Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
1. Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie (CCPR/C/84/Add.2) de sa 1426ème à sa 1429ème séance (voir CCPR/C/SR.1426 à 1429), les 17 et 18 juillet 1995, et il a adopté A sa 1440ème séance (cinquante-quatrième session), le 26 juillet 1995.les observations suivantes :
A. Introduction
2. Le Comité se félicite du quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie; il se déclare satisfait du dialogue qui a eu lieu avec la délégation, et en particulier du fait que celle-ci s'est montrée disposée à entreprendre avec lui une franche discussion, et de la manière détaillée dont elle a répondu aux questions posées par écrit ainsi qu'oralement par la suite. Le Comité exprime cependant un regret : le rapport insistait surtout sur les mesures juridiques promulguées ou en cours d'examen, et les renseignements qui étaient fournis quant à l'exercice effectif de certains des droits garantis dans le Pacte étaient insuffisants. Le Comité reconnaît qu'il a été partiellement remédié à cette situation grâce aux réponses qui ont été fournies oralement, lesquelles ont permis de se faire une idée plus nette de la situation d'ensemble dans l'Etat partie.
B. Facteurs et difficultés influant sur l'application du Pacte
3. Le Comité note que le pays doit faire face aux vestiges d'un passé totalitaire et que beaucoup reste encore à faire pour renforcer les institutions démocratiques et le respect de la règle de droit. Ainsi, il s'est créé un vide juridique dans certains domaines où aucun règlement ou loi n'a été adopté pour l'application des principes énoncés dans la Constitution. Le Comité note que le processus d'adoption de nouvelles lois a été engagé par le gouvernement, mais que l'examen de ces lois par les deux chambres de l'Assemblée fédérale avant leur promulgation se fait en général très lentement.
4. Le Comité n'ignore pas les difficultés économiques auxquelles l'Etat partie est confronté et qui influent inévitablement sur l'application du Pacte.
C. Aspects positifs
5. Le Comité exprime sa satisfaction devant les changements fondamentaux et positifs qui ont eu lieu récemment dans la Fédération de Russie. Ces changements créeront un cadre politique, constitutionnel et juridique plus satisfaisant en vue de l'exercice intégral des droits consacrés dans le Pacte.
6. Le Comité se félicite de la nouvelle Constitution de 1993, dans laquelle est juridiquement reconnue la notion de droits de l'homme et de libertés de l'individu. Le Comité considère que le chapitre 2 de la Constitution, qui énonce les droits et libertés des individus, est conforme à un grand nombre de dispositions du Pacte relatives aux droits fondamentaux.
7. Le Comité se félicite des dispositions du paragraphe 4 de l'article 15 de la Constitution qui, avec les limitations prévues dans le paragraphe 6 de l'article 125, affirment que les instruments internationaux, y compris le Pacte, font partie du système juridique russe et qu'ils ont préséance sur le droit interne. Il se félicite également des dispositions du paragraphe 1 de l'article 17 qui stipulent que les libertés et droits fondamentaux, conformément aux principes et règles communément acceptés du droit international, sont reconnus et garantis par l'Etat partie en vertu de la Constitution; il se félicite également de ce que la Constitution reconnaisse le droit de s'adresser aux organismes internationaux lorsque les recours internes sont épuisés et des affirmations formulées à la fois par écrit et oralement selon lesquelles les dispositions du Pacte peuvent être directement invoquées devant les tribunaux nationaux.
8. A cet égard, le Comité se félicite également de ce que la Fédération de Russie soit partie au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
9. Le Comité se félicite des progrès réalisés dans le sens de la démocratie depuis l'examen du troisième rapport périodique. Il se félicite également de l'adoption d'un certain nombre d'instruments juridiques visant à garantir les droits de l'homme de toutes les personnes se trouvant sur le territoire de l'Etat partie, notamment du nouveau Code civil et du nouveau Code pénal. Il exprime également sa satisfaction en ce qui concerne le projet de loi visant à une réforme d'ensemble des procédures judiciaires, ainsi qu'au sujet du code de procédure pénale en cours d'élaboration, et il note avec intérêt que le droit de recours en justice de toutes les personnes victimes de violations de leurs droits a été énoncé dans la loi.
10. Le Comité se félicite de la mise en place de plusieurs organes chargés de la protection des droits de l'homme, notamment du Commissariat aux droits de l'homme placé sous l'égide de la Douma d'Etat et de la Commission présidentielle des droits de l'homme, ainsi que de la Commission des droits de l'homme de la Communauté d'Etats indépendants, nouvellement créée.
