Observations finales du Comité des droits de l'homme, Morocco, U.N. Doc. A/47/40, paras. 48-79 (1991).
Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations du Comité des droits de l'homme
MAROC
48. Le Comité a commencé l'examen du deuxième rapport périodique du Maroc (CCPR/C/42/Add.10) de sa 1032e à sa 1035e séance, les 7 et 8 novembre 1990, au cours de sa quarantième session (voir CCPR/C/SR.1032 à SR.1035) et l'a poursuivi de sa 1094e à sa 1096e séance, les 22 et 23 octobre 1991 (voir CCPR/C/SR.1032 à SR.1035). Le compte rendu de l'examen du rapport par le Comité à sa quarantième session figure dans son rapport annuel précédent . Le présent document reflète le débat qui a eu lieu au cours de la quarante-troisième session (pour la composition de la délégation, voir annexe VIII).
49. Le représentant de l'Etat partie a appelé l'attention sur un certain nombre de faits nouveaux qui s'étaient produits depuis l'examen du rapport à la quarantième session du Comité, signalant en particulier qu'un projet de loi avait été adopté le 12 juillet 1991 sur la création de tribunaux administratifs dans les différentes régions du Royaume. Conformément aux suggestions et aux recommandations faites par le Conseil consultatif des droits de l'homme, un projet de loi avait également été adopté pour modifier le Code de procédure pénale en réduisant la durée de la garde à vue et de la détention provisoire. D'autres recommandations du Conseil devraient donner lieu à un meilleur contrôle en matière de détention provisoire, une augmentation des effectifs de la police judiciaire, une amélioration des conditions de vie dans les centres de détention, l'instruction prioritaire des affaires dans lesquelles l'intéressé est en détention provisoire, le respect des délais de l'instruction pour les affaires dont est saisie la Cour spéciale de justice, et des autopsies dans les cas de décès survenus pendant la garde à vue. Le représentant a également signalé que l'enseignement du droit humanitaire et des droits de l'homme avait été étendu aux académies militaires et aux écoles de gendarmerie, ainsi qu'à l'Institut national des études judiciaires, et enfin qu'en 1991, un certain nombre de prisonniers avaient été libérés.
Liberté et sécurité de la personne
50. Des membres du Comité ont désiré savoir quels étaient les recours dont disposaient les personnes ou leurs parents qui pensaient avoir été détenus à tort et si ces recours étaient efficaces; combien de temps s'écoulait entre l'arrestation d'une personne et le moment où sa famille en était informée; quelle était la durée maximale de détention légale sans jugement et s'il existait des dispositions prévoyant normalement l'examen de cette détention par un tribunal; si, d'autre part, l'examen du projet de réforme du Code de procédure pénale marocain évoqué au paragraphe 53 du rapport était terminé et, dans l'affirmative, quels en étaient les résultats.
51. En outre, des membres du Comité souhaitaient savoir si la famille Oufkir était toujours en détention et, dans l'affirmative, par quelles conditions juridiques celle-ci était régie; s'il y avait actuellement ou s'il y avait eu dans un passé récent des centres de détention secrets; s'il y avait actuellement des détenus politiques et, dans l'affirmative, combien; quelles conditions prévalaient dans les lieux de détention, en particulier dans la prison de Tazmamart, et si des prisonniers avaient été libérés de cette prison; ce qui était advenu des 61 militaires condamnés le 29 mars 1972 dans le procès de Skirat et, le 7 novembre 1972, dans celui de Kenitra; quelle était la différence entre un abus d'autorité et une simple erreur de procédure; si les prolongations de la durée de détention étaient surveillées; et quel pourcentage de personnes arrêtées était soumis à une détention prolongée, où ces personnes étaient détenues et pourquoi elles n'avaient pas été libérées.
52. Des membres ont également souhaité savoir si la nouvelle loi limitant la durée de la détention avant jugement était entrée en vigueur et, si ce n'était pas le cas, quelle était la raison de ce retard; quelles dispositions figuraient dans cette loi concernant les limites de la durée de détention, la détention préventive, l'accès à des avocats et la question des rapports de police retenus comme éléments de preuve; comment la détention préventive était définie et quelles étaient les procédures applicables; si des poursuites avaient été instituées contre la police dans des cas de détention arbitraire et, dans l'affirmative, quelles mesures disciplinaires avaient été appliquées; s'il existait une procédure semblable à l'habeas corpus ou au recours en amparo permettant à un détenu de vérifier la légalité de sa détention, en particulier dans les cas d'incarcération prolongée; si la pratique qui consistait à établir un lien entre la durée de détention préventive et la peine applicable au délit était compatible avec le principe de la présomption d'innocence; si des personnes pouvaient être emprisonnées pour non-paiement d'une dette; si on recourait encore à la pratique signalée qui consistait à placer en détention des parents innocents de personnes soupçonnées de délits; si des prisonniers politiques originaires du Sahara occidental avaient disparu ou étaient morts en prison et, dans l'affirmative, si des enquêtes avaient été réalisées dans de tels cas.
53. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a dit que les détentions sans jugement étaient strictement réglementées par le Code de procédure pénale et d'autres règles applicables avant les procès. Dans les cas de détentions consécutives à un jugement ou à une décision judiciaire qui s'était révélé par la suite erroné, une réparation était en principe accordée. Une action en réparation ne pouvait être intentée qu'au titre de l'article 70 du Code des obligations et contrats. Un recours pouvait être exercé contre tout fonctionnaire ayant commis un abus de pouvoir volontaire. Aux termes de la loi No 6790, actuellement en voie de promulgation, la police judiciaire devait informer sans délai la famille d'une personne arrêtée et présenter chaque jour au parquet ou à la cour d'appel une liste des personnes placées en garde à vue. Dans tous les cas, le procureur du Roi du tribunal de première instance et l'autorité judiciaire chargée de contrôler la garde à vue devaient informer la famille si la police judiciaire ne l'avait pas fait. La prolongation d'une garde à vue devait être demandée en bonne et due forme au parquet et appliquée sur ordonnance d'un magistrat instructeur; cette ordonnance pouvait faire l'objet d'un recours. L'avocat de la défense avait le droit d'assister à l'interrogatoire devant le procureur, et l'inculpé celui de demander un examen médical.
54. Répondant à d'autres questions, le représentant de l'Etat partie a dit que Mme Oufkir et ses enfants avaient été libérés et qu'aucune mesure administrative n'avait été prise pour restreindre leur liberté de circulation. La question des militaires détenus était en voie de règlement. La distinction entre abus et erreur résidait dans la notion d'intention. Le Code pénal marocain, le Code de procédure pénale et le Code des obligations et contrats contenaient des dispositions relatives à l'indemnisation et à la réparation.
55. La durée de la garde à vue était en principe de 24 heures et pouvait être portée au maximum à 48 heures. Dans les affaires relevant de la sécurité de l'Etat, la police pouvait maintenir une personne en garde à vue pendant 96 heures; cette durée ne pouvait être prolongée qu'une seule fois. La durée de détention provisoire était de deux mois et elle pouvait être prolongée cinq fois, soit une détention provisoire totale d'une année maximum. La loi No 6790 prévoyait qu'en matière correctionnelle, les procès-verbaux de la police faisaient foi mais qu'en matière criminelle ils n'étaient considérés que comme de simples renseignements dans le cadre des débats à l'audience. Il n'existait aucun centre de détention clandestin relevant du Ministère de la justice : Derb Moulay Cherif était un commissariat de Casablanca et la villa Mokris était actuellement le siège du Croissant-Rouge marocain à Rabat. Le Maroc ne reconnaissait pas les délits politiques; en cas d'infractions pénales, qu'elles aient été commises ou non pour des motifs politiques, leurs auteurs tombaient sous le coup du droit commun. La contrainte par corps ne pouvait s'appliquer qu'après une série d'autres mesures, telles que la saisie mobilière et immobilière en cas de créance envers l'Etat. Le principe de la présomption d'innocence était pleinement respecté au Maroc.
56. Le Maroc suivait les procédures européennes en ce qui concerne l'existence de recours et offrait également diverses garanties qui n'existaient pas dans les procédures pénales de plusieurs autres Etats. Les autorités avaient été informées d'un certain nombre de demandes de dossiers concernant des personnes du Sahara occidental qui avaient disparu et elles examinaient tous ces cas avec le plus grand soin. Plusieurs disparitions remontaient à une époque où le Maroc n'administrait pas le Sahara occidental. Il y avait aussi des problèmes d'identification, de noms et d'orthographe étant donné que les nomades en question n'étaient souvent identifiés que par leur appartenance tribale.
