4. Le Comité note avec satisfaction que la réforme législative et institutionnelle a bien progressé depuis l'examen du rapport initial, en 1995, et se félicite en particulier de l'introduction dans la Constitution d'un chapitre sur les droits fondamentaux (chap. VIII), ainsi que de la création de la Cour constitutionnelle et de l'instauration du droit pour les particuliers de former des recours constitutionnels. Le Comité relève avec beaucoup d'intérêt les arrêts de la Cour constitutionnelle ayant pour effet de supprimer de la législation nationale les dispositions incompatibles avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme. Parmi les autres faits nouveaux sur le plan législatif figurent en particulier l'adoption et l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur l'asile, traitant de la question du non-refoulement, de la loi du travail, d'amendements à la loi électorale supprimant l'obligation de satisfaire au critère de l'aptitude linguistique pour pouvoir se présenter aux élections et d'amendements à la législation relative à la traite des êtres humains. Le Comité prend note avec satisfaction de la mise en place du Programme national pour l'intégration de la société lettone et du Fonds pour l'intégration sociale.
5. Le Comité se félicite de la création du Bureau national des droits de l'homme et en particulier de l'usage que celui-ci fait de sa faculté de saisir la Cour constitutionnelle.
6. Le Comité se félicite des amendements apportés à la législation en vue de la rendre conforme aux dispositions du deuxième Protocole facultatif. Il encourage l'État partie à adhérer au deuxième Protocole facultatif.
C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
7. Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de mauvais traitements infligés par des membres de la police, ainsi que par l'absence de données statistiques qui permettraient de connaître le nombre, les circonstances et l'issue des cas de mauvais traitements imputés à la police. Il note cependant que depuis 2003 des statistiques relatives aux violences physiques imputables aux membres de la police sont établies systématiquement (art. 7).
L'État partie devrait prendre des mesures énergiques pour mettre fin à toutes les formes de mauvais traitements imputés à la police, notamment en veillant à ce que des enquêtes soient menées rapidement, que les responsables soient poursuivis et que des voies de recours utiles soient offertes aux victimes.
8. Le Comité s'inquiète de l'absence d'un mécanisme indépendant de contrôle habilité à enquêter sur les plaintes dénonçant un comportement délictueux de la police, ce qui pourrait contribuer à l'impunité des membres de la police responsables de violations des droits de l'homme (art. 2, 7 et 9).
L'État partie devrait créer un organe indépendant habilité à recevoir et à examiner toutes les plaintes pour usage excessif de la force et autres formes d'abus de pouvoir de la part de la police.
9. Tout en se félicitant de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'asile, le Comité demeure préoccupé par la brièveté des délais accordés, notamment pour introduire des recours dans le cadre de la procédure d'asile accélérée, qui fait craindre qu'un recours utile n'est pas assuré dans les cas de refoulement (art. 6, 7 et 2, par. 3).
L'État partie devrait faire en sorte que les délais prévus dans le cadre de la procédure d'asile accélérée soient prolongés, en particulier pour l'introduction des recours.
10. Bien que l'État partie ait reconnu que la durée moyenne de la détention avant jugement n'était pas satisfaisante et qu'il se soit efforcé de remédier à la situation dans le projet de code de procédure pénale, le Comité est préoccupé par la durée de la détention avant jugement, qui est souvent incompatible avec le paragraphe 3 de l'article 9 et avec l'article 14 du Pacte. Le Comité n'ignore pas qu'il existe un projet de loi de procédure pénale, qui vise notamment à accélérer les procédures mais il reste préoccupé par la durée et la fréquence des détentions provisoires, notamment en ce qui concerne les délinquants mineurs.
L'État partie devrait prendre à titre prioritaire toutes les mesures législatives et administratives voulues pour garantir le respect des droits énoncés au paragraphe 3 de l'article 9 et à l'article 14 du Pacte.
11. Le Comité prend note des renseignements donnés par la délégation en ce qui concerne les dispositions prises pour réduire la surpopulation carcérale et les mesures envisagées pour augmenter le recours à des peines de substitution. Toutefois, compte tenu des renseignements faisant état de la persistance du problème de surpeuplement des prisons, le Comité souhaiterait des renseignements précis afin de pouvoir en mesurer l'ampleur (art. 10).
