Soixante-dix-huitième session
14 juillet - 8 août 2003
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques*
- Soixante-dix-huitième session -
Communication No. 1014/2001
Réuni le 6 août 2003,
Ayant achevé l'examen de la communication no 1014/2001, présentée par M. Omar Sharif Baban en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations ci-après:
1.2 Le 20 septembre 2001, le Comité des droits de l'homme, par l'entremise du Rapporteur spécial pour les nouvelles communications et conformément à l'article 86 de son règlement intérieur, a demandé à l'État partie de ne pas expulser l'auteur et son fils vers l'Iraq si la Haute Cour rejetait la demande de l'auteur, qui devait être examinée le 12 octobre 2001, pendant que le Comité examinait cette communication.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur déclare qu'en Iraq il était membre actif de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), qu'il avait été menacé par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et avait été la cible d'un agent des Mukhabarat (services de renseignements) iraquiens chargé de perpétrer des assassinats dans le nord de l'Iraq.
2.2 Le 15 juin 1999, l'auteur et son fils sont arrivés en Australie sans documents de voyage et ont été placés en détention (rétention des immigrants) en vertu de l'article 189 (par. 1) de la loi sur les migrations de 1958. Le 28 juin 1999, ils ont demandé le statut de réfugié. Le 7 juillet 1999, l'auteur a été interrogé par un fonctionnaire du Département de l'immigration et des affaires multiculturelles (DIMA).
2.3 Le 13 juillet 1999, le Département de l'immigration et des affaires multiculturelles a rejeté la demande de l'auteur. Le 6 septembre 1999, le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a rejeté le recours présenté par l'auteur contre la décision du DIMA. Le 10 septembre 1999, le DIMA a informé l'auteur que son dossier ne répondait pas aux critères requis pour que le Ministre l'autorise à rester en Australie pour des motifs humanitaires. Le 12 avril 2000, la Cour fédérale (présidée par le juge Whitlam) a rejeté la demande de l'auteur de soumettre à l'examen d'un organe judiciaire la décision du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés.
2.4 Le 24 juillet 2000, l'auteur a participé avec d'autres détenus à une grève de la faim dans une salle des loisirs du centre de détention de Villawood, à Sydney. Le 26 juillet 2000, les grévistes de la faim auraient été privés entièrement d'électricité et de contacts avec le monde extérieur. Ils auraient reçu des bouteilles d'eau contenant des drogues. Les gardiens auraient empêché les grévistes de la faim de dormir en faisant du bruit. Le 27 juillet 2000, les grévistes de la faim (et le fils de l'auteur) ont été emmenés de force dans un autre centre de détention, à Port Hedland, en Australie occidentale. À Port Hedland, l'auteur et son fils ont été détenus dans une cellule d'isolement sans fenêtre ni toilettes. Le cinquième jour de sa détention en régime d'isolement (son fils a été nourri régulièrement à compter du lendemain de leur arrivée), l'auteur a interrompu sa grève de la faim et, huit jours plus tard, il a été changé de cellule. L'auteur affirme que, pendant qu'il était en régime d'isolement cellulaire, on lui a refusé tout contact avec son conseil. Le 15 août 2000, l'auteur et son fils ont été renvoyés au centre de détention de Villawood, à Sydney, pour assister à l'audience de la Cour fédérale réunie en chambre plénière.
2.5 Le 21 septembre 2000, la chambre plénière de la Cour fédérale a rejeté le nouveau recours des auteurs contre la décision de la Cour fédérale. Le même jour, les auteurs ont présenté une demande d'autorisation spéciale de former recours devant la Haute Cour de l'Australie.
2.6 En juin 2001, l'auteur et son fils se sont échappés du centre de détention de Villawood. On ignore actuellement où ils se trouvent exactement. Le 16 juillet 2001, le Greffe de la Haute Cour d'Australie a inscrit l'audience prévue pour examiner l'affaire de l'auteur à la date du 12 octobre 2001. Le 15 octobre 2001, la Haute Cour a ajourné l'audience en attendant que l'auteur et son fils soient retrouvés.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme que le traitement qui lui a été infligé pendant sa grève de la faim, son transfert forcé, le fait d'avoir laissé son fils sans nourriture à l'arrivée à Port Hedland et sa détention au secret dans ce centre pendant 13 jours étaient une violation de l'article 7. Deuxièmement, l'auteur affirme que son expulsion avec son fils vers l'Iraq allait nécessairement l'exposer, de manière prévisible, à la torture ou à «des mauvais traitements graves» en raison de son passé en Iraq, et entraînerait une violation de l'article 7 par l'État partie.(2) Il a en outre mentionné divers rapports aux fins de montrer qu'il existe des violations systématiques graves et flagrantes des droits de l'homme en Iraq. (3)
3.2 L'auteur affirme que la mise en détention obligatoire à l'arrivée et le fait que les tribunaux ou les autorités administratives ne puissent ordonner sa mise en liberté constituent, comme l'a constaté le Comité dans l'affaire A. c. Australie, (4) une violation des paragraphes 1 et 4 de l'article 9. L'auteur relève que l'État partie n'a avancé aucune justification pour sa détention prolongée.
3.3 L'auteur affirme également que sa détention au secret pendant 13 jours et le traitement qu'il a reçu d'une manière générale pendant sa détention représentent une violation du paragraphe 1 de l'article 10. Il cite à l'appui de son affirmation la jurisprudence du Comité (5) ainsi que l'Observation générale no 21 sur les droits des détenus, les observations des rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la question de la torture et sur les états d'exception (6) ainsi que les normes internationales minima concernant le traitement des détenus.(7)
3.4 L'auteur affirme que sa grève de la faim est l'expression légitime de son droit de protester et que le traitement subi à Villawood et son transfert forcé à Port Hedland violaient les droits que lui reconnaissait l'article 19. Aucune mention des impératifs de sécurité nationale ou d'ordre, de santé ou de moralité publics n'a été faite pour justifier les mesures prises.
