University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Peru, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.72 (1996).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE LHOMME
Cinquante-huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme

PEROU


1. Le Comité a poursuivi lexamen du troisième rapport périodique du Pérou (CCPR/C/83/Add.1 et HRI/CORE/1/Add.43/Rev.1) à ses 1547ème et 1548ème séances tenues le 31 octobre 1996 (CCPR/C/SR.1547 et 1548). Il a examiné les questions restées en suspens depuis le début de lexamen du rapport, à sa cinquante-septième session, au cours de laquelle il avait examiné les questions présentant un caractère durgence. A la suite de cette fin dexamen, le Comité a adopté, à sa 1555ème séance (cinquante-huitième session), le 6 novembre 1996, les observations et recommandations ci-après :


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du troisième rapport périodique de lEtat partie et se félicite de la poursuite du dialogue engagé avec la délégation. Il regrette toutefois que le rapport ne contienne pas dinformations dignes de foi et suffisantes sur les dispositions législatives en vigueur au Pérou concernant certains des droits énoncés dans le Pacte et létat réel de lexercice des droits de lhomme dans le pays.


B. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre du Pacte

3. Le Comité a conscience que le Pérou a été en proie à des activités terroristes, des troubles internes et des actes de violence. Il considère que lEtat partie a certes le droit et le devoir dadopter des mesures énergiques en vue de protéger sa population contre le terrorisme, mais que les mesures en question ne doivent pas violer les droits protégés par le Pacte.


C. Aspects positifs

4. Le Comité prend note avec satisfaction de la mise en place du Tribunal constitutionnel et de la Defensoria del Pueblo (Défenseur du peuple), et de la nomination dans ce cadre de défenseurs spécialisés dans les questions constitutionnelles et les droits de la femme. Le Comité juge par ailleurs positives la création du Registre des condamnations et du Registre national des inculpés en détention ainsi que lorganisation de cours de formation pour les avocats et le personnel administratif en vue daméliorer ladministration de la justice.

5. Le Comité se félicite en outre de la création de la Commission permanente des droits de la femme et dautres organes destinés à promouvoir légalité entre les hommes et les femmes au Pérou. Il prend note également de la création annoncée dun ministère de la femme et du développement des ressources humaines et espère que cet organe saura oeuvrer utilement pour que les femmes du Pérou jouissent pleinement des droits définis dans le Pacte. Le Comité note en outre avec satisfaction que le Pérou a ratifié la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et lélimination de la violence contre la femme.

6. Le Comité prend aussi acte avec satisfaction de linformation fournie par lEtat partie concernant linstitution de défenseurs chargés de fournir des services dassistance et de protection pour les enfants et les adolescents victimes de violences et dabus et de programmes daide à lenfance, dont la mise en oeuvre a commencé dans le cadre des mesures visant à lutter contre le problème des personnes déplacées. En ce qui concerne ce dernier sujet, le Comité juge positives la création de la Commission technique nationale des populations déplacées et certaines autres mesures en faveur de ces personnes qui sont en cours dadoption; il prend note avec satisfaction de linformation fournie par lEtat partie, selon laquelle 56 % de la population rurale sont retournés dans leur région dorigine.


D. Principaux sujets de préoccupation

7. Le Comité regrette que le statut constitutionnel reconnu au Pacte par la Constitution du Pérou de 1979 ait été considérablement affaibli, mesure qui réduit également la protection dont jouissaient les particuliers au Pérou au regard des droits énoncés dans le Pacte.

8. Le Comité déplore une fois de plus que le Pérou nait pas pris en considération les préoccupations exprimées par le Comité dans les observations adoptées à lissue de lexamen de la première partie du troisième rapport périodique du Pérou ni des suggestions et recommandations formulées dans lesdites observations, lEtat partie soutenant avoir le droit de donner le pas à des considérations de sécurité ou de politique intérieure par rapport aux obligations découlant du Pacte. Le Comité considère que, conformément au droit international, lEtat partie, sous leffet de larticle premier du Pacte, nest pas habilité à adopter une nouvelle constitution qui soit incompatible avec les autres obligations énoncées dans le Pacte. La Constitution fait partie de lordre juridique de lEtat partie et à ce titre ne peut pas être invoquée par celui-ci pour se soustraire à une obligation internationale quil a librement contractée.

