University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland (Hongkong), U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.57 (1995).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations du Comité des droits de l'homme


Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Hongkong)

1. Le Comité des droits de l'homme a examiné la partie du quatrième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord consacrée à Hongkong (CCPR/C/95/Add.5 et HRI/CORE/1/Add.62) de sa 1451ème à sa 1453ème séance, tenues les 19 et 20 octobre 1995 et a adopté A sa 1469ème séance (cinquante-cinquième session), tenue le 1er novembre 1995 les observations ci-après.


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction la présence d'une délégation de haut niveau, comprenant notamment en son sein plusieurs représentants du Gouvernement de Hongkong. Il exprime aux représentants de l'Etat partie ses félicitations pour la qualité du rapport, l'abondance de renseignements supplémentaires et les réponses franches et détaillées qu'ils ont apportées aux questions écrites et verbales qui leur avaient été posées, ainsi qu'aux commentaires faits par les membres du Comité au cours de l'examen du rapport. Le Comité note avec satisfaction que ces informations lui ont permis d'engager un dialogue des plus constructifs avec l'Etat partie.

3. Les informations détaillées soumises par un large éventail d'organisations non gouvernementales ont beaucoup aidé le Comité à comprendre la situation des droits de l'homme à Hongkong.


B. Facteurs touchant les obligations des Etats parties
en matière d'établissement de rapports

4. Le Comité note que le Royaume-Uni et la République populaire de Chine ont convenu dans la Déclaration commune et l'Echange de mémorandums du 19 décembre 1984 que les dispositions du Pacte telles qu'elles s'appliquaient à Hongkong demeureraient en vigueur au-delà du 1er juillet 1997. A cet égard, à sa 1453ème séance, le 20 octobre 1995, dans une déclaration de son Président jointe au présent document, le Comité a bien précisé son point de vue sur les obligations qui existeraient à l'avenir en matière d'établissement de rapports sur Hongkong, à savoir que, attendu que les obligations prévues à ce sujet à l'article 40 du Pacte continueraient de s'appliquer, il aurait compétence pour recevoir et examiner les rapports qui devaient être soumis au sujet de Hongkong.


C. Aspects positifs

5. Le Comité se félicite des initiatives prises par le gouvernement pour assurer pleinement l'application du Pacte à Hongkong, à l'avenir comme à l'heure actuelle. A ce propos, la Déclaration commune sino-britannique sur la question de Hongkong constitue apparemment une base juridique solide propre à assurer que les droits énoncés dans le Pacte continueront d'être protégés. Le Comité se félicite de l'adoption en juin 1991 de la Bill of Rights Ordinance (ordonnance relative à la Charte des droits).

6. Le Comité prend note, avec satisfaction, des diverses ordonnances dont on s'est assuré qu'elles étaient conformes à la Charte des droits et qui ont été modifiées le cas échéant en conséquence et, à cet égard, apprécie aussi le processus continu d'examen et de mise à jour des dispositions législatives pertinentes.

7. Le Comité apprécie les efforts déployés par les autorités pour diffuser des informations sur les droits de l'homme auprès des membres de l'appareil judiciaire, des fonctionnaires, des enseignants et du grand public en général, y compris des enfants d'âge scolaire.

8. Le Comité salue par ailleurs l'adoption, il y a peu, de la Sexual Discrimination Ordinance et de la Disability Discrimination Ordinance, dont l'objet est notamment d'en finir avec la discrimination à l'encontre des femmes et des personnes handicapées. Il se félicite des informations fournies oralement par les autorités selon lesquelles une commission de l'égalité des chances, habilitée à recommander des projets de lois et d'amendements à ces ordonnances, verra le jour au cours du premier trimestre de 1996.

9. Le Comité se félicite de l'adoption de la Torture Ordinance, qui donne effet à une partie de l'article 7 du Pacte.


D. Principaux sujets de préoccupation

10. Le Comité note que l'article 7 de la Bill of Rights Ordinance dispose que "La présente Ordonnance ne lie que le gouvernement et toutes les autorités publiques, et toute personne agissant au nom du gouvernement ou d'une autorité publique". Le Comité souligne à cet égard qu'en vertu du Pacte, l'Etat partie a l'obligation de protéger les particuliers contre des violations commises non seulement par des agents du gouvernement, mais aussi par des personnes privées. A cet égard, le Comité note avec une profonde préoccupation l'absence de législation assurant une protection effective contre les violations des droits relevant du Pacte commises par des agents non gouvernementaux.