3.5 L'auteur affirme en outre que la détention et le traitement dont son fils a fait l'objet son contraires au droit que lui reconnaît le paragraphe 1 de l'article 24, qui doit être interprété compte tenu des obligations énoncées dans la Convention relative aux droits de l'enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant n'a pas été pris en considération et sa mise en liberté n'a pas été envisagée. Selon l'auteur, il est fallacieux de faire valoir que l'intérêt supérieur de l'enfant consiste à le laisser avec son père, étant donné que la détention prolongée du père était injustifiée et que l'un et l'autre auraient pu être remis en liberté en attendant qu'il soit statué sur leurs demandes d'asile.
Observations de l'État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication
4.1 Dans une lettre du 26 mars 2002, l'État partie conteste la recevabilité et le bien-fondé de la communication, en faisant valoir, à titre préliminaire, que le conseil de l'auteur n'a pas qualité pour agir. En raison du long délai qui s'est écoulé entre le mandat confié au conseil et la présentation de la communication, auquel s'ajoute la fuite de l'auteur et de son fils, il n'apparaît pas que le conseil de l'auteur soit encore mandaté pour présenter la communication en leur nom.
4.2 En ce qui concerne l'invocation par l'auteur de l'article 7 au sujet de l'expulsion vers l'Iraq, l'État partie fait observer que le recours présenté par l'auteur devant la Haute Cour concernant sa demande d'asile est ajourné jusqu'à ce que le père et le fils soient retrouvés, et qu'il reste par conséquent à épuiser des recours utiles disponibles. L'État partie affirme également qu'il n'y a pas de victimes - avant la fuite de l'auteur, il n'avait pris aucune mesure pour le renvoyer et, comme l'auteur et son fils se sont enfuis, la question du renvoi a un caractère purement hypothétique à l'heure actuelle. L'Etat partie affirme en outre que cette plainte est irrecevable faute d'être étayée.
4.3 En ce qui concerne l'invocation des articles 7 et 10 et la plainte touchant les mauvais traitements et les conditions de détention, l'État partie fait valoir qu'un certain nombre de procédures civiles pourraient être engagées devant les tribunaux, auquel cas il faudrait alors démontrer le bien-fondé des allégations formulées par l'auteur (et rejetées par l'État partie) par la balance des probabilités. Il s'agit d'engager contre le Commonwealth d'Australie une action pour négligence, pour abus d'autorité dans l'exercice d'une fonction publique, pour violences et voies de fait. De plus, une plainte pénale pour violences illicites pourrait être adressée à la police. En outre, l'auteur pourrait se plaindre auprès du Médiateur du Commonwealth (Ombudsman), qui est habilité à faire les recommandations, ainsi qu'au Département de l'immigration et des affaires multiculturelles concernant le traitement dont il a fait l'objet en détention. L'État partie souligne également que l'auteur a déposé une plainte auprès de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances (HREOC) et que celle-ci est encore en instance. Il fait également valoir que ces plaintes sont insuffisamment étayées faute, par exemple, de dépositions de témoins ou déclarations de détenus ou du personnel qui pourraient fournir des éléments de preuve.
4.4 Quant aux allégations formulées par l'auteur au titre de l'article 9, l'État partie fait valoir que l'ajournement de l'audience de la Haute Cour signifie que des recours sont encore disponibles. De surcroît, la légalité de la détention peut être contrôlée dans le cadre des procédures d'habeas corpus ou de mandamus qui peuvent être engagées devant la Haute Cour. L'État partie fait également valoir que ces allégations ne sont pas étayées car l'auteur a en fait eu accès à ses tribunaux, qui ont le pouvoir de déterminer la légalité de la détention.
4.5 L'État partie estime que l'allégation formulée au titre de l'article 19 est incompatible avec le Pacte, car une grève de la faim n'est pas l'expression d'une opinion par un «moyen» protégé par le paragraphe 2 de l'article 19, et cela n'a été envisagé non plus par les rédacteurs du Pacte. Elle n'appartient pas à la même catégorie que les moyens oraux, écrits, imprimés ou artistiques, qui constituent le contexte dans lequel s'inscrit cette disposition. Pour l'État partie, cette allégation est en outre insuffisamment étayée, et, pour les raisons indiquées à propos de l'article 7 et de l'article 10 concernant les mauvais traitements en détention, des recours internes sont encore disponibles.
4.6 Au sujet de l'allégation formulée au titre de l'article 24, l'État partie note que l'auteur, en tant que parent/gardien, est habilité à exercer des recours au nom de son fils. Un certain nombre de recours étaient disponibles pour faire valoir les droits de son fils: une plainte déposée devant la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances qui n'a pas encore été tranchée; une plainte auprès du Département de l'immigration et des affaires multiculturelles concernant son traitement en détention; une plainte auprès du Médiateur du Commonwealth (Ombudsman); enfin, une procédure d'habeas corpus/de mandamus devant la Haute Cour d'Australie pour contester la détention.
