Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 1er avril 2004,
Ayant achevé l'examen de la communication no 1002/2001, présentée
au nom de M. Franz Wallmann et consorts en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui
ont été communiquées par les auteurs de la communication et l'État partie,
Adopte ce qui suit:
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole
facultatif
1. Les auteurs de la communication sont M. Franz Wallmann (premier auteur)
et sa femme, Mme Rusella Wallmann (deuxième auteur), tous deux de nationalité
autrichienne, ainsi que l'«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann KG» (troisième
auteur), société en commandite à responsabilité limitée, représenté par
M. et Mme Wallmann aux fins de la présente communication. Les auteurs affirment
être victimes de violations par l'Autriche (1) du paragraphe 1 de
l'article 22 du Pacte. Ils sont représentés par un conseil.
Rappel des faits présentés par les auteurs
2.1 Le premier auteur est le directeur d'un hôtel à Salzbourg, l'«Hotel
zum Hirschen», société en commandite (Kommanditgesellschaft) qui
est le troisième auteur. Jusqu'en décembre 1999, le premier auteur et
M. Josef Wallmann étaient les commanditaires de cette société, le commandité
étant la «Wallmann Gesellschaft mit beschränkter Haftung», société à responsabilité
limitée (Gesellschaft mit beschränkter Haftung). Depuis décembre
1999, date à laquelle le premier auteur et Josef Wallmann ont quitté la
société en commandite, le deuxième auteur détient 100 % des parts de la
société à responsabilité limitée et tient lieu de commanditaire détenant
100 % des parts de la société en commandite.
2.2 L'«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann», société en commandite (Kommanditgesellschaft)
– ci-après désigné comme le troisième auteur – est membre
obligatoire de la section régionale de Salzbourg de la Chambre de commerce
autrichienne (Landeskammer Salzburg), comme l'exige le paragraphe
2 de l'article 3 de la loi sur la Chambre de commerce (Handelskammergesetz).
Le 26 juin 1996, la Chambre régionale a exigé de la société en commandite
qu'elle verse sa cotisation (Grundumlage) pour 1996, d'un montant
de 10 230 schillings autrichiens. (2)
2.3 Le 3 juillet 1996, le premier auteur a introduit au nom du troisième
auteur un recours auprès de la Chambre fédérale de commerce (Wirtschaftskammer
Österreich), invoquant une violation de son droit à la liberté d'association
protégé par la Constitution autrichienne (Bundesverfassungsgesetz)
et la Convention européenne des droits de l'homme. Le 9 janvier 1997,
la Chambre de commerce fédérale a rejeté ce recours.
2.4 Le premier auteur a alors déposé auprès de la Cour constitutionnelle
autrichienne (Verfassungsgerichtshof) une plainte constitutionnelle.
Celle-ci l'a déclarée le 28 novembre 1997 irrecevable parce qu'elle n'avait
aucune chance d'aboutir au vu de la jurisprudence de la Cour concernant
le statut de membre obligatoire de la Chambre de commerce et a renvoyé
l'affaire à la Cour suprême administrative (Verwaltungsgerichtshof)
pour qu'elle revoie le calcul des droits d'adhésion annuels. En conséquence
la Cour n'a pas examiné la question du statut de membre obligatoire du
troisième auteur.
2.5 Le 3 juillet 1998, le premier auteur a adressé une requête à la Commission
européenne des droits de l'homme (Commission européenne), se plaignant
d'une violation de droits qui lui sont reconnus au paragraphe 1 de l'article
6 (droit à ce qu'il soit équitablement statué sur ses droits et obligations
de caractère civil), de l'article 10 (liberté d'expression), de l'article
11 (liberté d'association) et de l'article 13 (droit à un recours effectif)
de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans une lettre datée
du 10 juillet 1998, le secrétariat de la Commission européenne a informé
le premier auteur de ses craintes quant à la recevabilité de sa requête,
lui faisant savoir que, selon la jurisprudence de la Commission, le statut
de membre dans une chambre de commerce n'était pas couvert par le droit
à la liberté d'association, car les chambres de commerce ne pouvaient
être considérées comme des associations au sens de l'article 11 de la
Convention européenne. Qui plus est, l'article 6 de la Convention ne s'appliquait
pas aux procédures internes concernant la perception d'impôts et de droits.
La requête de l'auteur serait donc inévitablement déclarée irrecevable
par la Commission. En l'absence d'autres observations de la part de l'auteur,
ladite requête ne pouvait être ni enregistrée ni communiquée à la Commission.
2.6 Dans une lettre datée du 22 juillet 1998, le premier auteur a répondu
au secrétariat de la Commission, exposant ses arguments en faveur de l'enregistrement
de sa requête. Le 11 août 1998, le secrétariat a informé l'auteur que
sa requête avait été enregistrée. Par suite de l'entrée en vigueur du
Protocole no 11 de la Convention européenne, le 1er novembre 1998, la
requête de l'auteur a été transférée à la Cour européenne des droits de
l'homme. Le 31 octobre 2000, un collège de trois juges de la Cour a déclaré
la requête irrecevable en vertu du paragraphe 4 de l'article 35 de la
Convention, notant «que le requérant avait été informé des obstacles potentiels
à la recevabilité de sa requête» et statuant que les plaintes formulées
par l'auteur ne faisaient apparaître «aucune violation des droits et libertés
consacrés par la Convention ou ses protocoles». (3)
2.7 Le 13 octobre 1998 et le 16 décembre 1999, la Chambre de commerce
fédérale a rejeté les recours du troisième auteur contre les décisions
de la Chambre régionale de Salzbourg, spécifiant le montant des droits
d'adhésion pour 1998 et 1999. Il n'a pas été déposé de requête constitutionnelle
contre ces décisions.
Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs affirment être victimes d'une violation du paragraphe
1 de l'article 22 du Pacte parce que l'adhésion obligatoire du troisième
auteur à la Chambre de commerce régionale, s'ajoutant à l'obligation de
s'acquitter de droits d'adhésion annuels, constitue une atteinte à leur
droit à la liberté d'association, y compris leur droit de fonder une autre
association ou d'adhérer à une autre association à des fins commerciales
similaires.
