Convention Abbreviation: CCPR
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Quatre-vingt-troisième session -
Communication No. 1118/2002**
Au nom de: Les auteurs
État partie: France
Date de la communication: 11 octobre 2000 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 17 mars 2005,
Adopte ce qui suit:
Rappel des faits
2.1 Les auteurs étaient propriétaires de la société à responsabilité limitée SARL DEPERRAZ ELECTRICITE et de la société civile immobilière SCI LE PRALEY. La première avait pour objet les installations électriques. La seconde avait été constituée entre les époux Deperraz, mariés sous le régime de la séparation de biens, en vue d'acquérir et de gérer tous biens immobiliers, y compris ceux utilisés pour l'exploitation de DEPERRAZ ELECTRICITE.
2.2 Suite à une assignation en paiement de facture contestée délivrée à l'initiative d'une société de fournitures le Tribunal de Grande Instance de Bonneville a rendu, le 6 novembre 1985, un jugement de liquidation des biens de DEPERRAZ ELECTRICITE. Un des salariés de la société a formé tierce opposition contre ce jugement en vue de démontrer que la société ne se trouvait pas en état de cessation des paiements. Par jugement rendu le 18 décembre 1985 le même Tribunal a conclu que la cessation des paiements n'était pas formellement établie et décidé de rétracter son précédent jugement.
2.3 Or, le jugement de liquidation des biens a eu des conséquences négatives pour la société du fait de l'exécution provisoire attachée à ce type de décision judiciaire. Cela s'est traduit, entre autres, par le départ immédiat du personnel de l'entreprise, l'élimination des chantiers en cours ainsi que la perte de la totalité de la clientèle et des approvisionnements par les fournisseurs. Une nouvelle procédure de redressement judiciaire fut ouverte à son encontre par jugement du même Tribunal du 18 avril 1990, cette fois à l'initiative de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et des services fiscaux. Le Tribunal décida également, et d'office, de prononcer le redressement judiciaire de LE PRALEY. Selon les auteurs, le redressement a été prononcé sans aucune convocation ni comparution de son représentant légal et aucune signification du jugement n'a été adressée à la société. Par la suite, les deux sociétés furent mises en liquidation judiciaire par jugement du même Tribunal du 22 mai 1991.
2.4 LE PRALEY a fait appel contre ce jugement au motif qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'une procédure régulière de confusion de patrimoine avec DEPERRAZ ELECTRICITE. Par arrêt du 7 avril 1992 la Cour d'Appel de Chambéry a statué que le Tribunal de Grande Instance s'était saisi d'office, sans respecter la loi, d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de LE PRALEY, alors que cette société n'était même pas partie à l'instance. La Cour a donc déclaré la nullité des jugements concernant LE PRALEY. Elle n'a cependant pas statué sur le fond, à savoir la confusion des patrimoines des deux sociétés.
2.5 Le 5 janvier 1993, le liquidateur de DEPERRAZ ELECTRICITE a saisi le Tribunal de Grande Instance d'une demande d'extension de liquidation judiciaire à l'encontre de LE PRALEY sur le fondement de la confusion des patrimoines et d'une demande de condamnation en comblement du passif à l'encontre de M. Deperraz pris personnellement, au motif notamment qu'il avait poursuivi une exploitation déficitaire. Le 7 octobre 1993, l'avocat des auteurs a été informé téléphoniquement par le Greffe que le Tribunal avait rendu son jugement la veille et que le demandeur avait été débouté. Cependant, il n'a jamais reçu le jugement écrit annoncé par le Greffe.
2.6 En février 1994 l'avocat a été informé d'une réouverture des débats. Il a écrit au Président du Tribunal pour s'opposer à une telle procédure en faisant valoir que le jugement du 6 octobre était seulement susceptible d'appel. Selon les auteurs cette situation est due au fait que le Président du Tribunal qui a rendu le jugement le 6 octobre 1993 ne l'a pas rédigé et a changé de juridiction.
2.7 Par nouveau jugement du 7 septembre 1994 le Tribunal nouvellement composé a constaté la confusion des patrimoines entre les deux sociétés et prononcé la liquidation judiciaire de LE PRALEY. Par second jugement de la même date le Tribunal a estimé que le passif de DEPERRAZ ELECTRICITE résultait d'une succession de fautes de gestion et condamné M. Deperraz à payer au liquidateur l'intégralité du passif de la société.
