University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Ukraine, U.N. Doc. CCPR/CO/73/UKR (2001).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME
Soixante-treizième session

Examen des rapports présentés par les États parties
en application de l'article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l'homme

Ukraine


1. Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de l'Ukraine (CCPR/C/UKR/99/5) à ses 1957e, 1958e et 1959e séances (CCPR/C/SR.1957 à 1959), tenues les 15 et 16 octobre 2001. À ses 1971e et 1972e séances (CCPR/C/SR.1971 et 1972), tenues les 24 et 25 octobre 2001, il a adopté les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport détaillé soumis à la date prévue par l'Ukraine. Il regrette toutefois que, tout en fournissant des renseignements sur les normes et les textes juridiques régissant les obligations de l'Ukraine en vertu du Pacte, le rapport manque de renseignements sur l'application du Pacte dans la pratique. Le Comité note que l'État partie s'est engagé à soumettre des renseignements supplémentaires par écrit en réponse aux questions du Comité.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se félicite des changements importants intervenus en Ukraine depuis la présentation du dernier rapport. Ces changements fournissent un cadre politique, constitutionnel et juridique positif pour l'exercice ultérieur des droits consacrés par le Pacte.

4. Le Comité accueille avec satisfaction l'adoption, en juin 1996, de la nouvelle Constitution, qui confère une reconnaissance juridique aux droits de l'homme et aux libertés individuelles.

5. Le Comité accueille avec satisfaction l'abolition de la peine de mort, même en temps de guerre. Il espère que l'État partie ratifiera le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6. Le Comité note avec satisfaction l'action que mène l'État partie pour réformer sa législation, notamment l'adoption de la nouvelle loi de 2001 sur les réfugiés, de la loi de 2001 sur l'émigration et de la loi de 2001 sur la citoyenneté, ainsi que la dépénalisation de l'infraction de diffamation. Le Comité salue également la mise en place de la nouvelle Cour constitutionnelle, l'adoption d'un nouveau Code pénal, l'adoption de nouveaux textes législatifs relatifs à la protection des droits de l'homme et la création d'un système de cours d'appel.

7. Le Comité se félicite de l'institution en Ukraine du Bureau du médiateur chargé de la protection des droits de l'homme.


C. Sujets de préoccupation et recommandations
8. Le Comité craint qu'en cas de conflit entre les droits énoncés dans le Pacte et la législation interne, cette dernière ne prévale. Le Comité n'est pas parvenu, ni en examinant le rapport de l'État partie, ni durant le débat avec la délégation, à se faire une idée précise de la manière dont les conflits de normes potentiels entre droits énoncés dans le Pacte et normes de droit interne sont résolus.

L'État partie doit garantir l'exercice effectif de tous les droits consacrés par le Pacte, conformément à l'article 2 du Pacte, y compris par le biais de tribunaux indépendants et impartiaux fonctionnant conformément à l'article 14.

9. Tout en constatant que certains progrès ont été accomplis s'agissant d'assurer aux femmes l'égalité en matière de participation à la vie politique et publique, le Comité continue de noter avec préoccupation que la proportion de femmes siégeant au Parlement ou occupant des postes de responsabilité, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, demeure faible.

L'État partie devrait s'attacher à mettre en œuvre des mesures adaptées pour donner effet aux obligations qui sont les siennes en vertu des articles 3 et 26, afin d'améliorer la représentation des femmes au Parlement et aux postes de responsabilité, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. L'État partie devrait envisager d'adopter des mesures concrètes, y compris dans le domaine de l'éducation, pour améliorer la condition de la femme dans la société.

10. Le Comité note avec préoccupation que la violence familiale à l'encontre des femmes demeure un problème en Ukraine.

L'État partie devrait prendre toutes les mesures concrètes nécessaires, y compris l'adoption et l'application d'une législation adaptée, la formation des agents de police et la sensibilisation de la population, pour protéger les femmes de la violence familiale.

11. Le Comité constate avec préoccupation qu'en vertu de l'état d'urgence, tel qu'envisagé à l'article 64 de la Constitution de l'Ukraine, le droit à la liberté de pensée reconnu à l'article 34 de la Constitution et le droit à la liberté de religion pourraient faire l'objet de restrictions incompatibles avec les dispositions de l'article 4 du Pacte.