4.7 Concernant le fond, l'État partie nie que l'une quelconque des allégations fasse apparaître une violation du Pacte. Pour ce qui est de l'allégation de mauvais traitements contraires aux articles 7 et 10, l'État partie relève qu'un rapport sur cet incident a conclu que l'électricité a été coupée dans la salle des loisirs à Villawood à 9 heures, après que les détenus eurent menacé de s'électrocuter. Dans les autres locaux, l'électricité est restée branchée et les détenus étaient libres de quitter cette salle quand ils le voulaient. L'État partie considère que la coupure de l'électricité pendant une courte période (moins d'une journée) était nécessaire pour la sécurité des détenus et n'était par conséquent pas contraire à l'article 7. Ce rapport indique également, contrairement à ce qui était prétendu, que la distribution de l'eau n'a à aucun moment été interrompue. L'État partie nie que l'auteur ou qui que soit d'autre ait été drogué - le rapport susmentionné n'a relevé aucune preuve à cet égard pas plus du reste que la fourniture d'eau en bouteille.
4.8 Touchant l'allégation du refus de tout contact avec le monde extérieur, l'Etat partie souligne que l'accès à la salle des loisirs a été suspendu dans l'après-midi du 24 juillet 2000 pour des raisons de sécurité. Le 25 juillet 2000, les contacts sur les lieux et par téléphone ont de nouveau été suspendus dans l'ensemble du centre. Ces mesures ont été mises en place pour une courte période et étaient dictées par les circonstances, sachant que les détenus pouvaient sortir à tout moment. Il ne s'agit donc pas d'une détention au secret dans laquelle le détenu est totalement coupé du monde extérieur. L'Etat partie nie que des gardiens aient volontairement privé les détenus de sommeil et, du reste, l'enquête menée à ce sujet n'a permis d'établir aucune preuve à l'appui de cette allégation (comme des témoignages de détenus ou de fonctionnaires).
4.9 En ce qui concerne les menottes passées à l'auteur lorsqu'il a quitté le centre, l'Etat partie fait observer, en se fondant sur la réponse du DIMA à l'enquête de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, que les grévistes de la faim ont été pris et sortis de la salle des loisirs de manière pacifique et sans usage de la force ni incident. L'auteur a fait l'objet d'une contrainte minimale (c'est-à-dire qu'il avait suffisamment de liberté de mouvement pour s'occuper de son fils) sous la forme de liens en plastique passés au poignet à titre de mesure de précaution, car il était classé parmi les détenus à haut risque ayant des problèmes de comportement notoires. Cette contrainte a été utilisée pendant une courte période au cours du transport, pour la sécurité des détenus et des fonctionnaires présents. Après le décollage, les liens ont été retirés. A aucun moment pendant le voyage le fils de l'auteur ni aucun autre mineur n'a été soumis à des mesures de contrainte (exception faite des ceintures de sécurité).
4.10 L'État partie nie que le fils de l'auteur n'ait reçu aucune nourriture à l'arrivée à Port Hedland; il fait observer que les détenus sont arrivés à 14 h 40 le 29 juillet 2000 et que des repas leur ont été servis à 18 h 40 le même jour. La nourriture a été apportée dans le bloc où se trouvait l'auteur. Lui et d'autres ayant refusé de quitter leur chambre, les repas ont été placés dans leur chambre pour qu'ils puissent manger s'ils le voulaient. Du lait a été proposé aux adultes et aux enfants. Un déjeuner et des rafraîchissements ont également été servis à tous les passagers pendant le vol par lequel l'auteur et son fils ont été transférés de Sydney à Port Hedland.
4.11 Pour ce qui est de l'allégation de détention au secret à Port Hedland, l'État partie fait observer qu'excepté la première nuit (29 juillet 2000) où les détenus ont été retenus dans leur chambre pour des entretiens individuels et des contrôles de sécurité, tous les détenus étaient libres de leurs mouvements dans le bloc, et pouvaient notamment se rendre à la salle commune et dans la cour extérieure pour prendre de l'exercice. L'auteur a passé quatre appels téléphoniques à partir de Port Hedland et a refusé la proposition de faire un nouvel appel le 11 août 2000. Il n'a fait aucune demande pour s'entretenir avec son avocat ou des amis. L'État partie rejette l'affirmation selon laquelle l'auteur a été placé en cellule d'isolement - sa chambre était située dans un bloc de détention normal comptant 12 pièces réparties sur deux niveaux. Chaque niveau est équipé de toilettes ainsi que d'une salle commune comportant un évier, un réfrigérateur, un four à micro-ondes et un téléviseur. Chaque chambre est éclairée par la lumière naturelle et on peut y loger quatre personnes; l'auteur et son fils se trouvaient dans une chambre de ce type. Tous les détenus étaient libres de circuler dans le bâtiment, notamment de se rendre à la salle commune et dans la cour pour y prendre de l'exercice. Il ressort de ce qui précède que l'auteur n'a pas établi l'existence d'actes ou d'omissions atteignant un seuil de gravité tel qu'ils pourraient soulever des questions, à la lumière de la jurisprudence du Comité, au titre de l'article 7 ou du paragraphe 1 de l'article 10.
4.12 Quant à l'allégation formulée au titre de l'article 7 concernant l'expulsion de l'auteur vers l'Iraq, l'État partie fait valoir que l'obligation de non-refoulement ne s'étend pas à tous les droits énoncés dans le Pacte, mais se limite aux droits les plus fondamentaux relatifs à l'intégrité physique et mentale d'une personne. Il fait valoir que l'auteur et son fils ne risquaient pas d'être soumis à la torture ou à un traitement semblable s'ils étaient expulsés en Iraq, et qu'aucun Iraquien n'a été expulsé d'Australie vers l'Iraq à ce jour. Comme on ignore où se trouvent l'auteur et son fils, aucune mesure de ce type n'est envisagée à ce stade, et s'ils sont retrouvés une décision sera alors prise. Même si l'expulsion était envisagée, l'État partie rejette l'idée selon laquelle cela aurait pour conséquence nécessaire et prévisible la torture ou des traitements analogues en Iraq. Il relève que d'autres pays, les Pays-Bas par exemple, ont réussi à renvoyer des personnes dans les territoires du nord de l'Iraq (contrôlés par les Kurdes) sans les exposer à des risques. L'Organisation internationale pour les migrations apporte également une assistance au retour librement consenti des détenus dans ces régions. Statuant sur les faits, le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés n'a pas retenu que l'auteur courait un risque spécifique, soit en tant que membre allégué de l'UPK, soit en tant qu'émigrant clandestin, et le Comité est invité à donner tout le poids voulu aux conclusions de cet organe.