2.8 La SCI LE PRALEY et M. Deperraz ont fait appel des jugements devant la Cour d'Appel de Chambéry. LE PRALEY a soutenu principalement que l'action engagée à son encontre se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la même Cour le 7 avril 1992. La Cour d'Appel a confirmé les jugements par deux arrêts distincts du 24 septembre 1996. Concernant le jugement contre LE PRALEY, elle a conclu que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 7 avril 1992 ne s'appliquait qu'à la nullité du jugement du 22 mai 1991 et ne s'opposait pas à ce que le liquidateur assigne LE PRALEY aux fins que soit prononcée sa liquidation judiciaire.
2.9 Les auteurs se sont pourvus en cassation contre ces arrêts en soulevant les questions suivantes :
· En ce qui concerne l'arrêt de la Cour d'Appel confirmant la liquidation judiciaire de LE PRALEY ils affirment que cette décision a été prise après avoir relevé un moyen d'office, sans avoir recueilli les observations des parties, violant ainsi les droits de la défense et le principe contradictoire. Ils affirment aussi que la Cour a retenu a tort les critères de la confusion des patrimoines ;
· En ce qui concerne l'arrêt de condamnation de M. Deperraz, ils affirment que la Cour d'Appel a pris d'office sa décision sur l'existence prétendue d'une faute de gestion non visée dans la demande introductive d'instance et non légalement établie, violant ainsi les droits de la défense et le principe du contradictoire.
2.10 La Cour de Cassation a rejeté les pourvois par arrêts du 6 juillet 1999.
Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs font valoir une violation à plusieurs égards du paragraphe premier de l'article 14 du Pacte, pris isolément et combiné avec l'article 5, paragraphe 2 b), du Protocole facultatif. Ils estiment que les diverses procédures dont ils ont été l'objet constituent un tout indivisible se rapportant aux mêmes faits, de sorte que l'affaire doit être examinée dans son ensemble au regard du Pacte. Ils affirment avoir épuisé les voies de recours internes.
3.2 En ce qui concerne l'article 14, paragraphe 1 du Pacte, les auteurs estiment qu'ils n'ont pas été entendus équitablement et publiquement dans la mesure où :
· La mise en liquidation des biens par erreur de DEPERRAZ ELECTRICITE selon jugement du 6 novembre 1985 a constitué un dysfonctionnement majeur de la justice qui a anéanti le fonds de commerce de la société. Le jugement de rétractation du 18 décembre 1985 n'a pas corrigé les conséquences du premier jugement, étant donnée l'exécution provisoire attachée à celui-ci ;
· La mise en redressement judiciaire d'office de LE PRALEY par jugement du 18 avril 1990 constitue aussi un dysfonctionnement de la justice, dans la mesure où la loi n'a pas été respectée. La Cour d'Appel a déclaré la nullité d'ordre public dans son arrêt définitif du 7 avril 1992. Or, la même Cour dans son arrêt du 24 septembre 1996, a déclaré de façon non contradictoire et inéquitable l'extension de la liquidation judiciaire à LE PRALEY ;
· Le jugement rendu le 6 octobre 1993 n'a pas été rédigé mais a bien existé. Il n'appartenait pas au Tribunal nouvellement composé de rendre deux jugements contraires au premier au prétexte que celui-ci n'avait pas été rédigé par le précédent Président ;
· M. Deperraz a été inéquitablement condamné à combler le passif de la société DEPERRAZ ELECTRICITE sur le fondement d'un moyen soulevé d'office par les juges d'appel, à savoir par le jeu d'une faute de gestion non contradictoirement débattue et absente de l'acte introductif d'instance ;
· Les procédures en cause ont échappé à la publicité des débats, contrairement à l'exigence visée par le Pacte, et ceci sans que la nature de l'affaire puisse valablement constituer une justification suffisante.
3.3 Les auteurs allèguent que la procédure prise dans son ensemble s'est étendue sur près de 15 années, de 1985 à 2000, et que les dysfonctionnements judiciaires successifs survenus ont favorisé sa durée excessive. Ceci constituerait une violation de l'article 14, paragraphe 1, lu conjointement avec l'article 5, paragraphe 2 b), du Protocole facultatif.