9. Le Comité déplore en particulier que les recommandations relatives à la loi damnistie (CCPR/C/79/Add.67, par. 20) soient restées lettre morte et que les victimes de violations des droits de lhomme commises par des agents de la fonction publique naient pas accès à une procédure dindemnisation efficace. Le Comité regrette également de nêtre pas renseigné sur la suite donnée aux recommandations quil a formulées aux paragraphes 22, 23 et 26 du rapport visé ci-dessus et labsence de solutions répondant à la recommandation figurant au paragraphe 24.

10. Le Comité prend note des mesures adoptées par le Pérou en vue de gracier les personnes condamnées pour des actes de terrorisme. Bien que satisfait de la libération de 69 personnes, le Comité considère que cette mesure de grâce ne répare pas entièrement le préjudice subi par les personnes victimes de jugements qui nont pas respecté une procédure régulière et il renouvelle la recommandation formulée au paragraphe 21 de ses premières observations concernant notamment la nécessité pour lEtat partie de mettre en place, de sa propre initiative, un mécanisme efficace de révision de toutes les condamnations prononcées par les tribunaux militaires dans des affaires de trahison et de terrorisme.

11. Le Comité déplore que le Pérou non seulement nait pas pris de mesures pour donner suite à la recommandation formulée au paragraphe 25 de ses observations préliminaires mais quil ait au contraire prorogé, quelques jours à peine avant la date de lexamen de la deuxième partie de son rapport, le système des "juges sans visage". Le Comité sinquiète vivement de cette situation qui dénature le système judiciaire et risque daboutir à nouveau à condamner des innocents en labsence de toute procédure régulière.

12. Le Comité prend acte avec satisfaction des informations fournies par lEtat partie au sujet des communications Nos 202/1986, 203/1986, 263/1987 et 302/1988 qui sont toujours en suspens, mais il regrette que les mesures prises par lEtat partie naient pas encore permis aux victimes de recevoir dindemnisation appropriée. De même, il déplore de nêtre pas renseigné sur lapplication de la loi 23506 qui stipule que les observations du Comité doivent être immédiatement suivies deffet selon la procédure dexécution des jugements prononcés à lencontre de lEtat par les tribunaux nationaux.

13. Le Comité regrette de navoir pas dinformations précises et complètes sur la situation juridique de la femme et sur la jouissance par les femmes des droits énoncés dans le Pacte, notamment en ce qui concerne leur capacité juridique, les violences et les abus sexuels à lencontre des femmes détenues ou emprisonnées, les restrictions de droit et de fait touchant les femmes sur le marché du travail et les effets des lois et programmes adoptés depuis peu pour lutter contre la violence à lencontre des femmes.

14. Le Comité est préoccupé par la présence dans le Code civil de plusieurs dispositions discriminatoires à légard de la femme, par exemple celle qui concerne lâge minimum du mariage, qui est différent pour les hommes et pour les femmes, et le fait que les mères célibataires âgées de moins de 16 ans ne peuvent pas reconnaître leurs enfants. Il est permis de se demander si lordre juridique du Pérou dans ces conditions est compatible avec les articles 3, 23, 24 et 26 du Pacte.

15. Le Comité constate par ailleurs avec préoccupation quil subsiste une disposition juridique absolvant lauteur dune violation si ce dernier épouse sa victime et une autre disposition qualifiant le délit de viol dacte privé. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que lavortement fait lobjet de sanctions pénales même quand la grossesse résulte dun viol et même si lavortement clandestin est la principale cause de mortalité maternelle. Ces dispositions ont pour résultat de soumettre les femmes à un régime inhumain et pourraient donc être incompatibles avec les articles 3, 6 et 7 du Pacte.

