Comité des droits de l'homme
Soixante-dix-neuvième session
20 octobre - 7 novembre 2003
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques*
- Soixante-dix-neuvième session -
Communication No. 1090/2002
Présentée par: |
M. Tai Wairiki Rameka et consorts (représentés par un
conseil, M. Tony Ellis) |
Au nom de: |
Les auteurs |
État partie: |
Nouvelle-Zélande |
Date de la communication: |
9 mars 2002 (lettre initiale) |
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 6 novembre 2003,
Ayant achevé l'examen de la communication no 1090/2002, présentée
par M. Tai Wairiki Rameka et consorts en vertu du Protocole facultatif se
rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par les auteurs de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations ci-après:
Constatations adoptées en vertu du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. Les auteurs de la communication, qui est datée du 9 mars 2002, sont MM.
Tai Wairiki Rameka, Anthony James Harris et Tai Rangi Tarawa, tous ressortissants
néo-zélandais qui exécutent actuellement des peines d'emprisonnement à la
suite de condamnations pénales. Ils affirment être victimes de violations
par la Nouvelle-Zélande de l'article 7, des paragraphes 1 et 4 de l'article
9, des paragraphes 1 et 3 de l'article 10, et du paragraphe 2 de l'article
14 du Pacte. Ils sont représentés par un conseil.
Rappel des faits présentés par les auteurs
Cas de M. Rameka
2.1 Le 29 mars 1996, M. Rameka a été reconnu coupable par la Haute Cour
de Napier de deux viols, de cambriolage à main armée, d'agression en vue
de commettre un viol et d'attentat à la pudeur. Le rapport préalable au
prononcé de la sentence et le rapport psychiatrique présentés à la Cour
ont appelé l'attention, entre autres, sur les infractions sexuelles commises
dans le passé par l'auteur, sa propension à commettre de telles infractions,
son manque de remords et son recours à la violence, et la conclusion était
qu'il y avait une probabilité de 20 % qu'il commette d'autres infractions
sexuelles.
2.2 M. Rameka a été condamné à une peine d'internement préventif (internement
d'une durée indéterminée, la libération ne pouvant intervenir que sur décision
de la Commission des libérations conditionnelles), en vertu de l'article
75 de la loi sur la justice pénale de 1985, (1) pour le premier viol,
en même temps qu'à 14 ans de réclusion pour le deuxième viol, à deux années
d'emprisonnement pour le vol à main armée, et à deux années d'emprisonnement
pour l'agression commise dans l'intention de commettre un viol. La condamnation
pour attentat à la pudeur n'a pas été prise en compte parce que le juge
qui avait prononcé la sentence avait estimé que l'accusation correspondante
était comprise dans les autres chefs d'accusation. M. Rameka a fait appel
de la condamnation à l'internement préventif, au motif qu'elle était, selon
lui, manifestement excessive et non appropriée, ainsi que de la condamnation
à 14 ans de réclusion pour viol, jugeant cette peine manifestement excessive.
2.3 Le 18 juin 1997, la Cour d'appel a rejeté l'appel, statuant que le
juge qui avait prononcé la sentence était habilité à conclure, au vu des
éléments de preuve présentés, qu'il y avait un «risque important» que M.
Rameka commette de nouveaux actes de violence sexuelle s'il était libéré
et qu'il «continuerait de représenter dans l'avenir un grand danger» dont
il fallait protéger la collectivité. La Cour a fondé sa conclusion sur l'emploi
répété par M. Rameka d'un couteau et son recours à plusieurs reprises à
la violence dans la commission d'infractions sexuelles et à la longue période
durant laquelle il a séquestré sa victime pour commettre chacune de ces
infractions. Elle a également conclu que le juge n'avait en rien outrepassé
son pouvoir discrétionnaire en condamnant l'intéressé à 14 ans de réclusion
pour viol.
Cas de M. Harris
2.4 Le 12 mai 2000, M. Harris a été, après avoir plaidé coupable, convaincu
par la Haute Cour d'Auckland de 11 infractions sexuelles commises sur une
période de trois mois à l'encontre d'un garçon, qui venait d'atteindre l'âge
de 12 ans au cours de la période en question. Parmi ces infractions figuraient
deux agressions sexuelles (contact génital oral) et neuf attentats à la
pudeur ou incitations à des actes impudiques sur la personne d'un garçon
de moins de 12 ans. M. Harris avait été auparavant reconnu coupable sur
deux chefs, de relations sexuelles illégales avec un garçon de moins de
16 ans et d'avoir attenté à la pudeur d'un garçon de moins de 12 ans, la
victime étant dans chaque cas un enfant de 11 ans. Il a été condamné à six
ans d'emprisonnement sur les deux chefs de relations sexuelles illégales
en même temps qu'à quatre ans d'emprisonnement sur les autres chefs.
2.5 Le Conseiller juridique de la Couronne a demandé l'autorisation de
faire appel au motif que la Cour aurait dû imposer l'internement préventif
ou au moins une condamnation pour une plus longue période de durée déterminée.
Le 27 juin 2000, la Cour d'appel a fait droit à la requête du Conseiller
juridique de la Couronne, remplaçant la peine imposée par la Haute Cour
par une mesure d'internement préventif pour chaque chef. La Cour a tenu
compte de la mise en garde contre de graves conséquences lancée par le tribunal
qui avait condamné l'auteur pour ses précédentes infractions, du refus de
ce dernier de s'amender comme en témoignait le fait qu'il avait continué
à avoir en prison un comportement de délinquant sexuel, du fait qu'il avait
trahi la confiance d'un enfant en commettant ses infractions, du refus de
tenir compte des avertissements de la police, qui lui avait enjoint de s'abstenir
de tout contact illicite avec la victime, ainsi que du volumineux rapport
psychiatrique, qui qualifiait l'auteur de pédophile homosexuel attiré par
des garçons prépubères, et des risques analysés dans ledit rapport. Tout
en notant qu'une peine de durée déterminée d'«au moins» sept ans et demi
se justifiait, la Cour a cependant conclu qu'en l'espèce aucune peine de
durée déterminée ne permettrait de protéger convenablement le public, et
que l'internement préventif assorti d'un contrôle continu après la libération
et d'une possibilité de réincarcération immédiate en cas de récidive constituaient
les mesures appropriées.
Cas de M. Tarawa
2.6 Le 2 juillet 1999, M. Tarawa a été déclaré coupable d'une atteinte
sexuelle sous la forme d'un viol, de deux atteintes sexuelles sous la forme
de relations sexuelles illégales, d'attentat à la pudeur, de cambriolage,
de deux cambriolages à main armée, de deux rapts (complicité après les faits),
de trois cambriolages à main armée, de tentative d'extorsion sous la menace
et d'entrée par effraction dans un bâtiment. Auparavant, il avait commis
de multiples infractions lors de trois incidents, durant lesquels il était
entré par effraction dans des habitations et s'était livré à des actes de
violence à motivation sexuelle, y compris deux viols. Par la suite, il s'était
rendu coupable d'un autre cambriolage et d'autres voies de fait. Le juge
qui a prononcé la sentence a conclu à l'existence d'un comportement criminel
caractérisé se traduisant par des actes planifiés et exécutés avec professionnalisme,
aggravé par le fait que certaines infractions avaient été commises alors
qu'il était en liberté sous caution. Après avoir pris en considération la
nature des infractions, leur gravité et leur durée dans le temps, les caractéristiques
des victimes, les résultats des efforts de réadaptation passés, la période
qui s'était écoulée depuis la dernière infraction, les mesures prises pour
éviter de nouvelles infractions, le refus de l'auteur d'assumer la moindre
responsabilité, le rapport préalable au prononcé de la sentence, le rapport
psychologique et l'évaluation psychiatrique, qui concluait à l'existence
d'un risque important de récidive, en plus d'autres facteurs de risque,
le juge a condamné M. Tarawa à l'internement préventif sur les trois chefs
d'agression sexuelle et l'a encouragé à tirer parti des services de conseil
et de réadaptation disponibles en prison. Dans le même temps, M. Tarawa
a été condamné à quatre ans d'emprisonnement sur le chef de cambriolage
à main armée, à six ans d'emprisonnement pour le chef de rapt, à trois ans
d'emprisonnement pour la tentative d'extorsion sous la menace, à trois ans
d'emprisonnement pour vol à main armée et cambriolage à main armée, à 18
mois d'emprisonnement pour cambriolage et complicité après les faits, à
six ans d'emprisonnement pour un autre rapt, à cinq ans d'emprisonnement
pour un autre vol à main armée, à six mois d'emprisonnement pour attentat
à la pudeur et à neuf mois d'emprisonnement pour entrée par effraction.
2.7 Le 20 juillet 2000, la Cour d'appel, examinant un recours contre cette
décision sur la base des observations écrites de l'auteur, a estimé, après
avoir passé en revue les circonstances de chaque groupe d'infractions et
tenu compte de tous les éléments du passé du requérant, de l'échec des efforts
de réadaptation dont il avait fait l'objet, ainsi que du rapport préalable
à la sentence et des rapports psychiatrique et psychologique, que la conclusion
à l'existence d'un risque majeur nécessitant la protection du public était
légitime, dès lors que le juge qui avait prononcé la sentence avait écarté,
après les avoir convenablement évaluées, les possibilités de condamnation
à des peines de durée déterminée.
2.8 Le 19 septembre 2001, la section judiciaire du Conseil privé a rejeté
les demandes d'autorisation spéciale de faire recours présentées par les
trois auteurs.
Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs se plaignent, tout d'abord, du fait que la décision prise
dans l'affaire de référence R. c. Leitch, (2) dans
laquelle la Cour d'appel plénière a établi les principes applicables en
matière d'internement préventif, était, selon eux, abusive. Ils font valoir
que cette décision n'offre aucun repère utile sur la façon dont les tribunaux
doivent déterminer l'existence d'un «risque majeur» d'infraction future.
Selon eux, l'existence de cet élément doit être établie selon les règles
de la preuve utilisées en matière pénale, c'est-à-dire d'une manière quasi
certaine, comme le font les tribunaux canadiens dans des cas pareils. Ils
affirment en outre que les éléments exposés au paragraphe 2 de l'article
75 de la loi sur la justice pénale sont trop vagues et arbitraires. (3)
Ils estiment aussi que la décision dans l'affaire Leitch procède
d'une analyse erronée de ce qui est «opportun pour la protection du public»
et contredit à tort la jurisprudence antérieure «de dernier ressort». Ils
font valoir que la Cour n'a pas étudié les arguments avancés dans ladite
affaire selon lesquels l'internement préventif était incompatible avec le
Pacte.
