L'État partie devrait adopter une législation qui garantisse que les textes appliqués soient dans tous les cas compatibles avec le Pacte. Le Comité souligne que la loi qui donne effet aux droits énoncés dans le Pacte peut jouer un rôle éducatif. Des campagnes d'éducation devraient également être organisées dans les secteurs où les pratiques coutumières entraînent une discrimination à l'égard des femmes.
10. Le Comité est également préoccupé par le maintien de la polygamie et la différence qui existe entre les filles et les garçons du point de vue de l'âge du mariage.
L'État partie devrait faire en sorte que la situation dans ce domaine soit conforme au Pacte.
11. Le Comité est préoccupé en outre par le taux élevé d'analphabétisme chez les femmes, l'absence d'égalité de chances pour les femmes dans le domaine de l'éducation et de l'emploi et la possibilité qu'ont les maris de s'adresser aux tribunaux pour empêcher leurs femmes d'exercer certaines activités.
L'État partie devrait assurer l'égalité entre les hommes et les femmes, dans le domaine tant de l'éducation que de l'emploi, en particulier pour que la femme puisse choisir librement son travail. Il devrait également veiller à ce que les femmes reçoivent un salaire égal à celui des hommes pour un travail de valeur égale.
12. Le Comité s'inquiète du fait qu'il n'existe pas de loi spécifique qui interdise les mutilations génitales féminines et que cette pratique se poursuit dans certaines régions du territoire camerounais, en violation de l'article 7 du Pacte.
L'État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires, y compris législatives, pour lutter contre la pratique des mutilations génitales féminines et l'éradiquer.
13. Le Comité craint que la criminalisation de l'avortement ne se traduise par des avortements non médicalisés, ce qui explique le taux élevé de mortalité maternelle.
L'État partie doit prendre des mesures pour protéger la vie de toutes les personnes, y compris des femmes enceintes.
14. Le Comité reconnaît qu'il n'y a pas eu d'exécutions au cours de la période considérée mais il s'inquiète de voir que la peine de mort puisse être toujours infligée et que certains des crimes encore passibles de la peine de mort tels que la sécession, l'espionnage ou l'incitation à la guerre soient définis de manière vague.
L'État partie est instamment invité à veiller à ce que la peine de mort ne puisse être prononcée que pour les crimes les plus graves et à envisager d'abolir totalement la peine capitale (art. 6).
15. Le Comité est vivement préoccupé par les allégations faisant état de nombreuses exécutions extrajudiciaires, en particulier dans le cadre d'opérations de lutte contre le vol à main armée menées par les forces de sécurité. Le Comité est également préoccupé par le décès de détenus, notamment des suites de tortures et de mauvais traitements.
L'État partie est instamment invité à mettre fin à l'impunité et à faire en sorte que des enquêtes soient rapidement menées sur toutes les allégations d'exécutions par des forces de sécurité, que les responsables soient traduits en justice et que les victimes soient indemnisées.
16. Le Comité est préoccupé par l'existence de milices privées agissant notamment en tant que "coupeurs de route".
L'État partie devrait combattre ce phénomène en vue de son éradication.
17. Le Comité est vivement préoccupé par les informations relatives à l'emploi abusif d'armes par la police, qui a entraîné des pertes de vie.
Pour assurer la conformité avec les articles 6 et 7 du Pacte, l'État doit agir fermement pour limiter le recours à la force par la police, enquêter sur toutes les plaintes relatives à l'emploi de la force par la police et prendre des mesures appropriées lorsqu'il y a eu violation des règlements applicables en la matière.
18. Le Comité est en outre vivement préoccupé par les informations faisant état de la disparition de personnes.
L'État partie doit mener des enquêtes sur les disparitions et accorder une indemnisation aux victimes ou à leur famille.
19. Le Comité juge profondément préoccupant qu'une personne faisant l'objet d'une mesure d'internement administratif en vertu de l'article 2 de la loi No 90/024 (19 décembre 1990) puisse voir sa détention prolongée indéfiniment avec l'autorisation du Gouverneur de la province ou du Ministre de l'Administration territoriale et qu'aucun recours ne lui soit ouvert, par exemple un recours en
habeas corpus.