16. Le Comité constate en outre avec préoccupation que la loi prévoit que le juge, quand il apprécie des motifs éventuels de divorce (sévices physiques ou psychologiques, injure grave et conduite déshonorante), doit prendre en considération léducation, les moeurs et la conduite des deux conjoints, ce qui peut conduire aisément à une discrimination à légard de femmes issues des couches socio-économiques les plus modestes.

17. De même, le Comité constate avec une vive préoccupation que le Pérou recourt à des critères socio-économiques pour grouper les condamnés et les prévenus et regrette de ne pas avoir dinformations sur le sens exact de cette politique, ni, en général, dinformations détaillées sur les conditions dans lesquelles sont détenues les personnes privées de liberté, pour être en mesure de voir si ces conditions sont compatibles avec larticle 10 du Pacte.

18. Le Comité demeure profondément préoccupé par le fait que la police a le pouvoir de décider de maintenir un détenu au secret pendant une période pouvant atteindre 15 jours.


E. Suggestions et recommandations

19. Le Comité recommande à lEtat partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour assurer la mise en oeuvre de lobligation de respecter et de garantir les droits reconnus dans le Pacte, conformément au paragraphe 1 de larticle 2 de cet instrument.

20. Le Comité dit à nouveau quil simpose au Pérou denvisager dadopter des mesures efficaces dans les domaines visés dans les recommandations figurant aux paragraphes 21, 22, 23, 24, 25 et 26 des observations préliminaires formulées à lissue de lexamen de la première partie du troisième rapport périodique de lEtat partie.

21. Au sujet des communications Nos 202/1986, 203/1986, 263/1987 et 309/1988, le Comité rappelle au Pérou quen devenant Partie au Protocole facultatif lEtat partie reconnaît que le Comité est compétent pour déterminer si une violation du Pacte a été commise et sengage en outre conformément à larticle 2 du Pacte, à garantir à toutes les personnes se trouvant sur son territoire ou relevant de sa compétence les droits reconnus dans le Pacte et à leur garantir aussi un recours utile au cas où il est établi quune violation a été commise, et le Comité prie donc lEtat partie de lui soumettre dans un délai de 90 jours des informations sur les mesures quil a adoptées pour donner effet à ses recommandations.

22. Le Comité recommande à lEtat partie de réviser les dispositions du Code civil et du Code pénal à la lumière des obligations énoncées dans le Pacte, notamment des articles 3 et 26 de cet instrument. Le Pérou doit veiller à ce que les lois relatives au viol, aux sévices sexuels et à la violence dirigés contre les femmes protègent efficacement celles-ci et doit en outre prendre les mesures voulues pour éviter que les femmes ne soient obligées de risquer leur vie en raison des dispositions législatives restrictives qui sont en vigueur en matière davortement.

23. Le Comité recommande à lEtat partie dadopter la législation nécessaire pour permettre aux partis politiques de fonctionner de façon efficace dans le cadre du processus démocratique et pour mettre pleinement en oeuvre les droits protégés par les articles 22 et 25 du Pacte.

24. Le Comité recommande à lEtat partie de mettre en place des programmes déducation à lintention des enfants et de la collectivité en vue de bien faire comprendre les principes du respect des droits de lhomme et de la tolérance ainsi que le rôle joué par ces principes dans le développement dune démocratie forte et stable.

25. Le Comité souhaite que le Pérou donne dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les progrès quil aura accomplis pour faire en sorte que les femmes jouissent pleinement au Pérou des droits consacrés par le Pacte, en particulier dans les domaines qui intéressent le Comité (voir les paragraphes 13, 14, 15 et 16 ci-dessus), ainsi que des renseignements détaillés sur la façon dont lEtat partie applique les dispositions énoncées à larticle 10 du Pacte.




Page Principale || Traités || Recherche || Liens