11. Le Comité se félicite des assurances données par le gouvernement selon lesquelles un examen systématique des personnes placées dans des établissements psychiatriques sous les régimes précédents a été entrepris et espère que toutes les personnes qui auraient été internées dans de tels établissements sans raison valable seront libérées.
12. Le Comité accueille avec satisfaction la législation spéciale adoptée en vue d'indemniser les victimes des événements d'octobre 1993.
D. Principaux sujets de préoccupations
13. Le Comité est préoccupé par le fait que les profondes réformes législatives qui ont actuellement lieu au sein de l'Etat partie ne s'accompagnent pas parallèlement d'une protection effective des droits de l'homme au niveau de la mise en oeuvre. Plus précisément il déplore qu'un grand nombre des droits énoncés dans la Constitution ne fasse pas l'objet de mesures législatives et réglementaires d'application destinées à leur donner effet, et que les rapports entre les divers organes auxquels a été confiée la protection des droits de l'homme ne soient pas clairement définis. A cet égard, il regrette que les responsabilités du Commissaire aux droits de l'homme - dont on croit comprendre qu'elles ont un caractère très large et qu'elles comportent le pouvoir d'enquêter sur des plaintes relatives à des violations des droits de l'homme, de saisir la Cour constitutionnelle chaque fois qu'il y a infraction à un droit constitutionnel, ainsi que de prendre des initiatives en matière législative - ne soient pas spécifiées dans la Constitution et n'aient pas encore été définies en termes juridiques dans le cadre de la législation ultérieure. En outre, il semble que les responsabilités des services du Procureur pour ce qui est de la protection des droits de l'homme soient semblables à plusieurs égards à celles du Commissaire aux droits de l'homme. En ce qui concerne ces organes, on ne voit pas clairement pour quelle raison la Commission présidentielle des droits de l'homme, directement placée sous l'autorité du Président, qui est personnellement responsable en tant que garant des droits de l'homme aux termes de la Constitution, n'est dotée que de pouvoirs de recommandation, ni quels sont les mécanismes qui ont été mis en place pour faire en sorte que les décrets présidentiels soient conformes au Pacte.
14. Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les garanties d'égalité énoncées dans la Constitution et dans la législation du travail, les femmes demeurent de facto en situation d'infériorité. L'absence de garantie d'une rémunération égale pour un travail de valeur comparable et la persistance des attitudes et des pratiques qui font peser la responsabilité de l'éducation des enfants et d'autres responsabilités du foyer uniquement sur les femmes contribuent à cette inégalité et à la discrimination sur le lieu de travail. Le Comité est particulièrement alarmé du grand nombre de viols et de l'ampleur de la violence dans la famille, ainsi que de l'insuffisance des efforts faits par les autorités pour traiter de ces problèmes. Il est également alarmé du taux élevé de chômage parmi les femmes.
15. Tout en notant que l'adoption du projet de code pénal dont l'Assemblée fédérale est saisie signifierait une réduction du nombre de crimes pouvant entraîner la peine capitale, le Comité reste préoccupé par toute la série de crimes encore punissables de cette peine. En outre, il note que si le nombre des personnes effectivement exécutées a baissé sensiblement depuis 1993, la peine continue à être imposée, ce qui signifie un nombre considérable et croissant de détenus dans le quartier des condamnés à mort.
16. Le Comité se déclare profondément préoccupé par la pratique de la détention avant jugement et par le fait que la durée de la détention provisoire a été portée de 10 à 30 jours dans certains cas. Il s'inquiète de l'étendue des pouvoirs du Procureur pour ce qui est des décisions relatives à l'arrestation ou à la détention, que les intéressés ne peuvent pas contester devant les tribunaux. Selon le paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte, la détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle et, lorsqu'elle est décidée, les personnes détenues dans ces conditions doivent être jugées dans un délai raisonnable ou libérées. Le Comité constate avec inquiétude que la détention avant jugement se pratique non seulement dans les cas où des présomptions graves de caractère pénal pèsent sur l'intéressé, mais davantage pour les présomptions relatives à des faits moins graves et souvent pendant des périodes de temps excessives, et qu'il n'existe aucun mécanisme efficace de contrôle de cette détention.
17. Le Comité se déclare en outre gravement préoccupé par l'absence de mécanisme de surveillance des établissements pénitentiaires permettant de veiller à ce que les détenus et prisonniers soient traités avec humanité. A cet égard, il déplore les conditions cruelles, inhumaines et dégradantes qui persistent dans un grand nombre de centres de détention et d'établissements pénitentiaires et il condamne le recours à la privation de nourriture comme sanction.
