Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Observations du Comité des droits de l'homme
Nouvelle-Zélande
166. Le Comité a examiné le troisième rapport de la Nouvelle-Zélande (CCPR/C/64/Add.10 et HRI/CORE/1/Add.33) à ses 1393e, 1394e et 1395e séances (23 et 24 mars 1995) (voir CCPR/C/SR.1393 à 1395) et il a adopté À sa 1411e séance (cinquante-troisième session), le 5 avril 1995. les observations finales ci-après :
167. Le Comité remercie l'État partie de l'excellent rapport qu'il a présenté. Ce rapport, qui suit parfaitement les directives du Comité, expose en détail comment la Nouvelle-Zélande traduit le Pacte dans la loi et l'applique concrètement, montrant une évolution continue dans le sens d'une meilleure protection des droits consacrés par cet instrument. Ce nouveau rapport s'inscrit dans le prolongement naturel des deux premiers, assurant la continuité du dialogue avec le Comité, dialogue encore enrichi par les indications données oralement par une délégation compétente et qui a été tout à fait fructueux et constructif.
168. Le Comité félicite l'État partie d'avoir suivi, pour établir le document de référence (HRI/CORE/1/Add.33), les directives concernant la première partie des rapports par lesquels les États doivent rendre compte de l'application des divers instruments protégeant les droits de l'homme (HRI/1991/1).
169. Le Comité constate qu'il n'existe pas de sérieuses difficultés d'application du Pacte en Nouvelle-Zélande.
170. Le Comité constate que les droits fondamentaux sont bien protégés en Nouvelle-Zélande. Il est en particulier heureux de noter que les recommandations qu'il avait faites à l'issue de l'examen du deuxième rapport ont été suivies et que, par exemple, la Nouvelle-Zélande a adhéré au premier Protocole facultatif et a, en 1989, officiellement aboli la peine capitale, avant même de ratifier, comme elle l'a fait un peu plus tard, le deuxième Protocole facultatif.
171. La Nouvelle-Zélande a pris une importante initiative dans le sens de l'application intégrale du Pacte en adoptant et en promulguant le 25 septembre 1990 une Charte des droits fondamentaux (Bill of Rights Act) où elle affirme expressément sa volonté de respecter ce même pacte et établit une base juridique de référence qui permet de protéger effectivement les droits et libertés fondamentaux. Le Comité note aussi avec satisfaction la promulgation de la loi de 1993 relative à la protection de la vie privée (Privacy Act) et de la loi relative aux droits fondamentaux (Human Rights Act), entrée en vigueur le 1er février 1994, qui va encore plus loin dans le sens du paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte en interdisant plusieurs motifs de discrimination supplémentaires et renforce la Commission néo-zélandaise des droits de l'homme dans sa fonction, lui permettant notamment d'ouvrir une enquête chaque fois qu'il semble qu'il y ait eu atteinte à des droits fondamentaux.
172. Le Comité constate avec une grande satisfaction que la Nouvelle-Zélande a des dispositions législatives très étendues pour réprimer la violence au foyer. Il note de même que les réfugiés ont accès à des recours et que les personnes qui demandent à être considérées comme des réfugiés ont le droit d'exercer un emploi en attendant que leur statut soit décidé. Il est bien aussi que la Nouvelle-Zélande prévoie d'améliorer les conditions carcérales.
173. Le Comité prend note des importantes mesures qui ont été prises pour mieux protéger les intérêts des Maoris, notamment des travaux du tribunal du Traité de Waitangi qui joue un rôle de plus en plus utile dans le règlement des plaintes déposées par des membres de cette communauté contre la Couronne. Il convient aussi de féliciter la Nouvelle-Zélande d'avoir fait de la défense de la langue maorie le thème de la première année de la Décennie internationale des populations autochtones et d'avoir établi des programmes conçus pour préserver cette langue et la culture à laquelle elle appartient, entre autres un programme dit "du foyer linguistique" qui permet d'inculquer la langue, les valeurs et les coutumes maories aux enfants d'âge préscolaire.
174. Le Comité est heureux de constater que la loi électorale a été modifiée dans un sens qui permettra éventuellement aux Maoris, aux femmes et aux autres groupes minoritaires d'être davantage représentés.
175. La mise en place à Tokélaou d'organes d'administration locaux et la délégation progressive des pouvoirs aux autorités du territoire vont dans le sens du droit à l'autodétermination; ils répondent au voeu de la population, désireuse d'être aussi autonome que possible.
176. Le Comité regrette que les dispositions du Pacte n'aient pas été pleinement intégrées dans le droit interne, avec primauté sur toutes les autres dispositions. Le Pacte impose aux États parties (art. 2, par. 2) de prendre les mesures nécessaires — législatives ou autres — pour concrétiser les droits qu'il consacre; or, certains de ces droits ne sont pas mentionnés dans la Charte des droits fondamentaux (Bill of Rights). En outre, celle-ci n'abroge pas les lois précédentes incompatibles avec ses dispositions et ne l'emporte pas sur les autres dispositions du droit interne : elle autorise expressément l'adoption de dispositions incompatibles avec celles qu'elle contient, et il semble malheureusement que cela se soit parfois produit.
