Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Observations finales du Comité des droits de l'homme
Portugal (Macao)
1. Le Comité des droits de l'homme a examiné le troisième rapport périodique du Portugal consacré à Macao (CCPR/C/70/Add.9) à ses 1476ème et 1477ème séances, tenues le 4 avril 1997, et a adopté à sa 1584ème séance (cinquanteneuvième session), tenue le 10 avril 1997 les observations ciaprès :
2. Le Comité accueille avec satisfaction la présence d'une délégation de haut niveau, comprenant notamment plusieurs représentants du Gouvernement de Macao. Il exprime aux représentants de l'Etat partie ses félicitations pour la qualité du rapport, l'abondance des renseignements supplémentaires et les réponses franches et détaillées qu'ils ont apportées aux questions écrites et verbales qui leur avaient été posées, ainsi qu'aux commentaires faits par les membres du Comité pendant l'examen du rapport. Le Comité note avec satisfaction que ces informations lui ont permis d'engager un dialogue très constructif avec l'Etat partie.
3. Le Comité note qu'en raison de l'extension tardive du Pacte à Macao la Déclaration commune et l'Echange de mémorandums en date du 13 avril 1987 entre la Chine et le Portugal ne mentionnent pas le Pacte mais indiquent simplement que les lois actuellement en vigueur à Macao demeureront fondamentalement inchangées et que tous les droits et toutes les libertés des habitants de Macao et de tous ceux qui y vivent seront garantis par la législation de la Région administrative spéciale de Macao. Ces droits et libertés sont, notamment, les droits de la personne, la liberté d'expression, la liberté de la presse, le droit de réunion et d'association, la liberté de voyager et de se déplacer, le droit de grève, le droit de choisir un métier et d'entreprendre des recherches, la liberté de religion et de conviction et la liberté de communication ainsi que le droit de posséder des biens. La Déclaration commune et l'Echange de mémorandums ont été suivis d'un Mémorandum d'accord conclu entre la République populaire de Chine et le Gouvernement portugais et signé par leurs Ambassadeurs respectifs, lequel prévoit l'extension du Pacte à Macao avec des réserves, puis de la résolution 41/92 de l'Assemblée de la République portugaise en date du 31 décembre 1992, qui stipule que les dispositions du Pacte ont été étendues à Macao avec certaines réserves, notamment en ce qui concerne le paragraphe 4 de l'article 12 et l'article 13. Le Comité note que, en vertu de l'article 40 de la Loi fondamentale de la Région administrative spéciale de Macao de la République populaire de Chine, adoptée le 31 mars 1993 par le Congrès du peuple, les dispositions du Pacte demeureront en vigueur après le 19 décembre 1999 et seront appliquées par le biais des lois de la Région administrative spéciale de Macao.
4. En conséquence, la Déclaration commune sinoportugaise, lue conjointement avec le Mémorandum d'accord et la Loi fondamentale, paraît être une solide base juridique qui garantit la protection continue à Macao, après le 19 décembre 1999, des droits spécifiés dans le Pacte. De plus, le Comité tient à réitérer la position qui a toujours été la sienne, à savoir que les traités relatifs aux droits de l'homme sont transmis au territoire, et que les Etats continuent d'être liés par les obligations souscrites en vertu du Pacte par l'Etat prédécesseur. Dès lors que les personnes qui vivent dans un territoire bénéficient de la protection du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, cette protection ne saurait leur être déniée du simple fait que ce territoire a été démembré ou qu'il se trouve désormais placé sous la juridiction d'un autre Etat ou de plusieurs autres Etats Voir documents CCPR/C/SR.1178/Add.1, SR.1200 à 1202 et SR.1453.. Par conséquent, les obligations relatives à l'établissement de rapports prévues à l'article 40 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques continueront de s'appliquer de sorte que le Comité des droits de l'homme compte recevoir et examiner des rapports consacrés à Macao après le 19 décembre 1999.
5. Le Comité accueille avec satisfaction l'abolition de la peine capitale à Macao, y compris pour les infractions militaires. A cet égard, il note avec satisfaction que la législation nationale, telle que l'entend la Cour supérieure de justice interdit l'extradition vers un pays où l'intéressé risque d'être condamné à la peine capitale.
6. Le Comité constate avec satisfaction que le Statut organique de Macao contient des garanties très strictes en cas de déclaration de l'état de siège ou de l'état d'urgence et que, dans aucunes circonstances, il ne peut être dérogé aux droits auxquels se réfère le paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte.
7. Il note également avec satisfaction que, en vertu de l'article 30 de la Constitution portugaise, les personnes privées de leur liberté continuent de jouir de leurs droits fondamentaux, mises à part les limitations inhérentes à l'emprisonnement.