11. Le Comité juge inquiétante la procédure d'enquête sur les violations des droits de l'homme dont la police serait l'auteur. Il relève qu'il appartient à la police elle-même d'enquêter sur de telles plaintes, alors que les enquêtes devraient être menées selon des modalités qui en garantissent l'indépendance et la fiabilité. Or vu la proportion élevée de plaintes déposées contre des policiers, jugées sans fondement par les services de police chargés des enquêtes, le Comité s'interroge sur la fiabilité du processus d'enquête et est d'avis que les enquêtes sur des plaintes d'abus de pouvoir par des agents des forces de police doivent être et paraître équitables et indépendantes et qu'il faut de ce fait les confier à un organisme indépendant. Le Comité se félicite des modifications apportées pour renforcer le statut et le pouvoir du Conseil indépendant chargé d'examiner les plaintes contre la police, mais constate que malgré ces modifications, les enquêtes demeurent entièrement entre les mains de la police.

12. Le Comité exprime sa préoccupation devant le fait qu'alors que la majorité de la population de Hongkong parle le chinois, les formulaires officiels d'interrogatoire et d'inculpation, ainsi que les autres pièces de procédure, sont en anglais seulement, ceci bien que des efforts soients faits actuellement pour qu'on dispose de versions en chinois.

13. Le Comité exprime sa préoccupation devant la situation des femmes à Hongkong, en particulier devant la fréquence des violences et l'absence de mesures punitives ou correctives suffisantes. Il regrette que la Sexual Discrimination Ordinance ne soit pas encore en vigueur, qu'elle plafonne le montant des dommages-intérêts accordés aux femmes qui font l'objet de discrimination sexuelle et ne permette pas de rétablir dans leurs fonctions les femmes qui ont perdu leur emploi pour des raisons de discrimination sexuelle. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que la Sexual Discrimination Ordinance prévoit des exceptions non négligeables, que son champ d'application se limite à la discrimination fondée sur le sexe et le mariage et qu'elle n'interdit pas la discrimination fondée sur l'âge, la situation de famille ou la préférence sexuelle.

14. Le Comité note aussi avec préoccupation qu'il n'existe pas encore de règlements détaillés applicables aux états d'exception et qu'en vertu de la Court of Ultimate Appeal Ordinance, la compétence de la cour ne s'étendra pas à l'examen des "actes de la puissance publique", qui demeurent sans définition, pris par l'exécutif. Le Comité craint que des termes vagues tels que "actes de la puissance publique" ne soient interprétés comme imposant des restrictions abusives à la compétence de la cour, y compris l'application de toute loi d'exception qui pourrait être adoptée à l'avenir.

15. Le Comité regrette aussi qu'il n'existe pas encore de mesures législatives détaillées applicables aux états d'exception et que les dispositions de l'article 18 de la Loi fondamentale sur le sujet semblent ne pas correspondre à celles de l'article 4 du Pacte.

16. Le Comité exprime sa préoccupation devant le fait qu'à Hongkong l'aide judiciaire est refusée dans bon nombre de cas relevant de l'application de la Charte des droits qui mettent en cause des agents du gouvernement ou de la fonction publique.

17. Tout en notant avec satisfaction les efforts déployés par le gouvernement, en coopération avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, pour répondre aux besoins des demandeurs d'asile vietnamiens, le Comité exprime sa préoccupation devant le fait que de nombreux demandeurs d'asile vietnamiens sont soumis à une longue détention et que nombre d'entre eux sont détenus dans des conditions de vie déplorables qui soulèvent de graves questions au titre des articles 9 et 10 du Pacte. La situation des enfants qui vivent dans les camps et qui, dans la pratique, sont privés de la jouissance des droits prévus dans le Pacte en raison du statut d'immigrants illégaux de leurs parents, est particulièrement inquiétante. Le Comité exprime aussi sa préoccupation devant les conditions dans lesquelles ont eu lieu dans la pratique les expulsions et renvois de non-réfugiés d'origine vietnamienne.

18. En ce qui concerne l'article 17, le Comité prend acte de l'examen par la Commission de la réforme des lois de la Telecommunication Ordinance et de la Post Office Ordinance. Il note avec préoccupation qu'il peut être fait un usage abusif de ces ordonnances pour s'ingérer dans la vie privée des particuliers et que leur modification s'impose de toute urgence.

19. Le Comité n'ignore pas la réserve faite par le Royaume-Uni, selon laquelle l'article 25 n'exige pas l'institution d'un conseil exécutif ou législatif élu. Il est cependant d'avis qu'une fois créé un conseil législatif élu, son mode d'élection doit être conforme aux dispositions de l'article 25 du Pacte. Le Comité estime qu'à Hongkong le régime électoral ne répond pas aux exigences de l'article 25, ni à celles des articles 2, 3 et 26 du Pacte. Il souligne en particulier que seuls 20 des 60 sièges au Conseil législatif sont soumis au suffrage populaire direct et que la notion d'électorats fonctionnels, qui accorde une importance excessive aux vues des milieux d'affaires exerce parmi les électeurs une discrimination fondée sur la fortune et les fonctions et ce, en violation manifeste du paragraphe 1 de l'article 2, de l'alinéa b) de l'article 25 et de l'article 26 du Pacte. Il est aussi préoccupé par le fait que priver par la loi des personnes condamnées de leur droit de vote pour une durée qui peut aller jusqu'à 10 ans peut représenter une restriction disproportionnée des droits protégés par l'article 25.


