Observations finales du Comité des droits de l'homme
Finlande
1. Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de la Finlande (CCPR/C/FIN/2003/5) à ses 2226e et 2227e séances (CCPR/C/SR.2226 et 2227), tenues les 18 et 19 octobre 2004, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2239e séance (CCPR/C/SR.2239), le 27 octobre 2004.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite de la présentation par l'État partie de son rapport, en temps voulu et conformément aux directives en la matière. Il note avec satisfaction que ce rapport contient des informations utiles sur l'évolution de la situation des droits garantis par le Pacte en Finlande depuis l'examen du quatrième rapport périodique. Le Comité a apprécié le dialogue avec la délégation.
B. Aspects positifs
3. Le Comité relève avec satisfaction l'adoption:
a) D'une nouvelle loi sur la non-discrimination entrée en vigueur en février 2004, prohibant toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'âge, l'origine ethnique ou nationale, la nationalité, la langue, la religion, la conviction, l'opinion, la santé, le handicap et l'orientation sexuelle. Selon ce texte, la charge de la preuve devant les tribunaux incombe au défendeur;
b) De nouvelles dispositions au Code pénal, d'une part, réprimant le trafic des êtres humains, en vertu du chapitre 25, et les atteintes à la liberté personnelle, et d'autre part, permettant en vertu du chapitre 1, section 7, de poursuivre conformément à la loi finlandaise tout citoyen de l'État partie coupable de trafic de personnes à l'étranger et de délits à l'étranger, et ceci quelle que soit la loi applicable au lieu du délit.
c) De mesures ayant permis l'augmentation du nombre de femmes à de hauts postes au sein de l'administration, y compris de directeurs de différents ministères. Ces mesures devraient être renforcées afin de garantir aux femmes qualifiées de plus grandes opportunités afin d'occuper des postes décisionnels.
4. Le Comité a pris note avec satisfaction de la préoccupation de l'État partie tendant à intégrer les droits de l'homme dans le cadre des mesures prises au titre de la lutte contre le terrorisme, notamment en maintenant en toutes circonstances l'interdiction d'extrader, de refouler ou d'expulser une personne vers un pays où elle serait exposée à la peine capitale et à des violations des articles 6 et 7 du Pacte.
5. Le Comité souligne le rôle positif joué par la Finlande au niveau international dans l'établissement d'un Forum européen pour les Roms.
6. Le Comité se félicite de l'utilisation des observations finales des organes de traités comme critères pour l'évaluation des droits de l'homme en Finlande dans le cadre des rapports soumis par le Ministère des affaires étrangères au Parlement.
C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
7. Le Comité regrette que la Finlande maintienne ses réserves, à savoir celles relatives à l'article 10, paragraphes 2 b) et 3, à l'article 14, paragraphe 7, et à l'article 20, paragraphe 1 du Pacte.
L'État partie devrait envisager de retirer ses réserves.
8. Le Comité regrette que l'État partie n'ait que partiellement donné suite aux constatations concernant la communication no 779/1997 (Anni Aärelä et Jouni Näkkäläjärvi c. Finlande).
L'État partie est instamment prié de donner plein effet aux constatations du Comité. Il devrait envisager d'adopter des procédures appropriées afin de donner effet aux constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif.
9. Tout en étant conscient des efforts importants déployés par l'État partie afin de garantir l'égalité des hommes et des femmes, le Comité constate la persistance de la disparité des rémunérations selon le sexe.
L'État partie devrait poursuivre sa politique éducative auprès de la société et s'assurer de l'efficacité des plans sur l'égalité et autres mesures à venir, y compris la mise en œuvre de mesures contraignantes à l'endroit des employeurs, pour qu'à travail de valeur égale, les femmes perçoivent un salaire égal, ceci afin de satisfaire aux obligations contractées en vertu des articles 3 et 26 du Pacte.
10. Le Comité est préoccupé par la situation des personnes en détention provisoire retenues dans les locaux de commissariats de police et note l'absence de clarté en ce qui concerne le droit du prévenu à un avocat au stade de la garde à vue, ainsi que sur l'intervention et le rôle du médecin durant cette période.
L'État partie est invité à fournir les éclaircissements nécessaires afin que le Comité ait l'assurance que la législation et la pratique dans ce domaine sont compatibles avec les articles 7 et 9 du Pacte.
11. Tout en notant l'existence d'un projet de loi sur la détention provisoire prévoyant la séparation des prévenus des condamnés, sauf dans des circonstances exceptionnelles lesquelles devront, en tout état de cause, être clairement définies et conformes au Pacte, le Comité estime que l'invocation par la délégation de certaines difficultés pratiques telles que l'absence de personnel et de locaux ne saurait justifier une quelconque atteinte à l'article 10, paragraphe 2 a) du Pacte.
