Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME Quatre-vingt-deuxième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations finales du Comité des droits de l'homme
POLOGNE
1. Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de la Pologne (CCPR/C/POL/2004/5) à ses 2240e et 2241e séances (CCPR/C/SR.2240 et 2241), tenues les 27 et 28 octobre 2004, et adopté les observations finales suivantes à sa 2251e séance (CCPR/C/SR.2251), le 4 novembre 2004.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite que la Pologne ait soumis en temps voulu son cinquième rapport périodique, qu.il juge approfondi et détaillé. Il prend également acte avec satisfaction du débat ouvert et constructif qui s.est engagé avec la délégation.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se félicite de l'engagement de l'État partie de respecter les droits de l'homme reconnus dans le Pacte à toutes les personnes relevant de sa juridiction lorsque ses troupes opèrent à l'étranger, en particulier à l'occasion de missions de maintien et de rétablissement de la paix.
4. Dans ses observations finales sur le quatrième rapport de l'État partie, le Comité se disait préoccupé de la durée excessive des procès au pénal comme au civil en Pologne. Aussi accueille-t-il avec satisfaction l'adoption récente d.une loi prévoyant la possibilité de porter plainte contre la violation du droit d.une partie à une procédure judiciaire à ce que sa cause soit entendue sans retard excessif. 5. Le Comité note avec satisfaction les améliorations apportées dans le domaine des droits des femmes, en particulier grâce à la nomination d.un représentant spécial du Gouvernement pour l'égalité de l'homme et de la femme. Il se félicite par ailleurs de l'extension des compétences du Représentant spécial aux questions touchant la discrimination fondée non seulement sur le sexe, mais aussi sur la race et l'origine ethnique, la religion et les convictions, l'âge et l'orientation sexuelle.
6. Le Comité se félicite de l'engagement pris par l'État partie de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
7. Si le Comité prend acte de l'attention portée par l'État partie à l'amélioration des méthodes de mise en .uvre de ses constatations, il relève qu.aucun dispositif d.application systématique n.a encore été mis en place.
L'État partie devrait veiller à ce que toutes les constatations formulées par le Comité au titre du Protocole facultatif soient suivies d.effet et à ce que des mécanismes appropriés soient prévus à cette fin.
8. Le Comité réitère sa profonde préoccupation devant la législation restrictive qui existe en Pologne en matière d.avortement et risque d.inciter les femmes à recourir à des avortements peu sûrs, illégaux, avec les risques qui en découlent pour leur vie et leur santé. Il est aussi préoccupé par l'impossibilité pratique de recourir à l'avortement même lorsque la législation l'autorise, par exemple en cas de grossesse faisant suite à un viol, et par l'absence d.information sur les cas où les médecins qui refusent de pratiquer des avortements légaux font valoir la clause d.objection de conscience. Le Comité regrette l'absence d.information sur l'étendue des avortements illégaux et leurs conséquences pour les intéressées (art. 6).
L'État partie devrait libéraliser sa législation et sa pratique en matière d.avortement. Il devrait donner un complément d.information sur l'utilisation de la clause d.objection de conscience par les médecins et, dans la mesure du possible, sur le nombre d.avortements illégaux pratiqués dans le pays. Ces recommandations devraient être prises en compte lorsque le Parlement sera saisi du projet de loi sur la sensibilisation parentale.
9. Le Comité réitère aussi son souci au sujet des règlements relatifs à la planification de la famille adoptés par l'État partie. Le coût élevé de la contraception, la réduction du nombre de contraceptifs oraux remboursables, l'absence de services de planification de la famille gratuits et la nature de l'éducation sexuelle préoccupent aussi le Comité (art. 6).
L'État partie devrait veiller à ce que des contraceptifs soient disponibles et assurer la gratuité de l'accès aux services et méthodes de planification de la famille. Le Ministère de l'éducation devrait veiller à ce que les écoles intègrent dans leurs programmes d.enseignement des cours d.éducation sexuelle fiables et objectifs.
10. Si le Comité apprécie les progrès réalisés dans le domaine de l'égalité entre les hommes et les femmes dans la fonction publique, il note avec inquiétude que le nombre de femmes aux postes de responsabilité reste faible. Il demeure aussi préoccupé par les disparités de rémunération entre les hommes et les femmes (art. 3 et 26).
L'État partie devrait veiller à l'égalité de traitement des hommes et des femmes à tous les échelons de la fonction publique. Il devrait aussi prendre les mesures appropriées pour que les femmes jouissent de l'égalité d.accès au marché du travail et de l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale.
11. Bien qu.il existe toutes sortes de programmes visant à remédier à la violence familiale, le Comité regrette que le nombre de cas de violence familiale demeure élevé. Il est aussi préoccupé par le fait que des mesures telles que les décisions judiciaires d.éloignement et le placement temporaire en détention sont rarement appliquées, que les victimes ne bénéficient pas d.une protection suffisante, que les abris font défaut dans bien des régions et que la formation des personnels de police est insuffisante (art. 3 et 7).
L'État partie devrait veiller à ce que les personnels de police soient correctement formés et que des mesures appropriées soient prises, le cas échéant, pour remédier aux cas de violence familiale, y compris des décisions judiciaires d.éloignement.