3.4 Les auteurs affirment également que la communication n'a fait l'objet d'aucune autre procédure internationale d'enquête ou de règlement.
Observations de l'État partie
Observations sur la recevabilité
4.1 Par note verbale datée du 6 janvier 2002 l'Etat partie formule ses observations sur la recevabilité de la communication.
4.2 Concernant l'absence d'équité du procès l'Etat partie conteste la recevabilité de ce grief et fait valoir que les auteurs tentent en réalité de remettre en cause les décisions rendues par les juridictions internes, alors que celles-ci ont été à chaque fois longuement et précisément motivées. Par ailleurs, les auteurs n'ont pas exercé de recours contre certaines des décisions qu'ils critiquent, à savoir les jugements du 6 novembre 1985 et 18 avril 1990. Concernant la procédure relative à l'action en comblement de passif, ils affirment avoir été condamnés sur un moyen soulevé d'office par la Cour d'appel. Or, la Cour de cassation a considéré que ce moyen avait été débattu devant la Cour d'appel. Le Comité a affirmé à plusieurs reprises qu'il ne peut examiner les faits et les éléments de preuve soumis aux tribunaux nationaux, à moins qu'il ne soit manifeste que leur appréciation a été arbitraire ou qu'elle équivaut à un déni de justice.
4.3 Concernant l'absence de publicité des débats l'Etat partie affirme que les auteurs n'ont à aucun moment invoqué ce grief devant la Cour de cassation. En conséquence les voies de recours internes n'ont pas été épuisées.
4.4 Concernant la plainte relative à la durée excessive de la procédure l'Etat partie estime que les auteurs n'ont pas épuisé les voies de recours internes. Tout d'abord ils n'ont pas exercé l'action fondée sur l'article L 781-1 du Code de l'organisation judiciaire (COJ), selon lequel « L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n'est engagée que pour une faute lourde ou pour un déni de justice ». La Cour européenne des droits de l'homme a admis l'efficacité du recours fondé sur cet article, qui peut être utilement exercé pour contester la durée d'une procédure, aussi bien en matière civile que pénale. L'Etat partie demande au Comité de faire sienne la jurisprudence de la Cour européenne en la matière.
4.5 Par ailleurs, les auteurs n'ont pas soulevé le grief tiré sur la durée de la procédure devant les juridictions internes et notamment la Cour de cassation. L'Etat partie rappelle à cet égard la décision du Comité sur la communication n° 661/1995, (1) où il avait déclaré irrecevable en raison du non épuisement des voies de recours internes le grief fondé sur la durée excessive de l'instruction et de la procédure judiciaire au motif que l'auteur n'avait pas porté ce grief devant la Cour de Cassation.
Observations sur le fond
4.6 Le 14 avril 2003 l'Etat partie a présenté ses observations quant au fond de la communication.
4.7 Concernant le manque d'équité de la procédure l'Etat partie se réfère aux dysfonctionnements de la justice invoqués par les auteurs et considère que l'erreur d'un juge ne constitue pas un dysfonctionnement condamnable au sens de l'article 14 du Pacte, dès lors qu'elle s'inscrit dans un processus judiciaire qui en permet le redressement. Ainsi, l'erreur d'appréciation du tribunal dans le jugement du 6 novembre 1985 a été redressée très rapidement et les auteurs n'apportent aucune preuve du préjudice qu'ils allèguent, à savoir l'anéantissement de leur fonds de commerce. L'arrêt de la Cour d'appel du 7 avril 1992 a annulé le jugement du 18 avril 1990 au motif que le tribunal avait prononcé d'office une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de LE PRALEY alors que celle-ci n'était pas partie à la procédure. L'arrêt du 4 septembre 1996 a été rendu dans le cadre d'une autre procédure et n'a pas ressuscité, ainsi que les auteurs le prétendent, la nullité qui, par ailleurs, ne concernait que l'irrégularité de la procédure.
