University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Mauritius, U.N. Doc. A/50/44, paras. 132-145 (1996).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-sixième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN
APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations du Comité des droits de l'homme

MAURICE

1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de Maurice (CCPR/C/64/Add.12 et HRI/CORE/1/Add.60) à ses 1476e, 1477e et 1478e séances, les 19 et 20 mars 1996. À sa 1497e séance, le 2 avril 1996, le Comité a adopté les observations ci-après.


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique présenté par Maurice et remercie l'État partie des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués oralement et par écrit par une délégation de haut niveau pendant l'examen de son rapport. Le Comité déplore cependant que le rapport ait été présenté avec tant de retard. Grâce aux renseignements complémentaires précieux qu'a fournis la délégation, tant oralement que par écrit, le Comité et l'État partie ont pu mener sur des bases solides un dialogue ouvert et fructueux.


B. Facteurs et difficultés affectant l'application du Pacte

3. Le Comité constate qu'il n'y a pas de facteur ou de difficulté majeure pouvant faire obstacle à l'application effective du Pacte à Maurice.


C. Aspects positifs

4. Le Comité note que la coexistence harmonieuse des différents groupes ethniques et le climat de tolérance qui règne à Maurice sont des éléments favorables au respect par l'État partie des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

5. Le Comité accueille avec satisfaction l'adoption de la loi de 1995 abolissant la peine de mort, qui est entrée en vigueur en décembre 1995 et qui remplace la peine capitale par l'emprisonnement à perpétuité.

6. Le Comité se félicite de la modification de l'article 16 de la Constitution par la loi de 1995 portant amendement de la Constitution de Maurice, en vertu de laquelle la loi ne peut plus prévoir de discrimination fondée sur le sexe et les pouvoirs publics ne peuvent pratiquer une telle discrimination contre quiconque. Il se félicite aussi de la modification de la loi de 1968 sur la citoyenneté mauricienne, qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe, de la présentation du projet de loi sur la violence dans la famille et de l'octroi aux enfants nés hors mariage de tous les droits dont jouissent les enfants nés dans le mariage.

7. Le Comité se félicite de la réforme législative en profondeur à laquelle l'État partie se propose de procéder, en vue notamment d'abréger les procédures judiciaires et de revoir le système d'assistance judiciaire.

8. Le Comité note avec satisfaction la promulgation de la loi de 1994 sur la protection de l'enfant.

9. Le Comité note avec satisfaction que le Procureur général a mis en place un groupe des droits de l'homme qui devra notamment établir les rapports que Maurice est tenu de présenter aux organismes des Nations Unies chargés de suivre l'application des traités relatifs aux droits de l'homme.

10. Le Comité se félicite en outre des initiatives prises pour créer un institut des droits de l'homme pour la région de l'océan Indien.

11. Le Comité se félicite de l'annonce relative à la création d'un conseil indépendant de recours contre les autorités de police.

12. Le Comité se félicite également de l'intention du Gouvernement de créer un office indépendant de radio et télévision.


D. Principaux sujets de préoccupation


13. Le Comité craint que la non-intégration à la législation nationale de tous les droits garantis dans le Pacte et l'existence de limitations non acceptables n'affectent l'application du Pacte à Maurice et que, de ce fait, le système juridique de Maurice n'offre pas de recours efficace dans tous les cas de violation des droits garantis par le Pacte.

14. Le Comité craint que la disposition de l'article 16 de la Constitution en vertu de laquelle l'interdiction de la discrimination ne s'applique pas aux lois personnelles et aux étrangers ne conduise à une violation de l'article 26 du Pacte.

15. Le Comité note avec inquiétude que le problème de la violence dans la famille n'a pas encore fait l'objet de mesures appropriées.

16. Le Comité exprime sa préoccupation du fait que les dispositions de la loi de 1995 sur les drogues dangereuses, qui n'est pas encore appliquée, prévoient que si une personne est arrêtée, l'officier de police responsable peut décider de la garder au secret.

17. Le Comité note avec inquiétude que les pouvoirs de détention prévus par les paragraphes 1 k) et 4 de l'article 5 de la Constitution sont incompatibles avec les paragraphes 3 et 4 de l'article 9 du Pacte.

