et a adopté les observations finales ci-après à sa 2091e séance (CCPR/C/SR.2091), tenue le 31 mars 2003.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l'État partie et se félicite du dialogue franc et constructif engagé avec la délégation. Il accueille avec intérêt les réponses détaillées à ses questions écrites.
3. Quoique ce rapport ait été présenté avec un certain retard, le Comité relève qu'il fournit d'importantes informations sur tous les aspects de la mise en œuvre du Pacte dans l'État partie ainsi que sur les préoccupations dont le Comité lui avait expressément fait part dans ses précédentes observations finales.
B. Aspects positifs
4. Le Comité se déclare satisfait de plusieurs faits nouveaux survenus depuis la présentation du rapport initial dans des domaines législatifs relatifs à la mise en œuvre des dispositions du Pacte dans l'État partie.
5. Le Comité se félicite des mesures prises par l'État partie pour créer le Bureau du Chancelier juridique et ajouter les fonctions de médiateur à ses attributions MY.
6. Le Comité se félicite des mesures et des textes législatifs adoptés par l'État partie pour améliorer la condition de la femme dans la société estonienne et pour prévenir la discrimination fondée sur le sexe. Il note en particulier l'article 5 de la loi sur les salaires, qui interdit désormais l'établissement de conditions salariales différentes en fonction du sexe, et les articles 120 à 122 ainsi que l'article 141 du nouveau Code pénal qui incriminent la violence dans la famille et le viol conjugal.
7. Le Comité est heureux d'apprendre de la délégation que le problème du surpeuplement des prisons est en voie de solution, grâce, notamment, à la réduction du nombre de détenus par le recours accru à des formes de peines alternatives et à l'ouverture d'une nouvelle prison spacieuse à Tartu.
C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
8. Le Comité est préoccupé de ce que la définition relativement large du crime de terrorisme et d'appartenance à un groupe terroriste figurant dans le Code pénal de l'État partie puisse avoir des conséquences préjudiciables sur la protection des droits consacrés par l'article 15 du Pacte, disposition à laquelle on ne peut assurément pas déroger en vertu du paragraphe 2 de l'article 4.
L'État partie est tenu de veiller à ce que les mesures antiterroristes prises en application de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité ou autrement soient pleinement conformes aux dispositions du Pacte.
9. Tout en remerciant la délégation des explications supplémentaires qu'elle a fournies sur une affaire de mauvais traitements infligés par des agents de police, le Comité demeure préoccupé de ce que les mauvais traitements et autres formes de violence commis ou approuvés par des responsables de l'application des lois ne font pas l'objet de poursuites sur la base des qualifications pénales les plus appropriées mais seulement en tant qu'infractions mineures.
L'État partie devrait veiller à ce que les responsables de l'application des lois soient effectivement poursuivis pour les faits contraires à l'article 7 du Pacte, et que les chefs d'accusation correspondent à la gravité des faits commis. Le Comité recommande aussi à l'État partie de garantir l'indépendance à l'égard des autorités de police du «département de contrôle de la police» nouvellement créé, qui est chargé d'enquêter sur les abus commis par la police.
10. Le Comité prend note de ce que la délégation reconnaît que les textes législatifs traitant de l'enfermement des malades mentaux sont tombés en désuétude et de ce que des mesures ont été adoptées pour les réviser, notamment un projet de loi sur les droits des patients. À cet égard, le Comité déplore certains aspects de la procédure administrative d'enfermement psychiatrique, concernant en particulier le droit du patient de demander qu'il soit mis fin à son enfermement, et, eu égard au nombre important de mesures d'enfermement qui ont été levées au bout de 14 jours, il se demande si certaines de ces mesures sont légitimes. Le Comité considère qu'enfermer un malade mental pendant 14 jours sans aucune possibilité de révision de cette décision par un tribunal est incompatible avec l'article 9 du Pacte.
L'État partie devrait veiller à ce que les mesures privatives de liberté, y compris pour des raisons psychiatriques, soient conformes à l'article 9 du Pacte. Le Comité rappelle à l'État partie l'obligation qui lui incombe en vertu du paragraphe 4 de l'article 9 de permettre à une personne enfermée pour des raisons psychiatriques d'introduire un recours pour qu'il soit statué sur la légalité de son enfermement. L'État partie est invité à fournir un complément d'information sur cette question et sur les mesures prises pour harmoniser les textes pertinents avec le Pacte.
11. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des déserteurs des forces armées ont pu être détenus à l'isolement pendant une période qui a pu atteindre trois mois.
L'État partie a l'obligation de faire en sorte que la détention des déserteurs présumés soit conforme aux articles 9 et 10 du Pacte.
12. Compte tenu des lois de l'État partie relatives à l'utilisation des armes à feu, le Comité se déclare préoccupé par la possibilité de recourir à la force meurtrière dans des circonstances où la vie d'autrui n'est pas en danger.