3.2 Deuxièmement, les auteurs affirment qu'il était arbitraire d'imposer
une peine discrétionnaire sur la base d'éléments de preuve attestant l'existence
d'un danger futur, dès lors qu'une telle conclusion ne pouvait satisfaire
en l'espèce aux critères juridiques de «risque majeur de récidive» ou d'«opportunité
pour la protection du public». Ils se réfèrent à plusieurs spécialistes
qui appellent l'attention sur les difficultés qu'il y a à prévoir un comportement
criminel futur en s'appuyant sur des catégories et des tendances statistiques.
(4) Quoi qu'il en soit, ils affirment que, d'après les faits, pour
aucun d'eux les critères juridiques permettant de conclure à l'existence
d'un «risque majeur» ou qu'un internement préventif est «opportun pour la
protection du public» ne sont remplis.
3.3 Troisièmement, les auteurs affirment qu'ils ont été condamnés sans
que le tribunal, qui a prononcé la sentence ou qui a examiné leur appel,
ne tienne compte des questions relatives i) à la détention arbitraire
[par. 1 et 3 de l'article 10 du Pacte, art. 9, et par. 5 de l'article 23
de la loi de 1990 sur la Déclaration des droits, la Magna Carta et/ou la
Déclaration des droits de 1689 (Imp.)]; ii) à la présomption d'innocence
(art. 9 et/ou par. 2 de l'article 14 du Pacte tels qu'interprétés par le
Comité); iii) à l'examen périodique (absence présumée de mesures
de contrôle suffisantes) d'une condamnation à une peine de durée indéterminée
(par. 4 de l'article 9 du Pacte); et iv) aux châtiments cruels, inhabituels,
inhumains ou dégradants (art. 7 du Pacte ou Déclaration des droits de
1689).
3.4 Pour ce qui est de la question de la détention arbitraire, les auteurs
déclarent qu'il n'y a pas suffisamment d'examens périodiques de leur future
«dangerosité» et qu'ils sont en fait condamnés pour ce qu'ils pourraient
faire lorsqu'ils seraient libérés plutôt que pour ce qu'ils ont fait. Ils
se réfèrent à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme
(5) et à des écrits spécialisés (6) à l'appui de l'affirmation
selon laquelle un détenu a le droit à ce que la prorogation ou la poursuite
d'une détention qui lui est imposée à des fins de prévention ou de protection
soit examinée par un organe judiciaire indépendant. Les auteurs notent que,
selon le mécanisme mis en place par l'État partie, il n'y a aucune possibilité
de libération avant 10 ans, période au terme de laquelle la Commission des
libérations conditionnelles pourra examiner le dossier. Du point de vue
de la présomption d'innocence, les auteurs font valoir que l'internement
préventif doit être considéré comme un châtiment pour des crimes qui n'ont
pas été et qui ne seront peut-être jamais commis, et qu'il constitue donc
une violation du paragraphe 2 de l'article 14.
3.5 Pour ce qui est des deux questions susmentionnées, les auteurs se réfèrent
aussi aux préoccupations exprimées par le Comité lors de l'examen du troisième
rapport périodique de l'État partie au sujet de la compatibilité du mécanisme
d'internement préventif avec les articles 9 et 14 du Pacte. (7)
3.6 S'agissant des questions soulevées au titre des articles 7 et 10, les
auteurs font valoir que, ne pouvant prétendre à la libération conditionnelle
qu'après 10 ans d'internement, le traitement qui peut être dispensé aux
délinquants sexuels pour réduire le risque et le danger qu'ils représentent
pour la collectivité ne sera disponible pour eux que peu de temps avant
la fin de cette période. Il semble aussi qu'ils contestent, en général,
la condamnation à 10 ans d'internement sans possibilité de demander une
libération conditionnelle. Ce type de peine est selon eux contraire aux
dispositions du paragraphe 1 de l'article 10 qui exigent que les personnes
ainsi condamnées soient traitées avec humanité et dignité, ne répond pas
aux impératifs de réadaptation et de réinsertion sociale consacrés par le
paragraphe 3 de l'article 10, et constitue un châtiment cruel, inhabituel,
dégradant et excessivement sévère contraire à l'article 7.
3.7 Les auteurs formulent également plusieurs plaintes se rapportant à
leur propre cas. M. Rameka estime que la Cour n'aurait pas dû admettre qu'une
possibilité de récidive évaluée à 20 % constitue un risque majeur au sens
de la législation et qu'imposer une peine d'une durée déterminée en même
temps qu'une peine d'une durée indéterminée est abusif en soi. Dans le cas
de M. Tarawa, il est affirmé que les autorités ont eu tort de lui refuser
l'aide juridictionnelle pour son appel (ce qui l'a obligé à établir lui-même
les documents nécessaires à cet effet). Enfin, M. Harris affirme que la
peine à laquelle il a été condamné était manifestement excessive et que
la Cour d'appel a estimé à tort que la possibilité de récidive, c'est-à-dire
la possibilité qu'un délinquant qui a été libéré avant d'avoir exécuté la
totalité de sa peine mais qui commet une nouvelle infraction soit réincarcéré
pour purger le reste de ladite peine, constituait un argument pertinent
en faveur de sa condamnation à l'internement préventif.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1 Dans ses observations du 19 février 2003, l'État partie conteste la
recevabilité et le fond de la communication. Décrivant tout d'abord les
caractéristiques générales du mécanisme d'internement préventif, il note
qu'une telle mesure n'est imposée qu'aux personnes âgées d'au moins 21 ans
qui ont été condamnées à la suite d'un procès où tous les droits à une procédure
équitable et à un appel ont été respectés, pour certaines infractions spécifiées.
(8) La peine est imposée à ceux qui ont commis dans le passé
des infractions graves chaque fois qu'elle est jugée appropriée et proportionnelle
à la nature de l'infraction. Elle est déterminée en tenant compte du passé
de l'auteur de l'infraction et d'autres informations le concernant, y compris
le risque de récidive.
4.2 La peine en question peut être imposée dans deux cas: premièrement,
lorsqu'une personne a fait l'objet par le passé de condamnations similaires
pour des infractions spécifiées (principalement sexuelles) graves, et a
récidivé. Cette mesure existe depuis une centaine d'années et est généralement
imposée après un dernier avertissement adressé à l'auteur de l'infraction
par un juge qui l'a déjà condamné auparavant à une peine d'emprisonnement
d'une durée déterminée. Deuxièmement, en application d'un amendement adopté
en 1993, une personne peut être condamnée à l'internement préventif pour
une agression sexuelle, indépendamment de ses antécédents criminels. Dans
ce cas, l'intéressé bénéficie cependant de garanties additionnelles: le
tribunal doit obtenir un rapport psychiatrique et être convaincu qu'il y
a un risque majeur de récidive après la libération.
4.3 Les garanties sont appliquées à la fois au stade de la condamnation
et à celui de l'exécution de la peine. Le seul tribunal capable d'imposer
une telle peine est la plus haute juridiction du premier degré, la Haute
Cour. L'intéressé a le droit de déposer un recours devant la Cour d'appel
et ce moyen de droit est exercé par la plupart des personnes condamnées
à l'internement préventif. La peine n'est encourue que pour certaines infractions
bien déterminées. Des rapports psychiatriques sont, dans la pratique, toujours
demandés. Les tribunaux examinent la question de savoir si une condamnation
à une peine d'une durée déterminée peut répondre au besoin de protection.
Si la Haute Cour impose, après avoir examiné tous les faits de la cause,
l'internement préventif, la Cour d'appel peut y substituer une peine de
durée déterminée (comme ce fut le cas par exemple dans l'affaire R.
c. Leitch). Selon les critères établis dans cette affaire, le tribunal
qui prononce la sentence doit examiner: la nature des infractions, leur
gravité et leur durée, les caractéristiques des victimes et les effets de
l'infraction sur elles, la réaction de l'auteur aux efforts de réadaptation,
la période écoulée depuis les dernières infractions et les mesures prises
pour éviter toute récidive, l'acceptation de la responsabilité et l'existence
de remords, la propension à commettre des infractions (compte tenu de l'évaluation
des risques par des spécialistes) et les chances de réussite du traitement
disponible. Même si les critères légaux sont remplis, la peine reste discrétionnaire
plutôt qu'obligatoire.
4.4 Au stade de l'exécution de la peine, il y a en général une période
minimum de 10 ans durant laquelle l'intéressé ne peut prétendre à la libération
conditionnelle, étant entendu qu'une commission indépendante des libérations
conditionnelles a le pouvoir discrétionnaire d'examiner le dossier avant
la fin de ce délai (art. 97 (5)). Par la suite, des examens obligatoires
de la détention sont effectués au moins une fois par an par ladite Commission,
qui a le pouvoir discrétionnaire de libérer le prisonnier (art. 97 (2)).
L'examen de la détention peut même avoir lieu plus fréquemment si la Commission
le souhaite ou si le prisonnier le demande et obtient l'accord de la Commission
(art. 97 (3)). Les décisions de la Commission peuvent elles-mêmes être revues
par la Haute Cour.
4.5 L'État partie note que l'internement préventif n'est en aucun cas spécifique
à la Nouvelle-Zélande et que, même si aucune communication sur la question
n'a été adressée au Comité, la Cour européenne des droits de l'homme a examiné
plusieurs affaires dans ce domaine. Dans l'affaire V. c. Royaume-Uni,
(9) la Cour a statué que la condamnation à la «détention selon le
bon vouloir de Sa Majesté» n'est ni arbitraire, ni inhumaine, ni dégradante.
L'État partie concerné avait souligné qu'une telle formule permettait d'examiner
les circonstances particulières d'un délinquant et de ne le libérer qu'après
s'être assuré que sa remise en liberté ne représente pas de danger pour
le public. De même, dans l'affaire T. c. Royaume-Uni, (10)
la Cour, rappelant l'obligation qu'avaient les États de prendre des
mesures pour protéger le public face à des actes criminels violents, a estimé
que la Convention n'interdisait pas aux États d'imposer à une personne une
peine d'une durée indéterminée, lorsqu'ils considèrent une telle mesure
comme nécessaire pour la protection du public.