L'État partie devrait continuer à prendre des mesures visant à réduire la surpopulation carcérale et à garantir le respect des prescriptions de l'article 10.
12. Le Comité prend note des efforts consentis par l'État partie pour lutter contre la traite des êtres humains, notamment par l'adoption d'amendements à la législation et d'une stratégie de prévention consistant à informer les victimes potentielles, et par le biais de la coopération internationale. Le Comité est toutefois préoccupé par la lenteur des progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces politiques et constate qu'il n'a reçu que peu d'informations statistiques de l'État partie (art. 3 et 8).
L'État partie devrait prendre des mesures pour lutter contre cette pratique, qui constitue une violation de plusieurs droits énoncés dans le Pacte, notamment de ceux visés à l'article 3 et du droit de ne pas être tenu en esclavage ni en servitude, consacré à l'article 8. Des mesures énergiques devraient être prises pour empêcher ce type de trafic et imposer des sanctions à ceux qui exploitent ainsi les femmes. Une protection devrait être accordée aux femmes victimes de cette pratique afin qu'elles puissent trouver un refuge et témoigner contre les responsables dans le cadre de procédures pénales ou civiles. Le Comité encourage les autorités lettones à poursuivre leur coopération avec les autres États afin d'éliminer la traite transfrontière. Il souhaite être tenu informé des mesures prises et des résultats obtenus.
13. Tout en prenant note de l'action menée par l'État partie pour lutter contre la violence au foyer, notamment sur le plan législatif, le Comité regrette de ne pas avoir plus de détails sur la nature du problème. Il est préoccupé par les renseignements faisant état de persistance de la violence au foyer (art. 3, 9 et 26).
L'État partie devrait adopter les politiques et les dispositions législatives voulues pour lutter contre la violence au foyer, comme il est prévu notamment dans le projet de programme pour la mise en œuvre de l'égalité des sexes. En outre, le Comité recommande que le Gouvernement letton crée des permanences téléphoniques, avec numéro d'appel d'urgence, et des centres d'aide aux victimes offrant des services d'assistance médicale, psychologique et juridique. Le Gouvernement devrait également sensibiliser davantage le public en diffusant des informations sur cette question par la voie des médias.
14. Le Comité note que les femmes continuent de faire l'objet de discrimination en matière de rémunération, en dépit des mesures prises par le Gouvernement pour garantir l'égalité de traitement, notamment par l'application de la loi relative à l'emploi et du programme pour l'instauration de l'égalité des sexes. Le Comité regrette que l'État partie ne lui ait pas apporté suffisamment de précisions concernant le nombre et l'issue des affaires introduites et les indemnisations éventuellement versées (art. 3 et 26).
L'État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour garantir l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les secteurs public et privé, si nécessaire par une action positive, afin de satisfaire aux obligations contractées en vertu des articles 3 et 26 du Pacte.
15. Le Comité note avec satisfaction qu'une nouvelle loi sur le service de remplacement, qui consacre le droit à l'objection de conscience, est entrée en vigueur en 2002. Il demeure toutefois préoccupé par la durée du service de remplacement, qui, en l'absence d'un changement dans la législation sur la conscription, est deux fois plus longue que celle du service militaire et semble discriminatoire (art. 18).
L'État partie devrait veiller à ce que le service de remplacement ne soit pas discriminatoire.
16. Tout en prenant note des mesures adoptées par l'État partie pour faciliter le processus de naturalisation et accroître le taux de naturalisation, le Comité est préoccupé par l'effet limité de ces mesures, de nombreux candidats potentiels n'engageant même pas la procédure. Il prend acte des différentes raisons qui peuvent expliquer ce phénomène, mais considère que celui-ci a des incidences négatives sur l'exercice des droits énoncés dans le Pacte, que l'État partie a pour devoir de garantir et de protéger. En outre, le Comité est préoccupé par l'obstacle que peut représenter l'obligation de passer un examen linguistique.
L'État partie devrait s'efforcer de mener une action plus soutenue pour s'occuper efficacement du problème que pose le nombre restreint de demandes de naturalisation et de l'obstacle que peut représenter l'obligation de passer un examen linguistique, afin de garantir la pleine application de l'article 2.
17. Le Comité est préoccupé par le faible nombre d'enfants nés de parents non citoyens après le 21 août 1991 ayant acquis la citoyenneté lettone (art. 24).