18. Le Comité est préoccupé par le fait que la législation de Maurice n'a pas encore été rendue conforme à l'article 11 du Pacte.

19. Le Comité s'inquiète de ce que la liberté d'expression fasse l'objet de restrictions de facto, comme en témoigne le fait que deux ouvrages littéraires récents ont été interdits sans qu'aucune mesure juridique n'ait été prise à cet effet, et il juge préoccupantes les dispositions du Code pénal relatives à la diffamation et à la diffusion de fausses informations. Toute restriction extrajudiciaire à la liberté d'expression est incompatible avec le Pacte.

20. Le Comité note avec inquiétude que pour obtenir l'autorisation du Commissaire de police, toute réunion publique doit faire l'objet d'une notification préalable sept jours avant la date de la réunion.

21. Le Comité s'inquiète des difficultés auxquelles les personnes qui travaillent dans la zone d'ouvraison des exportations se heurtent pour obtenir la reconnaissance de leurs droits en vertu de l'article 22 du Pacte.


E. Suggestions et recommandations


22. Le Comité souligne la nécessité de mettre en place un mécanisme juridique permettant à toute personne de s'adresser aux tribunaux nationaux pour faire respecter les droits que leur garantit le Pacte.

23. Le Comité recommande que tous les motifs de discrimination visés aux articles 2 et 26 du Pacte figurent dans les dispositions de la Constitution relatives à la non-discrimination et que le bénéfice de ces dispositions soit étendu aux étrangers. Il recommande également de modifier les paragraphes 2 et 4 c) de l'article 16 de la Constitution pour les rendre compatibles avec les articles 2 1), 3 et 26 du Pacte, et il préconise l'adoption de lois interdisant toute forme de discrimination dans tous les domaines, publics ou privés, protégés par le Pacte. Il recommande également que la future Commission de l'égalité des chances envisage l'adoption de mesures palliatives, notamment dans le domaine de l'enseignement, en vue de surmonter les derniers obstacles à l'égalité, tels que les attitudes dépassées quant au rôle et à la condition de la femme.

24. La peine de mort ayant été abolie, le Comité recommande que Maurice envisage de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

25. Le Comité espère que le Conseil indépendant de recours contre les autorités de police sera mis en place au plus tôt et que les dispositions législatives nécessaires seront adoptées afin qu'il dispose des pouvoirs et des ressources voulues pour enquêter sur les abus éventuels qui auraient été commis par le personnel de police.

26. Le Comité souligne la nécessité de créer un dispositif pour accorder une assistance juridique aux personnes qui interjettent appel auprès du Conseil privé.

27. Le Comité recommande que les dispositions législatives relatives à la publication de fausses nouvelles soient réexaminées. Si l'État partie juge nécessaire d'imposer des restrictions concernant les publications et les films, il devrait adopter des dispositions législatives arrêtant des critères compatibles avec le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte et prévoyant un examen par les tribunaux de toutes les décisions limitant la liberté d'expression. Le Comité espère que l'Office indépendant de radio et télévision sera mis en place au plus tôt. Il recommande la création d'un mécanisme qui permettra l'adoption d'un code de déontologie de la presse.

28. Le Comité recommande que des mesures soient prises pour que les restrictions imposées n'excèdent pas celles qui sont nécessaires dans une société démocratique, conformément à l'article 21 du Pacte.

29. Le Comité exprime l'espoir que, dans le cadre du réexamen de la législation du travail auquel il envisage de procéder, le Gouvernement étudiera la nécessité d'accorder une meilleure protection légale aux personnes (qui sont en majorité des femmes) travaillant dans les zones d'ouvraison des exportations, afin qu'elles puissent jouir pleinement des droits garantis par l'article 22 du Pacte.

30. Le Comité recommande que les mesures voulues soient prises pour garantir l'exercice du droit de vote aux habitants des îles d'Agalega et de Saint-Brandon, conformément à l'article 25 du Pacte.

31. Enfin, le Comité suggère que des informations sur le Pacte, ainsi que sur le rapport et l'examen de celui-ci par le Comité, soient diffusées dans toutes les langues parlées à Maurice. Il recommande également que du matériel didactique soit publié, en particulier à l'intention des enfants, dans les langues vernaculaires les plus usitées.

 

 



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