Présentée par: Manuela Sanlés Sanlés (représentée par un conseil,
M. José Luis Mazón Costa)
Au nom de: Ramón Sampedro Cameán
État partie: Espagne
Date de la communication: 28 mars 2001 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 30 mars 2004,
Adopte ce qui suit:
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication, en date du 28 mars 2001, est Manuela
Sanlés Sanlés, de nationalité espagnole, qui déclare que M. Ramón Sampedro
Cameán, dont elle est l'héritière légale, a été victime de violations
par l'Espagne du paragraphe 1 de l'article 2 ainsi que des articles 7,
9, 14, 17, 18 et 26 du Pacte. Elle est représentée par un conseil. Le
Protocole facultatif est entré en vigueur pour l'Espagne le 25 janvier
1985.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 23 août 1968, Ramón Sampedro Cameán, alors âgé de 25 ans, a
subi une fracture des cervicales lors d'un accident qui l'a laissé tétraplégique
à vie. Le 12 juillet 1995, il a engagé une action de juridiction gracieuse
devant le juge d'instance de Noia (La Corogne), revendiquant le droit
de mourir dans la dignité. Concrètement, il demandait que son médecin
soit autorisé à lui administrer les substances nécessaires pour mettre
fin à ses jours sans encourir de poursuite pénale. Le 9 octobre 1995,
le juge a rejeté sa requête, au motif que l'article 143 du Code pénal
qualifiait cet acte d'aide au suicide, délit sanctionné par une peine
de 2 à 10 ans d'emprisonnement.
2.2 Ramón Sampedro a interjeté appel devant l'Audiencia Provincial
de La Corogne, qui l'a débouté le 19 novembre 1996, entérinant la décision
du juge d'instance.
2.3 Le 16 décembre 1996, Ramón Sampedro a formé un recours en amparo
devant le Tribunal constitutionnel, en invoquant une violation des droits
à la dignité de la personne et au libre développement de sa personnalité,
à la vie et à l'intégrité physique et morale, ainsi qu'à un procès équitable.
Le recours a été déclaré recevable le 27 janvier 1997 et un délai de
20 jours a été accordé à M. Sampedro pour formuler ses prétentions à
compter du 10 mars 1997.
2.4 Le 12 janvier 1998 à l'aube, Ramón Sampedro s'est suicidé avec
l'aide d'une ou plusieurs personnes anonymes. Une procédure pénale a
été ouverte contre la personne ou les personnes qui l'avaient aidé à
mourir. L'affaire a toutefois fait l'objet d'un non-lieu parce qu'il
n'avait pas été possible d'établir les responsabilités.
2.5 L'auteur de la communication a été désignée comme héritière testamentaire
de Ramón Sampedro. Le 4 mai 1998, elle a adressé une requête au Tribunal
constitutionnel, réclamant le droit de poursuivre la procédure engagée
par la victime présumée. Elle a reformulé les conclusions du recours
en amparo, affirmant que l'Audiencia Provincial aurait dû reconnaître
le droit de M. Sampedro à ce que son médecin traitant soit autorisé
à lui procurer les médicaments nécessaires pour l'aider à mourir dignement.
2.6 Le 11 novembre 1998, le Tribunal constitutionnel a décidé de classer
l'affaire, refusant à la requérante le droit de poursuivre la procédure.
Entre autres arguments, il a précisé que, bien que le système juridique
espagnol reconnaisse le droit des héritiers à succéder à leurs proches
décédés dans les affaires de protection civile du droit à l'honneur,
à l'intimité personnelle et familiale et au respect de leur image, les
conditions concrètes réunies dans l'affaire concernant Ramón Sampedro
n'étaient pas suffisantes pour justifier la succession processuelle
de la requérante. En outre, les droits invoqués par cette dernière différaient
par nature du droit présumé de mourir dans la dignité, en raison de
son caractère éminemment personnel et non transmissible. La revendication
de ce droit était un acte de volonté qui concernait uniquement la victime,
dont la prétention était devenue caduque à compter de son décès. Le
Tribunal a fait observer que cette conclusion était renforcée par la
nature de l'amparo constitutionnel, établi pour remédier aux
violations concrètes et effectives des droits fondamentaux.