4.6 L'État partie affirme qu'il a le pouvoir discrétionnaire de recourir
à des peines comme l'internement préventif en tenant dûment compte de la
nécessité de faire en sorte que de telles peines soient parcimonieusement
appliquées et minutieusement surveillées et de mettre en place les mécanismes
d'examen requis pour s'assurer que le maintien en détention est justifié
et nécessaire. La Cour européenne reconnaît qu'une fois que le but de la
détention n'est plus la répression, mais l'internement préventif, la détention
peut devenir illégale si des systèmes adéquats pour surveiller la prorogation
de la mesure ne sont pas en place. Un examen périodique de la détention
par un organe dûment habilité à déterminer si la mesure reste valide doit
être mis en place. L'État partie affirme que sa Commission des libérations
conditionnelles a toutes ces caractéristiques: elle est indépendante, elle
est présidée par un ancien juge de la Haute Cour, elle suit une procédure
établie et est dotée des pleins pouvoirs pour libérer les prisonniers. Elle
examine chaque cas au moins une fois par an après l'expiration du délai
de 10 ans, et même plus tôt et plus souvent. En outre, l'habeas corpus
reste garanti.
4.7 Tout en considérant le dispositif en vertu duquel les auteurs ont été
condamnés comme tout à fait conforme au Pacte, l'État partie note qu'il
a été depuis lors modifié pour ramener de 10 à 5 ans la période d'internement
non sujette à révision, et le tribunal qui fixe la durée de cette période
doit le faire individuellement pour chaque condamné.
4.8 Pour ce qui est de la recevabilité, l'État partie estime, en ce qui
concerne la partie de la communication relative à la période durant laquelle
l'internement ne peut faire l'objet d'une révision, que les auteurs ne sont
pas des victimes au sens du Protocole facultatif. En outre, un des auteurs
n'a pas épuisé tous les recours internes. Les auteurs exécutent actuellement
leur peine mais ils ne sont pas encore arrivés au terme de la période qu'ils
auraient dû purger s'ils avaient été condamnés à une peine d'une durée déterminée.
(11) Au contraire, ils ne font actuellement que purger la partie
dissuasive ordinaire de leur peine, et l'internement préventif n'a pas encore
commencé. Pour MM. Rameka et Tarawa, toute peine d'une durée déterminée
aurait duré au moins autant que la période de 10 ans non susceptible de
révision (à la fin de laquelle l'examen annuel obligatoire aurait commencé).
N'ayant pas purgé la période minimum prévue pour leur infraction, ils ne
sont pas encore des «victimes» en ce qui concerne les plainte relatives
à l'internement préventif.
4.9 Pour ce qui est de M. Harris, l'État partie fait observer que, même
s'il n'a été condamné qu'à une peine de durée déterminée de moins de 10
ans, il est encore loin d'être arrivé au stade où la mesure d'internement
préventif doit prendre effet. Qui plus est, lorsque ce stade aura été atteint,
la Commission des libérations conditionnelles pourra examiner son dossier,
et un éventuel refus de le faire (qui ferait alors de M. Harris une «victime»
d'une mesure d'internement préventif) pourra être examiné par les tribunaux.
En conséquence, aucun des auteurs n'est à l'heure actuelle victime d'un
«préjudice réel», au sens du Protocole facultatif, résultant d'un des différents
aspects du dispositif d'internement préventif qui est l'objet de la plainte.
L'État partie invoque la jurisprudence du Comité dans l'affaire A.R.S.
c. Canada, (12) dans laquelle ce dernier a jugé irrecevable,
sur cette base, la plainte de l'auteur concernant un système de contrôle
obligatoire qui ne lui était pas encore applicable.
4.10 En ce qui concerne M. Tarawa, l'État partie fait observer que les
recours internes n'ont pas été épuisés. Le 10 décembre 2001, la loi de 2001
portant modification de la loi sur les infractions pénales (recours pénaux)
est entrée en vigueur, donnant à l'auteur le droit de demander un réexamen
complet de sa condamnation. Bien qu'une autorisation doive être obtenue,
la Cour d'appel a clairement indiqué que les requêtes qui seraient présentées
par des personnes telles que M. Tarawa seraient automatiquement acceptées.
(13) La situation actuelle pour M. Tarawa est que, s'il le souhaite,
il pourra de nouveau faire appel de sa condamnation; toutefois, il n'a pas
encore présenté de requête. Sa plainte est donc irrecevable en vertu du
paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
4.11 Pour ce qui est du fond de la communication, l'État partie fait valoir
que toutes les allégations formulées par les auteurs sont infondées. S'agissant
de la plainte au titre de l'article 9, il affirme que le maintien en détention
est justifié parce que la condamnation a été imposée pour punir des infractions
pénales prouvées et parce que, à mesure que l'aspect préventif devient plus
marqué, des mécanismes de révision appropriés (dont une description a été
donnée plus haut) deviennent disponibles. Il s'agit toutefois d'abord et
avant tout d'une peine du même ordre que la réclusion à perpétuité lorsqu'elle
est imposée d'une manière discrétionnaire.
4.12 L'État partie fait observer que de nombreux spécialistes reconnaissent
l'existence de facteurs et de caractéristiques qui rendent plus probable
la commission de nouvelles infractions par une personne; il est par exemple
généralement admis qu'il y a une nette tendance à récidiver chez les pédophiles
qui ont déjà commis des infractions à l'égard d'enfants. Il existe de nombreux
modèles actuariels d'aide à la prévention des risques qui confèrent des
valeurs croissantes à une douzaine de facteurs types significatifs tels
que les antécédents criminels, l'état mental sous-jacent, les résultats
des efforts de réadaptation antérieurs, etc. La question clef est celle
de savoir où fixer le seuil d'inclusion. Plusieurs de ces modèles, auxquels
la Nouvelle-Zélande a contribué, sont actuellement en usage à travers le
monde. Il est généralement reconnu qu'une prévision des risques fondée sur
un ensemble de modèles actuariels et d'examens cliniques produit les meilleurs
résultats. En conséquence, l'État partie affirme qu'il n'y a dans les écrits
spécialisés aucun élément à l'appui de l'opinion selon laquelle la prévision
des risques de récidive dans un nombre limité d'infractions est trop arbitraire
pour justifier l'incorporation dans la peine imposée d'un élément de prévention.
4.13 Pour ce qui est des allégations selon lesquelles les tribunaux n'auraient
pas pris en considération les normes et la jurisprudence internationales,
l'État partie affirme que si les recours pour incompatibilité avec le Pacte
ne sont pas justifiés, les tribunaux ne peuvent être critiqués pour ne pas
avoir tenu compte d'incompatibilités présumées. Leur tâche est d'interpréter
et d'appliquer le droit, en se référant aux obligations internationales
lorsqu'ils font face à un manque de clarté ou à des ambiguïtés. Dans l'affaire
Leitch, les auteurs ont critiqué le tribunal pour ne pas avoir tenu
compte de ces questions mais, comme le recours intenté a abouti et que la
condamnation à une mesure d'internement préventif a été abandonnée, il n'a
pas été nécessaire d'aborder des questions de droit international de portée
plus générale. Après la présentation de la communication à l'examen, le
conseil des auteurs a adressé des arguments similaires à la Cour d'appel
dans le cadre de l'affaire R. c. Dittmer. (14) La Cour
a noté que le tribunal qui avait examiné l'affaire Leitch, sous l'angle
des obligations de l'État partie, s'était prononcé en faveur des observations
de la Couronne sur les questions relatives au Pacte et avait souligné que
le rapport entre le nouveau régime et le Pacte avait été examiné au sein
de la Commission parlementaire de la justice et des questions électorales
et que cette dernière n'avait relevé aucune incompatibilité.
4.14 En réponse aux critiques formulées par les auteurs au sujet de la
décision de la Cour d'appel dans l'affaire Leitch, l'État partie
se réfère à la jurisprudence du Comité selon laquelle les questions de droit
interne et l'application du droit à des faits particuliers sont du ressort
des tribunaux locaux. (15) Il souligne que les questions en cause,
comme par exemple celle de la «dangerosité», portent sur les faits, lesquels
relèvent de dispositions particulières du droit interne. Ces questions ont
été pleinement prises en compte à tous les niveaux du système judiciaire
local. Pour ce qui est de l'interprétation de la Cour selon laquelle des
expressions comme celle de «preuve quasi certaine» ne permettent pas de
préciser le sens du mot «opportunité», l'État partie souligne que ce terme
a toujours été interprété de cette manière. Les auteurs semblant suggérer
que le Pacte impose le critère de la «quasi-certitude» en tant que norme,
l'État partie souligne que cela s'applique à l'infraction pour laquelle
la culpabilité a été établie d'une manière quasi certaine. En revanche,
ce concept n'est pas de mise pour ce qui est du choix de la peine appropriée
qui a toujours été considéré comme nécessitant un effort d'évaluation et
dans lequel le juge exerce un pouvoir discrétionnaire.
4.15 S'agissant des objections des auteurs à l'interprétation par la Cour
du concept d'«opportunité», l'État partie note qu'ils semblent faire valoir
que le seuil fixé n'est pas suffisamment élevé. Selon lui, il s'agit dans
une large mesure d'une objection à l'application d'un critère aux faits
en cause; or le juge qui a prononcé la sentence était habilité à conclure
qu'elle était opportune dans chacun des cas, et les tribunaux supérieurs
étaient en droit de confirmer cette décision. La conception de la Cour d'appel
- selon laquelle le mot ½opportun╗ Útait pris, du point de
vue de la lÚgislation, dans son acception ordinaire - Útait orthodoxe
et son ÚnumÚration de l'ensemble des facteurs qu'un tribunal devait prendre
en considÚration avant d'imposer une mesure d'internement prÚventif (16)
était appropriée.
4.16 S'agissant du droit à la présomption d'innocence, l'État partie affirme
qu'il n'y a pas eu de violation dès lors que les auteurs n'ont été inculpés
d'aucune autre infraction pénale. Il n'y a aucune nouvelle accusation ou
allégation pour laquelle la présomption d'innocence doit être respectée.
Les auteurs ont été condamnés à l'internement préventif après avoir été
reconnus coupables d'une infraction spécifiée, dans le cadre d'un procès
au cours duquel la présomption d'innocence avait été pleinement respectée
et qui avait satisfait à de nombreuses autres exigences. De ce fait, la
question qui se pose n'est pas celle de savoir si la loi peut autoriser
le juge qui prononce la sentence à tenir compte de la nécessité de protéger
la société face à une personne qui a commis des infractions par le passé
(l'État partie estime qu'elle le peut), mais plutôt si les mécanismes de
révision en place remplissent les conditions requises pour assurer une évaluation
appropriée de la nécessité de maintenir une personne en détention après
qu'elle a purgé la peine minimale prévue.