L'État partie devrait veiller à ce que le projet de loi sur la détention provisoire soit compatible avec l'article 10, paragraphe 2 a) du Pacte, et devrait prendre les mesures administratives et budgétaires appropriées afin de remédier aux difficultés pratiques soulevées par la délégation.
12. Le Comité note l'absence de clarté relativement aux implications et conséquences de l'amendement à la législation sur les étrangers de juillet 2000 prévoyant une procédure plus rapide pour les demandes d'asile manifestement mal fondées et celles émanant d'étrangers en provenance d'un pays «sûr», au regard tant du caractère suspensif des recours que de la protection légale accordée aux demandeurs d'asile.
L'État partie devrait veiller à ce que la législation et la pratique dans ce domaine soient compatibles avec les articles 2, 6, 7 et 13 du Pacte, et en particulier que l'appel ait un effet suspensif.
13. Le Comité note, avec préoccupation, les attaques publiques d'autorités politiques (membres du Gouvernement et du Parlement) contre la compétence de l'autorité judiciaire, visant à interférer dans certaines décisions de justice.
L'État partie devrait prendre les mesures nécessaires, y compris au plus haut niveau de l'État, afin de préserver l'indépendance de l'autorité judiciaire et la confiance de la population dans l'indépendance des juges (art. 2 et 14 du Pacte).
14. Le Comité regrette la restriction concernant le droit à l'objection de conscience, limité aux périodes de paix, ainsi que le caractère punitif de la durée du service civil alternatif par comparaison à celle du service militaire. Il réitère ses préoccupations sur le fait que le traitement accordé aux Témoins de Jéhovah ne soit pas étendu aux autres groupes d'objecteurs de conscience.
L'État partie devrait pleinement reconnaître le droit à l'objection de conscience, et donc le garantir tant en période de guerre que de paix, et devrait mettre fin au caractère discriminatoire à la fois de la durée du service civil de remplacement et des catégories bénéficiaires (art. 18 et 26 du Pacte).
15. Tout en reconnaissant les efforts déployés par l'État partie à l'endroit de la minorité rom à la fois pour le maintien de sa langue et de sa culture ainsi que pour sa pleine intégration au sein de la société, le Comité note, à nouveau, avec préoccupation que les Roms continuent d'être victimes de discriminations dans les domaines du logement, de l'éducation, de l'emploi et de l'accès aux lieux publics.
L'État partie devrait renforcer ses efforts dans sa lutte contre l'exclusion sociale et la discrimination et allouer les ressources nécessaires à la mise en œuvre de l'ensemble des mesures visant à éliminer les obstacles à l'exercice effectif par les Roms des droits qui leur sont reconnus dans le Pacte (art. 26 et 27 du Pacte).
16. Le Comité est préoccupé par la persistance de comportements négatifs et de la discrimination s'exerçant de facto à l'encontre des immigrants dans certaines couches de la population finlandaise.
L'État partie devrait renforcer les mesures prises afin de promouvoir la tolérance et combattre les préjugés, notamment par le biais de programmes d'éducation de la population.
17. Le Comité regrette de ne pas avoir eu de réponse claire sur les droits des Samis en tant que peuple autochtone (Constitution, sect. 17, sous-section 3) au regard de l'article 1 du Pacte. Il réitère sa préoccupation quant au non-règlement de la question des droits des Samis relativement au domaine foncier ainsi qu'aux différentes formes d'utilisation publique et privée des terres affectant les moyens de subsistance traditionnels des Samis, en particulier l'élevage de rennes, mettant ainsi en danger la culture et le mode de vie traditionnel des Samis et donc leur identité.
L'État partie devrait adopter, dans de brefs délais, des mesures décisives, de concert avec le peuple sami, en vue de trouver une solution appropriée au litige foncier, en tenant dûment compte de la nécessité de préserver l'identité sami, conformément à l'article 27 du Pacte. Il est prié de s'abstenir, entre-temps, de toutes mesures qui pourraient préjuger de la solution de la question des droits fonciers des Samis de manière négative.
18. L'État partie devrait donner une large diffusion au texte de son cinquième rapport périodique et aux présentes observations finales.
19. Conformément au paragraphe 5 de l'article 71 du règlement intérieur du Comité, l'État partie devrait adresser dans un délai d'un an des renseignements sur la suite donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 8, 12 et 17 ci-dessus. Le Comité demande à l'État partie de communiquer dans son prochain rapport, qu'il doit soumettre d'ici au 1er novembre 2009, des informations sur les autres recommandations qu'il a faites et sur l'application du Pacte dans son ensemble.