8. Le Comité se félicite de l'action entreprise par les autorités pour diffuser les informations au sujet des droits de l'homme auprès des membres de la magistrature, des fonctionnaires, des enseignants et du public en général.
9. Le Comité note avec satisfaction que, en vertu de l'article 22 de la Constitution portugaise, lu conjointement avec l'article 2 du Statut organique de Macao, les organismes de l'Etat et les services publics sont tenus responsables des actes ou omissions entraînant des violations des droits de l'homme.
10. Le Comité se félicite de la création de nouvelles entités chargées de protéger les droits de l'homme, comme le Centre d'information et d'assistance et la Commission supérieure contre la corruption et les pratiques administratives illégales.
11. Le Comité note avec préoccupation que, bien que la majorité de la population soit sinophone, les documents officiels tels que les actes d'accusation et les procèsverbaux, ainsi que les pièces et les décisions judiciaires, sont établis exclusivement en portugais, encore que des efforts soient faits pour mettre à la disposition des intéressés des versions chinoises de ces textes.
12. Le Comité juge préoccupant que, malgré les garanties qu'offrent la Constitution et la législation du travail en matière d'égalité, la situation des femmes demeure marquée par des inégalités de fait, notamment sur le plan de la rémunération. La persistance de certains comportements traditionnels et de certaines pratiques favorise cette inégalité ainsi que la discrimination sur le lieu de travail.
13. Le Comité juge particulièrement préoccupantes les informations touchant l'ampleur de la traite des femmes à Macao et le nombre de femmes de différents pays que l'on fait venir à Macao à des fins de prostitution. Le Comité est extrêmement préoccupé par l'absence d'intervention de la part des pouvoirs publics pour empêcher l'exploitation de ces femmes et pénaliser cette pratique et par le fait que les services de l'immigration et de la police, en particulier, ne prennent aucunes mesures efficaces pour protéger ces femmes et sanctionner ceux qui les exploitent par le biais de la prostitution, en violation de l'article 8 du Pacte.
14. Le Comité s'inquiète du faible pourcentage de résidents d'origine locale qui occupent des positions de haut niveau dans l'administration, ce qui soulève la question de l'application de l'article 25 du Pacte.
15. Le Comité juge préoccupant qu'aucunes dispositions fermes n'aient été adoptées d'un commun accord par les Gouvernements chinois et portugais en ce qui concerne la nationalité des résidents de Macao après le 19 décembre 1999.
16. Le Comité regrette que, malgré les efforts déployés par les autorités pour faire connaître les droits consacrés dans le Pacte, le public, d'une manière générale, et les organisations non gouvernementales, en particulier, n'aient pas été dûment informés de l'examen du rapport par le Comité des droits de l'homme. Le Comité juge également préoccupant que les organisations non gouvernementales à Macao ne soient pas incitées à participer à des programmes de promotion et de protection des droits de l'homme et qu'il ne soit pas fait appel à leur coopération pour faire respecter ces droits.
17. Le Comité recommande que l'on redouble d'efforts pour introduire, dès que possible, la langue chinoise dans les tribunaux à tous les niveaux et, en particulier, dans les actes et décisions judiciaires.
18. Le Comité recommande qu'un grand effort soit fait pour augmenter sensiblement le pourcentage des résidents nés à Macao qui occupent des postes de rang supérieur dans l'administration et la magistrature.
19. Le Comité recommande, en outre, que le Gouvernement entreprenne ou développe s'ils existent déjà, des programmes en faveur des femmes vivant dans des conditions difficiles, en particulier celles originaires d'autres pays que l'on fait venir à Macao à des fins de prostitution. Des mesures très fermes doivent être prises pour endiguer de telles pratiques et imposer des sanctions à ceux qui exploitent les femmes de cette manière. Il faut assurer une protection aux femmes qui en sont victimes en prévoyant à leur intention des lieux où elles puissent se réfugier et en leur donnant la possibilité de rester dans le pays pour témoigner au pénal ou au civil contre les responsables de ces pratiques.
20. Le Comité recommande que soient abrogées aussi rapidement que possible les dispositions de l'article 4 de la résolution No 41/92 de l'Assemblée portugaise, qui rendent non applicables à Macao le paragraphe 4 de l'article 12 et l'article 13 du Pacte concernant le droit d'entrer dans le territoire et d'en sortir ainsi que l'expulsion des étrangers de celuici.
21. Le Comité recommande que l'éducation en matière de droits de l'homme soit étendue aux membres de la police et des forces de sécurité, aux juristes et à tous ceux qui participent à l'administration de la justice et fasse partie de leur formation ordinaire.
22. Le Comité suggère d'intensifier les efforts pour faire mieux connaître les droits reconnus dans le Pacte ainsi que les activités menées par le Comité. Il recommande, en particulier, que les présentes observations finales soient largement diffusées auprès du public.