2.7 Le 20 avril 1999, l'auteur a saisi la Cour européenne des droits
de l'homme, pour violation des droits de Ramón Sampedro à une vie digne
et à une mort digne, à la non-ingérence de l'État dans l'exercice de
sa liberté personnelle et à l'égalité. La Cour européenne a déclaré
sa requête irrecevable ratione personae, considérant que l'héritière
de Ramón Sampedro n'avait pas qualité pour reprendre la procédure engagée
par ce dernier. En ce qui concerne le grief tiré de la durée excessive
de la procédure, la Cour européenne a conclu que, à supposer même que
la requérante puisse se prétendre victime, vu les circonstances de l'espèce,
la procédure n'avait pas duré suffisamment longtemps pour lui permettre
de conclure à une violation de la Convention. Elle a donc déclaré cette
partie de la requête manifestement mal fondée.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme qu'en qualifiant délit l'intervention d'un médecin
pour aider Ramón Sampedro à mourir, l'État partie a commis une violation
du droit d'être protégé contre toute immixtion arbitraire dans la vie
privée, énoncé à l'article 17 du Pacte. Elle fait valoir que, comme
il l'avait expliqué dans son livre, M. Sampedro ne demandait l'euthanasie
que pour lui-même et non pour les autres et que l'immixtion de l'État
dans sa décision n'est pas justifiée.
3.2 L'auteur affirme que «l'immixtion pénale» de l'État dans la décision
de Ramón Sampedro constitue une violation du droit de ne pas être soumis
à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, énoncé à l'article
7 du Pacte, puisque la tétraplégie dont il souffrait avait de très lourdes
répercussions sur sa vie quotidienne. Ne pouvant pas se mettre debout,
il avait besoin d'être aidé pour manger, s'habiller ou accomplir tous
ses besoins, y compris les plus intimes. L'immobilité à laquelle il
était réduit le condamnait à d'incessantes et insurmontables souffrances.
L'auteur fait valoir que, si en l'occurrence ses souffrances n'ont pas
été provoquées directement par l'intervention volontaire d'un agent
de l'État, le comportement des organes de l'État n'a pas été neutre
puisqu'il existait une règle pénale empêchant M. Sampedro d'obtenir
l'aide qui lui était indispensable pour réaliser son projet, mettre
fin à ses jours. Elle soutient que la situation créée par la législation
de l'État partie était une forme de mauvais traitement et contraignait
la victime à une vie dégradante.
3.3 L'auteur affirme qu'il y a eu violation de l'article 6 du Pacte
parce que cet instrument ne protège pas seulement la vie dans sa dimension
biologique, en toutes circonstances, mais aussi la vie dans toute sa
dignité, par opposition aux conditions humiliantes dans lesquelles M.
Sampedro a vécu pendant plus de 29 ans. Elle affirme que le droit à
la vie n'entraîne pas l'obligation de supporter des tourments sans fin
et que les souffrances endurées par Ramón Sampedro sont incompatibles
avec la notion même de dignité humaine.
3.4 L'auteur affirme qu'il y a eu violation du paragraphe 1 de l'article
18 du Pacte, faisant valoir que la décision de Ramón Sampedro était
le fruit de sa liberté de pensée et de conscience et du droit de manifester
ses convictions personnelles par des pratiques ou des faits. Elle ajoute
que M. Sampedro était «esclave d'une morale qu'il ne partageait
pas, imposée par le pouvoir de l'État, et contraint de souffrir en permanence».
3.5 L'auteur affirme qu'il y a violation de l'article 9 du Pacte, faisant
valoir que la liberté de l'individu ne peut faire l'objet de restrictions
que si celles-ci sont prévues par la loi et uniquement s'il s'agit là
de mesures nécessaires pour protéger la sécurité, l'ordre, la santé
ou la moralité publiques ou encore les droits et libertés fondamentaux
d'autrui. L'ingérence de l'État dans la décision de M. Sampedro ne répond
à aucune de ces conditions. Par ailleurs, le droit à la liberté doit
être conçu comme le droit de commettre tout acte qui ne porte pas atteinte
aux droits d'autrui. Or la victime présumée ne demandait l'euthanasie
que pour elle-même et non pour les autres, raison pour laquelle l'immixtion
de l'État ne peut être justifiée.