3.2 Les auteurs font valoir que l'applicabilité de l'article 22 à la
question de l'adhésion obligatoire aux Chambres de commerce fédérale et
régionale autrichiennes doit être déterminée en fonction des normes internationales.
La qualification des chambres d'organismes de droit public en vertu de
la législation autrichienne ne rend pas compte de leur véritable statut
dès lors que les Chambres: 1) représentent les intérêts des entreprises
qui y adhèrent plutôt que l'intérêt public, 2) se livrent à un vaste éventail
d'activités économiques à but lucratif, 3) aident leurs membres à établir
des contacts commerciaux, 4) n'exercent pas de pouvoirs disciplinaires
à l'égard de ces derniers et 5) n'ont pas la qualité d'organismes professionnels
d'utilité publique puisque leur but est limité à «des activités commerciales».
Les auteurs font valoir que l'article 22 du Pacte est applicable aux chambres
car elles exercent les fonctions d'un organisme privé défendant ses propres
intérêts économiques.
3.3 Les auteurs affirment que même si les chambres doivent être considérées
comme des organismes de droit public, la charge financière que doivent
supporter leurs membres du fait des droits d'adhésion annuels qui sont
perçus empêche en fait lesdits membres de créer des associations entre
eux à l'extérieur, étant donné que l'on ne peut raisonnablement s'attendre
à ce que des hommes d'affaires s'acquittent d'autres cotisations, en sus
des droits d'adhésion annuels perçus par les chambres, pour financer d'autres
associations privées destinées à promouvoir leurs intérêts économiques.
Les droits d'adhésion annuels ont pour effet - et sont fixÚs dans
le but – d'interdire de facto l'exercice du droit de libre association
en dehors des chambres.
3.4 Pour les auteurs, le système d'adhésion obligatoire ne constitue
pas une restriction nécessaire visant à promouvoir un intérÊt public légitime,
au sens du paragraphe 2 de l'article 22 du Pacte. Ce type d'adhésion obligatoire
est sans équivalent dans la plupart des autres états européens.
3.5 Pour ce qui est de la réserve de l'Autriche au paragraphe 2 a) de
l'article 5 du Protocole facultatif, les auteurs affirment que, si on
en prend le texte à la lettre, la même affaire n'a pas été examinée par
la "Commission européenne des droits de l'homme", dès lors que
la première requête des auteurs à la Commission avait été rejetée par
la Cour européenne des droits de l'homme sans qu'elle soit examinée quant
au fond, notamment en ce qui concerne les questions de savoir si la Chambre
de commerce autrichienne peut être qualifiée d'association et si l'adhésion
obligatoire à cet organisme n'empêche pas les personnes d'exercer leur
droit à la liberté d'association à l'extérieur. Le fait que le secrétariat
de la Cour européenne n'ait pas informé l'auteur des problèmes soulevés
par la question de la recevabilité de sa requête l'a privé de son droit
de choisir son for en déchargeant la Cour européenne de sa requête et
en la présentant au Comité. Quant au fait qu'il a déjà reçu une lettre
du secrétariat de la Commission en juillet 1998, il est jugé sans objet
parce que cette lettre a précédé l'enregistrement de sa requête et parce
que la jurisprudence de la Cour a entre-temps évolué.
Observations de l'État partie sur la recevabilité
4.1 Le 26 septembre 2001, l'État partie a formulé ses observations sur
la recevabilité de la communication. Il considère, en ce qui concerne
le premier auteur, qu'en vertu du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole
facultatif lu conjointement avec la réserve correspondante de l'Autriche,
le Comité n'est pas compétent pour examiner l'affaire.
4.2 L'État partie estime que la réserve est applicable à la communication
parce que le premier auteur a déjà soumis la même affaire à la Commission
européenne des droits de l'homme, dont le secrétariat l'a informé de ses
craintes quant à la recevabilité de sa requête, concluant qu'elle serait
probablement déclarée irrecevable. Comme le secrétariat n'a pas soulevé
uniquement des questions de forme dans sa lettre au premier auteur –
puisqu'il mentionne plusieurs précédents puisés de la jurisprudence de
la Commission – la Commission européenne a procédé à un examen de
la requête quant au fond et a par conséquent «examiné» la même affaire.
4.3 En outre, la Cour européenne, dans sa décision du 31 octobre 2000,
a déclaré qu'elle «avait examiné la requête». Le fait qu'elle ait fini
par la rejeter comme irrecevable ne préjuge pas de la présente décision
puisque la requête n'avait pas été rejetée pour les motifs de forme visés
aux paragraphes 1 et 2 de l'article 35 de la Convention. Au contraire,
la conclusion de la Cour selon laquelle la plainte de l'auteur «ne fait
apparaître aucune violation des droits et libertés énoncés dans la Convention
ou ses protocoles» montre clairement que l'examen de la Cour a inclus
«une analyse approfondie du fond de l'affaire». La requête a donc été
rejetée quant au fond conformément au paragraphe 4 de l'article 35 de
la Convention, comme manifestement infondée.
4.4 Pour l'État partie, l'applicabilité de la réserve n'est pas entravée
par le fait qu'il soit fait explicitement référence à la Commission européenne
des droits de l'homme. Même si la requête de l'auteur a été finalement
rejetée non pas par la Commission européenne, mais par la Cour européenne,
la Cour a assumé les fonctions de la Commission après l'entrée en vigueur
du Protocole no 11, le 1er novembre 1998, date à laquelle toutes les affaires
dont était saisie auparavant la Commission lui ont été transférées. La
nouvelle juridiction doit donc être considérée comme le successeur de
la Commission.
4.5 Enfin, l'État partie fait valoir que le fait que la Cour européenne
n'ait pas informé le premier auteur de son intention de rejeter son application
n'empêche pas la réserve de l'Autriche d'être applicable en l'espèce.
Commentaires des auteurs
5.1 Dans une lettre datée du 15 octobre 2001, le premier auteur a modifié
la communication de façon à y inclure sa femme et l'«Hotel zum Hirschen
Josef Wallmann KG» en tant qu'auteurs additionnels.
