Examen des rapports présentés par les États parties
en vertu de l'article 40 du Pacte
Observations finales du Comité des droits de l'homme
Allemagne
1. Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de l'Allemagne (CCPR/C/DEU/2002/5) à ses 2170e et 2171e séances (CCPR/C/SR.2170 et 2171), le 17 mars 2004, et adopté les observations finales suivantes à sa 2188e séance (CCPR/C/SR.2188), le 30 mars 2004.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite que l'État partie ait soumis en temps voulu un rapport en tous points conformes à ses directives. Il note avec satisfaction que celui-ci contient des renseignements utiles et détaillés sur ce qui a été fait en Allemagne depuis l'examen du quatrième rapport périodique en référence à ses précédentes observations finales. Il se félicite également qu'il ait été répondu par écrit aux questions posées dans la liste des points à traiter, ce qui a grandement facilité le dialogue entre la délégation allemande et ses propres membres. Il remercie également la délégation des réponses qui ont été données oralement aux questions soulevées et aux préoccupations exprimées lors de l'examen de ce rapport.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se félicite des mesures qui ont été prises pour améliorer la protection et la promotion des droits de l'homme, à savoir:
a) L'institution, en 1998, d'un Comité des droits de l'homme et de l'aide humanitaire par le Parlement fédéral allemand;
b) La création, le 8 mars 2001, d'un nouvel Institut national des droits de l'homme chargé de surveiller la situation intérieure dans le domaine considéré et de sensibiliser le public à la question des droits de l'homme;
c) La présentation par le Gouvernement fédéral d'un rapport biannuel concernant les droits de l'homme au Parlement fédéral, qui s'est, pour la première fois en 2002, penché de façon approfondie sur la situation intérieure des droits de l'homme.
4. Le Comité apprécie les mesures qui ont été prises pour améliorer la protection des enfants, en particulier la législation leur accordant le droit à l'éducation dans un environnement non violent, la suppression des différences qui subsistaient dans le statut légal des enfants nés dans les liens ou hors les liens du mariage et l'introduction d'éléments du jus soli en faveur des enfants nés en Allemagne de parents étrangers.
5. Le Comité se félicite des progrès qui ont été faits dans le domaine de l'éducation aux droits de l'homme, en particulier à l'égard des fonctionnaires de police, des militaires et de la jeunesse.
6. Le Comité note avec satisfaction les mesures prises par l'État partie et les progrès qui ont été faits, en dépit des problèmes qui continuent de se poser, en ce qui concerne la lutte contre la violence xénophobe et antisémite.
7. Le Comité se félicite de la position tout à fait claire adoptée par l'État partie quant à l'inadmissibilité, quelles que soient les circonstances de la torture.
8. Le Comité loue le rôle positif que ne cesse de jouer la Cour constitutionnelle fédérale pour la sauvegarde des droits fondamentaux, notamment par ses décisions visant à renforcer la protection de la liberté religieuse et à améliorer la protection de la vie privée à l'égard de l'installation de dispositifs d'écoute au domicile privé.
9. Enfin, le Comité note avec satisfaction que le Parlement et des organisations non gouvernementales participent à l'établissement du rapport et à la détermination des mesures à prendre pour donner suite à ses observations finales.
C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
10. Le Comité regrette que l'Allemagne maintienne ses réserves, en particulier celle qui concerne l'article 15, paragraphe 1 du Pacte, qui consacre un droit non susceptible de dérogation ainsi que celle émise lors de la ratification du Protocole facultatif par l'État partie et qui limite partiellement la compétence du Comité lorsque l'article 26 du Pacte est en cause.
L'État partie devrait envisager de retirer ses réserves.
11. Le Comité note avec préoccupation que l'Allemagne n'a pas encore pris position en ce qui concerne l'applicabilité du Pacte aux personnes relevant de sa juridiction dans les cas où des troupes ou des forces de police allemandes sont détachées à l'étranger, en particulier dans le contexte de missions de paix. Il rappelle que l'applicabilité du régime du droit international humanitaire n'exonère pas les États parties des responsabilités qui leur incombent en vertu du paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte à l'égard des actes de leurs agents à l'extérieur du territoire national.