3.6 L'auteur dénonce une violation du droit à une égale protection
de la loi, énoncé au paragraphe 1 de l'article 2 et à l'article 26 du
Pacte. Selon elle, il est contradictoire que l'État respecte la décision
du suicide mais ne l'admette pas pour les personnes invalides. Toute
personne autosuffisante et mobile qui endure des souffrances extrêmes
a la possibilité de se suicider sans être poursuivie si elle échoue,
à la différence des personnes qui souffrent d'un handicap trop lourd
pour pouvoir agir elles-mêmes, comme c'était le cas de Ramón Sampedro
qui, réduit à une immobilité totale, aurait exposé toute personne acceptant
de l'aider à des poursuites pénales. Ceci constitue selon l'auteur une
discrimination devant la loi. Pour elle, l'État, en tant qu'incarnation
de la communauté, a l'obligation de faire preuve de compréhension et
d'agir humainement à l'égard des malades qui ne souhaitent plus vivre
et il ne doit pas punir ceux qui acceptent de les aider à exécuter leur
volonté de mourir s'il ne veut pas commettre une injustice en les traitant
différemment des personnes valides qui souhaiteraient mourir.
3.7 L'auteur affirme qu'il y a eu violation de l'article 14 du Pacte
parce que le Tribunal constitutionnel a refusé de reconnaître qu'elle
avait qualité pour poursuivre l'action engagée par M. Sampedro. Elle
réclame une indemnisation à l'État pour les violations du Pacte commises
à l'encontre de ce dernier de son vivant.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le
fond
4.1 Dans sa note du 2 janvier 2002, l'État partie soutient que la communication
est irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole
facultatif, étant donné que l'affaire sur laquelle porte la communication
soumise au Comité est exactement la même que celle pour laquelle l'auteur
avait saisi la Cour européenne des droits de l'homme. Il ajoute que
la décision d'irrecevabilité de la Cour européenne ne reposait pas sur
des considérations purement formelles, mais sur un véritable examen
au fond, puisque la Cour avait examiné la nature du droit revendiqué
par M. Sampedro de son vivant, à savoir le droit au suicide assisté
sans conséquences pénales.
4.2 D'après l'État partie, l'auteur de la communication demande que
le Comité revienne sur la décision au fond adoptée antérieurement par
une autre instance internationale et qu'il déclare que le droit de mourir
dans la dignité ou à l'aide au suicide sans conséquences pénales revendiqué
par M. Sampedro avant de disparaître volontairement n'est pas un droit
éminemment personnel et non transmissible, contrairement à la décision
de la Cour européenne des droits de l'homme. L'État partie précise que
le Tribunal constitutionnel n'a pas pu statuer sur l'affaire en raison
de la disparition volontaire de M. Sampedro, qui a entraîné l'extinction
de la procédure d'amparo.
4.3 L'État partie rappelle que l'héritière de Ramón Sampedro a expressément
déclaré que celui-ci était «mort dignement»; de plus, personne n'a été
ni n'est actuellement poursuivi ou mis en accusation pour l'avoir aidé
à se suicider et la procédure pénale a été classée. D'après l'État partie,
la plainte de l'auteur n'a pas de sens puisqu'il est impossible tant
juridiquement que scientifiquement de reconnaître à une personne décédée
le droit de mourir.
4.4 Dans ses observations, en date du 30 avril 2002, l'État partie
affirme que l'action engagée par l'auteur constitue une actio popularis
puisque l'auteur demande que soit reconnu le prétendu droit de mourir
dans la dignité non pour elle, mais pour une personne décédée. Il ajoute
que les prétentions de l'auteur dénaturent les droits reconnus dans
le Pacte. Il fait valoir que d'après l'arrêt rendu par la Cour européenne
dans l'affaire Pretty c. Royaume-Uni, (1) le droit
à la vie ne saurait, sans distorsion de langage, être interprété comme
conférant un droit diamétralement opposé, qui serait le droit de mourir,
que ce soit avec l'assistance d'un tiers ou d'une autorité publique.
Commentaires de l'auteur sur la recevabilité et sur le fond
5.1 Dans une lettre du 11 juillet 2002, l'auteur soutient que la Cour
européenne n'a pas examiné l'affaire au fond, mais a au contraire refusé
d'examiner la requête initiale concernant l'immixtion de l'État dans
la décision de Ramón Sampedro de mourir en paix parce qu'elle considérait
que l'action engagée par l'héritière et belle-sœur de M. Sampedro
constituait une actio popularis. Pour cette raison, la Cour a
refusé de l'autoriser à poursuivre l'action engagée par M. Sampedro,
considérant sa requête comme irrecevable ratione personae.