L'État partie doit veiller à ce que le cadre régissant les pouvoirs exceptionnels accordés pendant l'état d'urgence soit compatible avec l'article 4 du Pacte, compte tenu de l'observation générale no 29 du Comité.

12. Le Comité note avec préoccupation que le Bureau du médiateur souffre d'une grave pénurie de ressources.

L'État partie devrait affecter des ressources humaines et matérielles suffisantes au Bureau du médiateur pour lui donner les moyens de s'acquitter efficacement de sa mission.

13. Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de harcèlement policier, en particulier à l'égard de la minorité rom et des étrangers.

L'État partie devrait prendre des mesures efficaces en vue d'éliminer toutes les formes de harcèlement policier, et créer une autorité indépendante chargée de donner suite aux plaintes contre la police. Il devrait prendre des mesures contre les personnes tenues responsables d'actes de harcèlement.

14. Le Comité regrette que la délégation n'ait pas fourni les renseignements demandés sur les mesures prises pour combattre les actes et les publications racistes et antisémites et la situation des cimetières juifs confisqués sous l'occupation nazie.

L'État partie est prié de fournir les renseignements demandés par le Comité dans les délais indiqués au paragraphe 25 ci-après. L'État partie devrait prendre des mesures efficaces pour prévenir et punir les actes racistes et antisémites et en informer le Comité dans les délais indiqués au paragraphe 25.

15. Le Comité reste préoccupé par la persistance du recours systématique à la torture et à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à l'égard des prisonniers par les fonctionnaires chargés de l'application des lois.

L'État partie devrait instituer un système plus efficace de surveillance de la manière dont tous les détenus sont traités, afin de garantir l'entière protection de tous les droits qui sont les leurs en vertu des articles 7 et 10 du Pacte. L'État partie devrait en outre veiller à ce que toutes les allégations de torture fassent l'objet d'une enquête efficace par une autorité indépendante et à ce que les personnes responsables soient poursuivies et les victimes correctement indemnisées. Le libre accès à un conseil et à un médecin devrait être garanti dans la pratique, immédiatement après l'arrestation et à tous les stades de la détention. La personne interpellée devrait avoir la possibilité d'informer un membre de sa famille de son arrestation et du lieu de sa détention. Toutes les allégations selon lesquelles des déclarations auraient été obtenues de détenus sous la contrainte doivent donner lieu à une enquête et de telles déclarations ne doivent jamais être utilisées comme éléments de preuve, si ce n'est de faits de torture.

16. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de brimades et d'actes de bizutage (dedovchtchina) commis par des membres des forces armées à l'encontre de jeunes recrues, qui dans certains cas se sont soldés par des décès, des suicides et des désertions.

L'État partie devrait renforcer les mesures adoptées pour faire cesser ces pratiques et poursuivre leurs auteurs, ainsi que s'attacher, par le canal d'une action d'éducation et de formation au sein des forces armées, à mettre un terme à la culture négative qui a encouragé de telles pratiques.

17. Le Comité reste préoccupé par la longueur (jusqu'à 72 heures) de la période pendant laquelle il est permis de placer une personne en détention à titre de «mesure préventive temporaire» sous la responsabilité des autorités chargées de l'application des lois, avant de l'informer des charges qui sont portées contre elle, ainsi que par la pratique consistant dans certains cas à prolonger cette détention jusqu'à 10 jours à l'initiative d'un procureur. Cette pratique est incompatible avec l'article 9 du Pacte. Le Comité note également avec préoccupation qu'aucun mécanisme efficace n'existe pour surveiller pareille détention.

L'État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire la durée de pareille détention et améliorer la surveillance judiciaire afin d'assurer le respect des droits consacrés par le Pacte. Le Comité demande en outre des renseignements détaillés sur la composition, le mode de désignation des membres, les fonctions et les pouvoirs des «services d'enquête» mentionnés par la délégation, ainsi que des renseignements sur leur fonctionnement dans la pratique.