5.2 En réponse aux observations de l'État partie concernant la recevabilité,
les auteurs affirment que des réserves autorisées et dûment acceptées
aux instruments internationaux deviennent partie intégrante de ces instruments
et doivent donc être interprétées conformément aux règles aux articles
31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Comme il
ressort clairement du sens ordinaire du libellé de la réserve de l'Autriche
qu'il y est fait référence à un examen par la Cour européenne des droits
de l'homme, il ne subsiste aucune possibilité d'interprétation fondée
sur son contexte ou son but et son objet, sans parler des autres moyens
d'interprétation des instruments visés à l'article 32 de la Convention
de Vienne (travaux préparatoires et circonstances de l'adoption
de l'instrument). Le sens ordinaire du texte de la réserve étant également
clair pour ce qui est d'exiger que la même question «n'ait pas été examinée»
(4) par la Commission européenne, le simple fait que le premier
auteur ait présenté (4) une requête à la Commission ne permet
pas de conclure que la réserve est inapplicable à la présente communication.
5.3 Les auteurs rappellent que la requête n'a jamais été «examinée» par
la Commission européenne, puisque la lettre du secrétariat en date du
10 juillet 1998, informant le premier auteur de certaines craintes au
sujet de la recevabilité, a été envoyée à un moment où la requête n'avait
été ni enregistrée ni portée à l'attention de la Commission. De même,
la Commission n'a jamais examiné la requête après son enregistrement en
raison de son transfert à la nouvelle Cour européenne, après l'entrée
en vigueur du Protocole no 11.
5.4 Les auteurs rejettent l'argument de l'État partie selon lequel la
nouvelle Cour européenne a simplement remplacé la Commission européenne
et que la réserve de l'Autriche, en dépit de son libellé, devrait couvrir
les situations dans lesquelles la même affaire a été examinée par la nouvelle
Cour, au motif que les compétences de cette nouvelle juridiction sont
plus larges que celles de la Commission.
5.5 Qui plus est, les auteurs affirment que, quoi qu'il en soit, il ressort
de la référence faite dans la décision de la Cour européenne à la lettre
du secrétariat datée du 10 juillet 1998 que la Cour avait rejeté la requête
comme irrecevable ratione materiae au regard de l'article 11 de
la Convention, ce qui ne peut toutefois être considéré comme un examen
au sens de la réserve de l'Autriche, au vu de la jurisprudence du Comité.
(5)
5.6 Les auteurs rappellent que la réserve de l'Autriche au paragraphe
2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif est le seul texte qui mentionne
expressément la «Commission européenne des droits de l'homme» au lieu
d'une «autre procédure internationale d'enquête ou de règlement». Le but
visé par ceux qui ont rédigé la réserve est jugé sans objet parce que
le sens clair et ordinaire de la réserve ne permet pas de recourir à des
moyens supplémentaires d'interprétation des instruments internationaux
au sens de l'article 32 de la Convention de Vienne.
5.7 Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne et de la Cour
interaméricaine des droits de l'homme, les auteurs soulignent que les
réserves émises au sujet d'instruments relatifs aux droits de l'homme
doivent être interprétées en faveur des particuliers. Toute tentative
visant à élargir la portée de la réserve de l'Autriche doit donc être
rejetée, dans la mesure où le Comité dispose d'instruments appropriés
pour prévenir une utilisation abusive des procédures parallèles existantes
comme les notions de «justification des griefs» et d'«abus de droit de
pétition», en plus des dispositions du paragraphe 2 a) de l'article 5
du Protocole facultatif.
5.8 Les auteurs concluent que la communication est recevable en vertu
du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif en ce qui concerne
le premier auteur, la même question n'étant pas en cours d'examen devant
une autre procédure internationale d'enquête ou de règlement et la réserve
de l'Autriche n'étant pas applicable en l'espèce. En ce qui concerne les
deuxième et troisième auteurs, il n'est pas nécessaire que le Comité examine
la question de savoir si la réserve émise par l'Autriche au sujet du paragraphe
2 a) de l'article 5 s'applique, dans la mesure où ces auteurs n'ont pas
saisi la Commission européenne ou la Cour européenne des droits de l'homme.
(6)
5.9 Enfin les auteurs affirment qu'ils ont suffisamment montré, aux fins
de la recevabilité, que les Chambres de commerce autrichiennes fédérale
et régionale exercent les fonctions d'associations au sens du paragraphe
1 de l'article 22 du Pacte.
Observations complémentaires de l'État partie
6.1 Le 30 janvier 2002, l'État partie a présenté d'autres observations
sur la recevabilité ainsi que sur le fond. Il affirme que la communication
est irrecevable en vertu des articles 1er et 2 du Protocole facultatif
en ce qui concerne le troisième auteur concerné, dès lors que selon la
jurisprudence du Comité, (7) les associations et sociétés ne peuvent
être considérées comme des particuliers et ne sont pas non plus habilitées
à revendiquer la qualité de victimes d'une violation d'un des droits protégés
par le Pacte.
6.2 L'État partie affirme que la communication est également irrecevable
en ce qui concerne les premier et deuxième auteurs dans la mesure où ils
se plaignent essentiellement des violations des droits de leur société.
Bien que, en tant que société en commandite, l'«Hotel zum Hirschen Josef
Wallmann», n'ait pas la personnalité morale, il peut agir de la même manière
que des entités jouissant d'une telle personnalité dans ses relations
juridiques, comme l'a montré le fait que l'«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann»
était partie à la procédure interne. Dès lors que tous les recours internes
ont été intentés au nom du troisième auteur et qu'aucune plainte concernant
personnellement les premier et deuxième auteurs n'a été étayée aux fins
de l'article 2 du Protocole facultatif, les premier et deuxième auteurs
ne sont pas fondés à invoquer l'article premier du Protocole facultatif.
En outre, les premier et deuxième auteurs n'ont pas épuisé les recours
internes puisque seul le troisième auteur était partie à la procédure
interne.
6.3 De plus, le deuxième auteur ne peut affirmer être victime de la décision
contestée de la Chambre de commerce régionale de Salzbourg en date du
26 juin 1996 puisqu'elle n'est devenue commanditaire dans la société et
actionnaire de la société à responsabilité limitée qu'en décembre 1999.