4.13 En ce qui concerne le paragraphe 1 de l'article 9, l'État partie fait valoir que la détention de l'auteur et de son fils était raisonnable et nécessaire compte tenu de toutes les circonstances, et n'était ni inappropriée, ni injuste, ni imprévisible. L'État partie fait observer que la détention était légale aux termes de la loi sur les migrations. Pour ce qui est du caractère arbitraire, l'État partie explique que la détention obligatoire des candidats à l'immigration est nécessaire pour veiller à ce que les non-citoyens qui entrent en Australie aient l'autorisation pour cela et pour préserver l'intégrité de son régime d'immigration. La détention est utilisée pour que les personnes n'entrent pas dans le pays tant que leur demande n'a pas été correctement instruite, et permet d'avoir véritablement accès à ces personnes afin d'examiner et d'instruire rapidement leur demande. De plus, l'État partie n'ayant aucun système général d'enregistrement ou d'identification sanctionné par un document requis pour entrer sur le marché du travail ou pour accéder aux services publics ou aux services sociaux, il est difficile de surveiller les immigrants clandestins dans la société.
4.14 L'État partie a constaté que si la détention n'est pas rigoureusement contrôlée, il y a une forte probabilité que les clandestins prennent la fuite. Il y a déjà eu des cas où les immigrants sans papiers ont été détenus dans des foyers spéciaux non clos pour immigrants avec obligation de se présenter à des contrôles et où ces personnes se sont enfuies; il s'est avéré difficile alors d'obtenir la coopération des groupes ethniques locaux pour les retrouver. En conséquence, on peut raisonnablement penser que si les gens sont relâchés en attendant qu'il soit statué sur leur demande, ils seront fortement tentés d'entrer dans la clandestinité. L'État partie fait observer que la Haute Cour d'Australie a confirmé la constitutionnalité des dispositions relatives à la détention au titre de la loi sur l'immigration, en concluant qu'elles n'avaient aucun caractère punitif, mais pouvaient être considérées comme nécessaires en attendant l'expulsion ou pour permettre la présentation et l'examen d'une demande d'admission (8). L'État partie note aussi que la mise en liberté est également prévue dans des circonstances exceptionnelles.
4.15 Selon l'État partie, les circonstances particulières de l'affaire à l'examen montrent que la détention était justifiable et appropriée. À l'arrivée, l'auteur a déclaré tout ignorer des documents d'identité et de voyage qu'il aurait dû avoir, manifestant un manque de coopération qui nécessitait un complément de recherches. Si on les avait laissé entrer dans le pays, l'auteur et son fils seraient devenus des immigrants clandestins. À l'origine, ils ont été détenus pour que leurs demandes d'asile soient instruites; ils étaient (et sont encore) libres de quitter l'Australie à tout moment, et sont restés en détention pour avoir choisi eux-mêmes d'utiliser toutes les possibilités de réexamen et de recours. Leur détention était proportionnée aux fins recherchées, à savoir permettre l'examen des demandes, plaintes et recours de l'auteur et veiller à préserver le droit de l'Australie de contrôler les entrées sur son territoire.
4.16 L'État partie fait valoir que les faits de la cause sont distincts de la situation dans l'affaire A. c. Australie,(9) dont l'État prétend, de toutes façons, qu'elle a fait l'objet d'une décision erronée. Dans le cas présent, la longueur de la détention ayant précédé la fuite (21 mois) était sensiblement inférieure aux quatre ans qu'a duré celle de A. La demande formée par l'auteur pour obtenir un visa de protection a été instruite dans les 15 jours, contre 77 semaines dans le cas de A. L'État partie fait valoir qu'en raison de la fuite de l'auteur il n'y a pas actuellement de détention pouvant être jugée arbitraire, et le Comité ne devrait pas excuser une violation de la loi australienne.
4.17 Pour la plainte formulée au titre du paragraphe 4 de l'article 9, l'État partie relève que la Cour fédérale avait compétence en l'espèce pour réexaminer le refus du visa de protection. Comme la décision relative au visa de protection a abouti au maintien en détention de l'auteur et de son fils, l'État partie estime que la possibilité de s'adresser à la Cour fédérale (comme l'a fait l'auteur) satisfaisait aux conditions énoncées au paragraphe 4 de l'article 9. En outre, il est possible d'engager une procédure en habeas corpus/mandamus devant la Haute Cour afin de faire examiner la légalité de la détention.
4.18 Quant à la plainte formulée au titre de l'article 19, l'État partie estime qu'aucune preuve n'a été fournie pour montrer en quoi le transfert de l'auteur à Port Hedland a violé son droit d'avoir des opinions et sa liberté d'expression. À tout moment, il a eu la possibilité d'exercer les droits en question, et il l'a fait, par exemple en signant un mémorandum de protestation adressé au Premier Ministre le 14 juillet 2000. Si le Comité devait considérer une grève de la faim comme un «moyen» d'expression protégé par le paragraphe 2 de l'article 19 (ce que rejette l'État partie), l'État partie estime que ce moyen d'expression n'a pas été restreint par le transfert et que ce transfert n'était pas conçu comme une forme de châtiment. En fait, le souhait de l'auteur de poursuivre sa grève de la faim à Port Hedland a été respecté.