4.8 Les auteurs n'ont apporté aucune preuve sérieuse de l'existence du prétendu jugement daté du 6 octobre 1993 qu'ils invoquent, lequel aurait statué en leur faveur. Il est d'ailleurs permis de s'étonner que les requérants aient attendu de recevoir l'avis de réouverture des débats du greffe pour s'enquérir de la décision du 6 octobre 1993.
4.9 Concernant la procédure en comblement de passif et l'argument que M. Deperraz avait été condamné sur le fondement d'un moyen soulevé d'office par les juges d'appel, à savoir par le jeu d'une faute de gestion non contradictoirement débattue et absente de l'acte introductif d'instance, l'Etat partie fait valoir que les parties ont discuté la question de la mauvaise gestion devant le tribunal et que M. Deperraz a estimé inutile de répondre à l'assignation à comparaître du tribunal pour s'expliquer en personne de la mauvaise gestion qui lui était reprochée. (2) S'il est vrai que la Cour d'appel a caractérisé différemment du tribunal la faute de gestion, elle s'est cependant référée à des faits qui étaient dans le débat et qui avaient donc été discutés préalablement par les parties, à savoir l'analyse des comptes et leur déséquilibre. Ceci a été confirmé par la Cour de cassation.
4.10 Concernant l'absence de publicité des débats de ces procédures l'Etat partie considère qu'il n'y a pas eu de violation de l'article 14, paragraphe 1 du Pacte. Il rappelle le droit interne en la matière et souligne que si les débats devant le Tribunal de Grande Instance ont eu lieu en chambre du conseil, c'est-à-dire hors la présence du public, ils ont en revanche été publics devant la Cour d'appel. Le tribunal a par ailleurs toujours rendu sa décision en audience publique.
4.11 Concernant la durée de la procédure, l'Etat partie observe que, contrairement à ce qu'indiquent les requérants, il n'y a pas eu en l'espèce une seule procédure mais quatre procédures distinctes avec des objets différents. Les deux dernières, s'étalant sur une période de sept et six ans respectivement, présentaient un caractère complexe, notamment en ce qui concerne l'appréciation des fautes de gestion commises par M. Deperraz. A cet égard, il rappelle la décision du Comité déclarant la communication n° 831/98 irrecevable en relevant que l'auteur n'avait pas suffisamment établi que la durée de la procédure devant les juridictions administratives françaises lui avait causé un préjudice réel. (3)
Commentaires des auteurs
Commentaires sur la recevabilité
5.1 Dans ses commentaires du 4 août 2003, les auteurs contestent les observations de l'Etat partie sur la recevabilité. Ils affirment que l'article L 781-1 du code de l'organisation judiciaire institue un régime très restrictif de la responsabilité étatique impossible à mettre en œuvre. Ils font allusion à un arrêt de la Cour de Cassation du 23 février 2001 selon lequel la jurisprudence, du moins à son niveau suprême, se montre exigeante quant à l'existence d'une faute lourde ou d'un déni de justice alors que ces notions sont déjà restrictives par elles-mêmes. Elle ajoute que l'indemnisation recherchée est rarement obtenue en dehors d'erreurs plus que manifestement grossières ou de déficiences particulièrement anormales et que la solution adoptée par la Cour européenne lors de décisions rendues en novembre 2000 et septembre 2001 constitue un revirement de sa propre jurisprudence. Ces décisions sont par ailleurs postérieures à l'arrêt final rendu par la Cour de cassation le 14 mars 2000 dans la présente communication. Le recours basé sur l'article L 781-1 ne devrait donc pas être exigé par le Comité.
5.2 Les auteurs affirment avoir mis en évidence durant des années les dysfonctionnements, erreurs et irrégularités dont ils ont été l'objet, et qu'ils se sont expressément plaints jusque devant la Cour de Cassation de violations des droits de la défense et du principe du contradictoire.
5.3 Les auteurs rejettent comme non fondé le reproche fait par l'Etat de n'avoir pas exercé de recours contre le jugement du 18 avril 1990. Aucun recours ne pouvait être valablement exercé à l'encontre d'une décision frappée de nullité d'ordre public.