Droit à un procès équitable
57. En ce qui concerne cette question, des membres du Comité ont demandé quelle était la relation entre les chapitres VI, VII et X de la Constitution et comment l'indépendance et l'impartialité des autorités judiciaires étaient assurées; quelles étaient les qualifications des juges et les procédures de désignation et de révocation des membres de l'autorité judiciaire. Ils souhaitaient aussi avoir des renseignements sur l'organisation et le fonctionnement du barreau marocain, les possibilités d'assistance juridique au défendeur dans une affaire pénale et, au sujet du paragraphe 64 du rapport, sur les dispositions concernant "les règles de droit civil découlant de l'appartenance confessionnelle" énoncées dans le Dahir No 1-58-250 du 6 septembre 1958.
58. Des membres du Comité désiraient en outre savoir si l'indépendance du pouvoir judiciaire était effectivement garantie bien que le Roi, qui détenait aussi des pouvoirs exécutifs et législatifs, présidât le Conseil supérieur de la magistrature; si des magistrats avaient été démis de leurs fonctions pour infractions graves; si le fait que les rapports de police fassent foi jusqu'à ce que leur inexactitude soit prouvée était conforme aux dispositions de l'article 14 du Pacte; s'il existait des moyens pour contester leur exactitude; pourquoi les articles 76 à 81 de la Constitution ne prévoyaient pas de garanties de procédure régulière; et quelles affaires étaient traitées par les tribunaux militaires et, plus particulièrement, si les tribunaux militaires ou les tribunaux spéciaux jugeaient les personnes accusées d'avoir commis des atteintes à l'ordre public. Des membres du Comité ont aussi demandé quelle garantie existait pour la défense de l'individu lors des procès "collectifs"; quelle était la pratique concernant la préparation d'une défense et la possibilité d'obtenir une assistance juridique; quelles procédures étaient utilisées pour établir que des aveux n'avaient pas été obtenus par le recours à la force ou à la menace; dans quelle mesure la présomption d'innocence était appliquée dans les procédures judiciaires; si l'application de sanctions différentes pour des délits comparables était une question de politique et si un organe supérieur était en mesure d'influer sur les décisions des tribunaux en ce qui concerne la durée de détention; et ce que l'on entendait par "moralité" en tant que motif pour organiser des procès à huis clos.
59. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a dit que le chapitre VI de la Constitution posait le principe démocratique de la séparation des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif, le pouvoir judiciaire étant un pouvoir indépendant et impartial. Le chapitre X de la Constitution instituait une chambre constitutionnelle au sein de la Cour suprême appelée à statuer sur tout désaccord entre le Parlement et le Gouvernement concernant la nature législative ou réglementaire des normes juridiques. Le chapitre VII prévoyait la création d'une haute cour en tant que juridiction pénale spéciale compétente pour juger les membres du Gouvernement qui commettaient des infractions dans l'exercice de leurs fonctions. Toutes les garanties qu'exige un procès équitable avaient été prévues dans la procédure devant ce tribunal spécial.
60. Passant à la question de l'indépendance du pouvoir judiciaire, le représentant a expliqué que la magistrature était organisée en un corps unique comprenant les magistrats du siège et les magistrats du parquet. Les magistrats étaient nommés sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature parmi les candidats qui avaient suivi un cycle d'études à l'Institut national d'études judiciaires puis un stage de 15 mois dans des cours d'appel et tribunaux de première instance. Depuis la réforme des tribunaux administratifs, il y avait deux filières principales à l'Institut, l'une judiciaire et l'autre administrative. Les décisions de révoquer des magistrats étaient prises sur recommandation du Conseil supérieur de la magistrature, organe indépendant composé du Ministre de la justice, du Premier Président de la Cour suprême, du Procureur général, du Président de la première chambre de la Cour suprême et de quatre représentants élus parmi les magistrats. Le Conseil était présidé par S. M. le Roi en personne. Toute atteinte à l'indépendance du système judiciaire était sanctionnée par la loi.
61. Les avocats exerçaient leurs fonctions au sein des barreaux institués auprès des tribunaux de première instance dotés d'une personnalité civile. Des mesures disciplinaires pouvaient être prises par un conseil de l'ordre. Pour accéder à la profession d'avocat, il fallait être titulaire d'une licence en droit délivrée par une faculté de droit marocaine ou étrangère. Les candidats devaient effectuer un stage de trois ans suivi d'un examen professionnel. Un système d'assistance judiciaire était prévu pour les personnes démunies. La législation en vigueur prévoyait que toutes les personnes arrêtées et mises en détention sur le territoire marocain étaient en droit d'être assistées par un avocat de leur choix ou par un avocat commis d'office. Aucune distinction n'était faite au regard de la loi en matière de religion si ce n'était pour les questions touchant au statut personnel et à la succession. L'application du principe de la présomption d'innocence était garantie par l'article 10 de la Constitution qui prévoyait que nul ne pouvait être arrêté, détenu ou puni que dans les cas prévus par la loi.