18. Le Comité exprime son inquiétude devant le manque d'indépendance et d'efficacité du système judiciaire et les lenteurs de la justice, ce qui est contraire aux dispositions des articles 9 et 14 du Pacte, et il fait observer à cet égard que le système judiciaire de la Fédération de Russie n'assurera efficacement la protection des droits que lorsqu'il y aura en Russie un nombre suffisant de juges et d'avocats convenablement formés et qualifiés.
19. Le Comité estime préoccupant que puissent persister des actes qui constituent des violations du droit à la protection de la loi contre les immixtions illégales ou arbitraires dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance. Il s'inquiète du maintien des mécanismes permettant d'intercepter les communications téléphoniques privées, sans qu'il existe de législation énonçant clairement les cas dans lesquels l'immixtion dans la vie privée est légitime et prévoyant des garanties contre les immixtions illégales.
20. Le Comité constate avec préoccupation que, bien que la législation fédérale ait prévu l'abolition de la propiska, le permis de résidence continue d'être requis dans la pratique aux niveaux régional et local, ce qui est contraire non seulement à la Constitution, mais aussi à l'article 12 du Pacte. Il est également inquiet de constater que la plus importante des restrictions légales affectant le droit de quitter le pays demeure fondée sur la notion de secret d'Etat. Ces dispositions ne sont pas conformes à celles du paragraphe 3 de l'article 12 du Pacte et le Comité déplore à cet égard que les autorités n'aient toujours pas accepté de rendre la législation conforme au Pacte. Il déplore en outre que toutes les personnes qui n'ont pas encore accompli leur service national soient exclues en principe du bénéfice du droit de quitter le pays.
21. Le Comité constate avec préoccupation que l'objection de conscience à l'égard du service militaire, quoique reconnue dans l'article 59 de la Constitution, ne constitue pas dans la pratique une option prévue dans la législation russe et il prend note à ce sujet du projet de loi relatif au service de remplacement dont l'Assemblée fédérale est saisie. Il s'inquiète de ce que ce service de remplacement risque d'avoir un caractère punitif, qui résulterait soit de sa nature, soit de sa durée. D'autre part, le Comité est gravement inquiet des allégations concernant les pratiques répandues de cruauté et de mauvais traitements dont seraient victimes les jeunes conscrits.
22. Le Comité s'inquiète des informations faisant état d'un nombre croissant de sans-abri et d'enfants abandonnés nécessitant une protection.
23. Le Comité exprime sa préoccupation devant le fait que la définition restrictive de l'expression "minorités nationales" qui, dans une large mesure, sert de base à la législation de l'Etat partie concernant les droits des personnes appartenant à des minorités, ne protège pas toutes les personnes qui sont visées dans l'article 27 du Pacte. Il est également préoccupé par les informations faisant état du harcèlement dont sont victimes les personnes appartenant aux groupes minoritaires du Caucase, sous forme de fouilles, de passages à tabac, d'arrestations et d'expulsions.
24. Le Comité déplore profondément que les garanties prévues dans la nouvelle Constitution, ainsi que les règles internationales relatives aux droits de l'homme énoncées dans le Pacte, soient si peu familières aux fonctionnaires chargés de l'application des lois et au personnel pénitentiaire.
25. Le Comité exprime son inquiétude au sujet de la compétence qui est reconnue aux tribunaux militaires en matière civile. Les personnes détenues par des éléments des forces armées pourraient apparemment déposer plainte auprès du Procureur militaire responsable du centre de détention concerné. Ainsi, l'armée se verrait confier la responsabilité des jugements et des condamnations pour les infractions commises par ses propres éléments. Le Comité craint que cette situation ne favorise les dénis de justice, compte tenu en particulier du fait que le gouvernement a reconnu que les militaires, même aux grades les plus élevés, n'avaient guère connaissance du droit international relatif aux droits de l'homme, y compris du Pacte.
26. Le Comité est profondément préoccupé par le nombre élevé de personnes qui ont été réduites à la condition de réfugiés par suite des événements qui se sont produits en Ossétie du Nord en 1992 et par les conditions difficiles auxquelles doivent faire face ces personnes déplacées dans la république voisine d'Ingouchie, ainsi que par les nombreux incidents qui se sont produits lorsque celles-ci ont essayé de rentrer dans leur pays.
27. En ce qui concerne particulièrement la situation en Tchétchénie, le Comité exprime sa préoccupation devant le non-respect de l'article 4 du Pacte, qui énonce les dispositions auxquelles il n'est pas possible de déroger, même en période de danger public exceptionnel. Il soutient que cet article est applicable à la situation en Tchétchénie, où un grand nombre de personnes ont trouvé la mort ou ont été privées de liberté en raison de l'emploi des armes par les combattants, bien que l'état d'urgence n'ait pas été officiellement proclamé.