L'État partie est invité à clarifier sa position et à prévoir une formation concernant les droits pertinents énoncés dans le Pacte spécialement conçue pour les membres de ses forces de sécurité déployées dans le cadre d'opérations internationales.
12. Le Comité note qu'il se peut, du fait de la structure fédérale de l'État partie, que celui-ci, auquel incombe la responsabilité générale de faire respecter le Pacte, soit confronté à des actes ou des omissions de la part des autorités des Länder dans les domaines relevant exclusivement de leur compétence qui soient en contradiction avec les dispositions du Pacte.
Il est rappelé à l'État partie que les responsabilités qui lui incombent à l'égard de l'article 50 du Pacte impliquent qu'il mette en place les mécanismes appropriés entre les autorités fédérales et provinciales pour mieux garantir la pleine applicabilité du Pacte.
13. Le Comité apprécie les progrès qui ont été faits dans la pratique pour mettre les femmes à égalité avec les hommes dans la fonction publique, mais il note avec préoccupation que le nombre des femmes occupant des postes élevés reste très faible. Il est préoccupé également par les grandes disparités que l'on constate dans le secteur privé, entre la rémunération des hommes et celle des femmes (art. 3 et 26).
L'État partie devrait veiller à ce qu'hommes et femmes soient traités également à tous les niveaux de la fonction publique. Il faudrait en outre qu'il continue de prendre les mesures nécessaires pour que les femmes se trouvent sur un pied d'égalité sur le marché du travail, en particulier pour qu'à travail égal, elles perçoivent un salaire égal.
14. Le Comité note avec préoccupation la persistance des phénomènes de violence domestique, en dépit de la législation adoptée par l'État partie (art. 3 et 7).
L'État partie devrait renforcer son action contre la violence domestique et prendre, à cet égard, des mesures plus efficaces pour la prévenir et venir en aide aux personnes qui en sont victimes.
15. Le Comité note avec satisfaction que l'utilisation des armes à feu par la police est limitée par la loi aux mesures de coercition qu'imposent des circonstances extrêmes, et que le nombre des personnes tuées ou blessées du fait de l'utilisation de telles armes a diminué ces dernières années; néanmoins, il est préoccupé par le fait que, dans certains cas, l'utilisation d'armes à feu n'était peut-être pas justifiée (art. 6).
a) L'État partie devrait veiller à ce que tous les cas de personnes tuées ou blessées par armes à feu par les forces de police fassent rapidement l'objet d'une enquête approfondie et impartiale; à ce que les responsables de violations de la loi soient traduits en justice et à ce que les victimes et leurs familles se voient accorder une réparation complète, y compris une indemnisation juste et suffisante, et bénéficient de mesures de réadaptation;
b) L'État partie devrait également prévoir à l'intention de la police une formation aux méthodes permettant de maîtriser des situations délicates sans faire usage d'armes à feu.
16. Le Comité apprécie que le nombre des plaintes officielles ait diminué ces dernières années, mais il est néanmoins préoccupé par la persistance d'informations faisant état de mauvais traitements infligés par la police, en particulier aux étrangers et aux membres de minorités ethniques. Il déplore en particulier qu'en dépit des précédentes observations finales du Comité, l'État partie n'ait pas trouvé des moyens de surveiller efficacement la situation et qu'il ne dispose toujours pas des statistiques indispensables concernant les pratiques répréhensibles de la police (art. 7)
a) L'État partie devrait rapidement procéder à une enquête approfondie et impartiale sur toutes les allégations de maltraitance policière et, le cas échéant, traduire les responsables en justice;
b) L'État partie devrait protéger les personnes qui portent plainte pour mauvais traitements infligés par des fonctionnaires de police contre toute intimidation et accorder aux victimes et à leurs familles une réparation complète, y compris une indemnisation juste et suffisante, et assurer leur réadaptation;
c) L'État partie devrait améliorer la surveillance du comportement de la police en chargeant un organisme gouvernemental central de tenir et de publier des statistiques complètes sur les mauvais traitements et autres pratiques policières répréhensibles, y compris les injures racistes, sur les mesures prises dans de tels cas et sur le résultat des enquêtes et des procédures disciplinaires ou pénales. En outre, l'État partie devrait mettre en place sur tout son territoire des organes indépendants chargés d'enquêter sur les plaintes pour mauvais traitements infligés par la police.