62. Répondant à d'autres questions, le représentant du Maroc a confirmé que, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, les procès-verbaux établis par la police faisaient foi jusqu'à preuve du contraire. Le Maroc avait choisi la procédure inquisitoriale, c'est-à-dire que la charge de la preuve incombait à l'inculpé. Les tribunaux militaires étaient des tribunaux spéciaux qui avaient à connaître de questions touchant à la sécurité de l'Etat ou à la détention d'armes et appliquaient les dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale en droit commun. Le Roi présidait normalement le Conseil supérieur de la magistrature, mais seulement pour les séances d'ouverture. Le Ministre de la justice, vice-président du Conseil, n'intervenait pas dans les décisions relatives aux mesures d'avancement ou aux mesures disciplinaires. Les aveux ne suffisaient pas à titre de preuves mais devaient être corroborés par d'autres éléments de preuve. Les tribunaux siégeaient à huis clos lorsque l'ordre public était menacé ou dans les affaires impliquant des questions de moralité comme celles impliquant des enfants ou l'intimité des familles.
Liberté de circulation et expulsion des étrangers
63. En ce qui concerne cette question, des membres du Comité ont souhaité savoir quelles étaient les procédures qui donnaient lieu à une expulsion et si un recours formé contre un arrêté d'expulsion aurait un effet suspensif; quelles étaient les raisons pour lesquelles une personne pouvait être expulsée et si les questions d'opinion politique en faisaient partie; si les décisions d'expulsion prises par la Direction générale de la sécurité nationale étaient définitives; quelles étaient les possibilités de recours à l'encontre des décisions prises par les tribunaux; quelles procédures avaient été appliquées pour expulser Abraham Serfati le 13 septembre 1991; quelles étaient les raisons pour lesquelles plusieurs centaines de personnes avaient été expulsées de leur lieu de résidence par les autorités locales de Casablanca; quelles étaient les règles et les procédures appliquées pour obtenir un passeport; quelle était la justification des mesures de contrôle strictes appliquées aux étrangers, en particulier aux étrangers de langue espagnole au Sahara occidental; et si les membres de la famille Oufkir avaient obtenu des passeports.
64. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a indiqué que les étrangers entrés clandestinement au Maroc ou ceux qui avaient contrevenu à la loi ou exercé une profession dans une autre région que celle dans laquelle ils étaient autorisés à le faire étaient refoulés par arrêté des autorités locales. Les arrêtés d'expulsion pouvaient faire l'objet d'un recours et si celui-ci était rejeté, un autre recours pouvait être intenté auprès de la Chambre administrative de la Cour suprême mais il n'aurait pas d'effet suspensif. La base juridique de l'expulsion de M. Serfati avait été un arrêté du Ministre de l'intérieur. Etant donné qu'il n'avait pas été établi que M. Serfati était de nationalité marocaine, il relevait des dispositions législatives et réglementaires applicables aux étrangers. Tous les citoyens marocains pouvaient obtenir un passeport; un certain nombre de mesures avaient été prises en avril 1991 en vue d'accélérer cette procédure. Les restrictions à la délivrance des passeports ne s'appliquaient que dans les cas où la sécurité nationale ou la moralité étaient en jeu, et les membres de la famille Oufkir pouvaient obtenir un passeport comme tous les citoyens marocains. Il n'y avait pas de restriction à la liberté de circuler dans les provinces méridionales du Maroc. Il n'existait pas de peine de bannissement.
Liberté de religion et d'expression
65. A propos de cette question, des membres du Comité ont demandé des informations sur les procédures d'enregistrement ou autres concernant la reconnaissance des religions ou sectes religieuses par les autorités et sur les difficultés rencontrées à cet égard. Ils ont aussi souhaité savoir s'il existait des mécanismes de censure de la presse ou des médias; quelles conditions devaient être remplies pour que les journaux ou périodiques étrangers puissent obtenir une autorisation; quelle était la situation en ce qui concerne la religion bahaïe; quelles étaient les religions révélées selon la loi marocaine; quelles règles s'appliquaient aux mariages entre membres de groupes religieux différents; si les privilèges accordés aux membres de la presse avaient une incidence sur leur indépendance; et quelles sortes de publications faisaient l'objet de sanctions pénales ou d'une certaine forme de censure.
66. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a dit que l'islam était la religion d'Etat qui garantissait à tous le libre exercice d'une religion sans toutefois autoriser les tentatives qui visaient à ébranler les convictions des musulmans. Les associations religieuses n'étaient pas autorisées à se faire enregistrer et relevaient des dispositions pertinentes du Dahir du 15 novembre 1985 sur la liberté d'association. La liberté d'expression était consacrée par l'article 9 de la Constitution et réglementée par le Code de la presse de 1958 qui fixait les mesures administratives applicables à la publication des journaux et périodiques, notamment le dépôt exigé d'exemplaires des journaux ou autres publications auprès des autorités judiciaires et du Ministère de l'information. Les périodiques ou autres documents pouvaient être publiés sans être soumis à une censure. La presse étrangère était régie par un décret qui prévoyait que les éditeurs devaient présenter aux autorités une demande écrite contenant des informations de caractère général sur la publication envisagée.
67. Au sujet des questions posées sur la religion bahaïe, le représentant de l'Etat partie a expliqué que, selon l'islam, seuls le christianisme et le judaïsme étaient des religions révélées. Les personnes appartenant à ces deux religions pouvaient donc exercer librement et publiquement. La foi bahaïe n'était pas reconnue en tant qu'une de ces religions et était considérée comme une secte hérétique d'origine coloniale. En conséquence, ses services ne pouvaient être tenus qu'en privé. L'article 221 du Code pénal interdisait formellement tout acte de prosélytisme. Les publications ne faisaient l'objet de poursuites que dans les cas de diffamation de particuliers ou de diffamation ou d'injures envers les cours, les tribunaux et les membres du Gouvernement. La presse nationale jouissait d'une totale autonomie et il n'existait pas de censure légale ou de fait. En ce qui concerne le mariage de personnes appartenant à des religions différentes, le représentant de l'Etat partie a expliqué que rien n'empêchait un mariage entre un Marocain musulman et une étrangère chrétienne ou juive. Mais un chrétien ou un juif qui voulait épouser une Marocaine musulmane devait d'abord se convertir à l'islam.
Liberté de réunion et d'association
68. En ce qui concerne cette question, des membres du Comité souhaitaient savoir quels étaient les critères et les procédures applicables à l'enregistrement des associations et quels étaient le statut et le rôle des syndicats dans la vie économique, sociale et politique du Maroc.
69. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a dit que l'article 9 de la Constitution garantissait à tous les citoyens la liberté d'association et la liberté d'adhérer à toute organisation politique ou syndicale. Il existait plusieurs syndicats qui jouaient un rôle important dans la défense des intérêts de leurs adhérents et qui participaient activement au processus de prise de décision aux niveaux national et local. Les associations pouvaient s'établir librement à condition de déposer une déclaration au siège du parquet et de l'autorité locale indiquant le nom et l'objet de l'association ainsi que d'autres renseignements concernant l'état civil des membres fondateurs. Le Dahir de 1958 prévoyait la nullité des associations fondées sur des buts illicites, contraires aux lois ou aux bonnes moeurs, ou qui menaceraient l'intégrité territoriale ou la forme monarchique de l'Etat.
Protection de la famille et des enfants
70. En ce qui concerne cette question, des membres du Comité ont souhaité avoir une description des dispositions pertinentes du Code du statut personnel et successoral ainsi que des renseignements sur leur conformité avec le paragraphe 4 de l'article 23 du Pacte; des informations sur la législation et la pratique en matière d'emploi des mineurs; des renseignements sur le rôle du wali ou tuteur légal en cas de mariage avant l'âge de la majorité légale; ainsi que sur les possibilités de recours à un tribunal dans le cas où le wali refuserait de donner son consentement.
71. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a indiqué que, conformément à l'article 3 du Code marocain de la nationalité, il existait trois séries de règles régissant, respectivement, le statut personnel des Marocains musulmans, celui des Marocains israélites et celui des Marocains non musulmans et non israélites. Le Code du statut personnel et successoral n'était applicable au Maroc qu'aux musulmans, les non-musulmans étant soumis à leurs propres lois. Le travail des enfants de moins de 12 ans était interdit et certains métiers comportant un danger pour leur santé ou leur sécurité étaient également interdits aux mineurs de moins de 18 ans. Le travail des jeunes de moins de 18 ans dans les mines était interdit. Le wali était un homme de la famille d'une jeune fille qui n'avait pas atteint l'âge légal du mariage.
Droit de participer à la direction des affaires publiques
72. En ce qui concerne cette question, des membres du Comité ont demandé comment l'égalité d'accès des femmes et des membres de minorités religieuses à la fonction publique était assurée; quel pourcentage de femmes occupaient des fonctions électives ou un poste dans la fonction publique; et dans quelles circonstances les citoyens pouvaient perdre leurs droits civils et politiques.
73. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a dit que l'égalité d'accès des femmes et des membres des minorités religieuses à la fonction publique était garantie par la Constitution. Normalement, le recrutement des candidats aux postes de la fonction publique se faisait par concours dans lequel le principe de l'égalité des sexes était respecté. Les femmes étaient autorisées à s'engager dans les forces armées mais devaient y accomplir un service civil. Lors des élections communales de 1983, 14 % des élus étaient des femmes mais aucune femme n'avait été élue lors des élections législatives de 1984, les traditions étant encore peu favorables à l'élection de femmes à de telles fonctions. La suspension des droits civils et politiques était une sanction pénale appliquée pour une durée de 2 à 10 ans et destinée à empêcher les personnes qui n'étaient pas dignes de la confiance nationale d'être employées dans la fonction publique ou dans l'éducation, d'exercer des activités à responsabilités ou de représenter leurs concitoyens au Parlement.
Droits des personnes appartenant à des minorités
74. En ce qui concerne cette question, des membres du Comité ont demandé s'il existait des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques au Maroc et, dans l'affirmative, comment leur était garantie la jouissance des droits qui leur étaient reconnus par le Pacte; existait-il d'autres minorités que les minorités religieuses; de quels moyens disposaient ces minorités en ce qui concerne l'emploi de leur propre langue et l'accès de leurs enfants aux établissements scolaires où l'enseignement était dispensé dans leur langue; et de quels droits disposait la population berbère en ce qui concerne la protection de sa langue.
75. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a dit qu'il n'existait au Maroc aucun problème relatif aux minorités ethniques, religieuses et linguistiques. La communauté juive n'était pas considérée comme une minorité car elle vivait en symbiose avec la société marocaine. Les Berbères étaient complètement intégrés au reste de la population. Les étrangers vivant au Maroc étaient libres d'ouvrir des écoles s'ils le souhaitaient.
Observations finales de certains membres
76. Des membres du Comité se sont déclarés satisfaits de la bonne volonté avec laquelle la délégation de l'Etat partie avait engagé un dialogue avec le Comité et ont relevé que plusieurs faits nouveaux positifs s'étaient produits dont la libération de plusieurs prisonniers politiques, l'amélioration de la situation de la famille Oufkir en matière de droits de l'homme, l'adoption du nouveau projet de loi sur la détention préventive, la décentralisation des tribunaux administratifs, l'attitude libérale à l'égard de la communauté juive et l'amélioration de la situation des femmes dans la société marocaine.
77. Des membres du Comité ont toutefois exprimé à nouveau leurs inquiétudes au sujet des arrestations arbitraires, des disparitions, des conditions de détention, de l'existence de prisons non reconnues, de la longueur parfois excessive de la durée de détention, des problèmes relatifs à l'indépendance du système judiciaire et à l'application de certains aspects de l'article 14 du Pacte, notamment la préparation d'une défense et la charge de la preuve, de la suppression des activités politiques et culturelles dans les universités ainsi que d'autres restrictions dans le domaine de la liberté d'expression, comme le fait de ne pas autoriser la critique des institutions marocaine ou de la monarchie, de la façon dont sont traités les habitants du Sahara occidental et de la situation difficile de la communauté bahaïe ainsi que des restrictions à la liberté de religion en général. Il fallait espérer que le dialogue avec le Comité apporterait des informations utiles au Gouvernement marocain et qu'il l'inciterait à renforcer encore la protection des droits de l'homme.
78. Le représentant de l'Etat auteur du rapport a adressé ses remerciements aux membres du Comité pour le vif intérêt qu'ils avaient porté à l'examen du rapport. Les observations du Comité avaient été dûment notées et seraient portées à la connaissance des autorités marocaines.
79. A l'issue de l'examen du deuxième rapport périodique du Maroc, le Président a remercié la délégation marocaine de sa coopération. Il a souligné combien il importait de revoir constamment la législation et la pratique judiciaire nationales conformément aux dispositions du Pacte, et a fait observer que le dialogue avec le Comité devait servir à cette fin.
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