Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME
Soixante-dixième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN VERTU DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations finales du Comité des droits de l'homme
Gabon
4. Il note avec satisfaction que le Pacte est d'application directe au Gabon.
5. Le Comité se félicite de ce que les particuliers peuvent présenter un recours direct devant la Cour constitutionnelle, ce qui pourrait en outre renforcer les possibilités de recours en cas de violation des dispositions du Pacte.
6. Le Comité prend note de la mise en place d'un Ministère chargé des droits de l'homme et l'établissement d'une Commission nationale des droits de l'homme composée de 14 membres, en tant qu'organisme officiel chargé de la promotion et la protection des droits de l'homme et ayant compétence pour examiner des pétitions des particuliers. Il se félicite de la mise en place d'une commission interministérielle chargée de recenser, afin de les éliminer dans la législation, toutes les dispositions discriminatoires, notamment à l'égard des femmes.
7. Il note que la police ne fait plus partie des forces militaires du pays et ne relève plus du commandement militaire du Ministère de la défense.
9. Le Comité note qu'il existe dans l'État partie des coutumes et des traditions, notamment en ce qui concerne l'égalité entre hommes et femmes, susceptibles d'entraver la pleine application de certaines dispositions du Pacte. En particulier, le Comité déplore que la polygamie persiste au Gabon, et se réfère à l'observation générale No 28 du Comité qui stipule "que la polygamie est incompatible avec l'égalité de traitement en ce qui concerne le droit de se marier. La polygamie est attentatoire à la dignité de la femme. Elle constitue, en outre, une inadmissible discrimination à son égard." (CCPR/C/21/Rev.1/Add.10, par. 24.) En outre, le Comité constate que plusieurs dispositions législatives gabonaises ne sont pas compatibles avec le Pacte, notamment l'article 252 du Code civil, qui prévoit l'obéissance de la femme à l'égard de son mari. Enfin, le Comité relève que, en cas de décès de son conjoint, la femme mariée n'hérite qu'après les enfants l'usufruit d'un quart des biens laissés par le mari décédé.
L'État partie doit revoir sa législation et sa pratique pour garantir aux femmes les mêmes droits que les hommes, y compris les droits patrimoniaux et de succession. Il doit prendre des mesures concrètes pour renforcer la participation des femmes à la vie politique, économique et sociale et veiller à ce qu'aucune discrimination fondée sur le droit coutumier ne soit exercée, entre autres en ce qui concerne le mariage, le divorce, et la succession. La polygamie doit être définitivement abolie, ainsi que l'article 252 du Code civil. L'État partie a l'obligation de prendre toute mesure nécessaire pour garantir que le Pacte soit respecté.
10. Le Comité note l'absence d'information relative à l'article 4, paragraphe 2, du Pacte; il est en outre préoccupé par l'insuffisance des garanties et des recours utiles dont peuvent bénéficier les particuliers en période d'état d'urgence.
Il invite l'État à clarifier les droits du Pacte affectés par les diverses formes d'état d'urgence. L'État doit instituer des recours utiles dans sa législation applicable en période d'état d'urgence.
11. Le Comité note que la Cour de sûreté de l'État est toujours établie même si elle ne fonctionne pas.
Il invite l'État à supprimer cette juridiction.
12. Le Comité note que l'État partie a pour politique déclarée de ne pas appliquer la peine de mort, et qu'en effet personne n'a pas exécuté depuis 1981.
Le Comité invite l'État partie à prendre les mesures nécessaires pour adhérer au Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.
13. Le Comité constate que les garanties énoncées dans l'article 9 du Pacte ne sont pas pleinement respectées, que ce soit en droit ou dans la pratique. Il est particulièrement préoccupé par la durée que peuvent avoir la garde à vue et la détention provisoire. Il rappelle que le paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte stipule que : "la détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle".
L'État partie doit prendre les mesures nécessaires pour assurer que dans aucun cas la garde à vue se prolonge au-delà de 48 heures et que les personnes détenues aient accès aux avocats dès leur arrestation. L'État partie doit pleinement se conformer en fait aux dispositions de l'article 9, paragraphe 3, du Pacte.
14. Le Comité note l'information fournie par la délégation que les personnes détenues dans les prisons sont séparées selon leur qualité de prévenu ou de condamné, de jeune ou d'adulte. Pourtant, il se préoccupe des informations selon lesquelles il y a des prisons rurales où la séparation n'est pas effectuée. En outre, si le Comité constate que depuis l'examen du dernier rapport, le Gabon a déployé des efforts de restructuration et a construit deux nouvelles prisons, il est toujours préoccupé par l'état de délabrement dans lequel se trouvent les vieilles prisons, de la surpopulation, ainsi que du manque d'hygiène.
L'État partie doit prendre des dispositions pour que les conditions dans les prisons soient conformes à l'article 10 du Pacte ainsi qu'à l'Ensemble de règles minima de l'ONU pour le traitement des détenus et pour que lesdites règles soient accessibles à la police, aux forces armées, au personnel pénitentiaire, à toute autre personne chargée de mener des interrogatoires, ainsi qu'aux personnes privées de liberté.
15. Le Comité réitère sa préoccupation sur la pratique de l'emprisonnement pour dette civile, qui constitue une infraction à l'article 11 du Pacte.
L'État partie doit abolir l'emprisonnement pour dette.
16. En ce qui concerne les droits des citoyens non gabonais et des réfugiés vivant au Gabon, le Comité constate que les travailleurs étrangers sont encore tenus d'avoir un visa de sortie, en contravention avec l'article 12 du Pacte.
L'État partie doit supprimer cette mesure.
17. Le Comité est préoccupé de constater que l'État partie nie l'existence de minorités sur son territoire. Il se préoccupe de relever que les mesures prises pour garantir l'application des droits des personnes appartenant à des minorités, tels qu'ils sont énoncés à l'article 27 du Pacte, sont insuffisantes, notamment à l'égard du peuple baka.
L'État partie doit prendre des mesures positives effectives pour garantir les droits des personnes appartenant à toutes les minorités.
18. Le Comité se préoccupe de l'exploitation des enfants, notamment des enfants étrangers. Il note que la conférence de Libreville qui s'est tenue en février 2000 a montré qu'il s'agissait d'un véritable fléau.
L'État partie doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir une protection spéciale des enfants conformément à ses obligations au titre de l'article 24 du Pacte.
19. Le Comité constate avec regret que l'existence de pouvoirs de contrôle des programmes et de sanctions à l'égard des organes de presse conférés au Conseil national de la communication constituent une entrave à l'exercice de la liberté de la presse. Il déplore le harcèlement dont font l'objet les journalistes.
Le Comité invite l'État partie à mettre la législation en conformité avec l'article 19 en supprimant la censure et les sanctions à l'égard des organes de presse et à veiller à ce que les journalistes puissent exercer leurs fonctions en toute sécurité.
20. Le Comité fixe la date de présentation du troisième rapport périodique au 31 octobre 2003. Ce rapport devrait être établi conformément aux directives révisées du Comité, contenir des données ventilées par sexe ainsi que des statistiques à jour touchant la condition des femmes et faire une place particulière aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il demande que les présentes observations finales et le prochain rapport périodique fassent l'objet d'une large diffusion auprès du public, y compris la société civile et les organisations non gouvernementales ayant des activités dans l'État partie.