus en plus importantes à la coexistence pacifique des différentes composantes du Burundi. Les tentatives menées pour rétablir la paix civile, apaiser les tensions de la vie quotidienne dans la société, et rééquilibrer les différents corps de l'État, en particulier l'armée, la police, la gendarmerie, la sûreté et le corps judiciaire, afin de mieux représenter les différentes composantes de la population, ont manifestement échoué. Le Comité déplore les violations graves et répétées des droits de l'homme marquées par de nombreuses exécutions sommaires, des disparitions et des tortures survenues suite aux événements de l'automne 1993. L'armée, la police, la gendarmerie et la sûreté ont continué à être à l'origine de nombreuses violations des droits de l'homme. Les populations civiles continuent de s'armer et de nouvelles violations des droits de l'homme sont à craindre.

362. Le Comité déplore l'absence de toute enquête au sujet des violations précédemment mentionnées. De ce fait, les auteurs de ces actes sont demeurés impunis et continuent d'exercer leurs fonctions, et parfois d'en abuser, au sein de l'armée, de la police, de la gendarmerie ou de la sûreté. Les victimes ou leurs familles n'ont fait d'objet d'aucune forme d'indemnisation. Le pouvoir judiciaire s'est montré dans l'incapacité d'exercer ses fonctions de manière indépendante et impartiale et n'a su lancer les enquêtes nécessaires et juger les responsables. De surcroît, le fait que les commissions d'enquêtes récemment mises sur pied pour identifier les auteurs des violations des droits de l'homme soient composées de personnes appartenant à une seule des composantes du pays est une source de grave préoccupation et n'a pu qu'ébranler la confiance de la population à l'égard des autorités et approfondir le conflit et la violence entre les différentes composantes du pays.

363. Le Comité déplore que des dispositions du Pacte n'ayant pas figuré dans la décision du Comité aient également fait l'objet de graves violations. En particulier, l'utilisation des médias pour l'appel à l'hostilité et la violence entre les différentes composantes du pays représente une violation évidente des dispositions de l'article 20 du Pacte.


5. Suggestions et recommandations

364. Le Comité exhorte l'État partie à initier sans tarder un processus de réconciliation nationale. Différentes mesures concrètes devraient accompagner ce processus, telle la mise sur pied de commissions d'enquête composées de personnes appartenant à chacune des composantes du pays. Des observateurs impartiaux étrangers pourraient participer à ces enquêtes qui devraient permettre d'identifier les personnes responsables des violations massives des droits de l'homme survenues à l'automne 1993, de les juger et les sanctionner, et d'expurger les différents corps de l'État, en particulier l'armée, la police, la gendarmerie et la sûreté, de toutes les personnes associées à de tels crimes. Les victimes et leurs familles devraient aussi être indemnisées.

365. Le Comité suggère d'utiliser les médias en vue de promouvoir la réconciliation nationale et l'harmonie entre les différentes composantes du Burundi. De vigoureux efforts devraient être menés en faveur d'une éducation et d'une information de l'ensemble de la société burundaise en matière des droits de l'homme. Une telle campagne devrait tenir compte des traditions et coutumes burundaises, notamment le rôle des mères en matière d'éducation des enfants.

366. Le Comité estime que des mesures urgentes de réorganisation de l'État s'imposent, visant à assurer la participation équilibrée de toutes les composantes de la population à la conduite des affaires publiques et à permettre à tout citoyen, sans discrimination, d'accéder aux fonctions publiques, dans l'administration, l'armée, la police, la gendarmerie, la sûreté et la magistrature. En outre, le Comité estime que l'armée devrait être ramenée sous contrôle effectif des autorités civiles. Le corps judiciaire et l'administration devraient également s'ouvrir immédiatement à ces composantes afin d'être considérés par la population civile comme étant impartiaux et représentatifs de l'ensemble de la population civile et rétablir une certaine confiance de la population dans les institutions publiques.

367. Compte tenu des difficultés considérables rencontrées par l'État partie dans la mise en oeuvre du Pacte, des violations massives des droits de l'homme survenues à l'automne 1993, et des risques sérieux que de telles violations n'interviennent à nouveau, le Comité considère que, dans ses efforts de pacification interne et réconciliation nationale, le Burundi devrait recevoir le soutien déterminé de la communauté internationale.

368. Le Comité recommande au Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme de continuer de déployer des efforts énergiques en faveur du Burundi afin d'éviter que de nouvelles violations massives des droits de l'homme ne se reproduisent dans l'avenir, en encourageant par exemple la mise en place d'un mécanisme international d'enquête.

369. Le Comité encourage le Haut Commissaire pour les droits de l'homme et le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme dans leurs efforts destinés à fournir des services consultatifs et de l'assistance technique en matière de droits de l'homme.

370. Le Comité, pour ce qui le concerne, se déclare prêt à répondre de manière constructive à toute demande d'assistance appropriée formulée par le Gouvernement burundais, pourvu qu'elle soit précise et accompagnée d'une volonté ferme du Gouvernement d'adopter les mesures nécessaires pour une mise en oeuvre effective du Pacte.



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