4.17 Pour ce qui est de la violation présumée des paragraphes 1 et 3 de
l'article 10 du fait que les cours de réadaptation interviennent à un stade
tardif, l'État partie fait observer que ce qui est allégué en l'espèce est
bien en deçà de ce que le Comité considère généralement comme une violation
des dispositions susmentionnées. (17) Il souligne qu'en prison les
prisonniers disposent d'un vaste éventail de cours qui visent tous à améliorer
leurs qualifications et leurs connaissances pour faciliter leur réinsertion
et réduire ainsi le risque de récidive. Certains de ces cours sont spécialement
conçus pour les délinquants sexuels et visent à aider un prisonnier à apprendre
comment se conduire au sein d'une collectivité, à éviter les situations
à risque et à minimiser ainsi les possibilités de récidive. La règle est
que le prisonnier suive ces cours quand sa libération est proche car l'objectif
est de le préparer à la vie en société. C'est à ce stade de la détention
que de tels cours sont les plus efficaces. Il ne s'agit pas en l'occurrence
de l'accès à des services et à un traitement psychiatrique et psychologique
ou aux autres cours de caractère général qui sont disponibles tout au long
de la période pendant laquelle le prisonnier exécute sa peine. L'État partie
doute que les auteurs aient démontré qu'ils étaient personnellement victimes
d'une carence dans ce domaine puisqu'ils n'ont pas indiqué quels cours et/ou
traitements ils ont eus ou quelles ont été les insuffisances dans leur cas.
M. Rameka
4.18 Abordant les différents cas, l'État partie note qu'en ce qui concerne
M. Rameka, les nombreuses accusations graves dont il a fait l'objet sont
toutes liées à un incident. Il connaissait l'endroit où vivait la victime,
a décidé de la violer, est entré par effraction chez elle en portant un
masque, a pris un couteau sur place et a soumis sa victime à quatre heures
de calvaire, la violant à deux reprises et commettant à son encontre d'autres
infractions. En tant que personne reconnue coupable d'agression sexuelle,
M. Rameka pouvait être soumis à un internement préventif à condition qu'une
évaluation psychiatrique soit obtenue et que le juge qui prononce la sentence
soit convaincu de l'existence d'un risque important qu'il commette après
sa libération une des infractions spécifiées et que l'internement préventif
est de surcroît opportun pour assurer la protection du public. Même lorsqu'il
acquiert cette conviction, le juge garde le pouvoir discrétionnaire d'imposer
ou non un internement préventif. L'évaluation psychiatrique a, contrairement
à ce qui se fait d'habitude, quantifié le risque d'une manière précise («20
%») au lieu de se limiter, comme c'est souvent le cas, à le qualifier, en
termes généraux, d'«élevé» ou de «très élevé». L'État partie souligne que
la question de l'existence d'un risque élevé n'a pas été tranchée simplement
sur la base de ce chiffre. En effet, c'est seulement après avoir analysé
le rapport, les arguments qu'il contient et les facteurs sous-jacents ainsi
que les circonstances des infractions passées et actuelles de M. Rameka
que le juge a estimé qu'un internement préventif était justifié. La Cour
d'appel a confirmé cette conclusion, notant, entre autres, les différents
indices figurant dans le rapport psychiatrique, les similarités avec des
infractions commises dans le passé durant lesquelles un couteau avait été
utilisé et la victime avait été longuement séquestrée, et les facteurs inquiétants
qui avaient caractérisé la dernière infraction.
4.19 Pour ce qui est de la condamnation de l'auteur à une peine d'une durée
déterminée (14 ans de réclusion) pour le deuxième viol, qui a été imposée
en même temps qu'un internement préventif, l'État partie estime qu'on peut
difficilement trouver à objecter à cet aspect de la question. Il est important
de distinguer entre les différentes infractions commises, surtout pour la
collectivité et sur le plan de l'exemple, même si les peines sont confondues.
En outre, le prononcé de plusieurs peines d'une durée déterminée peut aider
la Commission des libérations conditionnelles à évaluer la gravité des autres
infractions commises en même temps que l'infraction principale.
4.20 Pour ce qui est de la durée de la peine non susceptible de révision,
l'État partie souligne que, comme suite à la condamnation de M. Rameka à
14 ans d'emprisonnement pour le deuxième viol, selon la législation locale
il devrait purger au total une peine de neuf ans et quatre mois d'emprisonnement
pour cette seule infraction. Si on ajoute à cela les peines imposées pour
les autres infractions, il ne fait aucun doute qu'une condamnation à une
peine d'une durée déterminée l'obligeant à exécuter au moins 10 ans d'emprisonnement
aurait été inévitable. En conséquence, l'auteur aurait eu à purger la période
non susceptible de révision de 10 ans prévue au titre de la mesure d'internement
préventif, même si cette mesure n'avait pas été prise, en sorte que cette
allégation est non seulement irrecevable mais aussi infondée puisque l'auteur
aurait de toutes les façons droit à un examen annuel de sa détention au
bout de cette période.
M. Tarawa
4.21 Pour ce qui est de M. Tarawa, l'État partie note qu'il a plaidé coupable
pour des actes commis dans quatre incidents distincts qui avaient donné
lieu à 15 chefs d'accusation, le principal, dans l'optique de l'internement
préventif, étant le viol commis après qu'il fut entré par effraction chez
une femme. Au cours de cet incident, la femme a été soumise à d'autres sévices
sexuels, kidnappée et obligée à retirer de l'argent par la force à un distributeur
automatique de billets de banque. Les autres incidents ont consisté à entrer
par effraction dans une habitation (à tenir le couple qui y résidait sous
la menace d'un revolver et à agresser une des personnes présentes avant
que les deux victimes ne réussissent à s'échapper), à cambrioler une maison,
à se livrer à une agression et à un vol sur la personne d'une femme âgée
de 76 ans, à cambrioler une ferme (en menaçant la femme qui l'occupait d'un
couteau, en l'obligeant à se déshabiller et en la ligotant avant qu'elle
ne parvienne à s'échapper).
4.22 Le juge qui a prononcé la sentence a examiné les infractions ultérieures
de M. Tarawa qui à deux reprises était entré par effraction dans une maison
où se trouvait une femme. La première fois, il avait obligé la victime à
se déshabiller sous la menace d'un couteau mais elle avait pu s'échapper.
La deuxième fois, la victime avait été violée à deux reprises. Le juge a
estimé que l'infraction dont il avait à connaître était une réplique de
celle que l'auteur avait commise auparavant mais se caractérisait par un
plus grand «professionnalisme». Il y a eu par la suite d'autres infractions,
une libération sous caution et les trois derniers incidents qui ont eu lieu
après cette libération. Les deux premiers étaient des vols et le troisième
un autre cambriolage dans une maison, commis dans les mêmes conditions qu'un
autre qui avait visé une femme par le passé, et durant lequel l'aspect sexuel
avait occupé une tout aussi large place.
4.23 Devant la Haute Cour, un psychologue et un psychiatre ont repéré,
chacun de leur côté, des risques importants de récidive, estimant que les
chances de réadaptation dépendaient d'un changement de personnalité chez
un homme qui s'était montré jusque-là peu désireux de s'améliorer. Selon
l'État partie, l'auteur représente un risque extrêmement important en particulier
pour les femmes, et la décision de la Cour d'appel a confirmé celle de la
Haute Cour.
4.24 Pour ce qui est de la détention non susceptible de révision, le juge
a noté qu'il aurait imposé une peine d'une durée déterminée (15 à 16 ans)
pour le viol s'il n'avait pas opté pour l'internement préventif en sorte
que, selon la législation locale sur les libérations conditionnelles, l'auteur
aurait eu à purger au moins 10 ans d'emprisonnement avant de pouvoir prétendre
à une éventuelle remise en liberté. Par conséquent, la période non susceptible
de révision est la même que s'il n'avait pas fait l'objet d'une mesure d'internement
préventif et, outre que sa communication est irrecevable, l'auteur n'est
pas fondé à se plaindre au titre du Pacte.
4.25 La question de l'aide juridictionnelle ne concerne que M. Tarawa.
À l'époque, l'appel de sa condamnation avait été tranché dans le cadre d'une
procédure ex parte sur dossier durant laquelle la Cour d'appel s'était
prononcée sur la question de savoir si les auteurs de recours recevraient
une aide juridictionnelle. Chaque fois que la Cour concluait dans le cadre
d'une telle procédure qu'il n'y avait pas matière à recours et qu'il fallait
donc refuser d'octroyer l'aide juridictionnelle, elle se trouvait face à
un dilemme, car il fallait tenir compte du cas des requérants incarcérés
qui ne pouvaient pas se présenter au tribunal et qui n'avaient pas d'avocat.
En conséquence, elle a mis au point un système consistant à examiner sur
dossier les appels émanant de personnes dans cette situation, donnant aux
requérants la possibilité de faire des observations par écrit. Le Conseil
privé a jugé par la suite ce système ex parte illégal parce qu'il
n'avait aucun fondement législatif, (18) et l'État partie reconnaît
donc que M. Tarawa a été injustement privé d'aide juridictionnelle. Depuis
lors, une loi corrective a chargé un organe indépendant de se prononcer
sur les demandes d'aide juridictionnelle et a assorti la procédure de plus
larges garanties pour les appels sur dossier. Dans le même temps, le législateur
a donné à toutes les personnes dont les appels avaient été tranchés selon
une méthode jugée illégale la possibilité de déposer un nouveau recours,
ce que l'auteur n'a pas encore fait. Pour l'État partie, la possibilité
de déposer un nouvel appel constitue en l'espèce un recours suffisant.
M. Harris
4.26 L'État partie note en ce qui concerne l'auteur qu'il a été reconnu
coupable de 11 infractions sexuelles sur la personne d'un jeune garçon.
Le tribunal l'a condamné à une peine d'une durée déterminée (six ans d'emprisonnement).
La Couronne a fait appel de la sentence, affirmant qu'une mesure d'internement
préventif aurait dû être imposée ou que la peine de durée déterminée à laquelle
l'auteur avait été condamné était manifestement insuffisante, et la Cour
d'appel lui a donné raison. L'État partie souligne que ce cas représente
un exemple typique d'affaire d'internement préventif - l'auteur a
ÚtÚ condamnÚ par le passÚ pour des infractions pÚdophiles, il a exÚcutÚ
une peine d'emprisonnement, et a ÚtÚ averti lors de sa derniÞre condamnation
qu'il courait le risque de se voir imposer une mesure d'internement prÚventif
en cas de rÚcidive.
