Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l'Inde (CCPR/C/76/Add.6) de sa 1603ème à sa 1606ème séance, les 24 et 25 juillet 1997, et a adopté, à sa 1612ème séance (soixantième session), le 30 juillet 1997, les observations suivantes.
2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l'Inde, encore qu'il regrette le retard avec lequel il lui a été soumis. Tout en notant que le rapport contient des renseignements détaillés sur les dispositions constitutionnelles et législatives applicables dans le domaine des droits de l'homme et qu'il y est fait référence aux observations que le Comité a formulées lors de l'examen du deuxième rapport périodique de l'Etat partie, ainsi qu'à un certain nombre de décisions judiciaires, le Comité regrette l'absence d'informations sur les difficultés rencontrées pour mettre en oeuvre dans la pratique les dispositions du Pacte. La délégation a reconnu dans une certaine mesure ces difficultés et a donné, par écrit et oralement, des renseignements détaillés sur de très nombreuses questions pendant l'examen du rapport. A ce sujet, le Comité remercie l'Inde de la coopération dont elle a fait preuve, lui permettant ainsi de s'acquitter de son mandat.
3. Les informations apportées par un grand nombre d'organisations non gouvernementales ont également aidé le Comité à appréhender la situation des droits de l'homme dans l'Etat partie.
4. Le Comité reconnaît que les activités terroristes dans les Etats frontaliers, qui ont fait des milliers de morts et de blessés parmi la population innocente, obligent l'Etat partie à prendre des mesures pour protéger sa population. Il souligne toutefois que toutes les mesures prises à cette fin doivent être compatibles avec les obligations contractées par l'Etat partie en vertu du Pacte.
5. Le Comité note de plus que l'immensité du pays, sa population considérable, la pauvreté massive et les grandes inégalités dans la répartition des richesses entre les différents groupes sociaux entravent la promotion des droits. La persistance de pratiques et de coutumes traditionnelles entraînant pour les femmes et les filles des atteintes à leurs droits, à leur dignité d'être humain et à leur vie, ainsi que la discrimination exercée contre les membres des classes et castes défavorisées et d'autres minorités ainsi que les tensions d'ordre ethnique, culturel et religieux constituent des obstacles à l'application du Pacte.
6. Le Comité note avec satisfaction l'existence d'une gamme étendue d'institutions démocratiques et d'un cadre constitutionnel et législatif général pour la protection des droits fondamentaux. Il se félicite aussi de ce que les tribunaux, et en particulier la Cour suprême, fassent fréquemment référence aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.
7. Le Comité accueille avec satisfaction la création, en 1993, de la Commission nationale des droits de l'homme et se félicite du respect dans lequel le Gouvernement indien tient les recommandations de celle-ci. Il note que des pouvoirs, si limités soient-ils, ont été conférés à la Commission en vertu de la loi sur la protection des droits de l'homme pour enquêter sur les plaintes faisant état de violations des droits de l'homme, intervenir dans les procédures judiciaires concernant des plaintes pour violations des droits de l'homme et s'occuper de toute autre manière de questions de droits de l'homme, examiner les garanties constitutionnelles et législatives et vérifier la conformité des lois avec les instruments internationaux de défense des droits de l'homme, faire des recommandations précises au Parlement et aux autres autorités et entreprendre des actions dans le domaine de l'éducation aux droits de l'homme. Il accueille aussi avec satisfaction la création récente de commissions des droits de l'homme dans six Etats, notamment au Pendjab et au Jammu-et-Cachemire, ainsi que la mise en place de tribunaux des droits de l'homme dans plusieurs autres Etats de l'Union.
8. Le Comité se félicite également de la création, en 1992, de la Commission nationale pour les castes et tribus défavorisées et de la Commission nationale pour les femmes ainsi que, en 1993, de la Commission nationale pour les minorités. Ces commissions ont amorcé quelques améliorations, en particulier en ce qui concerne le niveau d'instruction et la représentation des divers groupes intéressés aux organes électifs et aux autres autorités.
9. Le Comité accueille avec satisfaction l'abrogation, en 1995, de la loi sur la prévention du terrorisme et des atteintes à l'ordre public (TADA), qui conférait aux membres des forces de sécurité et des forces armées des pouvoirs spéciaux en matière d'utilisation de la force, d'arrestation et de placement en détention. Il accueille aussi avec satisfaction la révision, consécutive à l'abrogation de la loi, des procédures engagées en vertu de cette loi, révision à la suite de laquelle un certain nombre de poursuites ont été abandonnées, ainsi que les directives données par la Cour suprême qui a recommandé de s'occuper de la question de la libération sous caution en vertu de la loi TADA, bien qu'il reste encore un assez grand nombre de dossiers en suspens.
