des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Quatre-vingt-troisième session -
Communication No. 1099/2002
Au nom de: L'auteur
État partie: Espagne
Date de la communication: 3 septembre 1999 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 17 mars 2005,
Adopte ce qui suit:
Exposé des faits
2.1 Le 31 mai 1992, l'époux de l'auteur a eu un accident de voiture qui lui a coûté la vie et dont il était lui-même le principal responsable; il s'était en effet déporté sur la partie gauche de la chaussée et avait eu une collision frontale avec un autre véhicule conduit par M. Sánchez Gea. Un automobiliste qui suivait le véhicule qui avait causé l'accident sur une distance d'environ un kilomètre avait témoigné que le véhicule fautif franchissait de temps en temps la ligne médiane de la chaussée et qu'à un moment il était carrément passé sur la gauche. D'après l'auteur, M. Sánchez Gea était également responsable de la collision parce que sur environ un kilomètre il ne s'était pas rendu compte, alors que la route était droite et que la visibilité était bonne, qu'un véhicule arrivait en sens contraire en zigzaguant, et qu'il tenait toute la chaussée.
2.2 L'auteur a formé une demande contre la compagnie d'assurances de M. Sánchez Gea auprès du tribunal de Caravaca de la Cruz, afin d'obtenir une indemnité pour le décès de son époux. La demande a été rejetée. Elle a ensuite fait appel auprès de l'Audiencia Provincial de Murcie qui l'a également déboutée. Ensuite elle s'est adressée au Tribunal suprême pour demander qu'il constate l'existence d'une erreur judiciaire. Son recours a été rejeté, le Tribunal considérant qu'il n'y a pas matière à un recours pour erreur judiciaire quand, comme dans l'affaire dont il était saisi, le seul argument est que la partie n'est pas d'accord avec l'appréciation des preuves menée à bien par les juridictions compétentes, dans l'exercice de leurs pouvoirs judiciaires. Enfin, l'auteur a introduit un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel en faisant valoir qu'il y avait eu erreur judiciaire et a également été déboutée.
Teneur de la plainte
3.1 D'après l'auteur, le refus de l'indemniser pour le décès de son époux constitue une violation du droit à l'égalité consacré au paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, pour deux raisons. La première est que son cas est très semblable à d'autres affaires où il y avait eu une forme de faute, même très légère, de la part de l'autre conducteur impliqué dans l'accident, et où l'indemnisation avait été accordée pour le principal responsable de l'accident, en application de l'article premier, paragraphe 2, de la loi sur l'utilisation et la circulation des véhicules à moteur. La deuxième raison est que la jurisprudence du Tribunal suprême en matière d'erreurs judiciaires est restrictive, ce qui a eu des conséquences négatives pour l'auteur.
3.2 L'auteur ajoute que le droit à une procédure contradictoire, garanti au paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, a également été violé parce que, en appel, l'Audiencia Provincial a développé des arguments qui n'ont pas été soumis à un examen ni à un débat contradictoire. De plus, devant le Tribunal suprême, l'auteur n'a pas pu formuler d'observations concernant les rapports des autorités judiciaires parties à la procédure ni répliquer.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et le fond et commentaires de l'auteur
4.1 Dans une réponse datée du 27 septembre 2002, l'État partie a contesté la recevabilité de la communication. En date du 17 janvier 2003, il a réitéré que la communication était irrecevable et, si elle devait être déclarée recevable, il a nié qu'il y ait violation du Pacte.
4.2 En ce qui concerne la violation du droit à l'égalité consacré au paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, l'État partie objecte que l'auteur n'allègue pas une quelconque différence de traitement arbitraire ou déraisonnable, insistant sur sa version subjective des faits. Pour ce qui est de la violation du droit à une procédure contradictoire, l'État partie indique que les faits ou circonstances mentionnés dans la décision de l'Audiencia Provincial figuraient déjà dans les rapports techniques versés au dossier dont le Tribunal de première instance avait été saisi. De plus, cette allégation n'a pas été formulée devant les autorités internes et doit donc être considérée comme irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
4.3 L'État partie souligne que le motif de la communication est que l'auteur n'accepte pas l'appréciation des preuves faite par les autorités judiciaires. Or elle n'a pas montré que les procédures judiciaires avaient été arbitraires ou avaient représenté un déni de justice et sa plainte constitue un abus manifeste du droit de présenter des communications.
5. En date du 15 mai 2003, l'auteur a adressé une réponse reprenant les arguments qu'elle avait déjà avancés dans sa communication initiale et ajoutant que, en plus des dispositions du Pacte déjà invoquées, les droits garantis à l'article 26 du Pacte lu conjointement avec l'article 2 ont été violés.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 97 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n'était pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
6.3 En ce qui concerne les griefs de violation du paragraphe 1 de l'article 14 ainsi que de l'article 26 du Pacte lu conjointement avec l'article 2, le Comité considère que les allégations de l'auteur portent en fait sur l'appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux espagnols. Il renvoie à sa jurisprudence et réaffirme qu'il appartient généralement aux juridictions des États parties d'examiner ou d'apprécier les faits et les éléments de preuve, sauf s'il peut être établi que la conduite du procès ou l'appréciation des faits et des éléments de preuve ont été manifestement arbitraires ou ont représenté un déni de justice. Le Comité considère que l'auteur n'a pas suffisamment étayé sa plainte pour pouvoir affirmer qu'il y avait eu en l'espèce une procédure arbitraire ou un déni de justice et estime donc que la communication doit être déclarée irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
7. En conséquence, le Comité décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur de la communication.
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[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Alfredo Castillero Hoyos, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Michael O'Flaherty, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari-Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.