University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Uruguay, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.19 (1993).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations du Comité des droits de l'homme


URUGUAY

1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l'Uruguay (CCPR/C/64/Add.4) à ses 1216e, 1217e et 1218e séances, les 29 et 30 mars 1993 et adopté 1/ les observations suivantes :

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l'Uruguay qui passe en revue les changements importants qui se sont produits dans ce pays depuis 1989. Le Comité prend note des informations précieuses que donne le rapport au sujet des modifications apportées récemment en matière législative et il apprécie, en particulier, le fait que le rapport tienne compte des observations faites par le Comité lors de l'examen du deuxième rapport périodique de l'Etat partie. Le rapport ne contient cependant aucun renseignement sur plusieurs articles du Pacte ou sur les conséquences pour l'application du Pacte de la loi relative à la caducité du pouvoir répressif de l'Etat (Ley de Caducidad de la Pretension Punitiva del Estado), ce qui préoccupe particulièrement le Comité. Par ailleurs, le rapport aurait dû donner davantage d'informations à propos des facteurs et difficultés qui entravent la mise en oeuvre des dispositions du Pacte, ainsi que de la suite réservée aux constatations adoptées par le Comité concernant les plaintes de particuliers reçues en vertu du Protocole facultatif.

3. Le Comité sait gré à l'Etat partie d'avoir envoyé un représentant de haut niveau pour présenter le rapport et répondre aux nombreuses questions posées par les membres du Comité. Le complément d'information fourni par le représentant de l'Etat partie et sa parfaite connaissance des questions relatives au Pacte ont permis un dialogue ouvert, franc et fécond entre le Comité et l'Etat partie.

B. Aspects positifs

4. Le Comité se félicite du rétablissement de la démocratie en Uruguay et des efforts déployés par les deux gouvernements qui se sont succédé dans le pays depuis le retour au pouvoir des civils pour restaurer le respect des droits de l'homme. Le Comité note avec satisfaction les progrès remarquables enregistrés pendant la période considérée en matière d'alignement de la législation du pays sur les dispositions du Pacte. Des progrès considérables ont été réalisés grâce à la promulgation de nouveaux codes et lois et au renforcement des institutions et processus démocratiques visant à protéger et promouvoir les droits de l'homme. Au nombre des acquis sur le plan législatif, on relève la promulgation de la nouvelle loi sur la presse (loi No 16099 du 24 octobre 1989) garantissant la liberté d'expression. Le Comité se félicite également de la création d'un nouvel organe (Fiscalía Nacional de la Policía) chargé d'enquêter sur les abus de la police en matière de droits de l'homme.

5. Le Comité accueille également avec satisfaction l'organisation du premier programme national consacré à l'application des instruments relatifs aux droits de l'homme et l'adhésion récente de l'Uruguay au deuxième Protocole facultatif relatif à l'abolition de la peine de mort.

C. Facteurs et difficultés qui font obstacle à l'application du Pacte

6. Le Comité note que les gouvernements civils ont dû lutter contre les tendances autoritaires issues du régime militaire, tout en ayant à affronter des problèmes économiques et sociaux profondément enracinés.

D. Principaux motifs de préoccupation

7. Le Comité se déclare à nouveau profondément préoccupé par les conséquences pour l'application du Pacte de la Ley de Caducidad. A cet égard, le Comité souligne que les Etats parties ont l'obligation, en vertu du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, de garantir que toute personne dont les droits et libertés ont été violés disposera d'un recours utile devant l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou devant toute autre autorité compétente. Le Comité note avec une profonde préoccupation que l'adoption de la loi en question exclut dans un certain nombre de cas la possibilité d'ouvrir une enquête sur les abus commis dans le passé en matière de droits de l'homme et empêche donc l'Etat partie de s'acquitter de son obligation de garantir des recours utiles aux victimes de ces abus. Le Comité est particulièrement préoccupé du fait que l'adoption de la loi a empêché qu'il soit donné suite à ses constatations relatives aux communications. En outre, il est particulièrement préoccupé du fait qu'en adoptant une telle loi, l'Etat partie ait créé un climat d'impunité de nature à saper l'ordre démocratique et à susciter d'autres violations graves des droits de l'homme. Ceci est particulièrement préoccupant en raison de la gravité des abus en question.