10. Le Comité a noté que des postes dans des organes électifs étaient réservés aux membres des castes et tribus énumérées et qu'en vertu d'une modification constitutionnelle un tiers des sièges aux organes électifs locaux (Panchayati Raj) était réservé aux femmes. Il note également qu'un projet de loi tendant à réserver aux femmes un tiers des sièges au Parlement fédéral et dans les parlements de chaque Etat a été déposé.
11. Le Comité se félicite du rétablissement des parlements et des gouvernements élus dans tous les Etats de l'Union, y compris au Pendjab et au Jammu-et-Cachemire, ainsi que de l'organisation d'élections parlementaires fédérales en avril-mai 1996. Il se félicite en outre de l'adoption d'une modification constitutionnelle visant à donner une base légale au Panchayati Raj - institution de gouvernement local à l'échelon du village - et de la promulgation de la loi du 24 décembre 1996 relative au Panchayati Raj (extension aux zones énumérées) visant à accroître la participation de la population à la direction des affaires publiques au niveau de la communauté.
12. Le Comité se félicite en outre de l'intention manifestée par le Gouvernement indien d'adopter des mesures législatives pour promouvoir la liberté de l'information.
13. Notant que les traités internationaux ne sont pas d'application directe en Inde, le Comité :
14. Notant les réserves et déclarations formulées par le Gouvernement indien à l'égard des articles premier, 9, 13, 12, du paragraphe 3 de l'article 19 et des articles 21 et 22 :
16. Tout en reconnaissant les mesures prises pour interdire les mariages d'enfants (loi interdisant les mariages d'enfants), la pratique de la dot et les violences liées à cette pratique (loi sur l'interdiction de la dot et Code pénal) et le sati - l'immolation par le feu des veuves - (loi sur l'interdiction de l'immolation par le feu), le Comité continue de s'inquiéter vivement de ce que les mesures législatives ne sont pas suffisantes et estime que des mesures devraient être prises en vue de modifier les attitudes qui permettent de telles pratiques. Il s'inquiète également de la persistance d'un traitement favorisant les enfants de sexe masculin et déplore la persistance de pratiques telles que le foeticide et l'infanticide de petites filles. Le Comité note en outre que le viol conjugal ne constitue pas une infraction et que le viol commis par l'époux séparé de son épouse est puni d'une peine moins lourde que les autres cas de viol. Le Comité considère donc :
17. Le Comité s'inquiète de ce qu'en Inde l'égalité dans la jouissance des droits et des libertés, conformément aux paragraphes 1 et 3 de l'article 2 et à l'article 26 du Pacte, ne soit pas garantie aux femmes. Les femmes continuent en outre de subir une discrimination. Elles sont toujours sous-représentées dans la vie publique et dans les postes supérieurs de la fonction publique et sont soumises à des lois sur le statut personnel fondées sur des règles religieuses et n'assurant pas l'égalité en matière de mariage, de divorce et de droits successoraux. Le Comité souligne que l'application de lois sur le statut personnel fondées sur la religion constitue une violation du droit à l'égalité devant la loi et à la non-discrimination. En conséquence :
18. Le Comité reste préoccupé par la persistance du recours aux pouvoirs d'exception conférés par des textes tels que la loi sur les pouvoirs spéciaux des forces armées, la loi sur la sécurité publique et la loi sur la sécurité nationale dans les zones déclarées zones de troubles et par les violations graves des droits de l'homme, en particulier des droits consacrés aux articles 6, 7, 9 et 14 du Pacte, commises par les forces de sécurité et les forces armées agissant en vertu de ces lois ainsi que par les groupes paramilitaires et insurgés. Notant que l'examen de la constitutionnalité de la loi sur les pouvoirs spéciaux des forces armées, en suspens depuis longtemps devant la Cour suprême, doit avoir lieu en août 1997, le Comité exprime l'espoir que les dispositions de cette loi seront examinées au regard de leur compatibilité avec le Pacte. A ce sujet, compte tenu des dispositions de l'article premier et des articles 19 et 25 du Pacte :
19. Le Comité regrette que certaines régions de l'Inde soient déclarées zones de troubles depuis de longues années - par exemple la loi sur les pouvoirs spéciaux des forces armées est en vigueur pour l'ensemble de l'Etat de Manipur depuis 1980 et pour certaines régions de cet Etat depuis beaucoup plus longtemps encore - et que dans ces régions l'Etat partie fasse effectivement usage de pouvoirs d'exception sans s'acquitter de l'obligation faite au paragraphe 3 de l'article 4 du Pacte. En conséquence :
20. Le Comité se déclare préoccupé par l'absence de conformité du Code pénal avec les paragraphes 2 et 5 de l'article 6 du Pacte. En conséquence :
21. Le Comité note avec préoccupation que des poursuites pénales ou une action civile ne peuvent pas être engagées contre des membres des forces de sécurité et des forces armées agissant en vertu de pouvoirs d'exception sans la sanction du gouvernement central. Cela contribue à créer un climat d'impunité et prive les individus des recours auxquels ils peuvent avoir droit conformément au paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte. En conséquence :
22. Le Comité regrette que l'article 19 de la loi sur la protection des droits de l'homme empêche la Commission nationale des droits de l'homme d'enquêter directement sur les plaintes faisant état de violations des droits de l'homme imputées aux forces armées et l'oblige à demander un rapport du gouvernement central. Il regrette en outre le délai d'un an imposé pour le dépôt des plaintes devant la Commission, ce qui empêche de mener une enquête dans le cas d'un grand nombre de violations des droits de l'homme commises dans le passé. En conséquence :
sur toutes les allégations de violations imputées à des agents de l'Etat. Il recommande en outre que tous les Etats de l'Union soient encouragés à créer des commissions des droits de l'homme.
23. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la police et les autres forces de sécurité ne respectent pas toujours le droit et selon lesquelles en particulier les décisions judiciaires concernant le recours en habeas corpus ne sont pas toujours exécutées, surtout dans les zones de troubles. Il fait part aussi de la préoccupation que lui inspirent l'incidence des décès, des viols et des tortures en détention et le refus du Gouvernement indien d'accueillir le Rapporteur spécial chargé d'examiner les questions se rapportant à la torture. En conséquence :
24. Le Comité regrette que le recours aux pouvoirs spéciaux d'arrestation demeure généralisé. Tout en prenant note de la réserve faite par l'Etat partie à l'article 9 du Pacte, le Comité considère que cette réserve n'exclut pas, notamment, l'obligation de s'acquitter du devoir d'informer sans délai l'intéressé des motifs de son arrestation. Le Comité est également d'avis que la détention préventive est une restriction de la liberté imposée pour faire face au comportement de l'individu intéressé, que la décision de maintenir la personne en détention doit être considérée comme tombant sous le coup du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte et que la procédure visant à déterminer s'il y a lieu ou non de maintenir l'intéressé en détention doit par conséquent être conforme à cette disposition. En conséquence :
25. Le Comité note avec préoccupation que, malgré la non-prorogation de la loi sur la prévention du terrorisme et des atteintes à l'ordre public, 1 600 personnes sont toujours en détention en vertu de ce texte. En conséquence :
26. Le Comité est préoccupé par le surpeuplement et les mauvaises conditions d'hygiène et de santé qui règnent dans de nombreuses prisons, l'inégalité de traitement des prisonniers et les longues périodes de détention avant jugement, tous éléments incompatibles avec l'article 9 et le paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. En conséquence :
28. Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que des amendes ont été imposées sans jugement à des communautés dans des régions déclarées zones de troubles. En conséquence :
29. Le Comité est préoccupé par l'ampleur du travail servile ainsi que par le fait que l'incidence de cette pratique signalée à la Cour suprême est en fait beaucoup plus importante qu'il n'est indiqué dans le rapport. Il note également avec inquiétude que les mesures qui ont été prises en vue d'éliminer cette pratique ne semblent pas avoir permis de réaliser de véritables progrès pour libérer les personnes assujetties à un travail servile ou assurer leur réinsertion. En conséquence :
30. Le Comité se déclare préoccupé par les informations faisant état de cas de rapatriement de demandeurs d'asile contre leur gré, notamment de demandeurs d'asile du Myanmar (Chins) et des Chittagong Hills Tracts ainsi que des Chachmas. En conséquence :
31. Le Comité déplore la forte incidence de la prostitution enfantine et de la traite des femmes et des filles contraintes à la prostitution et il regrette l'absence de mesures efficaces pour empêcher de telles pratiques et pour protéger les victimes et assurer leur réinsertion. Le Comité regrette aussi que les femmes qui ont été contraintes de se livrer à la prostitution tombent sous le coup de la loi pénale, avec l'application de la loi sur la prévention de la traite des personnes et que, de surcroît, en vertu de l'article 20 de cette loi, ce soit à la femme qu'il incombe de prouver qu'elle n'est pas une prostituée, ce qui est incompatible avec le principe de la présomption d'innocence. En conséquence :
32. Le Comité regrette en outre l'absence de législation nationale visant à interdire les Devadasis, les Etats de l'Union étant libres de réglementer dans ce domaine. Il semble en effet que cette pratique continue et que tous les Etats n'aient pas pris de dispositions législatives pour la combattre. Le Comité souligne qu'il s'agit d'une pratique incompatible avec le Pacte. En conséquence :
33. Le Comité s'inquiète du sort des enfants des rues et de l'ampleur des violences contre les enfants qui ont été signalées. Il est particulièrement préoccupé par les mutilations d'enfants qui sont rapportées. En conséquence :
34. Le Comité se déclare préoccupé de ce que, malgré les mesures prises par l'Etat partie, il n'y ait guère eu de progrès dans la mise en oeuvre de la loi de 1986 sur le travail des enfants (interdiction et réglementation). A ce sujet :
35. En ce qui concerne le rapport périodique :