4.27 Dans la présente affaire, l'auteur était entré dans les bonnes grâces
d'un jeune garçon, l'incitant à se livrer avec lui à diverses activités
sexuelles. Après que cette relation eut éveillé des soupçons, la police
lui a enjoint de rester à l'écart du garçon, mais l'auteur n'a pas pu s'abstenir
d'autres contacts, commettant d'autres infractions. Le rapport psychiatrique
a confirmé qu'il était un pédophile homosexuel attiré par les garçons prépubères.
Les efforts de réadaptation dont il avait bénéficié par le passé, notamment
dans le cadre du programme spécialisé de l'État partie pour les auteurs
d'infractions sexuelles, n'ont pas donné de résultats, et les pulsions de
l'auteur étaient si fortes qu'il avait persisté dans la même voie en dépit
des avertissements qui lui avaient été adressés et alors même qu'il se savait
observé par la police. Dans ces circonstances, la Cour d'appel a estimé
qu'une condamnation à une peine de durée déterminée ne serait pas suffisante
pour protéger le public et qu'un internement préventif était nécessaire.
4.28 En réponse à l'argument de l'auteur selon lequel la peine à laquelle
il a été condamné était excessive, l'État partie affirme que la conclusion
de la Cour d'appel, qui a été confirmée par le Conseil privé, était tout
à fait légitime. L'auteur représente un grave danger pour le public et une
peine d'une durée déterminée aboutissant à une libération n'aurait pas assuré
la protection voulue. Si l'auteur parvient à changer, il sera libéré avec
les restrictions nécessaires, mais une libération dans les conditions actuelles
exposerait la collectivité et en particulier les jeunes garçons à de nouveaux
sévices.
4.29 Pour ce qui est du droit à l'auteur à ce que sa détention soit examinée,
l'État partie note que la Cour d'appel aurait imposé une peine d'une durée
déterminée de sept ans et demi à l'auteur s'il ne s'était pas révélé nécessaire
de protéger le public. À l'inverse de M. Tarawa, l'auteur peut théoriquement
affirmer que, faisant l'objet d'une mesure d'internement préventif, il doit
exécuter une peine non susceptible de révision d'une plus longue durée que
s'il avait été condamné à une peine d'une durée déterminée. Toutefois, l'État
partie fait observer que, lorsque viendra le moment où la possibilité d'une
libération conditionnelle concernant la peine de durée déterminée applicable
pourra être examinée, il aura la possibilité de demander sa libération à
la Commission des libérations conditionnelles (qui a le pouvoir discrétionnaire
d'examiner des demandes avant la fin des 10 ans d'internement préventif).
C'est seulement en cas de refus d'une telle demande par la Commission, décision
qui elle-même est sujette à révision, que l'auteur pourra affirmer être
une victime.
Commentaires sur les observations de l'État partie
5.1 En réponse, les auteurs font valoir que le Pacte n'est pas directement
appliqué en droit interne et que, dans l'arrêt clef prononcé dans l'affaire
R. c. Leitch, le Pacte n'a été évoqué que pour la forme. Il
considère que l'avis donné par l'État partie au Parlement - lors
de l'Úvaluation de la compatibilitÚ des amendements Ó la lÚgislation relative
Ó l'internement prÚventif avec le Pacte - Útait intÚressÚ.
5.2 Les auteurs notent que dans les affaires V. c. Royaume-Uni
(19) et T. c. Royaume-Uni, (20)
la Cour européenne a fixé un «barème» spécifique pour chaque cas, représentant
la durée de la peine au cours de laquelle la libération conditionnelle était
exclue. C'est seulement par la suite que la question de l'aspect préventif
de la détention se pose. Les auteurs déclarent qu'ils ne contestent pas
la légalité de la mesure d'internement préventif prise à leur encontre mais
estiment que la durée de cet internement aurait dû être fixée en fonction
d'un «barème» tenant compte de chaque cas individuel et dont l'application
ferait l'objet d'examens périodiques. Dans les cas des auteurs, une période
standard de 10 ans s'applique à chacun d'eux avant que les examens ne commencent.
Il est en outre affirmé que la Commission des libérations conditionnelles
n'a jamais exercé son pouvoir discrétionnaire d'examiner un cas avant l'écoulement
de la période de 10 ans; cette possibilité est donc illusoire. Ils affirment
également qu'un recours en habeas corpus et des demandes d'examen
judiciaire ne donneraient probablement aucun résultat, et en tout état de
cause il ne serait possible de se prévaloir de ces recours qu'à la fin de
la période incompressible de 10 ans.
5.3 Pour ce qui est de l'évaluation de leur future «dangerosité», les auteurs
se réfèrent à des études et des écrits spécialisés montrant l'existence
d'erreurs ou d'imprécisions dans les méthodes courantes servant à prévoir
un risque. Ils affirment que les évaluations psychiatriques individuelles
faites dans leur cas laissaient à désirer, que les tribunaux se sont montrés
trop empressés à se fonder sur elles et que les mesures de détention prises
sur cette base étaient donc arbitraires. Ils se réfèrent à cet égard à la
jurisprudence canadienne relative au régime d'internement préventif selon
laquelle, d'après eux, la «dangerosité» doit être prouvée d'une manière
quasi certaine, un préavis d'une semaine doit être accordé au prévenu avant
l'audience, deux psychiatres doivent être entendus et un examen de la «dangerosité»
a lieu dans un premier temps après trois ans et par la suite tous les deux
ans.
5.4 Pour ce qui est des cours dispensés en prison, les auteurs précisent
qu'ils veulent uniquement parler du fait que des cours en rapport avec leur
«dangerosité» ne sont donnés que lorsque la date de la libération est proche.
Ils affirment donc qu'ils n'ont aucune possibilité de se débarrasser de
leur «dangerosité» à un stade précoce de l'exécution de leur peine alors
qu'une telle option devrait être offerte le plus tôt possible. Ils considèrent
que cette pratique est cruelle et inhabituelle, qu'elle dénote un manque
d'humanité et qu'elle n'est pas en accord avec le principe de réadaptation.
Qui plus est, leurs demandes de libération conditionnelle avant terme peuvent
pâtir du fait qu'ils n'ont pas subi de traitement.
5.5 Pour ce qui est de la recevabilité de la plainte de M. Tarawa au sujet
des possibilités de recours, il est affirmé qu'il n'est devenu possible
de faire de nouveau appel qu'après la récente décision de la Cour d'appel
dans l'affaire R. c. Smith, (21) c'est-à-dire après
la présentation de la communication. Quoi qu'il en soit, une telle démarche
serait vaine dès lors qu'un récent recours contre une mesure d'internement
préventif présenté dans une autre affaire a été rejeté. (22)
5.6 Pour ce qui est de l'application, dans le cas de M. Rameka, d'une peine
de durée déterminée assortie d'une mesure d'internement préventif, l'auteur
rejette l'argument de l'État partie selon lequel l'objection formulée au
sujet de cette pratique ne repose sur aucun fondement. Il se réfère, par
analogie, à la pratique pénale anglaise selon laquelle il est abusif d'imposer
une peine de durée déterminée en même temps qu'une peine de réclusion à
perpétuité.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son Règlement
intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Pour ce qui est de la question de savoir si la plainte des auteurs
selon laquelle ils sont victimes d'une violation du Pacte du fait d'avoir
fait l'objet d'une mesure d'internement préventif est fondée, sachant que
les auteurs n'ont pas encore exécuté la peine qu'ils auraient dû purger
pour pouvoir prétendre à une libération conditionnelle dans le contexte
des peines de durée déterminée prévues pour les infractions qu'ils ont commises,
le Comité note qu'ayant été condamnés à de telles peines et ayant commencé
à les exécuter les auteurs seront effectivement soumis à un régime d'internement
préventif après avoir purgé 10 ans de leur peine. De ce fait, il est inévitable
qu'ils soient soumis, le moment venu, à un tel régime et ils ne pourront
pas à ce moment-là contester leur soumission à un internement préventif;
cette situation est à mettre en contraste avec celle examinée dans l'affaire
A.R.S. c. Canada, (23) dans laquelle l'application
future du régime d'examen obligatoire au prisonnier concerné dépendait au
moins en partie de son comportement antérieur et était donc spéculative
à un stade précoce de son emprisonnement. En conséquence, le Comité ne considère
pas comme non approprié que les auteurs contestent la compatibilité de leur
condamnation avec le Pacte à un stade précoce plutôt qu'après 10 ans d'emprisonnement.
La communication n'est donc pas irrecevable parce que les auteurs ne sont
pas victimes d'une violation du Pacte.
6.3 Pour ce qui est du cas de M. Tarawa, le Comité note qu'à la suite des
vices constatés dans l'ancien système d'examen des appels sur dossier après
un refus de l'aide juridictionnelle, l'État partie a adopté l'amendement
de 2001 à la loi sur les infractions pénales (recours pénaux) qui habilite
les personnes qui avaient pâti de ces vices, y compris M. Tarawa, à demander
le réexamen d'un appel rejeté (dans le cas de M. Tarawa, il s'agit de son
recours contre le verdict et la condamnation du 2 juillet 1999 qui avait
été rejeté par la Cour d'appel le 20 juillet 2000). Un tel appel aurait
permis de contester le bien-fondé, au regard du droit interne, de sa condamnation
à une mesure d'internement préventif compte tenu des circonstances de la
cause, indépendamment des décisions en appel sur la peine applicable aux
faits relatifs aux différentes infractions. En conséquence, le Comité note
que M. Tarawa n'avait pas épuisé, au moment de la présentation de la communication,
un recours interne, dont il aurait pu se prévaloir pour contester la sentence.
De ce fait, ses allégations relatives à la mesure d'internement préventif
prise contre lui et les autres plaintes qui en découlent sont irrecevables
en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. Pour
ce qui est de l'autre plainte concernant le refus de l'aide juridictionnelle,
le Comité constate que pour les mêmes raisons cette plainte était sans objet
avant la présentation de la communication puisque l'auteur avait obtenu
la possibilité de déposer un nouvel appel et d'obtenir un réexamen de sa
demande d'aide juridictionnelle; en conséquence, cette plainte est irrecevable
en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.4 Pour ce qui est de l'affirmation selon laquelle les auteurs n'avaient
pas accès à certains cours de réadaptation en prison en violation des articles
7 et 10 du Pacte, le Comité constate que les auteurs n'ont pas donné la
moindre précision quant au cours qu'ils estiment avoir le droit d'entreprendre
à un stade moins tardif de leur emprisonnement, et que l'État partie note
que tous les cours ordinaires sont disponibles pendant toute la période
de l'emprisonnement alors que certains cours destinés à préparer les prisonniers
en vue de leur libération ont lieu dans la période qui précède celle-ci,
l'objectif étant de leur permettre d'en tirer le maximum de profit. Le Comité
considère par conséquent que les auteurs n'ont pas étayé aux fins de la
recevabilité leur allégation selon laquelle le calendrier et le contenu
des cours disponibles en prison soulèvent des questions au titre des articles
7 et 10 du Pacte.
