Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
Soixante-cinquième session
Observations finales du Comité des droits de l'homme
Canada
1. Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Canada (CCPR/C/103/Add.5) à ses 1737e et 1738e séances (CCPR/SR.1737 et 1738), tenues le 26 mars 1999, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1747e séance (CCPR/C/SR.1747), tenue le 6 avril 1999.
2. Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique, très détaillé, ainsi que les renseignements écrits complémentaires portant sur la période qui s'est écoulée depuis la présentation de ce rapport. Le Comité exprime sa satisfaction pour les réponses franches et directes données par la délégation représentant le Canada aux questions qu'il a soulevées. Il regrette cependant qu'elle n'ait pas été en mesure de donner les réponses ou les informations les plus récentes sur la manière dont les autorités provinciales appliquent le Pacte.
3. Le Comité se félicite de l'engagement pris par la délégation de prendre des mesures pour veiller à ce qu'il soit donné effectivement suite, au Canada, à ses observations finales et d'affiner et améliorer les mécanismes d'examen permanent du respect, par l'État partie, des dispositions du Pacte. En particulier, le Comité se félicite de l'engagement pris par la délégation d'informer l'opinion publique au Canada de ses préoccupations et recomman- dations, de diffuser ses observations finales à tous les membres du Parlement et de veiller à ce qu'une commission parlementaire consacre des auditions aux questions soulevées dans ses observations.
4. Le Comité accueille avec satisfaction le Rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones et l'engagement pris par les gouvernements fédéral et provinciaux d'oeuvrer, dans le cadre d'un partenariat, avec les peuples autochtones pour mettre en oeuvre les réformes nécessaires.
5. Le Comité félicite le Gouvernement canadien de l'accord relatif aux terres et à l'autonomie gouvernementale du Nunavut dans l'est de l'Arctique.
6. Le Comité se félicite de l'application de la loi sur l'équité en matière d'emploi, qui est entrée en vigueur en octobre 1996 et qui met en place un régime d'exécution obligeant les services fédéraux à veiller à ce que les femmes, les membres de minorités autochtones et visibles et les personnes handicapées représentent une part équitable de leurs effectifs.
7. Le Comité, tout en prenant note de la notion d'autodétermination telle qu'elle est appliquée par le Canada aux peuples autochtones, regrette que la délégation n'ait pas donné d'explication sur les différents éléments de cette notion. Il engage l'État partie à rendre compte de la manière voulue dans son prochain rapport périodique de l'application de l'article premier du Pacte.
8. Le Comité constate, comme le reconnaît l'État partie lui-même, que la situation des autochtones reste «le problème le plus pressant auquel sont confrontés les Canadiens». À ce propos, le Comité s'inquiète particulièrement de ce que l'État partie n'ait pas encore donné suite aux recommandations de la Commission royale sur les peuple autochtones. En ce qui concerne la conclusion de la Commission royale, selon laquelle, si les peuples autochtones ne disposent pas de terres et de ressources plus importantes, leurs institutions autonomes ne pourront fonctionner, le Comité souligne que le droit à l'autodétermination exige, notamment, que tous les peuples soient en mesure de disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles et qu'ils ne peuvent être privés de leurs propres moyens de subsistance (art. 1, par. 2). Le Comité recommande que des mesures décisives soient prises d'urgence pour donner intégralement suite aux recommandations de la Commission royale concernant l'allocation des terres et des ressources. Il recommande également que la pratique consistant à éteindre les droits naturels des autochtones soit abandonnée parce qu'elle est incompatible avec l'article premier du Pacte.
9. Le Comité s'inquiète de l'insuffisance des recours en cas de violation des articles 2, 3 et 26 du Pacte. Il recommande que la législation relative aux droits de l'homme soit amendée afin de garantir à tous les plaignants en matière de discrimination l'accès à la justice et à des recours utiles.
10. Le Comité est préoccupé par la discordance qui persiste entre la protection offerte par la Charte canadienne et d'autres lois fédérales ou provinciales, et celle qui est requise par le Pacte et recommande que les mesures voulues soient prises pour assurer le plein exercice des droits prévus par le Pacte. Il recommande à cet égard la création d'un organisme public chargé de suivre l'application du Pacte et de signaler les manquements éventuels.
11. Le Comité est très inquiet que l'État partie ait refusé de mener une enquête approfondie sur la mort d'un militant aborigène, abattu par les forces de police provinciales lors d'une manifestation pacifique organisée à Ipperwash en septembre 1995 pour revendiquer des terres. Le Comité exhorte l'État partie à ordonner une enquête publique sur tous les aspects de cette affaire, y compris sur le rôle et la responsabilité des agents officiels.