L'État partie devrait par ailleurs multiplier le nombre d.abris et autres moyens de protection à la disposition des victimes sur l'ensemble du territoire.
12. Tout en prenant acte des mesures visant à remédier au surpeuplement carcéral, le Comité reste préoccupé par le fait que de nombreux détenus occupent encore des cellules qui ne répondent pas aux normes établies dans l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Il est aussi préoccupé par le fait que les juges ne font pas pleinement usage des peines alternatives à la détention prévues par la loi (art. 10).
L'État partie devrait prendre des mesures complémentaires pour remédier au surpeuplement carcéral et veiller au respect des exigences de l'article 10. Il devrait aussi encourager la justice à prononcer plus fréquemment des peines alternatives à l'emprisonnement.
13. Tout en se félicitant des modifications apportées récemment à la législation visant à limiter la détention provisoire, le Comité est préoccupé par le nombre encore élevé de personnes placées en détention provisoire (art. 9).
L'État partie devrait prendre des mesures complémentaires pour limiter le nombre de personnes placées en détention provisoire.
14. Le Comité prend acte de l'intention de l'État partie d.entreprendre une vaste réforme du régime d.aide juridictionnelle polonais, mais regrette que les personnes détenues ne puissent pas pour l'instant jouir de leur droit à une telle aide dès le début de leur détention (art. 14).
L'État partie devrait prendre des mesures pour veiller à ce que toutes les personnes, y compris celles en détention, aient à tout moment accès à l'aide juridictionnelle.
15. Le Comité note que la durée du service de substitution au service militaire est de 18 mois tandis que celle du service militaire n.est que de 12 mois (art. 18 et 26). L'État partie devrait veiller à ce que la durée du service de substitution au service militaire n.ait pas un caractère punitif.
16. Si le Comité note que le Code du travail a désormais été modifié pour inclure une clause de non-discrimination en matière d.emploi, il regrette que l'on n.ait pas encore introduit dans la législation nationale une disposition interdisant la discrimination en général, visant tous les motifs appropriés (art. 26 et 27).
L'État partie devrait étendre la portée de sa législation contre la discrimination à des domaines autres que l'emploi.
17. Tout en notant les mesures prises pour améliorer la situation de la communauté rom, le Comité est préoccupé par le fait que les Roms restent victimes de préjugés et de discrimination, en particulier en ce qui concerne l'accès aux services de santé, à l'assistance sociale, à l'éducation et à l'emploi. Il est aussi préoccupé par le fait que les actes de violence commis à l'encontre de membres de cette communauté ne font pas l'objet d.enquêtes et ne sont pas sanctionnés comme il conviendrait (art. 2, 26 et 27).
L'État partie devrait redoubler d.efforts pour empêcher la discrimination contre les Roms et veiller à ce qu.ils jouissent pleinement des droits qui leur sont reconnus par le Pacte. Les personnels de la police et de l'appareil judiciaire devraient suivre une formation appropriée pour pouvoir enquêter sur tous les actes de discrimination et de violence commis contre les Roms et les sanctionner.
18. Le Comité est préoccupé par le fait que le droit des minorités sexuelles à ne pas subir de discrimination n.est pas pleinement reconnu et que les actes et attitudes discriminatoires subis par des personnes en raison de leur orientation sexuelle ne font pas l'objet d.enquêtes et ne sont pas sanctionnés comme il conviendrait (art. 26).
L'État partie devrait dispenser une formation appropriée aux personnels de la police et de l'appareil judiciaire afin de les sensibiliser aux droits des minorités sexuelles. Il faudrait interdire expressément en droit polonais la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.
19. Le Comité note avec préoccupation que des incidents de profanation de cimetières catholiques et juifs et des actes d.antisémitisme n.ont pas toujours fait l'objet d.enquêtes en bonne et due forme et que leurs auteurs n.ont pas toujours été sanctionnés (art. 18, 20 et 27).
L'État partie devrait redoubler d.efforts pour lutter contre tous les incidents de cette nature et les sanctionner. Les services de répression et l'appareil judiciaire devraient recevoir la formation et les instructions appropriées sur le traitement à réserver aux plaintes dénonçant de tels faits.
20. Tout en prenant acte du projet de loi sur les minorités nationales et ethniques et les langues régionales, le Comité est préoccupé par le fait que la législation en vigueur n.autorise pas les minorités linguistiques à employer leur propre langue dans leurs démarches auprès des autorités administratives dans des régions où leur nombre le justifierait (art. 26 et 27). L'État partie devrait veiller à ce que la nouvelle législation sur les minorités soit pleinement conforme à l'article 27 du Pacte, en particulier en ce qui concerne les droits des minorités à être reconnues comme telles et à employer leur propre langue.
21. L'État partie devrait diffuser largement le texte de son cinquième rapport périodique et des présentes observations finales.
22. Conformément au paragraphe 5 de l'article 71 du règlement intérieur du Comité, l'État partie devrait fournir, dans un délai d.un an, des renseignements complémentaires faisant le point de la situation et concernant l'application des recommandations du Comité figurant aux paragraphes 8, 9 et 17. Le Comité prie l'État partie de lui fournir, dans son prochain rapport, qui doit lui être présenté d.ici au 1er novembre 2008, des renseignements concernant les autres recommandations formulées et l'application du Pacte dans son ensemble.