4.19 L'État partie fait observer que la grève de la faim et le fait de barricader la salle des loisirs de Villawood ont constitué un incident très grave, devant lequel des détenus n'ont pas laissé d'autres, qui avaient besoin de soins médicaux, se faire examiner par le personnel médical et en ont empêché certains de quitter la salle des loisirs. Cet incident a menacé la santé et le bien-être à long terme de plusieurs détenus, notamment un diabétique, une femme enceinte et de très jeunes enfants, et le transfert dans d'autres structures des personnes impliquées dans l'incident était donc une question de sécurité. L'État partie rappelle ce qu'il a déjà indiqué ci-dessus, à savoir qu'à Port Hedland l'auteur pouvait aller et venir et être en contact avec le monde extérieur. Selon l'État partie, le fait d'enfermer les détenus dans leurs chambres pour procéder à des contrôles de sécurité pendant la nuit ne limitait pas les droits reconnus à l'auteur par l'article 19.
4.20 Si le Comité devait considérer que le déplacement de l'auteur a porté atteinte aux droits qui lui sont reconnus par le paragraphe 2 de l'article 19, l'État partie fait valoir qu'en tout état de cause cette mesure était justifiée en vertu du paragraphe 3 de l'article 19. Ce déplacement était autorisé par les règlements régissant le fonctionnement des centres et la surveillance des détenus. Cette mesure était en outre nécessaire pour respecter les droits des autres détenus (voir le paragraphe précédent), pour maintenir l'ordre et la sécurité dans le centre et pour protéger la sécurité des visiteurs (selon les services de renseignements, d'autres détenus allaient se joindre à cette manifestation en recourant à la violence).
4.21 Touchant la plainte formulée au titre de l'article 24, l'État partie explique que ses normes concernant la détention des candidats à l'immigration portent une attention particulière à la santé, à la sécurité et au bien-être des enfants. Des programmes à caractère social, récréatif et éducatif sont prévus pour répondre aux besoins de chaque enfant. Des spécialistes peuvent fournir des soins médicaux en cas de besoin. Lorsqu'un enfant est admis dans un tel centre, les besoins de cet enfant en matière d'éducation, d'études religieuses et de loisirs sont examinés en consultation avec les parents. Chaque fois que c'est possible, des contacts avec des membres de la famille à l'étranger sont organisés et on veille à ce que les enfants soient placés dans une structure où un ou plusieurs adultes peuvent s'occuper de lui et le conseiller. Des dispositions permettent de laisser les enfants en liberté dans la société au titre de visas temporaires, auquel cas des dispositions sont prises pour qu'ils soient pris en charge et reçoivent une protection sociale. L'intérêt supérieur de l'enfant est évalué individuellement pour décider s'il a droit à ce programme. Tous ces services font l'objet d'un contrôle administratif (par le Groupe consultatif sur la détention dans le cadre de l'immigration) et judiciaire et doivent se soumettre au contrôle du Parlement et lui rendre des comptes.
4.22 Pour ce qui est de la situation particulière du fils de l'auteur, il a été jugé que son intérêt supérieur voulait qu'il soit hébergé avec son père, car il n'avait pas d'autre famille en Australie. Il est resté en détention seulement en attendant qu'une décision soit prise sur le statut de son père, puis en attendant l'examen du recours. La décision d'expulser des détenus de la salle des loisirs a été motivée par le souci de préserver la santé des enfants en particulier et, pour leur sécurité, ce sont les enfants qui ont été retirés les premiers. Le personnel s'est occupé du fils de l'auteur pendant le transfert à Port Hedland, où il a été logé avec son père dans un bloc ordinaire près d'autres familles. Le conseiller psychologique du centre s'est rendu plusieurs fois à l'endroit où il était logé, a organisé des jeux et des activités pour les enfants. L'État partie considère que ces mesures satisfont aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 24.
Commentaires du conseil sur les observations de l'État partie
5.1 Dans une lettre du 10 février 2003, le conseil de l'auteur a répondu aux observations de l'État partie en relevant, concernant sa qualité pour agir, que l'État partie contestait qu'il soit habilité à représenter les auteurs. Le conseil renvoie à la common law en la matière pour faire valoir qu'un avocat est habilité à agir en qualité d'agent général d'un client pour toutes les questions qui peuvent raisonnablement être soulevées et faire l'objet d'une décision dans une procédure judiciaire. La charge de la preuve incombe à la (l'État) partie qui veut établir l'absence de mandat. En common law, cette habilitation est prouvée par une copie du mandat signé, dont le conseil rappelle qu'il l'a jointe à la communication initiale.
5.2 Le conseil fournit une copie d'une déclaration faite sous serment, datée du 10 février 2003, aux termes de laquelle: i) l'auteur lui a téléphoné après s'être échappé du centre de détention, ii) en novembre 2001, il s'est entretenu avec un membre de la communauté iraquienne au sujet de l'auteur, et iii) il en est ressorti que le conseil se considérait comme restant habilité à présenter la communication et à suivre la procédure.
