Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-sixième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE
Conclusions du Comité des droits de l'homme
Zambie
1. Le Comité a examiné à ses 1487e, 1488e et 1489e séances (26 et 27 mars 1996; voir CCPR/C/SR.1487 à 1489) le deuxième rapport périodique de la Zambie (CCPR/C/63/Add.3 et HRI/CORE/1/Add.22/Rev.1). Il a adopté (1498e séance, 3 avril 1996) les conclusions qui suivent.
2. Le Comité note avec satisfaction que l'État partie a présenté son deuxième rapport périodique et a renoué dans un esprit constructif le dialogue avec lui. Il regrette cependant que ce rapport, bien qu'il renseigne de façon générale sur la législation zambienne, reste dans une large mesure muet sur la manière dont le Pacte est appliqué dans les faits et sur les difficultés rencontrées pour y parvenir. La délégation de l'État partie a apporté d'utiles précisions en réponse aux questions du Comité, qui a pu ainsi se faire une idée un peu plus précise de la situation dans son ensemble, mais malheureusement, les personnes qui la composaient ne connaissaient pas parfaitement toutes les questions sur lesquelles porte le rapport ou celles que le Comité a coutume de soulever lorsqu'il examine ces exposés.
3. La persistance de certaines traditions et coutumes fait obstacle à l'application effective du Pacte, en particulier en ce qui concerne l'égalité des sexes.
4. Le Comité constate que l'État partie a entrepris d'aligner sa législation sur les dispositions du Pacte.
5. Le Comité prend acte avec satisfaction du retour à un régime politique pluraliste et des efforts que fait l'État partie pour consolider ce système de gouvernement et les institutions démocratiques. Il note à cet égard que la Zambie a créé une commission spécialement chargée de revoir la Constitution et pris des mesures pour affirmer la primauté du droit. Il applaudit à l'établissement de la Commission Munyama pour les droits de l'homme.
6. Le Comité prend acte des efforts faits par l'État partie pour donner suite aux recommandations qui lui ont été présentées en vertu du Protocole facultatif.
7. Le Comité constate que la Constitution zambienne n'est pas encore entièrement conforme aux dispositions du Pacte et qu'il faut développer les institutions démocratiques et le dispositif de protection des droits de l'homme pour pouvoir mieux appliquer cet instrument.
8. Le Comité relève que la disposition de l'article 11 de la Constitution qui garantit l'égalité, de même que l'article 23, qui interdit la discrimination, ne s'appliquent pas aux personnes qui n'ont pas la citoyenneté zambienne; il note aussi que l'article 23 prévoit d'autres exceptions qui ne sont pas compatibles avec les articles 3 et 26 du Pacte.
9. Le Comité constate que bien que leur situation se soit quelque peu améliorée, les femmes sont toujours victimes d'une discrimination dans la loi et dans les faits, en particulier lorsqu'il s'agit de l'instruction, de l'accès à l'emploi et de la participation à la conduite des affaires publiques. Des conceptions de la fonction et de la condition de la femme qui ne devraient plus avoir cours sont nourries par le droit coutumier, qui régit tout ce qui concerne l'état civil, le mariage, le divorce et l'héritage. Le Comité regrette aussi que l'État partie ne prenne pas de mesures qui permettent de combattre comme il faut les problèmes liés à la violence contre les femmes et la forte mortalité féminine consécutive aux avortements.
10. L'article 43 de la Constitution, qui limite pour les particuliers le droit d'introduire devant les tribunaux civils un recours contre le Président pour un acte accompli par lui à titre privé, est incompatible avec l'article 14 du Pacte.
11. Le Comité regrette que la proclamation de l'état d'urgence en mars 1993 n'ait pas été notifiée au Secrétaire général comme le stipule le paragraphe 3 de l'article 4 du Pacte. Il regrette également que les dispositions de loi régissant la proclamation et l'administration de l'état d'urgence restent ambiguës, en particulier les articles 31 et 32 de la Constitution, qui permettent à l'État partie de déroger aux obligations qu'impose le paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte. De plus, l'article 25 de la Constitution permet une dérogation qui va beaucoup plus loin que ce qu'autorise cette disposition du Pacte.
12. Les droits consacrés aux articles 7, 9 et 10 du Pacte ne sont pas parfaitement respectés. En particulier, on fait encore état de tortures et de mauvais traitements sur la personne des prisonniers et les affaires où des policiers ou des membres des forces de sécurité sont accusés d'avoir commis des excès ne donnent pas lieu à une enquête par un organe indépendant.
13. Le Comité note avec satisfaction l'établissement de la Commission nationale pour la réforme pénale. Mais il constate aussi avec une vive inquiétude que les détenus sont emprisonnés dans de très mauvaises conditions et que les droits consacrés par l'article 10 du Pacte et l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus ne sont pas respectés.
14. Le Comité relève avec inquiétude que trois journalistes ont été condamnés pour "outrage à l'Assemblée nationale" sans bénéficier d'aucune des garanties de procédure régulière prévues aux articles 9 et 14 du Pacte et que deux d'entre eux n'ont été remis en liberté qu'après avoir été placés en détention pour une durée indéterminée, contrairement à ce que stipule l'article 9 du Pacte et même l'article 13 de la Constitution zambienne et les articles 27 et 28 3) de la loi relative aux pouvoirs et privilèges de l'Assemblée nationale.