28. Le Comité déplore le recours excessif et disproportionné à la violence par les forces russes, dont il a été informé dans de nombreux comptes rendus des événements de Tchétchénie, et qui constitue une grave violation des droits de l'homme. Il déplore en outre le fait que personne n'a été rendu responsable du traitement inhumain des prisonniers et d'autres personnes détenues, que les enquêtes concernant les allégations de violations des droits de l'homme par les forces russes, y compris les meurtres de civils, restent jusqu'à présent insuffisantes, que des établissements civils tels que des écoles et des hôpitaux ont été détruits par les forces gouvernementales et qu'un grand nombre de civils ont été tués ou déplacés à la suite de la destruction de leurs habitations.
29. Le Comité exprime sa profonde préoccupation devant le grand nombre de cas signalés de torture, de mauvais traitements et de détention arbitraire dans les "centres de regroupement" ou les "camps de filtrage", qui ont été créés à l'origine en vue de déterminer l'identité des combattants faits prisonniers, mais où il y aurait également de nombreux civils. Il déplore la manière dont sont traités les détenus dans ces centres et constate avec préoccupation que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n'a pas été autorisé à se rendre dans tous ces camps.
30. Le Comité est préoccupé par le fait qu'en raison des violences et des excès qui ont marqué les événements récents en Tchétchénie, la population a extrêmement peu confiance dans les efforts de reconstruction des autorités locales et dans les tentatives de réparation des violations des droits de l'homme.
E. Suggestions et recommandations
31. Le Comité recommande que les rapports entre les divers organes chargés de la protection des droits de l'homme soient clairement définis et coordonnés et que l'existence et les attributions de ces organes soient largement connues. Il recommande en outre que soit mis en place un mécanisme aux attributions clairement définies, chargé de veiller à ce que tous les décrets présidentiels et toutes les lois soient conformes aux dispositions du Pacte et d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels l'Etat est partie.
32. Le Comité recommande que l'Etat partie procède à une analyse et décrive dans son prochain rapport périodique les procédures mises en place pour veiller à ce qu'il soit tenu compte des constatations et recommandations adoptées par le Comité au titre du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, compte tenu également des obligations découlant de l'article 2 du Pacte.
33. Le Comité recommande que des efforts accrus soient faits pour rassembler des informations sur la situation des femmes et sur la façon dont elles sont touchées par les actuels changements structurels d'ordre politique, économique et social. Le gouvernement, s'appuyant sur ces informations, devrait instituer des programmes ou renforcer les programmes existants visant à aider les femmes en situation difficile, notamment les femmes au chômage, celles qui subissent des violences dans la famille et les victimes de viol, afin de garantir leur égalité devant la loi et une égale protection de la loi. Il devrait en particulier envisager de confier la responsabilité dans ce domaine à un organe gouvernemental approprié de haut niveau.
34. Le Comité prie instamment le gouvernement de réduire sensiblement le nombre de crimes pour lesquels la peine de mort peut être imposée, conformément à l'article 6 du Pacte, en vue d'abolir finalement cette peine.
35. Le Comité recommande que le traitement des personnes privées de liberté, placées dans des centres de détention ou dans des établissements pénitentiaires, soit dûment surveillé. A cet égard, il recommande vivement que soient adoptés de nouvelles règles et de nouveaux règlements qui soient pleinement conformes aux articles 7, 9, 10 et 14 du Pacte et à l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, et que les textes de tous les règlements et ordonnances pénitentiaires, ainsi que des normes internationales relatives à l'administration des prisons, soient rendus publics et aisément accessibles. Le Comité recommande en outre que priorité soit donnée à la création du comité des visites d'inspection des établissements pénitentiaires de la Fédération et que soit adoptée d'urgence, conformément au paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte et au paragraphe 2 de l'article 22 de la Constitution, une législation sur le contrôle judiciaire des mesures d'arrestation et de détention. Il demande instamment au gouvernement de ne pas placer en centre de détention les personnes ayant commis un premier délit, les délinquants non violents et les petits délinquants et d'envisager diverses autres mesures concrètes visant à réduire le surpeuplement des centres de détention avant jugement, en particulier le recours plus fréquent à la mise en liberté avant jugement. Il demande également la cessation immédiate de la pratique de la privation de nourriture comme sanction dans les établissements pénitentiaires et encourage les initiatives du gouvernement visant à instituer d'autres formes de châtiment.
