4. Il se félicite également de la mise en place en 1996 de la Commission ougandaise des droits de l'homme, qui est habilitée à traiter des violations des droits de l'homme et qui s'efforce d'être fidèle aux Principes de Paris.
5. Il se félicite que dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Kyawanywa c. Procureur général, la Cour suprême ait déclaré les châtiments corporels inconstitutionnels.
L'État partie devrait préciser le statut du Pacte dans le droit interne.
7. Le Comité reconnaît le rôle important que joue la Commission ougandaise des droits de l'homme dans la promotion et la protection des droits de l'homme, mais s'inquiète des tentatives qui ont été faites récemment pour porter atteinte à son indépendance. Il constate également avec préoccupation que fréquemment, l'État partie n'applique pas les décisions de la Commission concernant, d'une part, l'indemnisation des victimes de violations des droits de l'homme et, d'autre part, la poursuite des auteurs de ces violations, les quelques fois où la Commission a recommandé de telles poursuites (art. 2).
L'État partie devrait veiller à ce que les décisions de la Commission ougandaise des droits de l'homme soient pleinement appliquées, en particulier en ce qui concerne l'indemnisation des victimes de violations des droits de l'homme et la poursuite des auteurs de ces violations. Il devrait garantir une totale indépendance à la Commission.
8. Le Comité note que l'Ouganda a adopté, conformément à la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité, la loi antiterroriste de juin 2002. Il s'inquiète de ce que l'article 10 de cette loi qualifie de criminelles les «organisations terroristes» sans mentionner les infractions particulières commises par de telles organisations ou par leur intermédiaire. Il s'inquiète aussi de ce que l'article 11 de ladite loi n'indique pas quels sont les critères objectifs qui permettent de déterminer si une personne est membre d'une «organisation terroriste» (art. 2 et 15).
L'État partie devrait modifier sa loi antiterroriste de telle sorte que les dispositions de ses articles 10 et 11 soient pleinement conformes à celles du Pacte.
9. Le Comité note avec préoccupation la persistance dans l'État partie de coutumes et de traditions qui portent atteinte au principe de l'égalité entre les hommes et les femmes et qui peuvent faire obstacle à la pleine application de nombreuses dispositions du Pacte. Le Comité déplore en particulier que la polygamie soit toujours reconnue par la loi en Ouganda. Il se réfère à cet égard à son Observation générale nº 28, aux termes de laquelle la polygamie est incompatible avec l'égalité de traitement en ce qui concerne le mariage. Les dispositions du projet de loi sur les relations intrafamiliales censées décourager la polygamie ne sont pas suffisantes (art. 3 et 26).
L'État partie devrait prendre des mesures législatives interdisant la polygamie tout en renforçant les campagnes qu'il mène actuellement pour sensibiliser la population à ce problème.
10. Le Comité note que l'État partie a reconnu que les mutilations génitales féminines continuaient de se pratiquer dans certaines régions du pays, en dépit des dispositions du paragraphe 6 de l'article 33 de la Constitution, qui interdit les coutumes et traditions culturelles portant atteinte à la dignité, au bien-être ou à l'intérêt des femmes. Le Comité regrette que l'État partie n'ait pas pris toutes les mesures nécessaires pour éliminer cette pratique (art. 3, 7 et 26).
L'État partie devrait prendre à titre prioritaire des mesures appropriées pour ériger les mutilations génitales féminines en infraction, prévoir des peines pour cette infraction, et éliminer ces pratiques.
11. Le Comité est préoccupé par la persistance des violences familiales et par le fait qu'elles ne font pas l'objet d'enquêtes et que leurs auteurs ne sont ni poursuivis ni punis (art. 3, 7 et 26).
L'État partie devrait adopter des mesures efficaces pour prévenir les violences familiales, en punir les auteurs et accorder une aide matérielle et psychologique aux victimes. Il devrait également dispenser aux responsables de l'application des lois, en particulier aux policiers, une formation qui les aide à faire face aux situations de violence familiale.
12. Le Comité regrette que l'État partie n'ait pas pris des mesures suffisantes pour garantir le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes touchées par le conflit armé dans le nord du pays, en particulier les personnes déplacées à l'intérieur du pays qui sont actuellement enfermées dans des camps (art. 6 et 9).