6.4 S'agissant de l'argument des auteurs selon lequel la réserve de l'Autriche
mentionne la Commission européenne mais ne mentionne pas la Cour européenne
des droits de l'homme, l'État partie explique que ladite réserve a été
formulée conformément à une recommandation du Comité des ministres tendant
à ce que les États membres du Conseil de l'Europe «qui signent ou ratifient
le Protocole facultatif aient la possibilité de faire une déclaration
[…] à l'effet d'exclure la compétence du Comité des droits de l'homme
de l'ONU pour recevoir et examiner des plaintes présentées par des particuliers
au sujet d'affaires en cours d'examen ou déjà examinées au titre de la
procédure établie par la Convention européenne». (8)
6.5 L'État partie affirme que sa réserve diffère de réserves analogues
émises par d'autres États membres dans la mesure où, par souci de clarté,
le mécanisme approprié de la Convention y est directement visé. Toutes
les réserves visent à prévenir un nouvel examen par un organe international
après une décision adoptée par le mécanisme institué par la Convention
européenne. Il serait donc inapproprié de nier la validité et l'applicabilité
continue de la réserve émise par l'Autriche en se fondant simplement sur
le fait qu'une réforme structurelle du mécanisme d'examen est intervenue.
6.6 L'État partie note que, après la fusion de la Commission européenne
et de l'«ancienne» Cour, la «nouvelle» Cour européenne peut être considérée
comme le «successeur légal» de la Commission puisque la plupart de ses
fonctions essentielles étaient auparavant exercées par la Commission.
Attendu que la référence à la Commission européenne figurant dans la réserve
de l'État partie visait précisément ces fonctions, la réserve reste entièrement
valable après l'entrée en vigueur du Protocole no 11. L'État partie affirme
qu'il n'était pas possible de prévoir, lorsqu'il avait émis sa réserve
en 1987, que les mécanismes d'examen de la Convention européenne seraient
remaniés.
6.7 L'État partie réaffirme que la même affaire a déjà été examinée par
la Cour européenne qui, pour déclarer irrecevable la requête de l'auteur
en vertu des paragraphes 3 et 4 de l'article 35 de la Convention européenne,
a dû l'examiner quant au fond, ne serait-ce que sommairement. Il conclut
que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l'article
5 du Protocole facultatif.
6.8 Sur le fond, l'État partie fait observer que la Chambre de commerce
autrichienne n'est pas une entité privée mais un organisme public établi
par la loi, qui ne relève pas de l'article 22 du Pacte. L'adhésion obligatoire
à des chambres telles que les chambres de travailleurs et d'employeurs,
les chambres agricoles et les chambres de travailleurs indépendants est
courante dans le cadre de la législation autrichienne. Certaines caractéristiques
des chambres de commerce sont énoncées dans la Constitution, notamment
leur système d'adhésion obligatoire, leur mode d'organisation en tant
qu'organisme de droit public, leur autonomie financière et administrative,
leur structure démocratique et leur supervision par l'État (en particulier
le contrôle de leurs activités financières par la Cour des comptes). En
outre, les Chambres jouent un rôle dans la gestion des affaires publiques
en commentant les projets de loi présentés au Parlement, qui doivent être
soumis à ses experts, et en nommant des juges non professionnels pour
les tribunaux de prud'hommes et les juridictions sociales ainsi que des
représentants au sein de nombreuses commissions s'occupant de la gestion
des affaires publiques.
6.9 L'État partie réfute les arguments des auteurs assimilant les Chambres
de commerce fédérale et régionale à des associations privées (voir par.
3.2), affirmant 1) que la représentation des intérêts économiques communs
des membres de la Chambre est une fonction d'utilité publique, 2) que
la Chambre est un organisme à but non lucratif pour lequel les droits
d'adhésion sont limités et ne dépassent pas le montant permettant de couvrir
les dépenses nécessaires à son fonctionnement, en application de l'article
131 de la loi sur la Chambre de commerce, 3) que les adresses des membres
des chambres sont accessibles au grand public par le biais du registre
du commerce, 4) que le fait que la Chambre n'exerce pas de pouvoir disciplinaire
ne signifie pas nécessairement qu'elle n'est pas une organisation professionnelle
dans la mesure où des pouvoirs disciplinaires ne sont pas un élément constitutif
d'organisations de ce type, et 5) que si l'on excepte les questions disciplinaires,
la Chambre peut, à tous égards, être assimilée à une organisation professionnelle
d'utilité publique.
6.10 L'État partie affirme que toute comparaison avec la structure des
chambres de commerce d'autres pays européens ne prend pas en considération
le fait que la Chambre autrichienne ne pourrait pas assumer les fonctions
publiques qui lui sont assignées si elle était traitée de la même manière
que les associations privées. Le fait qu'elle soit un organisme de droit
public a également été confirmé par la Cour européenne des droits de l'homme,
(9) dans la mesure où elle a été créée non pas par un acte privé
mais par une loi et qu'elle s'acquitte de fonctions d'utilité publique
telles que la prévention des pratiques commerciales déloyales, la promotion
de la formation professionnelle et le contrôle des actions de ses membres.
L'État partie fait sienne la conclusion de la Cour européenne selon laquelle
l'article 11 de la Convention européenne ne s'applique pas à la Chambre
de commerce et considère que l'argument est applicable à l'article 22
du Pacte.
6.11 En ce qui concerne l'argument des auteurs qui affirment que les
droits d'adhésion annuels perçus par la Chambre ont pour effet d'empêcher
ses membres de créer d'autres associations ou d'adhérer à d'autres associations,
l'État partie fait valoir que les montants en cause sont relativement
modestes en comparaison des autres frais des auteurs et sont déductibles
de l'impôt comme le sont les contributions aux organismes professionnels
ou syndicaux privés. La contribution annuelle à l'Association privée des
propriétaires d'hôtels, qui va de 5 000 à 24 000 schillings autrichiens,
n'a pas empêché près de 1 000 membres de cette association d'y adhérer.
Dans le cas de l'auteur, la cotisation en cause s'élève à moins de 10
000 schillings, montant qui reste abordable.