5.3 En ce qui concerne la recevabilité de la plainte formulée au titre de l'article 7 touchant les mauvais traitements, le conseil renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle une plainte présentée à la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances ou au Médiateur du Commonwealth (Ombudsman) ne constitue pas un recours interne utile, aux fins du Protocole facultatif, car les mesures correctives indiquées par ces organes ne sont pas exécutoires et n'ont aucun effet contraignant.(10) Une plainte soumise au Département de l'immigration et des affaires multiculturelles aurait le même effet. Engager une action civile ne constituerait pas un recours utile car elle déboucherait au mieux sur l'octroi de dommages-intérêts, et non sur la reconnaissance d'une violation d'un droit de l'homme, objet de la communication. Les sanctions pénales n'auraient pas constitué un recours utile pour l'auteur, mais pouvaient seulement déboucher sur le châtiment des responsables des actes. En tout état de cause, aucune inculpation n'a été faite et aucune enquête pénale n'a été menée.
5.4 Touchant la plainte formulée au titre de l'article 7 concernant l'expulsion de l'auteur vers l'Iraq, le conseil affirme que, dès lors que l'auteur et son fils seront incarcérés, il y aura obligation de les expulser en vertu de la loi sur l'immigration et, en tant que citoyens iraquiens, la seule destination possible serait l'Iraq. Le conseil considère que la situation actuelle des Kurdes en Iraq est bien connue du Comité et que l'expulsion aurait pour conséquence nécessaire et prévisible de graves violations des droits que leur reconnaît le Pacte.
5.5 Au sujet de l'article 9, le conseil cite une série de rapports critiquant la politique de détention obligatoire de l'État partie.(11) Le conseil fait également valoir que la décision adoptée par le Comité sur la communication A. c. Australie, (12) puis reprise dans C. c. Australie, (13) a établi de manière incontestable que ce régime de détention viole les paragraphes 1 et 4 de l'article 9. La présente affaire ne se distingue pas sur le plan des faits de l'une ou l'autre des deux précédentes, si ce n'est que la détention d'un mineur rend la situation encore plus grave, et les principes déjà établis par le Comité devraient par conséquent être appliqués.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
6.1 Avant d'examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n'est pas déjà à l'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
6.3 Touchant le fait que l'État partie refuse de reconnaître que le conseil a qualité pour présenter la communication, le Comité est d'avis qu'une autorisation dûment donnée avant la communication confère normalement à un conseil un mandat suffisant pour qu'il suive jusqu'à son terme la procédure concernant la communication. En l'espèce, le Comité ne considère pas que la période écoulée avant que la communication soit vraiment enregistrée avec un numéro de dossier ou que les circonstances ayant suivi puissent empêcher de déduire que le conseil était et demeure dûment autorisé.
6.4 Quant à la plainte formulée par l'auteur au titre de l'article 7 concernant son expulsion possible vers l'Iraq, le Comité note qu'après sa fuite, la Haute Cour a ajourné l'examen de son recours contre le jugement du Tribunal d'examen des décisions concernant les réfugiés jusqu'à ce qu'il soit retrouvé. Il s'ensuit qu'à l'heure actuelle des recours internes restent disponibles en ce qui concerne cette demande. Cette plainte est par conséquent irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
6.5 Touchant les allégations de mauvais traitements formulées au titre des articles 7 et 10 à propos du traitement subi par l'auteur et son fils à Villawood, de leur transfert à Port Hedland et du traitement qu'ils y ont reçu, le Comité prend note des réponses apportées par l'État partie aux questions soulevées, notamment des résultats des enquêtes menées, et relève que les conclusions des enquêtes n'ont pas été contestées par les auteurs. Dans ces circonstances, par conséquent, le Comité estime que les auteurs n'ont pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les plaintes présentées à ce sujet. Cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.6 Pour ce qui est des plaintes de l'auteur au titre de l'article 9, le Comité note que la plus haute juridiction de l'État partie a déterminé que les dispositions relatives à la détention obligatoire sont constitutionnelles. Rappelant sa jurisprudence antérieure, le Comité observe qu'en conséquence le seul résultat qu'aurait une procédure en habeas corpus devant la Haute Cour ou tout autre tribunal serait de confirmer que les dispositions concernant la détention obligatoire s'appliquaient à l'auteur en tant qu'immigrant clandestin. Par conséquent, l'auteur ne dispose d'aucun recours utile pour contester sa détention aux termes de l'article 9, et les plaintes formulées à ce titre sont donc recevables.
6.7 Au sujet des plaintes formulées par l'auteur au titre de l'article 19, le Comité considère que, même en prenant pour hypothèse, aux fins de l'argumentation, qu'une grève de la faim peut être incorporée au droit à la liberté d'expression protégé par cet article, compte tenu des préoccupations invoquées par l'État partie touchant la santé et la sécurité des détenus, notamment des jeunes enfants, et d'autres personnes, les mesures prises légalement pour déplacer des grévistes de la faim d'un lieu où ils suscitaient des inquiétudes peuvent bien être interprétées comme entrant dans le cadre des restrictions légitimes prévues au paragraphe 3 de l'article 19. Il s'ensuit que l'auteur n'a pas étayé suffisamment, aux fins de la recevabilité, l'allégation d'une violation de ses droits aux termes de l'article 19 du Pacte.
6.8 Concernant la plainte formulée au titre de l'article 24, le Comité note l'argument présenté par l'État partie selon lequel, en l'absence de tout autre membre de la famille en Australie, l'intérêt supérieur du jeune enfant de l'auteur commandait de le laisser avec son père. Le Comité considère, à la lumière de l'explication donnée par l'État partie touchant les efforts déployés pour offrir aux enfants des programmes appropriés à caractère éducatif, récréatif et autres, y compris en dehors du centre de détention, que l'allégation par l'auteur d'une violation de ses droits au titre de l'article 24 a, vu les circonstances, été insuffisamment étayée aux fins de la recevabilité. Dans la mesure où la plainte formulée au titre de l'article 24 concerne le régime de détention obligatoire imposé à l'enfant, le Comité considère qu'il est plus approprié d'examiner cette question dans le contexte de l'article 9, avec la plainte recevable formulée par le père à ce titre.