L'État partie devrait prendre immédiatement des mesures efficaces pour protéger les populations civiles qui vivent dans les régions du nord de l'Ouganda touchées par le conflit armé contre les violations de leur droit à la vie et à la liberté commises par les forces de sécurité. Il devrait en particulier protéger les personnes déplacées à l'intérieur du pays qui sont enfermées dans des camps et qui sont constamment exposées aux attaques de l'Armée de résistance du Seigneur.
13. Le Comité est préoccupé par le large éventail des crimes qui sont punissables de la peine capitale en Ouganda. Il considère que l'imposition systématique de la peine de mort pour le meurtre, le vol qualifié, la trahison et les actes de terrorisme ayant causé la mort et l'impossibilité où se trouve une personne condamnée à mort par une cour martiale de faire appel ou de solliciter la grâce ou une commutation de peine sont incompatibles avec le Pacte. Il se déclare également préoccupé par la durée excessive de la détention des condamnés à mort en attente d'exécution (près de 20 ans dans un cas) (art. 6 et 14).
L'État partie est instamment prié de réduire le nombre des infractions punissables de la peine de mort et de veiller à ce que celle-ci ne soit imposée que pour les crimes les plus graves. Il devrait également abolir les sentences de mort obligatoires et veiller à ce que puissent être exercés tous les recours possibles dans toutes les affaires ainsi que le droit de solliciter la grâce ou une commutation de peine.
14. Le Comité prend note des mesures prises par l'État partie face à l'énorme problème que pose le VIH/sida, mais continue de se demander si ces mesures sont efficaces et si elles garantissent pleinement aux personnes infectées l'accès aux services médicaux, y compris à un traitement antirétroviral (art. 6 )
L'État partie est instamment prié d'adopter toutes les mesures voulues pour qu'un plus grand nombre des personnes touchées par le VIH/sida puissent bénéficier d'un traitement antirétroviral.
15. Le Comité est préoccupé par l'ampleur du problème que posent les enlèvements d'enfants, en particulier dans le nord du pays. Il prend acte des mesures prises par l'État partie pour atténuer ce problème, mais s'inquiète de ce que les données disponibles ne fassent apparaître aucune diminution du nombre des enlèvements. Il s'inquiète également du sort des anciens enfants soldats (art. 6, 8 et 24).
L'État partie devrait, de toute urgence et d'une manière globale, prendre toutes les mesures qui s'imposent pour attaquer de front le problème des enlèvements d'enfants et réinsérer les anciens enfants soldats dans la société.
16. Le Comité note que diverses mesures ont été prises pour éviter que les responsables de l'application des lois ne fassent un usage excessif de la force, mais reste préoccupé par les situations dans lesquelles ils auraient exécuté extrajudiciairement des civils, comme lors de l'incident survenu à Gulu en septembre 2002 ou de l'incident qui a eu lieu dans le cadre de l'opération «Wembley» en juin 2002 (art. 6).
L'État partie devrait veiller à ce que les responsables de l'application des lois qui font un usage disproportionné d'armes à feu contre des civils soient poursuivis. Il devrait en outre poursuivre ses efforts de formation tendant à amener les policiers, les militaires et le personnel pénitentiaire à respecter scrupuleusement les normes internationales applicables.
17. Le Comité prend note des explications de la délégation ougandaise concernant la mise hors la loi des «lieux sûrs», à savoir les lieux de détention occultes où des personnes ont été soumises à la torture par des militaires. Il reste toutefois préoccupé par le fait que des agents de l'État continuent de priver arbitrairement des personnes de leur liberté, notamment dans des lieux occultes de détention, en particulier dans le nord de l'Ouganda. Il s'inquiète aussi de ce que des militaires et des responsables de l'application des lois infligent couramment des tortures et des mauvais traitements aux personnes détenues (art. 7 et 9).
L'État partie devrait prendre sans délai des mesures efficaces pour empêcher ses agents de procéder à des détentions arbitraires et de pratiquer la torture. Tous les cas allégués de détention arbitraire et de torture devraient faire l'objet d'enquêtes approfondies, les responsables devraient être poursuivis et les victimes devraient se voir accorder une réparation complète, y compris une indemnisation juste et suffisante.