5.2 L'auteur considère que la Cour européenne n'a procédé à un examen
au fond que pour la plainte concernant la durée excessive de la procédure.
Pour ce qui est de ses autres allégations, elle fait observer que, selon
la jurisprudence du Comité, (2) une affaire déclarée irrecevable
par la Cour européenne pour des raisons de forme n'est pas une question
«examinée» aux fins du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif.
Elle ajoute que la Cour européenne n'a pas non plus examiné la plainte
concernant le droit à la liberté.
5.3 L'auteur déclare qu'elle n'a pas engagé une actio popularis
puisqu'elle succède à la victime, disparue sans obtenir de réparation
ni de réponse concernant le fond de l'affaire. Le Tribunal constitutionnel
a, selon elle, refusé par une décision arbitraire qu'elle poursuive
l'action engagée par Ramón Sampedro.
5.4 L'auteur soutient que le paragraphe 7 de l'article 9 du Code de
procédure civile permet à tout héritier de poursuivre une action engagée
par une personne avant de décéder, et ce sans exception, s'il présente
au Tribunal une pièce attestant de sa qualité de mandataire, comme elle-même
l'a fait. L'article 661 du Code civil dispose que «les héritiers succèdent
au défunt dans tous ses droits et obligations» du seul fait de sa mort.
5.5 L'article 4 de la loi organique no 1/1982 dispose clairement que
«L'exercice des actions en protection civile de l'honneur, de l'intimité
ou de l'image de la personne décédée appartient à celui qui a été désigné
à cet effet dans son testament» et, dans le cas de M. Sampedro,
il y a eu allégation d'une violation du droit à l'intimité, droit lié
à la vie privée.
5.6 L'auteur affirme que le Tribunal constitutionnel applique une jurisprudence
inégale en matière d'autorisation de poursuivre mortis causa
la procédure en qualité de plaideur, car, bien qu'ayant refusé à l'héritière
de Ramón Sampedro le droit de continuer la procédure, dans la décision
no 116/2001 du 21 mai 2001, la même chambre du Tribunal a accordé la
succession processuelle à l'héritier d'un requérant décédé pendant la
procédure de recours contre une mesure de suspension visant un militant
syndical. La chambre s'est prononcée dans ce sens malgré le caractère
«infiniment personnel» de la cause.
5.7 L'auteur signale que le Comité a admis la succession processuelle
de l'héritier du plaideur décédé pendant le déroulement du procès, y
compris pendant la phase antérieure à l'examen de la plainte par le
Comité.(3) À propos de la décision rendue dans l'affaire Pretty
c. Royaume-Uni, mentionnée par l'État partie, l'auteur indique
que Sampedro ne demandait pas à l'État de mesure positive mais lui demandait
de s'abstenir d'agir, de laisser faire, c'est-à-dire de ne pas intervenir
dans sa décision de mourir.
5.8 L'auteur affirme que Ramón Sampedro est mort sans avoir obtenu
que sa volonté de mourir dans la dignité soit reconnue comme un droit
de l'homme. Selon l'auteur, il s'agit d'un motif suffisant pour autoriser
son héritière à poursuivre la procédure. Elle ajoute qu'aucune indemnité
ne lui a été accordée pour les souffrances qu'il a vécues.
5.9 L'auteur fait allusion à un arrêt de la Cour constitutionnelle
de Colombie de 1997, en matière d'euthanasie, dans lequel la Cour a
déclaré que l'article 326 du Code pénal colombien, qui mentionne l'homicide
par compassion («homicidio piadoso») n'entraînait pas de
responsabilité pénale pour le médecin qui aidait à mourir des malades
en phase terminale, si le sujet ayant subi l'acte avait manifesté librement
sa volonté. La Cour a établi un lien entre l'interdiction de punir le
suicide assisté et le droit fondamental à une vie digne ainsi que la
protection de l'autonomie personnelle de l'individu. (4) L'auteur
affirme que le droit avance grâce à la recherche d'un ordre de justice
et de paix, et qu'aider celui qui souffre d'une maladie incurable et
douloureuse à mourir constitue une réaction normale de solidarité et
de compassion inhérente à l'être humain.
