Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Observations du Comité des droits de l'homme
COLOMBIE
1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Colombie (CCPR/C/64/Add.3) à ses 1136ème à 1139ème séances, les 2 et 3 avril 1992, et adopté à la 1147ème séance, le 9 avril 1992 les observations suivantes :
2. Le Comité remercie sincèrement l'Etat partie d'avoir établi un rapport bien documenté, conforme aux directives du Comité, mettant en relief les facteurs et difficultés qui entravent l'application du Pacte et fournissant des informations non seulement sur les lois et règlements, mais aussi sur leur mise en oeuvre effective. Le Comité a eu quelque difficulté à se mettre au fait de la situation actuelle car la nouvelle Constitution n'était pas encore adoptée au moment où ce rapport a été présenté, mais cet inconvénient a pu être surmonté dans une large mesure grâce aux informations supplémentaires qui lui ont été fournies oralement. La délégation de l'Etat partie s'est efforcée de répondre à toutes les questions du Comité et de ses membres de manière ouverte et directe, sans passer sous silence les problèmes et les faits ou facteurs négatifs existants. Le rapport et les informations supplémentaires fournies ont permis au Comité d'avoir une idée d'ensemble de la situation des droits de l'homme en Colombie.
3. Le Comité note avec satisfaction les effets positifs de la réforme constitutionnelle sur le respect des droits consacrés par le Pacte. Cette réforme avait d'ailleurs été précédée d'autres réformes d'une grande importance pour le renforcement des droits de l'homme en Colombie, notamment l'institution en 1987 du Bureau du Conseiller présidentiel pour la défense, la protection et la promotion des droits de l'homme et la création d'un groupe national des droits de l'homme au sein de la Direction générale de la sûreté nationale. Dans le même ordre d'idées, le Comité note la réorganisation et le renforcement des fonctions judiciaires spéciales du Ministère de la justice, qui a eu des effets bénéfiques sur la protection et la sauvegarde de la magistrature, de même que la création du Bureau du représentant du gouvernement pour les droits de l'homme (ombudsman). On peut citer comme autre aspect positif, principalement attribuable à la création du Bureau du Conseiller présidentiel pour la réconciliation, la normalisation et le relèvement, et à l'institutionnalisation du processus de paix, les succès obtenus jusqu'à présent dans le processus de réconciliation et de normalisation en cours concernant les groupes de guérilleros insurgés.
Cependant, les facteurs d'amélioration de la situation des droits de l'homme en Colombie les plus importants semblent avoir été l'introduction et l'établissement d'une démocratie participative ainsi qu'une ferme volonté de lutter contre toutes les formes d'abus de pouvoir, notamment la violence de la police, de l'armée et des unités paramilitaires. Enfin, le Comité se déclare satisfait que la Colombie ait adopté à l'égard du droit à l'autodétermination des peuples une approche conforme au développement de la démocratie participative et qu'elle fasse de réels efforts en vue de réaliser la pleine égalité des groupes minoritaires.
4. Le Comité note que l'état de siège, qui était en vigueur sur l'ensemble du territoire national depuis les 1er et 2 mai 1984, et qui avait fait obstacle dans une large mesure à la pleine application du Pacte, est levé depuis le 7 juillet 1991. Toutefois, tous les obstacles ne sont pas encore éliminés. La paix n'a pas encore été conclue avec tous les groupes rebelles et le trafic de drogues organisé continue, avec d'importantes conséquences préjudiciables à l'application de droits de l'homme internationalement reconnus. De même, les activités paramilitaires n'ont pas entièrement cessé. Ces facteurs continuent de limiter fortement la jouissance que peuvent avoir les citoyens de leurs droits individuels.
5. Le Comité se déclare préoccupé de ce que la violence persistante entraîne un nombre de cas d'homicides, de disparitions et de tortures toujours inacceptable, même s'il est en diminution. Le Comité s'inquiète tout particulièrement des assassinats dont sont victimes certains secteurs de la population dans le cadre d'opérations dites de nettoyage social ("limpieza social"). De plus, le Comité est préoccupé par le phénomène de l'impunité de la police, des services de sécurité et du personnel militaire. A cet égard, les mesures qui ont été prises ne semblent pas suffisantes pour garantir que tous les membres des forces armées qui abusent de leur pouvoir et violent les droits des citoyens soient jugés et punis. Les tribunaux militaires ne semblent pas être les instances les plus appropriées pour la protection des droits des citoyens dans une situation où les militaires eux-mêmes violent ces droits. La persistance des groupes paramilitaires est également préoccupante. De surcroît, le Comité est d'avis qu'il n'existe pas de pleine garantie de l'application adéquate des dispositions de l'article 4 du Pacte concernant les états d'urgence. Le Comité note aussi avec préoccupation que le principe de l'égalité de rémunération des hommes et des femmes n'est pas encore pleinement appliqué en Colombie. Le travail des enfants viole lui aussi le Pacte.
6. Le Comité recommande que l'Etat partie redouble d'efforts pour lutter contre toutes les violences entraînant des violations des droits de l'homme. L'Etat partie devrait éliminer le phénomène de l'impunité; renforcer les protections des particuliers vis-à-vis des forces armées; limiter la compétence des tribunaux militaires aux questions de discipline interne et autres questions analogues, de manière à ce que les tribunaux civils aient à connaître des violations des droits des citoyens; enfin, éliminer tous les groupes paramilitaires. Le Comité invite aussi instamment l'Etat partie à traiter plus efficacement les problèmes relatifs au travail des enfants. Enfin, le Comité souligne combien il importe de rendre la législation d'exception de la Colombie conforme à l'article 4 du Pacte.