L'État partie est invité à réviser ses lois tombées en désuétude afin de faire en sorte que l'utilisation d'armes à feu soit proportionnelle à la gravité de l'infraction commise, conformément aux paragraphes 9 et 16 des Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois (art. 7 et 10 du Pacte).
13. Tout en accueillant avec intérêt les informations précises fournies par la délégation sur la procédure relative à la détermination du statut de réfugié, le Comité demeure préoccupé de ce que l'application du principe du «pays d'origine sûr» risque de conduire à refuser toute évaluation individuelle d'une demande déposée par un réfugié lorsque le demandeur est considéré comme venant d'un pays «sûr».
Il est rappelé à l'État partie qu'afin d'assurer une protection effective en vertu des articles 6 et 7 du Pacte, les demandes d'octroi du statut de réfugié devraient toujours être évaluées au cas par cas et qu'une décision d'irrecevabilité ne devrait avoir aucun effet restrictif sur la procédure, comme par exemple le déni de l'effet suspensif d'un recours (art. 6, 7 et 18 du Pacte).
14. Regrettant qu'il n'ait pas été répondu aux préoccupations qu'il avait exprimées dans ses précédentes observations finales (CCPR/C/79/Add.59, par. 12), le Comité demeure profondément préoccupé par le nombre élevé d'apatrides en Estonie et le nombre relativement faible de naturalisations. Si l'État partie a adopté un train de mesures destinées à faciliter la naturalisation, un grand nombre d'apatrides ne peuvent même pas engager cette procédure. Le Comité prend note des différentes raisons expliquant ce phénomène mais considère que cette situation a des conséquences fâcheuses sur la jouissance des droits consacrés par le Pacte et que l'État partie est formellement tenu de garantir et protéger ces droits.
L'État partie devrait s'efforcer de réduire le nombre d'apatrides en donnant la priorité aux enfants, notamment en encourageant leurs parents à demander pour leur compte la nationalité estonienne et en lançant des campagnes à ce sujet dans les écoles. L'État partie est invité à reconsidérer la position qu'il a prise concernant l'octroi de la nationalité estonienne aux personnes qui ont pris la nationalité d'un autre pays au cours de la période de transition et aux apatrides. L'État partie est aussi encouragé à conduire une étude sur les conséquences socioéconomiques de l'apatridie en Estonie, notamment la question de la marginalisation et de l'exclusion (art. 24 et 26 du Pacte).
15. Le Comité s'inquiète de ce que la durée du service de remplacement réservé aux objecteurs de conscience puisse être jusqu'à deux fois plus longue que celle du service militaire normal.
L'État partie a l'obligation de faire en sorte que les objecteurs de conscience puissent choisir d'effectuer un service de remplacement dont la durée n'ait pas un effet punitif (art. 18 et 26 du Pacte).
16. Tout en se félicitant de l'abolition de l'obligation pour tout candidat aux élections de maîtriser la langue estonienne et de l'affirmation de la délégation selon laquelle l'utilisation et les dimensions des affiches et panneaux rédigés dans d'autres langues ne sont pas soumises à restrictions, le Comité est préoccupé par l'application concrète de l'obligation de connaissance de la langue estonienne, notamment dans le secteur privé et par l'effet que cela peut avoir sur l'offre d'emplois aux membres de la minorité russophone. Il s'inquiète par ailleurs de ce que dans les régions où une minorité importante parle essentiellement le russe, la signalétique des espaces collectifs ne soit pas traduite dans cette langue.
L'État partie est invité à veiller à ce que, conformément à l'article 27 du Pacte, les minorités puissent en pratique jouir de leur propre culture et utiliser leur propre langue. Il est aussi invité à faire en sorte que les lois relatives à l'utilisation des langues n'entraînent pas de discrimination contraire à l'article 26 du Pacte.
17. Compte tenu du nombre considérable de non-nationaux résidant dans l'État partie, le Comité juge regrettables les textes législatifs qui interdisent aux non-nationaux de s'inscrire à des partis politiques.
L'État partie devrait dûment examiner la possibilité d'autoriser les non-nationaux à devenir membres de partis politiques (art. 28 du Pacte).
18. Le Comité regrette l'absence d'informations détaillées sur les résultats effectifs des activités du Chancelier de justice et d'autres organismes tels que l'Inspection du travail, s'agissant de leurs compétences à recevoir les plaintes de particuliers et à y faire droit.
L'État partie est invité à fournir des informations détaillées, assorties d'exemples concrets, sur le nombre, la nature et le résultat des différentes affaires soumises au Bureau du Chancelier de justice et à d'autres organismes habilités à connaître des plaintes de particuliers.
19. L'État partie devrait diffuser largement le texte de son deuxième rapport périodique, des réponses fournies à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales.
20. Conformément au paragraphe 5 de l'article 70 du règlement intérieur du Comité, l'État partie devrait fournir dans un délai d'un an les renseignements pertinents sur l'application des recommandations du Comité figurant dans les paragraphes 10, 14 et 16 ci-dessus. Le troisième rapport périodique devrait être soumis d'ici au 1er avril 2007.