6.5 S'agissant de la question de savoir si l'internement préventif est,
dans le cas de MM. Harris et Rameka (les autres auteurs), compatible avec
le Pacte, le Comité considère que cette plainte a été suffisamment étayée
aux fins de la recevabilité au titre de l'article 7, des paragraphes 1 et
4 de l'article 9, des paragraphes 1 et 3 de l'article 10, et du paragraphe
2 de l'article 14 du Pacte.
Examen quant au fond (Affaires de MM. Rameka et Harris)
7.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par
les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
7.2 Le Comité note tout d'abord que, selon la Cour d'appel, M. Harris aurait
eu à exécuter une peine de durée déterminée de sept ans et demi «au moins»
pour les infractions qu'il avait commises. En conséquence, M. Harris devra
purger deux ans et demi de détention, à des fins préventives, avant que
la période découlant de sa condamnation à l'internement préventif qui n'est
pas sujette à révision n'arrive à son terme. Sachant que l'État partie n'a
cité aucun cas où la Commission des libérations conditionnelles a exercé
ses pouvoirs exceptionnels l'habilitant à examiner de sa propre initiative
le maintien en détention d'un prisonnier avant l'expiration de la période
durant laquelle il ne peut prétendre à une libération conditionnelle, le
Comité conclut que si la détention de M. Harris pendant deux ans et demi
découle de la législation de l'État partie et n'est pas arbitraire, le fait
qu'il n'a pu, pour cette période, contester l'existence, à ce moment-là,
de justification matérielle à son maintien en détention à des fins préventives,
est une violation de son droit, en vertu du paragraphe 4 de l'article 9
du Pacte, de saisir un «tribunal» pour qu'il se prononce sur la question
de la légalité de sa détention pendant cette période.
7.3 Abordant la question de la compatibilité avec le Pacte des condamnations
à l'internement préventif de MM. Rameka et Harris après l'expiration de
la période de 10 ans durant laquelle le prisonnier ne peut prétendre à la
libération conditionnelle, le Comité note qu'au terme de cette période des
examens annuels obligatoires sont effectués par une commission des libérations
conditionnelles indépendante et compétente pour ordonner la libération du
prisonnier s'il ne représente plus un grand danger pour le public, et que
les décisions de cet organe peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire.
Le Comité estime que la détention des deux autres auteurs à des fins préventives,
à savoir la protection du public, une fois que la partie punitive de la
sentence a été exécutée, doit se fonder sur des raisons impérieuses pouvant
être contrôlées par une autorité judiciaire et qui subsistent pendant toute
la durée de la détention à ces fins. Le respect du principe selon lequel
une prolongation de la détention doit être exempte d'arbitraire devra donc
être assuré par des examens périodiques réguliers du cas d'espèce par un
organe indépendant, le but étant de déterminer si le maintien en détention
reste nécessaire pour assurer la protection du public. Le Comité est d'avis
que les autres auteurs n'ont pas démontré que les examens annuels obligatoires
de la détention par la Commission des libérations conditionnelles, organe
dont les décisions sont sujettes au contrôle de la Haute Cour et de la Cour
d'appel, ne répondent pas à ce critère. En conséquence, les autres auteurs
n'ont pas établi qu'à l'heure actuelle l'application future des peines qu'ils
ont commencé à exécuter constituera une détention arbitraire contraire à
l'article 9, une fois que la partie préventive de la peine commencera.
7.4 En outre, en ce qui concerne la capacité de la Commission des libérations
conditionnelles de remplir les fonctions judiciaires assumées par un «tribunal»
et de se prononcer sur la légalité d'un maintien en détention conformément
au paragraphe 4 de l'article 9 du Pacte, le Comité note que les deux autres
auteurs n'ont avancé aucun argument permettant d'affirmer que la Commission,
telle qu'elle a été instituée par la législation de l'État partie, devrait
être considérée comme n'étant pas assez indépendante ou comme impartiale
ou déficiente sur le plan de la procédure. Le Comité note en outre que la
décision de la Commission est sujette au contrôle de la Haute Cour et de
la Cour d'appel. De l'avis du Comité, il découle aussi du fait que l'internement
préventif est en principe autorisé, à condition toujours que les garanties
nécessaires existent et soient effectivement exercées, que la détention
à cette fin n'est pas contraire à la présomption d'innocence dès lors que
les autres auteurs n'ont fait l'objet d'aucune accusation pouvant soulever
des questions au titre du paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte. (24)
Comme l'internement à des fins préventives dans le cas des deux autres
auteurs n'est pas arbitraire au regard de l'article 9 et qu'aucune souffrance
allant au-delà des incidents normaux dont s'accompagne une détention n'a
été alléguée, le Comité conclut également que les autres auteurs ne sont
pas fondés en vertu du paragraphe 1 de l'article 10 à affirmer que leur
condamnation à l'internement préventif constitue une violation de leur droit
en tant que prisonniers d'être traités avec le respect de leur dignité en
tant qu'êtres humains.
8. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est
saisi font apparaître une violation du paragraphe 4 de l'article 9 du Pacte
dans le cas de M. Harris.
9. Conformément au paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie
est tenu d'assurer à M. Harris un recours utile, y compris en lui donnant
la possibilité de contester les motifs justifiant son maintien en détention
à des fins préventives une fois purgée sa peine de sept ans et demi. L'État
partie est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent
pas.
10. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif, l'État partie a
reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou
non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est
engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et
relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, le Comité
souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements
sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie
est aussi tenu de publier lesdites constatations.
_______________________________
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du
Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres suivants du Comité ont participé à l'examen de la communication:
M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Alfredo Castillero
Hoyos, Mme Christine Chanet, M. Franco Depasquale, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo,
M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael
Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer,
M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.
On trouvera en appendice au présent document le texte des opinions individuelles
signées par M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine
Chanet, M. Maurice Glèglè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Rajsoomer Lallah,
M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen et M. Roman Wieruszewski.
APPENDICE
Opinion individuelle, partiellement dissidente, de M. Prafullachandra
Natwarlal Bhagwati,
Mme Christine Chanet, M. Glèlè Ahanhanzo et M. Hipólito Solari Yrigoyen
Lorsqu'il déclare au paragraphe 7.2 de sa décision que la détention de M.
Harris découle de la législation de l'État partie et n'est pas arbitraire,
le Comité procède par affirmation et non par démonstration.
À notre avis, le caractère arbitraire d'une telle détention, même légale,
réside dans l'évaluation de la possibilité de récidive qui repose sur une
base scientifique peu fiable. Comment peut-on sérieusement affirmer qu'une
personne «présente un risque de récidive de 20 %»?
Un internement préventif fondé sur des prévisions établies à partir de
critères aussi flous est à notre sens contraire au paragraphe 1 de l'article
9 du Pacte.
Aussi loin qu'aillent les contrôles effectués dans le cadre de la procédure
de libération conditionnelle pour éviter des violations du paragraphe 4
de l'article 9 du Pacte, c'est le principe même de cette mesure exclusivement
fondée sur une dangerosité potentielle que nous contestons, et ce d'autant
plus qu'elle prend souvent le relais d'une peine d'emprisonnement dont elle
devient le simple prolongement, pour ne pas dire le prolongement «facile».
Souvent présenté comme une mesure de sûreté, ce type d'internement est
en réalité une véritable peine, et sa dénaturation est un moyen de contourner
les exigences des articles 14 et 15 du Pacte.
L'internement préventif ordonné dans de telles conditions ne revêt aucun
caractère de prévisibilité pour le justiciable: la durée peut en être indéterminée.
S'en remettre à une prévision de dangerosité revient à substituer une présomption
de culpabilité à la présomption d'innocence.
Paradoxalement, une personne censée être dangereuse mais qui n'a pas encore
commis l'infraction dont on la croit capable est moins bien protégée par
la loi que celle qui a effectivement commis une infraction.
Cette situation est source d'insécurité juridique et d'une grande tentation
pour les juges qui voudraient s'affranchir des dispositions contraignantes
des articles 14 et 15 du Pacte.
(Signé) Prafullachandra Natwarlal Bhagwati
(Signé) Christine Chanet
(Signé) Maurice Glèlè Ahanhanzo
(Signé) Hipólito Solari Yrigoyen
[Adopté en anglais, en espagnol et en français (version originale). Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du
Comité à l'Assemblée générale.]
Opinion individuelle, partiellement dissidente, de M. Walter Kälin
Au paragraphe 7.2 de ses constatations, le Comité note que M. Harris purgera
une peine d'emprisonnement de deux ans et demi, à des fins préventives, avant
de pouvoir saisir la Commission des libérations conditionnelles au bout de
10 ans d'emprisonnement au total et que le fait de lui dénier l'accès à un
«tribunal» pendant cette période est une violation de son droit en vertu du
paragraphe 4 de l'article 9 du Pacte. Il part du principe que M. Harris aurait
été condamné, selon la Cour d'appel, à une peine de durée déterminée «d'au
moins» sept ans et demi pour les infractions qu'il a commises. Tout en notant
qu'une peine fixe «d'au moins» sept ans et demi se justifiait, la Cour ne
l'a cependant pas imposée, y substituant une peine d'internement administratif
dès le départ. Les peines fixes doivent être proportionnelles à la gravité
de l'infraction et au degré de culpabilité, et elles servent de nombreux objectifs,
dont le châtiment, la réinsertion et la prévention. En revanche, comme l'énoncent
clairement les dispositions de l'article 75 de la loi de 1985 de l'État partie
sur la justice pénale, l'internement préventif ne contient pas d'élément punitif
et a pour seul but de protéger le public contre un individu dont la justice
considère qu'il présente «un risque important» de commettre une infraction
donnée s'il était libéré. Bien que l'internement préventif soit toujours motivé
par la commission d'une infraction grave, il n'est pas imposé pour ce que
l'intéressé a fait dans le passé, mais bien pour ce qu'il représente, c'est-à-dire
une personne dangereuse qui risque de commettre des infractions à l'avenir.