8. Le Comité se déclare préoccupé par les dispositions constitutionnelles relatives à la déclaration de l'état d'urgence. Le Comité note en particulier que les motifs permettant de déclarer l'état d'urgence sont trop larges et que l'énumération des droits auxquels il est permis de déroger n'est pas conforme à l'article 4 du Pacte. En outre, la disposition pertinente de la Constitution n'indique pas les droits auxquels il n'est pas permis de déroger.

9. Le Comité note avec préoccupation que les dispositions relatives à la détention préventive ne sont pas conformes à l'article 9 du Pacte. Le Comité souligne à cet égard que, conformément au principe de la présomption d'innocence, la mise en liberté devrait être la règle et non l'exception, comme c'est le cas dans le système actuellement en vigueur. Le Comité note également avec préoccupation que, même s'il n'est pas recouru systématiquement à la torture, il arrive que les détenus soient victimes de mauvais traitements caractérisés. De tels cas révèlent chez le personnel pénitentiaire et chez les responsables de l'application des lois une formation insuffisante et une compréhension inadéquate des règles internationales régissant le traitement des détenus.

10. Même si la nouvelle loi sur la presse (loi No 16099) constitue généralement une réalisation positive, le Comité est préoccupé par le fait qu'elle comporte encore des dispositions qui pourraient entraver le plein exercice de la liberté d'expression. Il s'agit essentiellement des dispositions relatives aux délits commis par les membres de la presse ou d'autres médias, en particulier les articles 19 et 26 de la loi.

E. Suggestions et recommandations

11. Le Comité souligne que l'Etat partie a l'obligation en vertu du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte de garantir que les victimes de violations des droits de l'homme disposent d'un recours utile. Le Comité recommande à l'Etat partie d'adopter un texte législatif qui corrige les effets de la Ley de Caducidad.

12. Le Comité recommande à l'Etat partie de poursuivre ses efforts en vue d'harmoniser sa législation avec les dispositions du Pacte. Il faudrait revoir en particulier les procédures relatives aux recours. Le Comité recommande également d'établir une autorité impartiale et indépendante chargée de surveiller l'application des normes en matière de droits de l'homme et de recevoir les plaintes à ce sujet. Il faudrait donner une plus grande publicité au Pacte et au Protocole facultatif, de manière que les dispositions de ces instruments soient largement connues des avocats, des magistrats et des responsables de l'application des lois, ainsi que du grand public. Il faudrait également garantir qu'il soit donné suite de manière appropriée aux constatations adoptées par le Comité à propos des cas examinés en vertu du Protocole facultatif.

13. Le Comité suggère de réviser les procédures applicables en matière de détention en vue de faciliter la pleine application des droits visés dans le Pacte. Il faudrait en particulier réformer la procédure pénale de manière à l'ancrer dans le principe de la présomption d'innocence. L'Etat partie devrait garantir l'existence de recours adéquats en ce qui concerne l'exercice de l'habeas corpus conformément à l'article 9 du Pacte. Il faudrait réduire considérablement le nombre des cas de détention préventive, notamment eu égard aux abus auxquels celle-ci a donné lieu. Il faudrait revoir la législation et la réglementation relatives à l'emploi des armes à feu par la police et dispenser une formation plus poussée dans le domaine des droits de l'homme aux membres de la police et aux autres responsables de l'application des lois.

14. Le Comité suggère de prendre des mesures spéciales pour protéger les minorités, comme le prévoit l'article 27 du Pacte.

15. En ce qui concerne la liberté d'expression, il devrait y avoir une plus grande liberté de rechercher des informations, comme le prévoit le paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte. En outre, les sanctions prévues au chapitre IV de la loi sur la presse sont trop larges et risquent d'entraver la pleine jouissance de l'article 19 du Pacte. A cet égard, la loi est inadéquate.


1/ A sa 1232e séance (quarante-septième session), tenue le 8 avril 1993.

 

 



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