177. Le Comité constate qu'il n'existe pas de disposition établissant expressément les recours qui peuvent être introduits par quiconque est victime d'une atteinte aux droits protégés par le Pacte ou par la Charte des droits fondamentaux (Bill of Rights).
178. Le Comité regrette qu'il faille attendre jusqu'à l'an 2000 pour que la loi de 1993 relative aux droits fondamentaux (Human Rights Act) puisse être effectivement invoquée contre les motifs supplémentaires de discrimination prévus à son article 21. Il relève aussi que ces motifs illégaux de discrimination ne comprennent pas tous ceux qui sont proscrits par le Pacte, en particulier la discrimination linguistique.
179. Le Comité constate que la loi relative à la justice pénale (Criminal Justice Amendment Act) comporte des dispositions qui permettent de maintenir en détention pendant une durée indéterminée une personne condamnée pour infraction grave et dont on peut penser qu'elle récidivera. Il rappelle que les articles 9 et 14 du Pacte interdisent d'infliger préventivement une peine applicable à une éventuelle infraction non encore commise.
180. La définition de la liberté d'expression donnée à l'article 121 de la loi sur la catégorisation des matériaux cinématographiques et imprimés (Films, Videos and Publications Classification Act) est très vague; ainsi, le fait de posséder une quelconque "publication inacceptable" constitue une infraction, même si le détenteur ne savait pas ou n'avait raisonnablement pas lieu de penser que la publication était considérée comme inacceptable.
181. Le Comité relève que la disposition de la loi relative aux droits fondamentaux (Human Rights Act) qui correspond au paragraphe 2 de l'article 20 du Pacte ne réprime pas l'appel à la haine religieuse.
182. Le Comité constate que malgré des améliorations de leur situation, les Maoris restent néanmoins désavantagés dans l'accès aux services de santé, à l'enseignement et à l'emploi et qu'ils sont encore peu représentés au Parlement, dans les hautes charges publiques, dans les professions libérales et aux échelons élevés de l'administration.
183. Le Comité regrette que le Gouvernement des îles Tokélaou et celui des îles Cook n'aient pas présenté en temps voulu les rapports prévus par le Pacte. Il rappelle à la Nouvelle-Zélande les obligations qui sont les siennes à cet égard.
184. Le Comité recommande à l'État partie de prendre les mesures qui conviennent pour intégrer toutes les dispositions du Pacte dans le droit interne et pour instituer des voies de recours accessibles à toute personne victime d'une atteinte à des droits protégés par cet instrument.
185. Le Comité recommande à l'État partie de réviser sa Charte des droits fondamentaux (Bill of Rights) dans un sens parfaitement compatible avec le Pacte et de donner le plus tôt possible aux tribunaux la faculté de rejeter ou de ne pas appliquer des dispositions légales qui seraient incompatibles avec les droits et libertés protégés par le Pacte et réaffirmés dans la Charte.
186. Le Comité recommande à l'État partie de réviser les dispositions de la loi relative à la justice pénale (Criminal Justice Amendment Act) qui autorisent la détention provisoire de durée indéterminée, dans un sens parfaitement compatible avec les articles 9 et 14 du Pacte.
187. Le Comité recommande également à l'État partie de modifier la loi sur la catégorisation des matériaux cinématographiques et imprimés (Films, Videos and Publications Classification Act) en donnant une définition plus précise du qualificatif "publication inacceptable" ou en décriminalisant la possession de matériaux dont le détenteur ne sait pas ou n'a pas raisonnablement lieu de penser qu'ils sont inacceptables.
188. Le Comité espère que si la Nouvelle-Zélande décidait de restreindre par la suite les possibilités qu'ont les Maoris de saisir le tribunal de Waitangi, elle tiendra pleinement compte, dans tous les cas, des intérêts de cette minorité tels qu'ils sont protégés par le Traité de Waitangi.
189. Le Comité recommande à l'État partie d'indiquer dans son prochain rapport les dispositions qu'il aura prises comme suite aux observations et recommandations faites par le Comité au titre du premier Protocole facultatif. Il rappelle à cet égard les obligations qu'impose l'article 2 du Pacte.
190. Le Comité recommande à l'État partie de reconsidérer, en vue de leur retrait, les réserves qu'il a formulées au sujet des articles 10 et 22 du Pacte.
191. Le Comité souhaite que le prochain rapport de la Nouvelle-Zélande expose les constatations faites dans l'application de la nouvelle loi électorale et apporte des précisions sur les mesures visant l'égalité devant l'emploi, en indiquant si ces mesures ont eu des effets sur l'emploi des femmes et la parité des salaires. Le Comité souhaiterait aussi être informé des travaux qu'auront accomplis entre-temps la Commission néo-zélandaise des droits de l'homme et le tribunal du Traité de Waitangi, ainsi que des mesures prises pour réformer le système pénitentiaire.