E. Suggestions et recommandations

20. Le Comité recommande d'intensifier les efforts pour que soient disponibles dès que possible des versions en chinois des formulaires d'interrogatoire et d'inculpation, ainsi que des autres pièces de procédure.

21. Le Comité recommande que l'Etat partie adopte la proposition du Conseil indépendant chargé d'examiner les plaintes contre la police, tendant à faire participer des personnes extérieures à la police aux enquêtes sur les plaintes déposées contre elle.

22. Le Comité recommande à l'Etat partie de réexaminer sa décision concernant la création et la compétence de la Commission des droits de l'homme.

23. Le Comité recommande de combler les lacunes de la Sexual Discrimination Ordinance par des amendements appropriés et d'adopter des mesures législatives détaillées en vue d'éliminer toute discrimination restante interdite par le Pacte.

24. Le Comité invite instamment le gouvernement à prendre immédiatement des mesures pour améliorer les conditions de vie dans les centres de détention des réfugiés vietnamiens. Une attention particulière mérite d'être consacrée à la situation des enfants dont les droits qui leur sont reconnus par le Pacte devraient être protégés. Il faudrait déterminer rapidement le statut éventuel de réfugié de tous les détenus en leur accordant un droit de recours en justice et une aide judiciaire. Les expulsions et renvois de non-réfugiés d'origine vietnamienne devraient être surveillés de près pour éviter les abus.

25. Le Comité recommande que des mesures soient prises immédiatement pour aligner le régime électoral sur les dispositions des articles 21, 22 et 25 du Pacte.


F. Demande de rapport

26. Le Comité prie le Gouvernement britannique de lui soumettre un bref rapport d'ici le 31 mai 1996 sur tout fait nouveau concernant la jouissance des droits de l'homme à Hongkong, conformément aux recommandations contenues dans les présentes Observations et dans la Déclaration ci-jointe du Président, pour examen à sa cinquante-huitième session qui doit se tenir à Genève du 21 octobre au 8 novembre 1996.


DECLARATION DU PRESIDENT AU NOM DU COMITE DES DROITS DE L'HOMME CONCERNANT L'EXAMEN DE LA PARTIE DU QUATRIEME RAPPORT PERIODIQUE DU ROYAUME-UNI CONSACREE A HONGKONG
Lue par le Président à la 1454ème séance du Comité, tenue le 20 octobre 1995.

Le Comité des droits de l'homme - s'agissant des cas de démembrement d'Etats parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques - a estimé que la succession aux instruments relatifs aux droits de l'homme allait de pair avec la succession au territoire et que les Etats demeuraient liés par les obligations contractées en vertu du Pacte par l'Etat prédécesseur. Une fois que le peuple qui occupe un territoire se trouve sous la protection du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, cette protection ne peut lui être refusée pour la simple raison que ce territoire a été démembré ou se retrouve placé sous la juridiction d'un autre Etat ou de plusieurs Etats Voir documents CCPR/C/SR.1178/Add.1, CCPR/C/SR.1200, CCPR/C/SR.1201 et CCPR/C/SR.1202..

Il n'en demeure pas moins, au vu de l'existence et de la teneur de la Déclaration commune du Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et du Gouvernement de la République populaire de Chine sur la question de Hongkong, qu'il est inutile que le Comité se fonde uniquement sur la doctrine exprimée plus haut pour ce qui concerne Hongkong. A cet égard, le Comité fait observer que les parties à la Déclaration commune ont convenu que les dispositions du Pacte telles qu'elles s'appliquaient à Hongkong demeureraient toutes en vigueur après le 1er juillet 1997. Ces dispositions s'entendent notamment de la procédure d'établissement de rapports prévue à l'article 40. Comme les obligations énoncées en la matière à l'article 40 du Pacte relatif aux droits civils et politiques continueront de s'appliquer, le Comité des droits de l'homme s'estime compétent pour recevoir et examiner les rapports qui devront être soumis au sujet de Hongkong.

En conséquence, le Comité est disposé à donner effet à l'intention des parties à la Déclaration commune applicable à Hongkong et à coopérer pleinement avec les parties à la Déclaration commune pour mettre au point les modalités nécessaires à la réalisation de ces objectifs.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens