A. Introduction
2. Le Comité a accueilli avec satisfaction le rapport détaillé présenté en temps utile par l'État partie. Il regrette cependant que, bien que ce rapport apporte effectivement des renseignements sur la législation qui régit les obligations auxquelles est tenue la Géorgie en vertu du Pacte, il ne fournisse pas la nécessaire information sur les mesures d'application pratiques.
B. Aspects positifs
3. Le Comité apprécie les progrès considérables qui ont été réalisés en Géorgie depuis la présentation du précédent rapport. Ces progrès ont créé un contexte politique, constitutionnel et juridique favorable à l'application des droits consacrés par le Pacte.
4. Le Comité se félicite de l'abolition de la peine de mort et de la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5. Le Comité se déclare satisfait de la création du Groupe de réaction rapide, lequel est chargé de visiter les commissariats et autres lieux de détention de manière à ce que les plaintes fassent immédiatement l'objet d'enquêtes.
C. Motifs de préoccupation et recommandations
6. S'il s'estime satisfait de la création d'une cour constitutionnelle, le Comité ne demeure pas moins préoccupé par le fait qu'il semble que les procédures actuelles rendent difficile l'accès à la Cour.
L'État partie devrait réformer les procédures de manière à faciliter l'accès à la Cour constitutionnelle pour garantir le plein respect des droits consacrés dans le Pacte.
7. Le nombre encore très élevé de décès parmi les personnes détenues dans les commissariats et les prisons, notamment de suicides et de décès dus à la tuberculose, préoccupe le Comité. S'agissant de la tuberculose, le Comité s'inquiète également de sa forte incidence dans les prisons.
L'État partie devrait prendre d'urgence des mesures pour garantir à toutes les personnes détenues le droit à la vie et à la santé en vertu des dispositions des articles 6 et 7 du Pacte. Concrètement, il devrait améliorer les conditions d'hygiène, l'alimentation et les conditions générales de détention et fournir des soins médicaux appropriés aux détenus, conformément aux dispositions de l'article 10 du Pacte. Il devrait également veiller à ce que chaque cas de décès en détention fasse sans attendre l'objet d'une enquête menée par un organe indépendant.
8. Le Comité demeure préoccupé par la persistance généralisée de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux prisonniers par les agents de la force publique et le personnel pénitentiaire.
a) L'État partie devrait garantir que toutes les formes de torture et de traitements cruels soient sanctionnées comme des délits graves dans sa législation pénale pour que celle-ci soit compatible avec l'article 7 du Pacte;
b) L'État partie devrait en outre instituer un système efficace de surveillance du traitement appliqué à tous les prisonniers, afin de garantir le plein respect de leurs droits, conformément aux articles 7 et 10 du Pacte;
c) L'État partie devrait garantir aussi que toutes les dénonciations de mauvais traitements par une autorité indépendante fassent dûment l'objet d'une enquête, que les responsables soient jugés et que les victimes soient indemnisées adéquatement;
d) Dès la privation de liberté et pendant toute la durée de la détention, le libre accès à un avocat et aux soins médicaux devrait être garanti au détenu;
e) Toutes les allégations de déclarations obtenues de détenus par la force devraient être vérifiées; de telles déclarations ne pourront jamais avoir valeur de preuve, sauf s'agissant de prouver qu'il y a eu torture;
f) L'État partie devrait veiller à ce que les forces de police et le personnel pénitentiaire reçoivent une formation en matière de droits de l'homme, s'agissant en particulier de l'interdiction de la torture.
9. Le Comité est préoccupé en outre de la durée (jusqu'à 72 heures) pendant laquelle une personne peut être maintenue en détention sans être informée des accusations qui pèsent contre elle. Il est également préoccupé du fait que l'accusé ne peut dénoncer devant un juge les abus ou mauvais traitements éventuels dont il pourrait faire l'objet au cours de sa détention, avant le moment où il passe en jugement.
L'État partie devrait garantir que les détenus soient informés sans attendre des charges qui pèsent sur eux, conformément à l'article 9 du Pacte. Ceux-ci doivent avoir la possibilité de dénoncer devant un juge les mauvais traitements dont ils pourraient faire l'objet pendant la durée de l'enquête, conformément aux dispositions des articles 7 et 14 du Pacte.
10. La possibilité du maintien en détention et de l'emprisonnement d'une personne qui a manqué à ses obligations contractuelles ou l'interdiction qui lui est faite de s'éloigner de son lieu de résidence préoccupent le Comité.
L'État partie devrait mettre sa législation civile et pénale en conformité des articles 11 et 12 du Pacte.
11. Les difficultés qu'ont les détenus et les personnes accusées d'un délit à se faire assister d'un avocat, en particulier d'un avocat commis d'office, préoccupent le Comité. Bien que la loi prévoie la commission d'office d'un avocat, les problèmes budgétaires actuels compromettent la jouissance de ce droit.
L'État partie devrait veiller à ce que le droit à se faire assister d'un avocat soit intégralement respecté conformément au paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte; ce qui implique l'existence d'un budget permettant un système effectif d'aide judiciaire.
12. Le Comité estime en outre préoccupant que des facteurs tels que les retards dans le versement des traitements des juges et la précarité de la charge puissent avoir des répercussions néfastes sur l'indépendance de la magistrature.
L'État partie doit faire le nécessaire pour assurer que les juges puissent s'acquitter de leurs fonctions en toute indépendance et garantir la stabilité de la charge en vertu des dispositions de l'article 14 du Pacte. Il doit également veiller à ce que les accusations documentées de corruption judiciaire fassent l'objet d'une enquête par un organe indépendant et que les mesures disciplinaires ou pénales appropriées soient appliquées.
13. Si le Comité reconnaît que les efforts déployés en vue de mettre la femme sur un pied d'égalité avec l'homme dans la vie politique et publique ont produit quelques résultats, il continue de s'inquiéter du faible niveau de représentation des femmes au Parlement et aux échelons supérieurs de la hiérarchie dans les secteurs public et privé.
L'État partie devrait faire le nécessaire pour s'acquitter des obligations auxquelles il est tenu en vertu des articles 3 et 26 de telle manière que les femmes soient mieux représentées au Parlement et aux échelons supérieurs de la hiérarchie, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, conformément à l'article 3 du Pacte. Il doit envisager la possibilité d'adopter des mesures, notamment au niveau de l'éducation, pour améliorer la condition de la femme dans la société.
14. Le Comité note avec préoccupation que la violence domestique dont la femme est la victime continue de poser un problème en Géorgie.
L'État partie devrait, pour mettre la femme à l'abri de la violence domestique, adopter les mesures appropriées, notamment en promulguant et en faisant appliquer des lois à cet effet, en dispensant une formation au personnel de la police et en sensibilisant la population et, plus précisément, en vulgarisant les connaissances en matière de droits de l'homme, conformément à l'article 9 du Pacte. L'État partie devrait fournir des informations concrètes sur la situation de la violence domestique.
15. Le Comité reste préoccupé par la permanence de pratiques qui donnent lieu à un trafic de femmes en Géorgie.
L'État partie devrait prendre des mesures pour prévenir et combattre un tel trafic qui doit être pénalisé par la loi, et appliquer pleinement les dispositions de l'article 8 du Pacte. Le Comité recommande que des mesures préventives soient prises pour abolir le trafic des femmes et offrir aux victimes des programmes de réadaptation. Les lois et les politiques de l'État partie devraient offrir protection et appui aux victimes.
16. Si le Comité se félicite de la création d'un médiateur national, il note que ses fonctions ne sont pas clairement définies et qu'il ne dispose que d'un pouvoir limité pour faire appliquer ses recommandations.
L'État partie devrait définir clairement les fonctions du Médiateur national, assurer son indépendance par rapport au pouvoir exécutif, lui donner l'obligation de rendre compte au pouvoir législatif et lui accorder une plus grande autorité vis-à-vis des autres organes de l'État, conformément aux dispositions de l'article 2 du Pacte.
17. Le Comité constate avec une grande préoccupation l'aggravation des manifestations d'intolérance religieuse, le harcèlement auquel sont exposées les minorités religieuses de diverses confessions et en particulier les Témoins de Jéhovah.
L'État partie devrait faire le nécessaire pour que soit respectée la liberté de pensée, de conscience et de religion, conformément aux dispositions de l'article 18 du Pacte. L'État devrait plus particulièrement:
a) Enquêter sur les cas documentés de harcèlement visant des minorités religieuses et pénaliser ce harcèlement;
b) Traduire en justice les responsables de tels délits;
c) Mener une campagne de sensibilisation en matière de tolérance religieuse et prévenir au moyen de l'éducation l'intolérance et la discrimination fondées sur la religion ou les croyances.
18. Le Comité est préoccupé par la discrimination dont font l'objet les objecteurs de conscience dans la mesure où ceux-ci sont astreints à un service civil de substitution d'une durée de 36 mois par rapport aux 18 mois de service militaire ordinaire, et déplore l'absence de renseignements concernant les normes applicables à l'objection de conscience.
L'État partie devrait veiller à ce que les personnes appelées à accomplir leur service militaire et qui sont objecteurs de conscience, puissent opter pour un service civil dont la durée ne soit pas discriminatoire par rapport à celle du service militaire, conformément aux dispositions des articles 18 et 26 du Pacte.
19. Le Comité est préoccupé par les obstacles auxquels se heurtent les minorités pour s'épanouir en tant que telles dans les domaines culturel, religieux ou politique.
L'État partie devrait garantir à tous les membres des minorités ethniques, religieuses et linguistiques une protection effective contre la discrimination et aux membres des diverses communautés, la possibilité de s'épanouir dans leur propre culture et d'utiliser leur propre langue, conformément à l'article 27 du Pacte.
20. Le Comité est préoccupé également par le fait que des membres d'organisations non gouvernementales, en particulier les organisations de défense des droits de l'homme, font l'objet de harcèlement.
L'État partie doit veiller à ce que les ONG puissent exercer démocratiquement leurs fonctions en toute sécurité.
D. Diffusion de l'information concernant le Pacte
21. Le Comité prie l'État partie de porter le texte de ses observations finales à la connaissance du public, dans les langues appropriées, et lui demande de diffuser largement son prochain rapport périodique, notamment auprès des organisations non gouvernementales qui sont actives en Géorgie.
22. Conformément au paragraphe 5 de l'article 70 du règlement du Comité, l'État partie est invité à fournir, dans un délai de 12 mois, des renseignements concernant les mesures qui auront été adoptées en réponse aux questions qui ont été soulevées aux paragraphes 7, 8 et 9 des observations finales.
23. Le Comité prie l'État partie de présenter son troisième rapport périodique d'ici au 1er avril 2006.