Commentaires complémentaires des auteurs
7.1 Dans une lettre datée du 11 mars 2002, les auteurs ont répondu aux
observations complémentaires de l'État partie. Tout en admettant que le
Comité a, en principe, statué jusqu'à présent que seuls les particuliers
pouvaient lui adresser des communications, ils estiment que rien n'empêche
plusieurs personnes qui se livrent à la même activité économique de présenter
une plainte collective. (10) Selon la jurisprudence du Comité,
(11) de telles «catégories de personnes» constituent une entité
semi-indépendante aux fins de la recevabilité au titre de l'article 1er
et de l'article 2 du Protocole facultatif, les personnes concernées se
contentant de se tenir derrière cette entité. L'expression «catégories
de personnes» couvre donc une pratique de plus en plus fréquente qui devrait
déboucher un jour sur la reconnaissance d'entités constituées d'individus
en tant qu'auteurs de communications.
7.2 Les auteurs font valoir qu'en refusant d'admettre que les premier
et deuxième auteurs ont étayé leur allégation de violation de leurs propres
droits, l'État partie ne tient pas compte du fait que, en vertu de l'article
22, le droit à la liberté d'association est, «de par [sa] nature même
et de façon inaliénable, [lié] à la personne». (12) Le fait que
ce droit soit également lié, dans une certaine mesure, à des activités
commerciales ne signifie nullement qu'il est moins protégé. (13) Comme
les premier et deuxième auteurs ont été personnellement touchés dans leurs
activités économiques par la perception de cotisations annuelles résultant
de leur adhésion obligatoire à la Chambre de commerce, ils n'ont pas perdu
leurs droits individuels simplement parce qu'ils ont créé une société
en application des dispositions du droit interne, pas plus qu'ils n'ont
perdu leur droit de réclamer ces droits au moyen d'une requête individuelle.
(14)
7.3 En ce qui concerne les recours internes, les auteurs affirment qu'en
l'absence de toute indication de la part de l'État partie quant aux recours
– autres que le fait de faire appel de la décision de la Chambre
et de déposer une requête constitutionnelle – que les premier et
deuxième auteurs auraient pu intenter en droit autrichien, au nom du troisième
auteur, pour défendre leurs droits à la liberté d'association, les objections
de procédure de l'État partie sont nulles et non avenues. (15) De
plus, par le biais de ces recours, les auteurs ont donné à l'État partie
l'occasion de réparer la violation alléguée de l'article 22 de la Convention,
ce qui constitue, selon la jurisprudence du Comité, (16) le principal
objet de l'obligation d'épuiser les recours internes.
7.4 En réponse à l'argument selon lequel le deuxième auteur n'a pas étayé
son grief de violation de l'article 22, les auteurs font valoir que leur
société en commandite, l'«Hotel zum Hirschen» continue d'être un membre
forcé de la Chambre de commerce. Leur communication visait initialement
à contester la décision fixant les droits d'adhésion pour 1996; or, les
décisions ultérieures concernant les droits d'adhésion ont été similaires.
Le deuxième auteur a été touché par ces décisions lorsqu'elle est devenue
commanditaire et actionnaire de la société «Wallmann Gesellschaft mit
beschränkter Haftung».
7.5 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes contre les décisions
ultérieures de la Chambre régionale de Salzbourg, les auteurs affirment
que la Chambre de commerce fédérale a rejeté, le 13 octobre 1998 et le
16 décembre 1999, respectivement, les appels du troisième auteur contre
les décisions concernant ses droits d'adhésion pour 1998 et 1999. Aucun
autre appel n'a été interjeté contre ces décisions dans la mesure où de
tels recours auraient été inefficaces au regard de la jurisprudence de
la Cour constitutionnelle et en particulier de sa décision du 28 novembre
1997 par laquelle elle a rejeté la plainte constitutionnelle concernant
les droits d'adhésion pour 1996. (17)
7.6 Pour ce qui est de la réserve de l'Autriche, les auteurs rappellent
que rien n'empêchait l'État partie d'émettre, comme d'autres États parties
à la Convention européenne l'ont fait, une réserve au moment de la ratification
du Protocole facultatif pour que le Comité ne puisse pas être saisi d'une
communication si la même affaire a déjà été examinée «au titre de la procédure
instituée par la Convention européenne», comme il est recommandé par le
Comité des ministres, ou, pour utiliser la formulation plus large employée
lors d'un examen antérieur, par «une autre instance internationale d'enquête
ou de règlement».
7.7 De plus, les auteurs affirment que l'État partie pourrait même envisager
d'émettre une réserve à cet effet en ratifiant une nouvelle fois le Protocole
facultatif, pour autant que cette réserve puisse être considérée comme
compatible avec l'objet et le but de cet instrument. Ce qu'il n'est pas
possible de faire, en revanche, c'est d'élargir le champ d'application
de la réserve existante d'une façon contraire aux règles fondamentales
de l'interprétation des traités.
7.8 Les auteurs réfutent l'argument de l'État partie qui avance que les
fonctions essentielles de la «nouvelle» Cour européenne, comme la prise
des décisions en matière de recevabilité et l'établissement des faits
de la cause, relevaient à l'origine de la compétence exclusive de la Commission
européenne, arguant à ce sujet que l'«ancienne Cour européenne» connaissait
régulièrement de telles questions. Ils contestent l'argument selon lequel
la restructuration des organes institués par la Convention n'était pas
prévisible en 1987, en citant des extraits du rapport explicatif du Protocole
no 11, qui contiennent un bref historique des débats sur la «fusion de
la Cour et de la Commission» qui avaient eu lieu entre 1982 et 1987.
7.9 Sur le fond, les auteurs contestent les arguments de l'État partie
qui considère que la Chambre de commerce est un organisme de droit public,
faisant observer 1) que le simple fait que la Cour ait été établie par
la loi n'en fait pas automatiquement un organisme de droit public; 2)
que le droit de formuler des observations sur les projets de loi n'est
pas une attribution particulière aux organismes de droit public; 3) que
la Cour des comptes supervise les activités financières des nombreuses
entités, y compris des sociétés appartenant en partie à l'État; 4) que
les membres des commissions opérant dans le domaine de l'administration
publique sont nommés non seulement par certaines chambres mais aussi par
des associations représentant des groupes d'intérêts concernés tels que
les syndicats ou les Églises.