L'État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour encourager l'acquisition de la citoyenneté lettone par ces enfants.
18. En ce qui concerne le statut des non-citoyens, le Comité prend note de la politique du Gouvernement tendant à renforcer l'intégration sociale au moyen de la naturalisation. Toutefois, il est préoccupé par la proportion importante de non-citoyens dans l'État partie, sachant qu'au regard de la loi, ceux-ci ne sont traités ni comme des étrangers ni comme des apatrides mais forment une catégorie distincte de personnes entretenant des liens effectifs et de longue date avec la Lettonie, dont le statut est à de nombreux égards comparable à celui des citoyens mais qui ne bénéficient pas des droits attachés à la pleine citoyenneté. Le Comité se déclare préoccupé par la perpétuation d'une situation d'exclusion, privant les non-citoyens de la possibilité d'exercer effectivement nombre des droits énoncés dans le Pacte, notamment les droits politiques, l'accès à certaines fonctions publiques, l'exercice de certaines professions dans le secteur privé, l'accès à la propriété des terres agricoles et les prestations sociales (art. 26).
L'État partie devrait mettre fin à une situation dans laquelle une part considérable de la population est classée comme «non citoyenne». En attendant, il devrait favoriser l'intégration en permettant aux non-citoyens qui résident depuis longtemps en Lettonie de participer aux élections locales et limiter le nombre des autres restrictions imposées aux non-citoyens afin de faciliter la participation de ces derniers à la vie publique.
19. Le Comité est préoccupé par les incidences de la politique de l'État concernant les langues sur le plein exercice des droits énoncés dans le Pacte. Il s'inquiète notamment de l'obligation de communiquer en letton, sauf dans certaines conditions bien définies, qui peut avoir pour effet de limiter l'accès des personnes qui ne parlent pas cette langue aux institutions publiques et d'entraver la communication avec les autorités (art. 26).
L'État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour empêcher les effets négatifs de cette politique sur l'exercice des droits reconnus dans le Pacte et, si nécessaire, adopter des mesures telles que le renforcement des services de traduction.
20. Tout en prenant note de l'explication donnée par l'État partie pour justifier l'adoption de la loi sur l'éducation de 1998 et en particulier le passage progressif à l'emploi du letton comme langue d'enseignement, le Comité demeure préoccupé par les conséquences pour les personnes de langue russe et d'autres minorités linguistiques de l'échéance fixée pour la mise en œuvre de cette mesure, en particulier dans les établissements secondaires. Il est préoccupé en outre par le fait que l'aide fournie par l'État aux établissements scolaires privés varie en fonction de la langue d'enseignement (art. 26 et 27).
L'État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour prévenir les conséquences négatives que le passage à l'emploi du letton comme langue d'enseignement pourrait avoir pour les minorités. Il devrait veiller en outre à ce que le montant des subventions publiques versées aux établissements privés soit fixé de façon non discriminatoire.
21. Le Comité est préoccupé par la situation économique et sociale de la minorité rom et ses effets sur la pleine jouissance des droits qui lui sont reconnus par le Pacte, ainsi que par l'incidence potentiellement néfaste qu'ont sur cette minorité les règlements actuels concernant l'indication de l'origine ethnique dans les passeports et les pièces d'identité (art. 2, 26 et 27).
Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures pour éliminer les obstacles à l'exercice effectif par les Roms des droits qui leur sont reconnus dans le Pacte et, en particulier d'abolir les dispositions autorisant la mention de l'origine ethnique dans les passeports et les pièces d'identité.
22. L'État partie devrait diffuser largement les résultats de l'examen de son deuxième rapport périodique par le Comité et en particulier les présentes observations finales.
23. Il est demandé à l'État partie, conformément au paragraphe 5 de l'article 70 du Règlement intérieur du Comité, de communiquer, dans un délai de 12 mois, des renseignements sur la suite qu'il aura donnée aux recommandations du Comité concernant la naturalisation (par. 16), le statut des non-citoyens (par. 18), la politique gouvernementale en matière linguistique (par. 19) et la loi sur l'éducation (par. 20). Le Comité demande que des renseignements relatifs à ses autres recommandations soient fournis dans le troisième rapport périodique, qui doit lui être soumis d'ici au 1er novembre 2008.