Si l'internement préventif aux fins de mettre le public à l'abri de criminels
dangereux n'est pas proscrit en tant que tel en vertu du Pacte et si son imposition
est parfois inévitable, il doit faire l'objet des garanties de procédure les
plus strictes, comme prévu à l'article 9 du Pacte, y compris d'un examen judiciaire
périodique pour déterminer s'il reste légal. Ce contrôle est nécessaire étant
donné que tout être humain peut changer et s'amender, c'est-à-dire devenir
moins dangereux avec le temps (parce qu'il a fait un travail sur lui-même,
qu'il a suivi une thérapie qui a donné de bons résultats ou qu'une maladie
a amoindri sa capacité physique de commettre une catégorie donnée d'infractions).
En l'espèce, M. Harris ne s'est pas vu imposer une peine fixe visant à sanctionner
son comportement passé, il a été emprisonné aux seules fins de protéger le
public. Je conclus donc que son droit «d'introduire un recours devant un tribunal
afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne
sa libération si la détention est illégale» (par. 4 de l'article 9) a été
violé non seulement pendant les deux ans et demi des 10 premières années d'internement
préventif, mais aussi pendant toute la durée de cette période. Pour les mêmes
raisons, je conclurais que, dans le cas de M. Rameka, l'internement pendant
la même durée initiale de 10 ans avant que la Commission des libérations conditionnelles
ne se prononce serait aussi une violation du paragraphe 4 de l'article 9.
(Signé) Walter Kälin
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du
Comité à l'Assemblée générale.]
Opinion individuelle (dissidente) de M. Rajsoomer Lallah
Je ne peux malheureusement pas m'associer à la conclusion de la majorité des
membres du Comité selon laquelle il n'y a pas eu violation du Pacte, sauf
dans le cas de M. Harris où il y a eu violation du paragraphe 4 de l'article
9 (par. 7.2 des constatations du Comité). Je ne pense pas non plus, pour les
raisons énoncées au deuxième paragraphe de cette opinion individuelle, que
le Comité aurait dû déclarer la communication recevable pour ce qui concerne
seulement l'article 7, les paragraphes 1 et 4 de l'article 9, les paragraphes
1 et 3 de l'article 10 et, enfin, le paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte
(par. 6.5 des constatations), et non pour ce qui concerne l'article 14 et
le paragraphe 1 de l'article 15.
Certes, il semble ressortir du paragraphe 1 des constatations que les auteurs
ont mentionné des dispositions particulières du Pacte. Toutefois, en vertu
du Protocole facultatif, les auteurs sont seulement tenus de présenter leurs
affirmations, leurs observations et leurs arguments à l'appui de leur plainte
de manière à ce que l'État partie ait la possibilité d'y répondre. C'est
ce que bien des auteurs ont fait par le passé. Il appartient au Comité d'examiner
et de déterminer, à la lumière de toutes les informations fournies par les
auteurs et par l'État partie, celles des dispositions du Pacte qui sont
ou ne sont pas pertinentes. En tout état de cause, en examinant l'application
ou l'interprétation de dispositions données, il peut s'avérer nécessaire
de tenir compte de l'effet d'autres dispositions du Pacte, à condition qu'une
partie ait toujours la possibilité d'examiner les faits, les observations
ou les arguments présentés par l'autre partie.
La plainte des auteurs porte sur un certain nombre de questions. La plus
importante, à mon avis, est qu'ils affirment que, dans leur cas, l'internement
préventif est contraire au Pacte et, plus précisément, qu'ils ont en fait
été condamnés et châtiés pour ce qu'ils pourraient faire après avoir été
libérés plutôt que pour ce qu'ils ont fait, autrement dit qu'ils ont été
punis pour des crimes qui n'ont pas été commis et pourraient ne jamais l'être.
Cette plainte exige, à mon sens, l'examen de l'application de l'article
14 ainsi que du paragraphe 1 de l'article 15 du Pacte.
J'affirme respectueusement que la majorité des membres du Comité semblent
être simplement partis de l'hypothèse que «l'internement préventif», prescrit
expressément par la loi néo-zélandaise comme peine pour certaines infractions
pénales, est légal au regard de l'article 9 du Pacte. La disposition contenue
dans la deuxième phrase du paragraphe 1 de l'article 9 donne indéniablement
aux États parties la latitude de déterminer les motifs pour lesquels une
personne peut être privée de sa liberté et la procédure à suivre dans ce
cas.
Comme le Comité l'a fait observer dès 1982 dans son Observation générale
no 8 portant sur l'article 9 du Pacte, le paragraphe 1 de cet article s'applique
à tous les cas de privation de liberté, qu'il s'agisse d'infractions pénales
ou d'autres cas tels que, par exemple, les maladies mentales, le vagabondage,
la toxicomanie, les mesures d'éducation ou le contrôle de l'immigration.
Toutefois, et les motifs, et la procédure, qui doivent être prévus par la
loi en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, doivent être conformes aux
autres droits énoncés dans le Pacte.
Il en découle donc nécessairement que, lorsque l'un des motifs invoqués
est un certain type de comportement qui, dans des circonstances particulières,
est érigé en infraction pénale et sanctionné par une peine privative de
liberté, non seulement l'infraction mais aussi sa sanction doivent être
conformes aux garanties prévues au paragraphe 1 de l'article 15 du Pacte.
À mon sens, les dispositions énoncées dans ce paragraphe contiennent, notamment,
deux éléments importants. Premièrement, il ne peut y avoir infraction pénale
que pour les actes passés. Deuxièmement, la sanction correspondante ne peut
être infligée que pour ces actes. Elle ne peut être étendue à un état psychologique
qui pourrait éventuellement être celui de l'auteur quelque 10 ans plus tard
et lui faire courir le risque de rester en détention alors qu'il a déjà
exécuté l'élément punitif de sa peine. De plus, la procédure à laquelle
ces infractions donnent lieu et la sanction imposée doivent, elles aussi,
satisfaire aux critères d'un procès équitable garanti par l'article 14 du
Pacte.
Le viol est indéniablement une infraction grave et la violence à l'égard
des femmes exige qu'un État partie adopte toutes les mesures appropriées
pour la combattre, y compris la criminalisation qui satisfait aux garanties
énoncées dans les articles 14 et 15 du Pacte, ainsi que le traitement des
condamnés, leur amendement et leur reclassement social, que l'État partie
a l'obligation d'entreprendre en vertu du paragraphe 3 de l'article 10.
En outre, rien n'empêche un État partie de prendre des mesures pour faire
superviser et contrôler efficacement, par la voie administrative ou par
la police, le comportement d'anciens délinquants après leur libération,
lorsqu'il y a de bonnes raisons de craindre une récidive.
Selon les informations fournies par les auteurs et l'État partie, il semblerait
que la durée minimale de l'internement préventif était à l'époque fixée
à 10 ans par la loi et qu'elle a été aujourd'hui ramenée à 5 ans, mais que
la loi ne prévoit pas de maximum. La détermination de la durée maximale
de l'internement échappe donc à la compétence du tribunal et est laissée
à l'appréciation d'une commission des libérations conditionnelles, avec
le résultat que la loi empêche le tribunal de fixer la durée de la peine.
L'État partie considère que le minimum de 10 ans prévu par la loi représente
l'élément punitif de la sanction, la Commission des libérations conditionnelles
étant chargée de revoir périodiquement la durée de la peine puisque celle-ci
prend un caractère préventif et, en principe, n'est pas assortie d'une limite
maximale, ce qui, en soi, soulève manifestement une grave question de proportionnalité.
Je note que les informations à la disposition du Comité indiquent que l'internement
après la période dite punitive se poursuit en prison. Dans ces conditions,
la distinction entre l'élément «punitif» et l'élément «préventif» de la
sanction devient en fait purement théorique. Une fois enlevés les oripeaux
de la loi qui, prétendument, donne au tribunal le pouvoir de prononcer la
peine, la réalité est que, quant au fond et dans la pratique, celui-ci ne
peut fixer qu'une partie de la peine (qui de plus est sujette à une durée
minimale fixée par la loi sur laquelle il n'a ni contrôle ni pouvoir discrétionnaire).
C'est un organe administratif qui décide du reste de la peine, sans les
garanties d'un procès équitable énoncées à l'article 14. Il n'y a évidemment
rien à redire à des mesures légales qui permettent une libération anticipée,
mais il en va tout autrement lorsqu'une instance administrative a le pouvoir
de déterminer en fait la durée de la peine au-delà du minimum fixé par la
loi.
Mes conclusions seraient donc les suivantes:
i) S'il est légitime de considérer que le comportement passé, bon ou mauvais,
est un facteur dont il faut tenir compte en fixant la peine, il y a eu
violation du paragraphe 1 de l'article 15 du Pacte, parce que les dispositions
de cet article prévoient uniquement la criminalisation et la sanction,
par la loi, d'actes passés et non celles d'actes dont on craint qu'ils
ne se produisent à l'avenir;
ii) Il y a aussi violation du paragraphe 1 de l'article 15 parce que
la loi ne prescrit pas que le tribunal doit imposer une peine fixe;
iii) Il y a violation du paragraphe 1 de l'article 14 en ce qu'un procès
équitable exige que le tribunal saisi ait compétence pour prononcer
une peine fixe et non une peine de durée minimale fixée par la loi.
De plus, la loi de l'État partie délègue en fait cette compétence à
un organe administratif qui déterminera la durée de la peine à un moment
donné par la suite, sans qu'il y ait respect des garanties d'un procès
équitable prévues à l'article 14 du Pacte;
iv) Il y a aussi violation du paragraphe 2 de l'article 14, parce que
l'appréciation anticipée de ce qui risque de se produire au bout d'une
dizaine d'années, avant même que ne se fassent sentir les bienfaits
du traitement, de l'amendement et de la réadaptation sociale exigés
au paragraphe 3 de l'article 10, ne saurait en aucun cas satisfaire
aux critères essentiels de la charge de la preuve. À cet égard, bien
qu'ils entrent en ligne de compte dans le prononcé de la peine, même
des comportements criminels passés ayant donné lieu à une condamnation
doivent être prouvés au-delà d'un doute raisonnable s'ils sont contestés
par l'accusé;
v) Il est donc inexact de considérer qu'il y a violation du paragraphe
4 de l'article 9 qui n'est pas applicable à la lumière de ce qui précède.
À supposer qu'il y ait eu violation de l'article 9, ce serait de son
paragraphe 1, étant donné que l'État partie ne l'a pas interprété à
la lumière d'autres dispositions applicables du Pacte, en particulier
des articles 14 et 15. Mais une violation de ces articles, ou de leurs
dispositions pertinentes, a déjà été constatée.