7.10 En outre, les auteurs affirment 1) que même si la possibilité qu'ont
des groupes de personnes de se faire représenter peut être d'utilité publique,
cela ne transforme pas pour autant les intérêts économiques des membres
de la Chambre en «intérêts publics»; 2) que la Chambre se livre à des
activités économiques à but lucratif de vaste portée dans la mesure où
elle est actionnaire de sociétés et mène des campagnes publicitaires au
profit de ses membres; 3) que la fonction consistant à sanctionner les
membres qui enfreignent les obligations professionnelles constitue, au
regard de la jurisprudence de la Commission européenne des droits de l'homme,
une des caractéristiques essentielles des organismes professionnels d'utilité
publique; (18) 4) que la Cour européenne des droits de l'homme
a confirmé en 1991 le statut d'organisme de droit public de la Chambre
de commerce autrichienne en se fondant uniquement sur les lois internes
portant création de la Chambre sans procéder à une évaluation approfondie
de la question (19); et 5) que la Chambre n'est qu'une association
privée à laquelle sont indûment conférés des pouvoirs spéciaux l'habilitant
à intervenir dans toutes les branches de l'administration et à exiger
une adhésion obligatoire.
7.11 Pour ce qui est de la liberté de créer d'autres associations ou
d'adhérer à d'autres associations, les auteurs affirment que l'adhésion
obligatoire à un organe aura d'une manière générale pour effet d'entraver
cette liberté et leurs efforts pour convaincre d'autres membres forcés
de la Chambre d'adhérer à de telles associations. Ils réaffirment que
les droits d'adhésion, qui s'élèvent à 40 000 schillings autrichiens,
ne représentent pas une somme modeste compte tenu des pertes enregistrées
par la société en commandite au cours des années écoulées et de la nécessité
d'améliorer les installations de l'hôtel. (20)
7.12 Les auteurs réaffirment qu'ils ont suffisamment étayé leur plainte,
au moins aux fins de la recevabilité.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
8.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
8.2 Le Comité constate que l'État partie a invoqué la réserve qu'il avait
émise à l'égard du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif
qui l'empêche d'examiner des plaintes ayant déjà été «examinées» par la
«Commission européenne des droits de l'homme». Pour ce qui est de l'argument
des auteurs selon lequel la requête soumise par le premier auteur à la
Commission n'a en fait jamais été examinée par cet organe mais a été déclarée
irrecevable par la Cour européenne des droits de l'homme, le Comité fait
observer que la Cour européenne, à la suite d'un amendement à la Convention
en vertu du Protocole no 11, a légalement assumé les fonctions de l'ancienne
Commission, à savoir: recevoir les requêtes présentées au titre de la
Convention européenne, prendre une décision concernant la recevabilité
et procéder à un premier examen sur le fond. Il fait remarquer, aux fins
d'établir l'existence d'un examen parallèle ou, selon le cas, successif
de l'affaire par le Comité et les organes de Strasbourg, que la nouvelle
Cour européenne des droits de l'homme a succédé à l'ancienne Commission
européenne en en reprenant les fonctions. (21)
8.3 Le Comité estime qu'une reformulation de la réserve de l'État partie
dans le cadre d'une nouvelle ratification du Protocole facultatif, comme
l'a suggéré l'auteur, dont l'objet serait uniquement d'énoncer ce qui
est en fait une conséquence logique de la réforme des mécanismes de la
Convention européenne, serait un exercice purement formaliste. Pour des
raisons de continuité et compte tenu de l'objet et du but de la réserve,
le Comité interprète celle-ci comme s'appliquant également aux plaintes
qui ont été examinées par la Cour européenne. (22)
8.4 En ce qui concerne la question de savoir si le contenu de la présente
communication est identique à l'affaire examinée par la Cour européenne,
le Comité rappelle qu'une même affaire concerne les mêmes auteurs, les
mêmes faits et les mêmes droits essentiels. Les deux premières conditions
étant réunies, le Comité note que le paragraphe 1 de l'article 11 de la
Convention européenne, tel qu'il a été interprété par les organes de Strasbourg,
est suffisamment proche du paragraphe 1 de l'article 22 du Pacte (23)
qui est à présent invoqué pour qu'il puisse conclure que les droits
essentiels en cause concernent la même affaire.
8.5 En réponse à l'argument des auteurs qui affirment que la Cour européenne
n'a pas «examiné» sa plainte sur le fond quand elle a déclaré la requête
irrecevable, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle dès lors
que la Commission européenne a déclaré la requête irrecevable, non seulement
pour vice de forme, (24) mais aussi pour des motifs reposant sur
un examen quant au fond, il est considéré que la même affaire a été «examinée»
au sens des réserves sur le paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole
facultatif. (25) Le Comité est convaincu que la Cour européenne
ne s'est pas contentée d'examiner des critères de recevabilité portant
purement sur la forme mais a estimé que la requête était irrecevable au
motif qu'elle ne faisait «apparaître aucune violation des droits et libertés
énoncés dans la Convention ou ses protocoles».
8.6 Le Comité note que les auteurs, se fondant sur la référence faite
dans la décision de la Cour européenne à la lettre du secrétariat de la
Commission européenne expliquant les obstacles potentiels à la recevabilité,
font valoir que la requête a été déclarée irrecevable ratione materiae
au regard de l'article 11 de la Convention et qu'elle a donc été «examinée»
au sens de la réserve de l'Autriche. Or, il n'est pas possible de déterminer
avec précision dans la présente affaire quels sont exactement les motifs
sur lesquels s'est fondée la Cour européenne pour rejeter la requête du
premier auteur lorsqu'elle l'a déclarée irrecevable en vertu du paragraphe
4 de l'article 35 de la Convention. (26)
8.7 Ayant statué que la réserve de l'État partie était applicable en
l'espèce, le Comité conclut que la communication est irrecevable en vertu
du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, en ce qui concerne
le premier auteur, dans la mesure où la même affaire a déjà été examinée
par la Cour européenne des droits de l'homme.
8.8 Le Comité note que le deuxième auteur n'était pas concerné par l'examen
de la requête par la Cour européenne et que sa communication porte de
surcroît sur des faits différents de ceux invoqués dans la requête du
premier auteur à la Commission européenne, à savoir l'obligation qui lui
avait été faite par la Chambre régionale de Salzbourg de payer des droits
d'adhésion après qu'elle est devenue commanditaire et actionnaire dans
une société à responsabilité limitée en décembre 1999. Par conséquent,
la réserve de l'État partie ne s'applique pas au deuxième auteur.