18. Le Comité reste préoccupé par la persistance de pratiques de traite des femmes en Ukraine.

L'État partie devrait prendre des mesures pour combattre ces pratiques, notamment en poursuivant et en réprimant les responsables, et donner plein effet aux dispositions de l'article 8 du Pacte.

19. Le Comité est préoccupé par la perpétuation du système de propiska, qui est incompatible avec le droit à la liberté de circulation et au choix du lieu de résidence visé à l'article 12 du Pacte.

L'État partie devrait abolir le système des passeports intérieurs et donner pleinement effet aux dispositions de l'article 12 du Pacte.

20. Le Comité prend note avec préoccupation des renseignements fournis par l'État partie indiquant que l'objection de conscience au service militaire n'est acceptée que pour des motifs religieux et uniquement pour certaines confessions religieuses, énumérées dans une liste officielle. Le Comité note avec préoccupation que cette restriction est incompatible avec les articles 18 et 26 du Pacte.

L'État partie devrait élargir la liste des motifs légaux d'objection de conscience de manière à ce qu'ils englobent sans discrimination toutes les confessions religieuses et autres convictions, et veiller à ce que le service de remplacement réservé aux objecteurs de conscience s'accomplisse de manière non discriminatoire.

21. Le Comité est préoccupé par les actes d'intimidation et de harcèlement visant des défenseurs des droits de l'homme, en particulier ceux qui sont commis par des fonctionnaires.

L'État partie doit prendre des mesures pour mettre fin aux actes d'intimidation et de harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme. Les informations faisant état d'actes d'intimidation et de harcèlement devraient faire rapidement l'objet d'enquêtes.

22. Le Comité s'inquiète des informations faisant état d'actes d'intimidation et de harcèlement commis à l'égard de journalistes. Il est également préoccupé par l'absence de critères pour l'attribution ou le refus de licence aux médias électroniques, tels que les stations de télévision et de radio, absence qui a un effet négatif sur l'exercice de la liberté d'expression et de la liberté de la presse visées à l'article 19 du Pacte. Il est également préoccupé par le fait que les subventions publiques accordées à la presse puissent être utilisées pour entraver la liberté d'expression.

a) L'État partie devrait veiller à ce que les journalistes puissent mener leurs activités sans craindre de faire l'objet de poursuites et devrait s'abstenir de les harceler et de les intimider, afin de donner pleinement effet au droit à la liberté d'expression et à la liberté de la presse consacré par l'article 19 du Pacte.

b) L'État partie devrait prendre des mesures efficaces pour définir clairement par voie législative les attributions et compétences du Comité d'État pour les communications de l'Ukraine. Les décisions du Comité d'État pour les communications devraient être soumises à un examen judiciaire.

c) L'État partie devrait veiller à ce que des critères précis soient définis pour le versement et le retrait des subventions publiques à la presse, afin d'éviter que de telles subventions ne soient versées dans le but de décourager toute critique du Gouvernement.

23. Le Comité exprime sa préoccupation face au caractère vague et imprécis du concept de «minorités nationales», qui est l'élément dominant dans la législation de l'État partie relative aux minorités mais ne couvre pas tout le champ d'application de l'article 27 du Pacte. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de discrimination et de harcèlement à l'égard des personnes appartenant à des minorités.

L'État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques jouissent d'une protection efficace contre la discrimination, et à ce que les membres de ces communautés puissent jouir de leur propre culture et utiliser leur propre langue, conformément à l'article 27 du Pacte.


D. Diffusion d'informations sur le Pacte
24. Le Comité engage l'État partie à rendre public le texte des présentes observations finales dans les langues idoines et demande que le prochain rapport périodique soit largement diffusé auprès du public, y compris les organisations non gouvernementales opérant en Ukraine.

25. En application du paragraphe 5 de l'article 70 du règlement intérieur du Comité, l'État partie est invité à communiquer, dans un délai de 12 mois, des renseignements sur les mesures prises pour régler les problèmes soulevés aux paragraphes 10, 13, 14, 15, 17, 19 et 23 des présentes observations finales.

26. Le Comité prie l'État partie de lui présenter son sixième rapport périodique le 1er novembre 2005 au plus tard.

 



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