36. Le Comité demande instamment que soit promulguée rapidement la législation relative au pouvoir judiciaire, qui devrait incorporer pleinement les garanties essentielles de l'indépendance du pouvoir judiciaire, y compris les Principes fondamentaux des Nations Unies sur l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il recommande que des efforts soient faits pour que le Pacte et les autres normes internationales relatives aux droits de l'homme soient diffusés aussi largement que possible, en particulier parmi les autorités chargées de l'administration de la justice, les responsables de l'application des lois et le personnel pénitentiaire, ainsi que le public en général. Il recommande à l'Etat partie de recourir aux services de coopération technique du Centre pour les droits de l'homme.
37. Le Comité recommande que le système de la propiska soit aboli dans tout le pays sans exception. De nouvelles mesures devraient être prises pour faire en sorte que la législation concernant le droit de quitter le pays soit pleinement conforme aux obligations contractées par l'Etat partie en vertu des paragraphes 2 et 3 de l'article 12 du Pacte et, en particulier, pour supprimer les restrictions liées à la détention de secrets d'Etat. Le Comité demande instamment que toutes les autorités régionales et locales soient contraintes de se conformer à la politique fédérale visant à abolir le système de la propiska (système de "laissez-passer" ou de "passeports" internes).
38. Le Comité demande instamment qu'une législation soit adoptée sur la protection de la vie privée et que des mesures strictes et positives soient prises pour prévenir les violations du droit à la protection contre les immixtions illégales ou arbitraires dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance.
39. Le Comité demande instamment que des mesures strictes soient adoptées pour qu'il soit mis fin immédiatement aux mauvais traitements et aux sévices infligés aux conscrits par leurs supérieurs et leurs camarades. Il recommande en outre que tous les efforts soient faits pour qu'il devienne possible de choisir un service remplaçant le service militaire qui soit raisonnable et qui n'ait aucun caractère punitif, en raison de sa nature ou de sa durée. Il demande instamment que toutes les poursuites intentées contre les objecteurs de conscience au service militaire soient abandonnées.
40. Le Comité recommande que la législation nationale soit modifiée pour tenir compte de la notion élargie de minorités qui ressort des articles 2, 26 et 27 du Pacte, lesquels interdisent toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'opinion ou toute autre situation, et pour protéger davantage les droits non seulement des "minorités nationales", mais également des minorités ethniques, religieuses et linguistiques.
41. Le Comité demande que des mesures spéciales efficaces soient adoptées pour permettre à toutes les personnes déplacées en raison des événements qui se sont produits en 1992 en Ossétie du Nord de rentrer chez elles.
42. Le Comité demande fermement que les violations graves des droits de l'homme qui se sont produites et continuent de se produire en Tchétchénie fassent immédiatement l'objet d'enquêtes approfondies, que les auteurs soient châtiés et que les victimes soient indemnisées. Il engage instamment le gouvernement à vérifier que tous les détenus sont incarcérés pour des motifs légitimes, pour une durée raisonnable et dans des conditions humaines, conformément aux obligations incombant à l'Etat partie en vertu du Pacte.
43. Le Comité, prenant note avec satisfaction des assurances données par le gouvernement selon lesquelles le CICR pourra avoir accès à tous les camps de détention, demande instamment que cette possibilité d'accès soit accordée immédiatement dans la région de la Tchétchénie et dans les républiques voisines, afin de permettre au CICR non seulement de surveiller la façon dont les détenus sont traités, mais également de fournir des approvisionnements et des services.
44. Le Comité recommande que, pour remédier au manque de confiance dans les autorités gouvernementales locales, le gouvernement envisage d'accueillir une présence internationale plus large, y compris celle du Centre pour les droits de l'homme, afin d'aider la Commission multilatérale spéciale créée pour enquêter sur les événements récents de Tchétchénie à accroître l'efficacité des enquêtes concernant les droits de l'homme et à assurer l'équité des procès jusqu'à ce que le pouvoir judiciaire exerce ses fonctions de façon satisfaisante. Cette mesure montrerait clairement que le gouvernement a la volonté de mettre fin aux violations des droits de l'homme, à la fois en se soumettant au contrôle international et en faisant appel à cette fin aux services d'experts internationaux.
45. Le Comité demande instamment que des mesures appropriées soient prises pour alléger le sort de toutes les personnes déplacées à la suite des combats en Tchétchénie, y compris des mesures visant à faciliter le retour de ces personnes dans leurs villes et villages.
46. Le Comité recommande que l'enseignement des droits de l'homme figure dans les programmes d'études scolaires et universitaires et que ses observations soient largement diffusées et incorporées dans tous les programmes de formation aux droits de l'homme destinés aux responsables de l'application des lois et au personnel administratif.