8.9 Le Comité estime que le deuxième auteur a étayé, aux fins de l'article
2 du Protocole facultatif, l'argument selon lequel l'applicabilité de
l'article 22 du Pacte à la Chambre de commerce autrichienne ne peut être
exclue a priori. Il note en outre qu'étant une société en commandite,
l'«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann KG» n'a pas de personnalité juridique
en droit autrichien. Même si le troisième auteur a la capacité d'entamer
une procédure devant les tribunaux internes et s'est prévalu de cette
capacité, le deuxième auteur, qui détient 100 % des parts de la société
en commandite, est, en tant que commanditaire, responsable en ce qui concerne
les obligations du troisième auteur vis-à-vis de ses créanciers. Le Comité
considère par conséquent que le deuxième auteur est directement et personnellement
touchée par l'adhésion obligatoire du troisième auteur à la Chambre et
les droits d'adhésion annuels qui en résultent, et qu'elle peut par conséquent
affirmer être victime d'une violation de l'article 22 du Pacte.
8.10 En ce qui concerne le grief du deuxième auteur qui se plaint de
ce que les droits d'adhésion annuels dont elle doit s'acquitter ont pour
effet concret de l'empêcher de créer d'autres associations et d'adhérer
à d'autres associations, le Comité conclut qu'elle n'a pas montré aux
fins de la recevabilité que les montants qu'elle doit payer chaque année
à la Chambre sont si élevés qu'ils constituent une restriction corollaire
du droit à la liberté d'association. Le Comité conclut donc que cette
partie de la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du
Protocole facultatif.
8.11 Pour ce qui est de l'objection de l'État partie selon laquelle le
deuxième auteur n'a pas épuisé les recours internes dans la mesure où
la société en commandite elle-même était partie à la procédure interne,
le Comité rappelle que lorsque sur la base de leur jurisprudence, les
plus hautes juridictions internes ont tranché la question à l'examen,
ôtant ainsi toute chance de succès à un recours devant les tribunaux nationaux,
les auteurs ne sont pas tenus d'épuiser les recours internes. (27)
Le Comité note que l'État partie n'a pas montré en quoi les résultats
d'un recours du deuxième auteur contre la perception de droits d'adhésion
annuels par la Chambre à partir de 1999 auraient été différents de ceux
du recours introduit au nom de la société en commandite, qui avait été
rejeté par la Cour constitutionnelle autrichienne en 1998 au motif qu'il
n'avait guère de chances d'aboutir.
8.12 En conséquence, le Comité conclut que la communication est recevable
dans la mesure où le deuxième auteur se plaint du statut de membre obligatoire
imposé à la société en commandite «Hotel zum Hirschen Josef Wallman» et
des droits d'adhésion perçus en conséquence par la Chambre depuis décembre
1999.
8.13 Pour ce qui est du troisième auteur, le Comité note qu'étant une
société et non un particulier, l'«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann» ne
peut soumettre une communication au titre du Protocole. La communication
est donc irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole facultatif
dans la mesure où elle est présentée au nom du troisième auteur.
Examen quant au fond
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par
les parties, ainsi que le prévoit le paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole
facultatif.
9.2 Le Comité doit déterminer si le fait que la Chambre régionale de
Salzbourg impose à l'«Hotel zum Hirschen» (troisième auteur) des droits
d'adhésion annuels constitue une violation du droit du deuxième auteur
à la liberté d'association garanti par l'article 22 du Pacte.
9.3 Le Comité prend note de l'argument des auteurs qui affirment que,
bien que la Chambre de commerce constitue un organisme de droit public
en vertu du droit autrichien, sa qualité d'«association», au sens du paragraphe
1 de l'article 22 du Pacte, doit être déterminée en fonction de normes
internationales, compte tenu des nombreuses fonctions non publiques assumées
par la Chambre. Il note en outre l'argument de l'État partie selon lequel,
en vertu du droit autrichien, la Chambre est un organisme public compte
tenu de son rôle dans la gestion des affaires publiques ainsi que de ses
objectifs d'utilité publique et qu'elle ne relève donc pas de l'article
22 du Pacte.
9.4 Le Comité constate que la Chambre de commerce autrichienne a été
créée en vertu d'une loi et non d'un accord privé et que ses membres sont
subordonnés par la loi à son pouvoir de percevoir des droits d'adhésion
annuels. Il constate également que l'article 22 du Pacte s'applique uniquement,
questions d'adhésion comprises, aux associations privées.
9.5 Le Comité considère que lorsque le législateur d'un État partie établit
des chambres de commerce en tant qu'organismes de droit public, de tels
organismes ne sont pas empêchés par l'article 22 du Pacte d'imposer des
droits d'adhésion annuels à leurs membres, à moins que leur mise en place
en vertu du droit public vise à contourner les garanties figurant à l'article
22. Or rien dans le dossier dont est saisi le Comité n'indique que la
qualification de la Chambre de commerce autrichienne en tant qu'organisme
de droit public, en vertu de la Constitution autrichienne et de la loi
sur la Chambre de commerce de 1998, a pour effet de contourner l'article
22 du Pacte. Le Comité conclut par conséquent que l'adhésion obligatoire
du troisième auteur à la Chambre de commerce autrichienne et les droits
d'adhésion annuels qui lui sont imposés depuis 1999 ne constituent pas
une atteinte aux droits reconnus au deuxième auteur en vertu de l'article
22.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe
4 de l'article 5 du Protocole facultatif, est d'avis que les faits dont
il est saisi ne font apparaître aucune violation du paragraphe 1 de l'article
22 du Pacte.
______________________________
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
du Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de
la communication: M. Nisuke Ando, M. Alfredo Castillero Hoyos, Mme Christine
Chanet, M. Franco Depasquale, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin,
M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin
Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski
et M. Maxwell Yalden.