(Signé) Rajsoomer Lallah
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du
Comité à l'Assemblée générale.]
Opinion individuelle (partiellement dissidente) de M. Shearer
et de M. Roman Wieruszewski, à laquelle M. Nisuke Ando s'associe
Les raisons pour lesquelles il a été décidé que l'État partie n'a pas violé
le Pacte en ce qui concerne la peine d'internement préventif imposée à M.
Rameka, avec lesquelles nous sommes d'accord, s'appliquent également à notre
sens au cas de M. Harris. Le Comité a fait une distinction entre les cas de
ces deux auteurs parce que, s'agissant de M. Rameka, une peine d'une durée
déterminée de 14 ans d'emprisonnement a été imposée pour un chef d'inculpation,
qui doit être purgée en même temps que la peine d'internement préventif imposée
pour un autre chef. Dans le cas de M. Harris, la peine fixe aurait été de
7 ans et demi si la Cour d'appel n'avait pas décidé qu'un internement préventif
était justifié aux fins de protéger la collectivité, laissant ainsi un écart
de deux ans et demi entre l'expiration de cette peine potentielle et la fin
de la période d'internement préventif qui n'est pas sujette à libération conditionnelle
(10 ans).
L'auteur lui-même n'a pas présenté d'arguments au Comité fondés sur cet
«écart» réel ou hypothétique non sujet à révision.
Nous estimons qu'il n'est pas approprié de distinguer dans l'internement
préventif de durée indéterminée une partie punitive et une partie préventive.
Contrairement aux peines fixes, qui répondent aux objectifs traditionnels
de l'emprisonnement - punir et rÚformer le condamnÚ, le dissuader
de rÚcidiver et dissuader d'autres de commettre des infractions Ó l'avenir
et offrir rÚparation Ó la victime et Ó la collectivitÚ -, les peines
d'internement prÚventif ne visent qu'Ó protÚger le public contre tout comportement
dangereux d'un condamnÚ Ó l'avenir lorsque les peines fixes qui lui ont
ÚtÚ imposÚes par le passÚ n'ont manifestement pas atteint leur but.
En vertu de la loi de l'État partie applicable aux auteurs, la peine d'internement
préventif ne peut être révisée avant 10 ans par la Commission des libérations
conditionnelles (dont les décisions doivent être examinées par un tribunal).
À la suite d'un amendement récent à cette loi, la durée non sujette à révision
a été ramenée à 5 ans. Même la peine la plus longue ne peut être considérée
comme arbitraire ou déraisonnable à la lumière des circonstances dans lesquelles
elle est imposée. La loi de l'État partie qui régit l'internement préventif
ne peut à notre sens être considérée comme contraire au Pacte. Plus précisément,
le paragraphe 4 de l'article 9 ne peut être interprété comme ouvrant droit
au réexamen judiciaire d'une peine dans tous les cas sans exception.
(Signé) Ivan Shearer
(Signé) Roman Wieruszewski
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du
Comité à l'Assemblée générale.]
Opinion individuelle (partiellement dissidente) de M. Nisuke Ando
J'approuve sans réserve l'opinion de MM. Shearer et Wieruszewski et tiens,
en outre, à préciser ce qui suit:
La majorité des membres du Comité semble constater une violation du paragraphe
4 de l'article 9 dans le cas de M. Harris, partant de l'hypothèse que la
durée de l'emprisonnement en vertu de la loi néo-zélandaise pertinente devrait
être divisée en deux parties, une partie punitive qui consiste en une peine
d'emprisonnement de durée déterminée (celle qui n'est pas sujette à libération
conditionnelle), et une partie préventive qui est de durée indéfinie ou
flexible. Cette hypothèse est à mon sens artificielle et dénuée de validité.
Dans bien d'autres États parties au Pacte, les tribunaux imposent souvent
au condamné une peine d'emprisonnement de durée flexible (c'est-à-dire de
5 à 10 ans) si bien que celui-ci, s'il doit être emprisonné au moins pour
la durée minimale (5 ans), peut être libéré avant l'expiration de la durée
maximale (10 ans) selon qu'il s'est ou non amendé ou réformé. En substance,
cette peine d'emprisonnement de durée flexible est comparable au régime
de l'internement préventif prévu par la loi néo-zélandaise.
Les termes «internement préventif» peuvent donner l'impression qu'il s'agit
essentiellement d'un internement de nature administrative par opposition
à un internement de nature judiciaire. Mais le Comité devrait tenir compte
non de l'appellation mais de la substance de toute institution juridique
d'un État partie lorsqu'il en détermine le caractère légal. Autrement dit,
si le Comité estime que la condamnation à une peine d'emprisonnement d'une
durée flexible est compatible avec le Pacte, il n'y a aucune raison qu'il
en aille autrement de l'internement préventif prévu par la loi néo-zélandaise.
En fait, le paragraphe 2 de l'article 31 du Pacte dispose que le Comité
doit représenter «les principaux systèmes juridiques du monde».
(Signé) Nisuke Ando
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du
Comité à l'Assemblée générale.]
Notes
1. Les articles 75, 77 et 89 de cette loi contiennent ce qui suit:
75. Peine d'internement préventif
«1. Le présent article s'applique à toute personne âgée de 21 ans révolus
qui a été, soit:
a) Reconnue coupable d'une infraction au paragraphe 1 de l'article 128
[agression sexuelle] de la loi sur les infractions pénales de 1961;
ou
b) Convaincue, après avoir été reconnue coupable au moins une fois
depuis qu'elle a atteint l'âge de 17 ans d'une infraction spécifiée,
d'une autre infraction spécifiée.
2. Sous réserve des dispositions du présent article, la Haute Cour peut
imposer, si elle a la conviction qu'il y a lieu, pour la protection du
public, qu'un délinquant à qui s'applique le présent article soit détenu
pendant une longue période, une peine d'internement préventif…
3A. Un tribunal s'abstiendra d'imposer une peine d'internement préventif
à un délinquant auquel s'applique l'alinéa a du paragraphe 1
du présent article, sauf:
a) S'il a obtenu au préalable un rapport psychiatrique sur le délinquant;
et
b) S'il est, compte tenu dudit rapport ou de tout autre rapport pertinent,
convaincu qu'il y a un risque important que le délinquant commette
une des infractions spécifiées, à sa libération.».
77. Peine d'internement préventif d'une durée indéterminée
«Un délinquant condamné à l'internement préventif sera détenu jusqu'à
ce que la Commission des libérations conditionnelles le libère conformément
à la présente loi.».
89. Libération conditionnelle discrétionnaire
«1. Sous réserve du paragraphe 2 du présent article, un prisonnier
exécutant une peine d'une durée indéterminée peut demander sa mise en
liberté conditionnelle après 10 ans.».
2. [1998] 1 NZLR 420.
3. Voir la note de bas de page 1, supra.
4. Cobley: Sex Offenders: Law, Policy and Practice (Jordans, Bristol,
2000), p. 196; Brown & Pratt: Dangerous Offenders, Punishment &
Social Order (Routledge, Londres, 2000), p. 82 et 93.
5. Les auteurs citent Van Droogenboeck c. Belgique (1982),
4 EHRR 443 (internement administratif «à la disposition du Gouvernement»
à la suite d'une condamnation à deux ans d'emprisonnement pour vol), et
Weeks c. Royaume-Uni (1988), 10 EHRR 293 (condamnation discrétionnaire
à la réclusion à perpétuité pour vol à main armé et libération sur autorisation
lorsque l'intéressé ne représentera plus une menace).
6. Les auteurs citent Harris, O'Boyle et Warbrick: Law of the European
Convention on Human Rights (Butterworth's, Londres, 1995), p. 108, 109,
146, 151, 152 et 154, et Wachenfeld: The Human Rights of the Mentally
Ill in Europe under the European Convention on Human Rights, Nordic
Journal of International Law 60 (1991), p. 174 et 175.
7. CCPR/C/79/Add.47; A/50/40, par. 179 et 186 (3 octobre 1995).
8. Ces infractions sont: i) lorsque la victime est un enfant âgé de moins
de 16 ans, l'inceste (art. 130 de la loi sur les infractions pénales de
1961); la relation sexuelle avec une fille bénéficiant des soins ou placée
sous la protection de l'auteur de l'infraction (art. 131), la relation sexuelle
avec une fille âgée de moins de 12 ans (art. 132), l'acte impudique avec
une fille âgée de moins de 12 ans (art. 133), la relation sexuelle ou l'acte
impudique avec une fille âgée de 12 à 16 ans (art. 134), l'acte impudique
avec un garçon âgé de moins de 12 ans (art. 140), l'acte impudique avec
un garçon âgé de 12 à 16 ans (art. 140A), l'attentat à la pudeur sur la
personne d'un homme ou d'un garçon (art. 141), le fait ou la tentative de
sodomiser une personne âgée de moins de 16 ans ou souffrant d'un handicap
mental sévère (art. 142); et ii) l'agression sexuelle (art. 128), la tentative
d'agression sexuelle (art. 129), l'obligation à commettre un acte indécent
avec un animal (art. 142A), la tentative de meurtre (art. 173), le fait
de causer délibérément des lésions (art. 188), les voies de fait dans le
but de causer des lésions corporelles graves (art. 189 (1)), le fait de
causer des blessures ou des lésions graves (art. 191) et le jet d'acide
dans l'intention de blesser ou de défigurer (art. 199).
9. (1999), 30 EHRR 121.
10. Requête 24724/94.
11. Voir par. 4.20 (M. Rameka), 4.24 (M. Tarawa) et 4.30 (M. Harris), infra.
12. Communication no 91/1981, décision adoptée le 28 octobre 1981. Voir
également l'affaire T. c. Royaume-Uni, op. cit.
13. R. c. Smith, CA 315/96, 19 décembre 2002.
14. CA 258/01, arrêt du 24 octobre 2002.
15. L'État partie se réfère par exemple à l'affaire A. c. Nouvelle-Zélande,
communication no 754/1997, constatations adoptées le 15 juillet 1999, par.
7.3.
16. Voir par. 4.3, supra.
17. Voir, par exemple, Hill c. Espagne, communication no
526/1993, constatations adoptées le 2 avril 1997.
18. R. c. Taito (2002), 6 HRNZ 539.
19. Op. cit.
20. Ibid.
21. Op. cit.
22. R. c. Dittmer, op. cit.
23. Op. cit.
24. Voir aussi Wilson c. Philippines, affaire no 868/1999,
constatations adoptées le 30 octobre 2003, par. 6.5.