Examen quant au fond
7.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été soumises par les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
7.2 Pour ce qui est de l'allégation de violation de l'article 9, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle pour ne pas être qualifiée d'arbitraire la détention ne doit pas se poursuivre au-delà de la période pour laquelle l'État partie peut apporter une justification appropriée. (14) En l'espèce, la détention de l'auteur en tant que non-citoyen sans visa d'entrée doit obligatoirement se poursuivre jusqu'à ce qu'il soit renvoyé ou qu'il obtienne un permis de séjour. S'agissant des raisons particulières avancées par l'État partie pour justifier la détention (par. 4.15 et suiv.), le Comité note que ce dernier n'a pas démontré qu'elles justifiaient le maintien de l'auteur en détention, compte tenu du temps écoulé et de considérations telles que les affres d'une détention prolongée pour son fils ou le fait que durant la période considérée l'État partie n'a apparemment pas renvoyé d'Iraquiens d'Australie (par. 4.12). En particulier, l'État partie n'a pas montré que, dans les circonstances particulières de l'auteur, il n'existait pas de moyen moins invasif de parvenir aux mêmes fins, à savoir respecter les politiques de l'État relatives à l'immigration, par exemple en imposant l'obligation de se présenter aux autorités, en exigeant des garanties ou par d'autres mesures. Le Comité note également qu'en l'espèce, l'auteur n'a pas pu contester son maintien en détention devant les tribunaux. Un contrôle judiciaire de la détention se serait d'ailleurs limité à une analyse de la question de savoir si l'auteur était un non-citoyen sans titre d'entrée valide, et par l'application directe de la législation pertinente, les tribunaux compétents n'auraient pas été en mesure d'examiner les arguments portant sur l'illégalité de cette détention particulière au regard du Pacte. Conformément au paragraphe 4 de l'article 9, un contrôle judiciaire de la légalité de la détention n'est pas limité à vérifier s'il elle est compatible avec le droit national mais doit inclure la possibilité d'ordonner la libération du détenu si sa détention est déclarée incompatible avec les dispositions du Pacte, en particulier celles du paragraphe 1 de l'article 9. (15) Dans le cas d'espèce, l'auteur et son fils ont été gardés dans un centre de détention pour immigrés pendant presque deux ans sans justification spécifique à leur cas et sans aucune possibilité d'examen judiciaire quant au fond de la question de savoir si leur détention continuait d'être compatible avec le Pacte. En conséquence, les droits garantis à l'auteur et à son fils par les paragraphes 1 et 4 de l'article 9 ont été violés.
8. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des paragraphes 1 et 4 de l'article 9 du Pacte en ce qui concerne l'auteur et son fils.
9. Conformément au paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie est tenu de fournir aux auteurs un recours utile, sous la forme d'une indemnisation.
10. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif l'État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie est aussi invité à publier les constatations du Comité.
________________________________ [Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Franco Depasquale, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.
Le texte de deux opinions individuelles signées de Sir Nigel Rodley et de Mme Ruth Wedgwood, est joint à la présente décision.
(en partie dissidente)
(dissidente)
Le même argument pourrait être avancé pour contester toute peine statutaire dans les affaires pénales, puisque dans ce contexte aussi un tribunal est limité à l'évaluation des faits sans jouir du pouvoir discrétionnaire de modifier les conséquences qui en découlent.
Les paragraphes 1 et 4 de l'article 9 font peut-être référence à des normes allant au-delà du droit interne - en d'autres termes, un acte peut Ûtre arbitraire en vertu du Pacte mÛme s'il est compatible avec le droit national; or il n'existe dans le Pacte aucun principe exigeant que les tribunaux Útablissent les orientations de politique gÚnÚrale et les normes dans des domaines difficiles tels que l'immigration illÚgale. Et il est pour le moins ironique de trouver des excuses au requÚrant au titre du Protocole facultatif lorsqu'il faillit Ó son obligation d'Úpuiser les recours internes au stade de l'appel et de reprocher ensuite Ó l'╔tat partie l'absence de dÚcision judiciaire indÚpendante (a). C'est un fait que la demande d'autorisation de faire appel devant la Haute Cour australienne présentée par le requérant est en suspens puisque, depuis sa fuite, les autorités d'immigration australiennes n'ont plus aucun contact avec lui.(b)
En se prononçant sur la question de savoir si la détention de l'auteur était arbitraire, il convient de noter que l'Australie a examiné sa demande d'immigration avec une grande célérité. Il est arrivé en Australie sans aucun document de voyage et sans indiquer l'itinéraire qu'il avait emprunté et a déposé deux semaines plus tard une demande d'asile politique en invoquant une «crainte de persécution bien fondée». L'Australie a étudié sa demande et l'a rejetée en deux semaines (c'est-à-dire un mois après son arrivée dans le pays). Son recours devant le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a été tranché deux mois et quatre jours plus tard; le Ministre chargé des questions relatives à l'immigration a examiné et rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit autorisé à rester en Australie pour des motifs humanitaires. C'est parce que l'auteur a décidé de se prévaloir de trois autres moyens de recours judiciaire devant le Tribunal fédéral et la Haute Cour australienne que la décision finale dans l'affaire n'a été prise qu'après trois mois. Le Tribunal fédéral et sa chambre plénière se sont prononcés sur les recours introduits par l'auteur en l'espace d'une année. L'auteur a décidé de demander une autorisation spéciale de faire appel devant la Haute Cour australienne, mais l'audience, dont la date avait déjà été fixée, a été reportée sine die parce que l'auteur avait fait défaut.