Notes
1. Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l'État
partie respectivement le 10 décembre 1978 et le 10 mars 1988. Lorsqu'il
a ratifié le Protocole facultatif, le 10 décembre 1987, l'État partie
a émis la réserve suivante: «Étant entendu que, conformément aux dispositions
de l'article 5 du paragraphe 2 dudit Protocole, le Comité des droits de
l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte n'examinera aucune
communication émanant d'un particulier sans s'être assuré que la même
question n'a pas déjà été examinée par la Commission européenne des droits
de l'homme établie en vertu de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales.».
2. 1 euro vaut environ 13,76 schillings autrichiens.
3. Voir Cour européenne des droits de l'homme, troisième section, décision
sur la recevabilité de la requête no 42704/98 (Franz Wallmann c.
Autriche), le 31 octobre 2000.
4. Non souligné dans le texte.
5. Les auteurs se réfèrent à la communication no 441/1990, Robert
Casanovas c. France, constatations adoptées le 19 juillet 1994
(CCPR/C/51/D/441/1990, par. 5.1) et à la communication no 808/1998, Georg
Rogl c. Allemagne, décision sur la recevabilité adoptée le
25 octobre 2000 (CCPR/C/70/D/808/1998, par. 9.3 et suiv.).
6. À ce sujet, les auteurs se réfèrent à la communication no 645/1995,
Vaihere Bordes et John Temeharo c. France, décision sur
la recevabilité adoptée le 22 juillet 1996 (CCPR/C/57/D/645/1995, par.
5.2).
7. L'État partie se réfère aux communications nos 104/1981, J. R.
T. et le W. G. Party c. Canada, décision sur la recevabilité
adoptée le 6 avril 1983 [CCPR/C/18/D/104/1981, par. 8 a)], 502/1992, S.
M. c. Barbade, décision sur la recevabilité adoptée le 31 mars
1994 (CCPR/C/50/D/502/1992, par. 6.3) et 737/1997, Michelle Lamagna
c. Australie, décision sur la recevabilité adoptée le 7 avril
1999 (CCPR/C/65/D/737/1997, par. 6.2).
8. Conseil de l'Europe, résolution no (70) 17 du Comité des ministres,
en date du 15 mai 1970.
9. L'État partie se réfère à la décision de la Cour sur la recevabilité
de la requête no 14596/89 (Weiss c. Autriche), 10 juillet
1991.
10. Les auteurs se réfèrent à la communication no 273/1988, B. d.
B. et consorts c. Pays-Bas, décision sur la recevabilité prise
le 30 mars 1989 (CCPR/C/35/D/273/1988).
11. Il est fait référence ici à la communication no 359/1989, John
Ballantyne, Elizabeth Davidson et Gordon McIntyre c. Canada,
constatations adoptées le 31 mars 1991 (CCPR/C/47/D/359/1989, par. 10.4).
12. Citation tirée de la communication no 455/1991, Allan Singer c.
Canada, constatations adoptées le 26 juillet 1994 (CCPR/C/51/D/455/1991,
par. 11.2).
13. Les auteurs se réfèrent à la communication no 359/1989, John Ballantyne,
Elizabeth Davidson et Gordon McIntyre c. Canada, constatations
adoptées le 31 mars 1991 (CCPR/C/47/D/359/1989, par. 11.3).
14. À l'appui de cette affirmation, les auteurs se réfèrent aux communications
nos 273/1988, B. d. B. c. Pays-Bas, décision sur la recevabilité
adoptée le 30 mars 1989 (CCPR/C/35/D/273/1988) et 316/1988, C. E. A.
c. Finlande, décision sur la recevabilité adoptée le 10 juillet
1991 (CCPR/C/42/D/316/1988).
15. Les auteurs se réfèrent à la communication no 83/1981, Machado
c. Uruguay, constatations adoptées le 4 novembre 1983 (CCPR/C/20/D/83/1981,
par. 6).
16. Il est fait référence aux communications nos 220/1987, T. K. c.
France, décision sur la recevabilité adoptée le 8 novembre 1989
(CCPR/C/37/D/220/1987, par. 8.3), et 222/1987, H. K. c. France,
décision sur la recevabilité adoptée le 8 novembre 1989 (CCPR/C/37/D/222/1987,
par. 8.3).
17. Les auteurs se réfèrent à la communication no 210/1985, Vim Hendriks
c. Pays-Bas, constatations adoptées le 27 juillet 1988 (CCPR/C/33/D/201/1985,
par. 6.3).
18. Les auteurs se réfèrent aux décisions de la Commission concernant
les requêtes nos 19363/92 (Gerhard Hirmann c. Autriche),
2 mars 1994, et 14331-2/88 (Paul Revert et Denis Legallais c. France),
8 septembre 1989.
19. La décision critiquée porte sur la requête no 14596/89 (Franz
Jacob Weiss c. Autriche), décision sur la recevabilité en date
du 10 juillet 1991.
20. Les pertes enregistrées et les travaux à effectuer dans l'hôtel sont
exposés en détail dans la communication.
21. Voir communication no 989/2001, Kollar c. Autriche,
décision sur la recevabilité adoptée le 30 juillet 2003 (CCPR/C/78/D/989/2003,
par. 8.2).
22. Voir ibid, par. 8.3.
23. Voir Nowak, Manfred, U.N. Covenant on Civil and Political Rights:
CCPR Commentary (1993), p. 387.
24. Voir par exemple la communication no 716/1996, Pauger c. Autriche,
constatations adoptées le 25 mars 1999 (CCPR/C/65/D/716/1996, par.
6.4).
25. Voir par exemple les communications nos 121/1982, A. M. c.
Danemark, décision sur la recevabilité adoptée le 23 juillet 1982
(CCPR/C/16/D/121/1982, par. 6), et 744/1997, Linderholm c. Croatie,
décision sur la recevabilité adoptée le 23 juillet 1999 (CCPR/C/66/D/744/1997,
par. 4.2).
26. On peut lire au paragraphe 4 de l'article 35: «La Cour rejette toute
requête qu'elle considère comme irrecevable par application du présent
article.». Cela concerne, entre autres, les motifs d'irrecevabilité énoncés
au paragraphe 3 de l'article 35 (irrecevabilité ratione materiae,
requête manifestement mal fondée et abus du droit de présenter une requête).
27. Voir par exemple la communication no 511/1992, Länsmann et consorts
c. Finlande, par. 6.1.