18. L'État partie a noté les conditions de détention déplorables qui règnent en Ouganda. Les problèmes les plus courants sont le surpeuplement, une nourriture insuffisante, les mauvaises conditions d'hygiène et le manque de ressources matérielles, humaines et financières. Le traitement des prisonniers reste un sujet de préoccupation pour le Comité. Des cas de châtiments corporels pour faute disciplinaire sont signalés. La mise au secret et la privation de nourriture sont aussi utilisées à titre de mesures disciplinaires. Il est fréquent que des mineurs et des femmes ne soient pas séparés des adultes et des hommes. Le Comité a pris note des mesures prises par l'État partie pour remédier à ces lacunes, notamment l'instauration d'un système de travail d'intérêt général à la place de l'incarcération. Il note toutefois que ces mesures n'ont pas permis de surmonter les problèmes. Il est préoccupé aussi par la forte proportion de détenus en détention provisoire (près de 70 % d'entre eux) (art. 7 et 10).
L'État partie devrait mettre fin aux pratiques contraires à l'article 7 et mettre les conditions d'incarcération en conformité avec l'article 10 du Pacte et l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus. Il devrait également prendre immédiatement des mesures pour réduire la surpopulation dans les prisons ainsi que le nombre de personnes placées en détention provisoire.
19. Le Comité est préoccupé par la pratique consistant à incarcérer des personnes pour dettes, qui est incompatible avec l'article 11 du Pacte.
L'État partie devrait supprimer l'emprisonnement pour dettes.
20. Le Comité a pris note avec préoccupation de l'emploi forcé d'enfants à des activités nuisibles à leur santé et à leur bien-être, ainsi que de l'inefficacité des mesures prises pour régler ce problème (art. 8 et 24).
L'État partie devrait adopter des mesures pour éviter l'exploitation de la main-d'œuvre enfantine et veiller à ce que les enfants bénéficient d'une protection spéciale, conformément à l'article 24 du Pacte. Il devrait également prévoir des sanctions efficaces contre les personnes qui se livrent à de telles pratiques.
21. Les insuffisances constatées dans l'administration de la justice préoccupent le Comité, en particulier la lenteur des procédures et la durée des détentions avant jugement, le fait que les délinquants qui ne sont pas passibles de la peine capitale ne bénéficient d'aucune aide judiciaire et les conditions dans lesquelles peuvent être obtenus des aveux. En dépit des mesures prises par l'État partie pour remédier à ces problèmes, le Comité regrette que la persistance desdits problèmes contribue à généraliser le sentiment d'impunité et à entraver le respect des garanties énoncées à l'article 14 (art. 14).
L'État partie devrait prendre des mesures pour remédier aux lacunes constatées dans l'administration de la justice de telle sorte que les garanties judiciaires consacrées par le Pacte soient pleinement respectées. Il devrait modifier sa législation et ses pratiques, en particulier en ce qui concerne les problèmes susmentionnés.
22. Le Comité note avec préoccupation que la police a dispersé par la force des manifestations pacifiques organisées par les partis d'opposition et que la liberté de circulation des opposants politiques a été aussi restreinte dans certains cas. Il reste préoccupé par les restrictions dont fait l'objet le droit des partis politiques de participer aux élections périodiques, de critiquer le gouvernement et de participer au processus de prise de décisions. Le Comité a pris note de l'information donnée par la délégation ougandaise, selon laquelle l'État partie souhaite organiser des élections multipartites en 2006, mais reste préoccupé par le fait qu'aucune information précise ne lui a été communiquée en ce qui concerne les mesures pratiques qu'il est envisagé de prendre à cette fin (art. 22 et 25).
L'État partie devrait veiller à ce que le droit à la liberté d'association soit pleinement respecté, en particulier dans le domaine politique. Le Comité considère que l'État partie devrait faire en sorte que les élections générales prévues pour 2006 soient effectivement l'occasion d'assurer la participation des différents partis.
23. Le Comité est préoccupé par la pratique des mariages précoces et forcés en Ouganda, pratique qui persiste bien que l'âge minimum du mariage ait été fixé à 18 ans (art. 23).
L'État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire disparaître cette pratique et sanctionner les personnes impliquées.
24. L'État partie devrait donner la plus large publicité possible à l'examen de son rapport initial par le Comité et en particulier aux présentes observations finales.
25. L'État partie est prié, conformément au paragraphe 5 de l'article 70 du règlement intérieur du Comité, de fournir à celui-ci, dans un délai d'un an, des renseignements sur la suite qu'il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 10, 12 et 17 ci-dessus. Le Comité prie aussi l'État partie de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, qu'il devra lui présenter le 1er avril 2008 au plus tard, des renseignements sur ses autres recommandations relatives à l'application du Pacte dans son ensemble.