17. Le Comité note la situation vulnérable des personnes âgées placées dans des établissements de soins de longue durée qui peuvent ainsi, dans certains cas, faire l'objet de traitements dégradants portant atteinte à leur droit à la dignité humaine (art. 7).
L'État partie devrait poursuivre ses efforts pour améliorer la situation des personnes âgées dans les centres médicalisés.
18. Le Comité est préoccupé de ce qu'en dépit des mesures positives adoptées par l'État partie, la traite d'êtres humains, en particulier de femmes, continue de se pratiquer sur le territoire de l'Allemagne (art. 8).
L'État partie devrait renforcer les mesures prises pour prévenir et éliminer une telle activité, ainsi que pour en protéger les victimes et les témoins.
19. Le Comité réitère la préoccupation que lui inspire le fait que l'adhésion à certaines organisations religieuses ou à certaines croyances constitue l'un des principaux motifs d'exclusion des candidats à un emploi dans la fonction publique, ce qui dans certains cas peut constituer une violation des droits garantis par les articles 18 et 25 du Pacte.
L'État partie devrait remplir pleinement les obligations que lui impose le Pacte à cet égard.
20. Le Comité prend note de la ferme position de l'Allemagne s'agissant du respect des droits de l'homme dans le contexte des mesures antiterroristes qu'il a adoptées à la suite des événements du 11 septembre 2001, mais se dit néanmoins préoccupé par les incidences que ces mesures peuvent avoir sur la situation des droits de l'homme en Allemagne, en particulier pour les personnes d'origine étrangère, du fait du climat de suspicion latente qui prévaut à leur égard (art. 17, 19, 22 et 26).
a) L'État partie devrait veiller à ce que les mesures antiterroristes soient pleinement conformes au Pacte. Il est prié de faire en sorte que les craintes liées au terrorisme ne soient pas une source d'abus, en particulier à l'égard des personnes d'origine étrangère, y compris les demandeurs d'asile;
b) L'État partie est prié également de lancer une campagne d'éducation par l'intermédiaire des médias afin que les personnes d'origine étrangère, en particulier les Arabes et les musulmans, ne soient pas victimes de stéréotypes les associant au terrorisme, à l'extrémisme et au fanatisme.
21. Le Comité est préoccupé de ce que les Roms soient toujours en butte aux préjugés et à la discrimination, en particulier en ce qui concerne l'accès au logement et à l'emploi. Il s'inquiète également des informations signalant qu'un nombre disproportionné d'entre eux font l'objet de mesures d'expulsion ou autres mesures tendant à renvoyer les étrangers dans leur pays d'origine (art. 26 et 27).
a) L'État partie devrait s'efforcer davantage d'intégrer les communautés roms en Allemagne en respectant leur identité culturelle, en particulier en prenant des mesures en leur faveur en matière de logement, d'emploi et d'éducation;
b) L'État partie devrait garantir le principe de la non-discrimination dans l'application des mesures d'expulsion et de rapatriement des étrangers dans leur pays d'origine.
22. L'État partie devrait diffuser largement le texte de son cinquième rapport périodique et des présentes observations finales.
23. Conformément au paragraphe 5 de l'article 70 du règlement intérieur du Comité, l'État partie devrait fournir dans un délai d'un an les renseignements pertinents concernant l'application des recommandations du Comité figurant au paragraphe 11. Le Comité prie l'État partie de lui fournir dans son prochain rapport, qui doit lui être présenté le 1er avril 2009 au plus tard, des renseignements concernant les autres recommandations formulées et l'application du Pacte dans son ensemble.