L'État partie devrait prendre des mesures immédiates pour assurer la conformité de la loi avec les paragraphes 3 et 4 de l'article 9 du Pacte et veiller à ce que les conditions dans lesquelles cette personne est détenue soient conformes aux dispositions du Pacte.
20. Le Comité s'inquiète de voir que la torture continue à être pratiquée par des policiers et qu'il n'existe pas d'organe d'enquête indépendant. Le Comité prend note avec satisfaction des informations fournies par la délégation au sujet des poursuites engagées dans certaines affaires de torture. Il regrette cependant que la délégation n'ait donné aucun renseignement au sujet du nombre de plaintes pour torture, des modalités d'enquête sur ces plaintes ou des recours ouverts aux victimes.
L'État partie devrait mettre en place un mécanisme indépendant pour enquêter sur les allégations de torture afin d'assurer le plein respect de l'article 7 du Pacte.
21. Le Comité note avec préoccupation que les tribunaux militaires sont compétents pour juger des civils et que leur compétence a été étendue aux infractions qui ne sont pas des infractions militaires proprement dites, par exemple toutes les infractions relatives à l'utilisation d'armes à feu. Le Comité juge en outre préoccupantes les informations selon lesquelles une personne libérée sur décision des autorités judiciaires civiles peut être traduite devant un autre tribunal, en violation du paragraphe 7 de l'article 14 du Pacte.
L'État partie devrait veiller à ce que la compétence des tribunaux militaires soit limitée aux infractions militaires commises par des militaires. Il doit également faire en sorte que nul ne puisse être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été condamné ou acquitté par un jugement définitif.
22. Le Comité est préoccupé par le fait qu'un citoyen peut se voir retirer son passeport par la police sur ordre du procureur, et qu'aucune information n'a été fournie sur les critères appliqués par le procureur pour ordonner une telle mesure.
Il conviendrait d'examiner ces critères pour veiller à ce qu'ils soient compatibles avec la liberté qu'a toute personne de quitter son pays, conformément aux paragraphes 2 et 3 de l'article 12 du Pacte.
23. Le Comité déplore les mauvaises conditions de détention au Cameroun (surpeuplement extrême, nourriture insuffisante et manque de soins médicaux).
Le Comité demande instamment à l'État partie de se pencher à titre prioritaire sur le problème du surpeuplement carcéral et de veiller à ce que les détenus soient traités avec humanité, conformément aux dispositions de l'article 10 du Pacte.
24. Le Comité note avec une profonde préoccupation que des journalistes ont été poursuivis et se sont vu infliger des sanctions pénales pour publication de fausses nouvelles, au simple motif, sans plus, que ces nouvelles étaient fausses, ce qui va clairement à l'encontre des dispositions de l'article 19 du Pacte.
L'État partie doit veiller à ce que toute loi restreignant la liberté d'expression réponde aux conditions énoncées au paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte.
25. Le Comité recommande que les lois relatives à la diffamation soient rapidement revues et modifiées afin de les mettre en conformité avec l'article 19 du Pacte.
26. Le Comité est préoccupé par les informations fournies par l'État partie, concernant la suite donnée aux décisions adoptées par le Comité dans l'affaire
Mukong c. Cameroun (No 458/1991), dans laquelle le Comité a conclu à une violation du Pacte. En particulier, le Comité ne pense pas qu'il soit normal d'exiger d'une personne qui a été victime d'une violation des droits de l'homme qu'elle soumette encore d'autres informations aux tribunaux camerounais pour pouvoir être indemnisée.
L'État partie est instamment invité à offrir un recours à l'intéressé conformément aux constatations adoptées par le Comité dans l'affaire considérée au titre du Protocole facultatif.
27. Le Comité regrette que l'indépendance du Comité national des droits de l'homme et des libertés ne soit pas assurée, que les rapports de cet organe au chef de l'État ne soient pas rendus publics et qu'il n'existe aucune preuve que des recours aient été ouverts ou que des poursuites aient été engagées comme suite à son action.
L'État partie est instamment invité à garantir l'indépendance du Comité national et à donner de la publicité à ses travaux et à ses recommandations.
D.
Date d'examen du quatrième rapport périodique; diffusion d'informations