12. Le Comité est préoccupé par les graves problèmes sanitaires et les décès provoqués par l'absence de logements. Il recommande que les pouvoirs publics, à tous les niveaux, prennent des mesures volontaristes pour remédier à ce grave problème, comme le prévoit l'article 6.
13. Le Comité est préoccupé par la position adoptée par le Canada selon laquelle il est en droit d'invoquer les exigences supérieures de sa sécurité pour justifier le transfert de certaines personnes vers des pays où elles sont exposées à des risques graves de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité se réfère à son Observation générale sur l'article 7 et recommande au Canada de réviser sa politique en la matière, afin de remplir les exigences prévues à cet article et de s'acquitter de l'obligation qu'il a souscrite de ne jamais expulser, extrader, ni transférer de quelque autre façon une personne vers un endroit où elle risque sérieusement de subir des traitements ou des châtiments contraires à l'article 7.
14. Le Comité se déclare préoccupé par le fait que l'État partie estime qu'il n'est pas tenu de donner suite aux demandes de mesures de sécurité provisoires formulées par le Comité. Il exhorte le Canada à revoir sa politique en la matière, de sorte que les droits prévus par le Pacte puissent réellement s'exercer.
15. Le Comité demeure préoccupé par la politique du Canada consistant à expulser de son territoire les résidents étrangers de longue durée sans qu'il soit toujours tenu dûment compte de la nécessité de protéger tous les droits consacrés par le Pacte, notamment aux articles 23 et 24 de celui-ci.
16. Le Comité est préoccupé par les mesures de plus en plus intrusives affectant le droit à la protection de la vie privée (art. 17 du Pacte) des personnes dépendant d'une assistance sociale, notamment par des procédés d'identification comme la dactyloscopie et la lecture d'empreintes rétiniennes. Il recommande à l'État partie de prendre des mesures pour faire disparaître ces pratiques.
17. Le Comité constate avec préoccupation que l'État partie n'a pas été en mesure de garantir la liberté d'association sur tout son territoire. En particulier la loi sur la prévention de la syndicalisation (Act to Prevent Unionization with respect to Community Participation under the Ontario Works Act), promulguée par la législature ontarienne en novembre 1998, qui refuse aux personnes participant au programme «protection – travail» le droit de se syndiquer et de participer à des négociations collectives, va à l'encontre de l'application de l'article 22 du Pacte. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures pour faire respecter le Pacte.
18. Le Comité est préoccupé par le fait que l'allocation nationale complémentaire pour enfant à charge, destinée aux familles à faible revenu, ne soit pas distribuée également dans certaines provinces et que des enfants puissent ainsi en perdre le bénéfice. Cet état de choses peut se traduire par un manquement à l'article 24 du Pacte.
19. Le Comité est préoccupé par la discrimination dont sont toujours victimes les femmes autochtones. À la suite de l'adoption des vues du Comité dans l'affaire Lovelace, en juillet 1981, des amendements ont été apportés en 1985 à la Loi sur les Indiens. Bien que la qualité d'Indiennes ait été rendue aux femmes indiennes qui l'avaient perdue du fait de leur mariage, ces amendements ne concernent que les intéressées et leurs enfants et ne visent pas les générations suivantes, dont les membres peuvent toujours se voir dénier l'apparte- nance à leur communauté. Le Comité recommande que l'État partie examine ces questions.
20. Le Comité est préoccupé par le fait que de nombreuses femmes sont affectées de manière disproportionnée par la pauvreté. En particulier le taux de pauvreté extrêmement élevé parmi les mères célibataires prive les enfants de celles-ci de la protection à laquelle le Pacte leur donne droit. Si la délégation a déclaré que les autorités étaient fermement résolues à réduire ces inégalités dans la société canadienne, le Comité est préoccupé par le fait qu'un grand nombre de réductions de programmes de ces dernières années ont exacerbé ces inégalités, affectant les femmes et d'autres groupes défavorisés. Il recom- mande de procéder à une évaluation détaillée de l'impact sur les femmes des changements intervenus récemment dans les programmes sociaux et de prendre des mesures afin de remédier à tout effet discriminatoire que ces changements pourraient avoir.
21. Le Comité fixe la date de présentation du cinquième rapport périodique du Canada en avril 2004. Il demande instamment à l'État partie de publier et de diffuser le texte de son quatrième rapport périodique ainsi que les présentes observations finales. Il demande que le prochain rapport périodique soit diffusé parmi les organisations gouvernementales compétentes opérant au Canada.