15. Le Comité note avec inquiétude les informations selon lesquelles des journalistes ont été arrêtés et inculpés pour avoir publié certains articles. Le recours à la justice pénale pour responsabiliser la presse n'est pas compatible avec l'article 19 du Pacte. Pouvoir critiquer des personnalités officielles sans complaisance, voire avec virulence, fait intégralement partie de la liberté d'expression dans un pays démocratique.
16. Le Comité constate que les propositions de la Commission de révision de la Constitution donnant au chef de l'État le pouvoir de nommer à la Cour suprême des juges à la retraite et de révoquer les juges de la Cour en faisant simplement entériner sa décision par l'Assemblée nationale et sans qu'un organe judiciaire indépendant n'assure de garanties ou ne soulève aucune question sont incompatibles avec l'indépendance de la justice et contraires à l'article 14 du Pacte.
17. Le Comité constate que l'État partie ne fait rien pour que les charges de famille ou les grossesses des femmes n'aient pas de répercussions sur l'éducation suivie des enfants.
18. L'obligation faite aux enfants qui veulent suivre l'enseignement d'une école publique de chanter l'hymne national et de saluer le drapeau, sans qu'ils puissent invoquer l'objection de conscience, semble être une exigence déraisonnable, incompatible avec les articles 18 et 24 du Pacte.
19. Le Comité craint que les dispositions du code pénal qui fixent à 8 ans l'âge de la responsabilité pénale et autorisent à inculper des enfants avec des adultes pour les faire juger par des tribunaux ordinaires ne soient incompatibles avec l'article 14 4) et l'article 24 du Pacte.
20. Le Comité encourage vivement l'État partie à revoir en détail le cadre juridique national conçu pour protéger les droits de l'homme, de façon à se conformer parfaitement au Pacte. Il recommande de créer les institutions qui conviennent pour faire respecter les droits fondamentaux dans les faits.
21. Le Comité recommande à l'État partie de réexaminer sa législation et de la réviser le cas échéant, notamment en abrogeant les dispositions 4 c) et d) de l'article 23 de la Constitution, afin que les femmes soient considérées, de droit et de fait, tout à fait comme les égales des hommes dans tous les aspects des rapports économiques et sociaux, et en particulier de revoir en ce sens la législation régissant la condition de la femme et ses droits et obligations dans le mariage. Il importe que les autorités redoublent d'efforts pour que les femmes ne soient plus victimes de comportements et de préjugés discriminatoires. L'État partie devrait adopter des lois qui combattent la discrimination de façon générale, dans le domaine privé comme dans le domaine public, en prenant s'il en est besoin des mesures correctives concrètes.
22. Le Comité recommande à l'État partie de faire le nécessaire pour que son droit interne, notamment l'article 25 de la Constitution, réponde aux obligations qu'impose l'article 4 du Pacte.
23. Le Comité recommande à l'État partie, puisque la peine de mort fait actuellement l'objet d'un débat (par. 18 du rapport) et qu'il n'y a pas eu d'exécution depuis 1988, d'envisager d'abolir la peine capitale et d'adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
24. Le Comité demande instamment aux autorités de faire le nécessaire pour empêcher la torture, les mauvais traitements et les détentions illégales et pour que, si de telles affaires se produisent néanmoins, elles donnent lieu à une enquête dûment menée par un organe indépendant afin que les personnes mises en cause soient déférées devant la justice et sanctionnées si elles sont reconnues coupables. Le Comité recommande également que le rapport de la Commission Munyama soit publié le plus rapidement possible et que l'État partie entreprenne de réformer la loi et la pratique pénales.
25. Le Comité recommande à l'État partie d'adopter les dispositions de loi et mesures concrètes nécessaires pour se conformer parfaitement aux prescriptions de l'article 10 du Pacte et de l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, toutes les règles et dispositions réglementaires concernant le traitement des personnes privées de liberté devant être portées à la connaissance de celles-ci qui doivent pouvoir s'en prévaloir, de la police, de l'armée, du personnel pénitentiaire et des autres personnes chargées de procéder à des interrogatoires. Il faudrait entreprendre d'urgence de réduire le nombre de détenus en réexaminant les sentences, diligentant les procès, etc.
26. Le Comité recommande d'abolir la peine d'emprisonnement pour dettes, conformément à l'article 11 du Pacte.
27. Le Comité recommande d'abolir les châtiments corporels, conformément à l'article 7 du Pacte.
28. Le Comité recommande de ne pas qualifier comme infraction pénale la simple critique de personnalités officielles par des journalistes.
29. Le Comité constate avec satisfaction que deux journalistes qui avaient été emprisonnés pour outrage à l'Assemblée nationale ont été remis en liberté par décision judiciaire. Il a bon espoir que le troisième journaliste blâmé par le Parlement ne sera pas emprisonné. Il demande instamment qu'à l'avenir, les affaires présumées d'outrage au Parlement soient jugées par les tribunaux d'une manière conforme à toutes les prescriptions du Pacte.
30. Le Comité demande à l'État partie d'établir son troisième rapport périodique en suivant les directives qu'il a données pour guider ce travail (CCPR/20/Rev.1). Le rapport devrait en particulier indiquer, avec des informations détaillées, dans quelle mesure chacun des droits consacrés dans le Pacte peut s'exercer de façon concrète, ainsi que les facteurs et difficultés qui pourraient entraver cet exercice. L'État partie pourra faire appel pour établir son rapport au Programme de services consultatifs et d'assistance technique du Centre pour les droits de l'homme.