5.10 Elle affirme que l'État partie a indirectement imposé à Ramón
Sampedro l'obligation de subir la souffrance de l'immobilité. Elle affirme
qu'il ne faut pas accepter qu'un État de droit impose ce fardeau à une
personne invalide, en soumettant son existence à des convictions qui
ne sont pas les siennes. Selon l'auteur, l'intrusion de l'État dans
le droit à la mort de Ramón Sampedro est incompatible avec le Pacte
qui, dans son préambule, déclare que tous les droits qui sont reconnus
découlent de la dignité inhérente à la personne humaine.
5.11 En ce qui concerne l'allégation de violation du droit de ne pas
faire l'objet d'immixtions arbitraires prévu à l'article 17, l'auteur
affirme que, même dans le cas Pretty, la Cour européenne a reconnu que
«le veto pénal» de l'État contre la décision de mourir prise par une
personne invalide souffrant de maux incurables constituait une immixtion
dans la vie privée de cette personne. Même si la Cour européenne a ajouté
que cette immixtion était justifiée «par la protection des droits d'autrui»,
pour l'auteur, cet argument est dénué de sens car nul n'est lésé étant
donné que la famille elle-même veut aider celui qui prend la décision
de mourir.
5.12 Dans des courriers du 22 janvier et du 20 mars 2003, l'auteur
soutient que, contrairement à ce qu'a affirmé l'État partie, M. Sampedro
n'a pas pu mourir comme il le souhaitait, que sa mort n'a pas été paisible
ni douce ni indolore. Au contraire, elle a été pleine d'angoisse, car
il a dû recourir au cyanure de potassium.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable
en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Alors que l'État partie paraît affirmer que la communication est
irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole facultatif, parce
que l'auteur n'est pas une «victime» au sens de cette disposition, le
Comité observe que l'auteur affirme agir au nom de Ramón Sampedro Cameán
qui, selon elle, a été victime d'une violation du Pacte au motif que
les autorités de l'État ont refusé de l'autoriser à se faire assister
dans son suicide en n'accordant pas au médecin susceptible de l'aider
une protection contre toutes poursuites pénales. Le Comité considère
que la plainte présentée au nom de Ramón Sampedro Cameán est devenue
caduque avant même que la plainte de l'auteur ne lui soit soumise, par
suite de la décision prise par Ramón Sampedro Cameán de se suicider
le 12 janvier 1988 avec l'aide d'autres personnes, et de la décision
prise par les autorités de clore par un non-lieu les poursuites pénales
contre les personnes impliquées. Par conséquent, le Comité considère
qu'au moment où la communication concernant Ramón Sampedro Cameán a
été soumise, le 28 mars 2001, ce dernier ne pouvait être considéré comme
victime d'une violation quelconque des droits énoncés dans le Pacte,
au sens de l'article premier du Protocole facultatif. En conséquence,
ses allégations sont irrecevables en vertu de cette disposition.
6.3 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur, qui affirme que les
droits que lui reconnaît l'article 14 du Pacte ont été violés car on
lui a refusé le droit de continuer la procédure engagée par Ramón Sampedro
Cameán devant le Tribunal constitutionnel, le Comité considère que l'auteur,
qui n'était pas partie à la procédure originale d'amparo devant
le Tribunal constitutionnel, n'a pas suffisamment étayé, aux fins de
la recevabilité, son grief de violation du paragraphe 1 de l'article
14 du Pacte. En conséquence, cette partie de la communication est irrecevable
en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.4 À la lumière des considérations qui précèdent, le Comité n'a pas
à examiner l'argument de l'État partie concernant l'alinéa a
du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif ni l'éventuelle
applicabilité de la déclaration formulée par l'État partie au sujet
de cet article.
7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu des articles 1 et
2 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur
de la communication.
_______________________________
[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
du Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de
la présente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra
Natwarlal Bhagwati, M. Alfredo Castillero Hoyos, Mme Christine Chanet,
M. Franco Depasquale, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M.
Ahmed Tawfik Khalil, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin
Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski
et M. Maxwell Yalden.
Notes
1. Décision 2346/02 en date du 29 avril 2002.
2. Elle cite les communications no 808/1998, Georg Rogl c. Allemagne,
et no 716/1996, Dietmar Pauger c. Allemagne.
3. Voir communications no 164/1984, Croes c. Pays-Bas,
et no 774/1997, Brok c. République tchèque. L'auteur cite
aussi la jurisprudence du Comité contre la torture concernant la communication
no 14/1994, M'Barek Ben c. Tunisie.
4. Arrêt du 20 mai 1997. Recours en inconstitutionnalité formé par
José Euripides Parra Parra.