L'auteur n'affirme nullement que le rejet par l'Australie de sa demande d'asile est en soi arbitraire et il ne conteste pas non plus le refus du Ministre de l'autoriser à rester dans le pays pour des raisons humanitaires. Il affirme plutôt que sa détention en tant que demandeur d'asile était arbitraire et déraisonnable, parce que dans son cas un maintien en liberté sous surveillance aurait suffi pour empêcher sa fuite, et qu'il aurait fallu qu'un tribunal examine l'affaire. Cette prétention peut sembler cavalière de la part d'une personne qui a fui par la suite. Quoi qu'il en soit, le législateur australien pouvait légitimement craindre que les immigrants illégaux dont les demandes d'asile sont rejetées par l'administration ou les tribunaux du premier degré ne se présentent pas par la suite dans l'éventualité d'une expulsion après l'épuisement de tous les recours. L'exercice d'une telle compétence par le Parlement n'exclut pas une certaine restriction en vertu du Pacte, de la durée de la période pendant laquelle les demandeurs d'asile déboutés peuvent être détenus lorsqu'il n'est pas possible de les renvoyer dans un autre pays. Il n'exclut pas non plus la possibilité d'imposer un délai raisonnable pour l'adoption de la décision en appel lorsque le requérant est détenu. Mais l'auteur de la communication ne fait nullement état de telles considérations.
Nous ne pouvons que souhaiter que le monde n'ait pas de frontières et que les conditions qui sont à l'origine des demandes d'asile légitimes disparaissent. Mais, nous devons aussi reconnaître, en particulier, à l'heure actuelle, que les États ont le droit de contrôler l'entrée sur leur territoire et sont habilités à utiliser des moyens législatifs raisonnables à cet effet.
a. Nous ne devons pas préjuger de ce que les tribunaux d'un État partie peuvent décider dans une affaire particulière. L'interprétation par un tribunal de l'intention du législateur peut être fondée sur les normes du Pacte et sur la déduction légitime selon laquelle le Parlement souhaitait que l'on respecte les obligations conventionnelles de l'État partie. Affaire Young c. Australie, communication no 941/2000, constatations adoptées le 6 août 2003 (opinion concordante de Mme R. Wedgwood).
b. La demande de libération discrétionnaire de l'auteur pourrait également être considérée sans objet du fait de sa fuite.
2. L'auteur mentionne les décisions du Comité dans les affaires ARJ c. Australie communication no 692/1996, constatations adoptées le 11 août 1997 et T. c. Australie, communication no 706/1996, constatations adoptées le 4 novembre 1997.
3. Situation des droits de l'homme en Iraq, rapport présenté par le Rapporteur spécial conformément à la résolution 1998/65 [E/CN.4/1999/37, 26 février 1999 (par. 82 et 83)] de la Commission des droits de l'homme; Word Report 2000 de Human Rights Watch disponible en ligne sur le site www.hrw.org/hrw/wr2k1/mideast/iraq.html#government et #kurdistan.
4. Communication no 560/1993, constatations adoptées le 3 avril 1997.
5. Les auteurs mentionnent l'affaire Arzuada Gilboa c. Uruguay, communication no 147/1983, constatations adoptées le 2 novembre 1985, dans laquelle le Comité a conclu à une violation du paragraphe 1 de l'article 10 à la suite d'une détention au secret pendant 15 jours de la personne concernée.
6. Les auteurs font observer que le Rapporteur spécial sur la question de la torture a noté que la mise au secret devrait «ne pas excéder sept jours» (E/CN.4/1986/15) et que le Rapporteur spécial sur les états d'exception avait demandé que le droit de «recours en habeas corpus ou tout autre recours rapide ou utile» devait être considéré comme étant non susceptible de suspension (cité dans Marks, S. «Civil Liberties at the Margin: the UK Derogation and the European Court of Human Rights» (1995), 15, Oxford Journal of Legal Studies 69, p. 82 et 83).
7. Les auteurs relèvent que la Troisième Commission de l'Assemblée générale a mentionné expressément l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (1957) lorsqu'elle a examiné le projet d'article 10 en 1958. Le Comité a considéré que ces règles étaient applicables dans le contexte de l'article 10 à la fois dans son Observation générale no 21 et lorsqu'il a examiné des rapports périodiques d'États parties conformément au Pacte.
8. Chu Kheng Lim c. Ministre de l'immigration et des affaires ethniques (1992) 176 CLR 1.
9. Op. cit.
10. C. c. Australie, communication no 900/1999, constatations adoptées le 28 octobre 2002.
11. Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances: «Those who've come across the seas: Detention of unauthorized arrivals» (Ceux qui ont traversé les mers: détention des immigrants clandestins) disponible en ligne sur le site www.hreoc.gov.au/pdf/human_rights/ asylum_seekers/h5_2_2.pdf; rapports du Département d'État des États-Unis sur les pratiques des pays en matière de droits de l'homme pour 2000 (février 2001) disponibles en ligne sur le site www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2000/eap/index.cfm?docid=673; rapport spécial de Human Rights Watch intitulé Refugees, Asylum Seekers and Internally Displaced Persons disponible en ligne sur le site www.hrw.org/wr2kl/special/refugees.2html; Amnesty International Rapport annuel 2000; et Steel, Z., Moilica, R. «Détention des demandeurs d'asile: atteinte à la santé, aux droits de l'homme et au développement social», The Lancet, vol. 357, 5 mai 2001, p. 1436.
12. Op. cit.
13. Op. cit.
14. A. c. Australie et C. c. Australie, op.cit. **
15. Ibid.