Commentaires sur le fond
5.4 Quant au fond, les auteurs rejettent également les observations de l'Etat partie. Ils réitèrent les conséquences irréparables du jugement du 6 novembre 1985 et font valoir que le jugement de liquidation judiciaire prononcé contre Le PRALEY le 22 mai 1991 a été annulé près d'un an plus tard. Or, l'exécution provisoire attachée à ce jugement a interdit à la société de percevoir tout loyer et contribué à détériorer sa situation financière. En outre, les juges internes n'ont finalement tenu compte de la nullité de la décision du 18 avril 1990 prononçant le redressement judiciaire de LE PRALEY, car le jugement du 24 septembre 1996 a finalement confirmé sa liquidation judiciaire.
5.5 Quant à la preuve de l'existence du jugement rendu le 6 octobre 1993 les auteurs rappellent l'existence d'une lettre adressée le 22 février 1994 par leur avocat au Tribunal de Grande Instance de Bonneville, indiquant que les services du Greffe avaient téléphoniquement informé son cabinet, dès le 7 octobre 1993, que le jugement avait été rendu le 6 octobre 1993. L'avocat avait informé les auteurs par écrit de ce jugement le 12 octobre 1993.
5.6 Concernant la faute de gestion retenue contre M. Deperraz, la Cour d'appel a retenu d'office, dans sa décision du 24 septembre 1996, un nouveau grief tiré de l'article 68 de la loi du 24 juillet 1966 selon lequel « les pertes cumulées ne peuvent excéder la moitié du capital sans que des dispositions soient prises pour remédier à cette situation ». Ce grief n'a été débattu ni devant le tribunal, ni devant la Cour d'appel qui l'a soulevé, alors que M. Deperraz était présent dans la cause et régulièrement représenté par son conseil.
5.7 Quant à l'absence de publicité des débats, les auteurs la qualifient comme non justifiée. Le fait que les juridictions internes aient rendu publiquement leurs décisions est par ailleurs sans incidence sur la publicité des débats eux-mêmes.
5.8 Enfin, pour ce qui est de la durée excessive de la procédure les auteurs estiment que le fractionnement de la procédure en quatre phases distinctes fait par l'Etat partie est artificiel. Si la société Deperraz n'avait pas été placée par erreur en liquidation judiciaire en 1985, jamais M. Deperraz n'aurait été condamné à combler le passif et jamais LE PRALEY n'aurait été condamnée par extension à sa liquidations judiciaire, le tout s'achevant par arrêt de la cour de cassation du 14 mars 2000. L'exercice régulier des voies de recours par les auteurs ne peut être la source d'aucun reproche.
Délibération du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n'était pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
6.3 Les auteurs allèguent une violation de l'article 14, paragraphe 1, du Pacte au motif que leur cause n'a pas été entendue équitablement par les tribunaux internes. Ils affirment avoir été l'objet d'erreurs judiciaires et de violations des droits de la défense et du principe du contradictoire. L'Etat partie conteste la recevabilité et signale que les auteurs tentent en réalité de remettre en cause les décisions rendues par les juridictions internes, alors que celles-ci ont été à chaque fois longuement et précisément motivées. Le Comité prend note du fait que les erreurs et violations invoqués, y compris la mise en liquidation des biens de Deperraz Electricité le 6 novembre 1985, la mise en redressement judiciaire d'office de Le Praley, et la condamnation de l'auteur sur le fondement d'un moyen soulevé d'office non contradictoirement débattu, ont été examinés par les tribunaux internes. Lorsqu'ils ont constaté que les jugements précédents contenaient des erreurs ceux-ci ont été réparés. Le Comité rappelle à cet égard sa jurisprudence selon laquelle il appartient généralement aux tribunaux nationaux d'examiner les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, à moins qu'il ne soit manifeste que leur appréciation a été arbitraire ou qu'elle équivaut à un déni de justice. Les arguments invoqués par les auteurs et les éléments qu'ils ont présentés en ce sens ne permettent pas de conclure que les décisions judiciaires aient été entachées d'irrégularités pouvant justifier la recevabilité de cette partie de la communication. Le Comité estime dès lors que les auteurs n'ont pas suffisamment étayé leur plainte relative à une violation de l'article 14, paragraphe 1, et considère cette partie de la communication irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.4 Les auteurs affirment également qu'ils ont été victimes d'une violation de l'article 14 du Pacte du fait de la durée excessive de la procédure qui s'est déroulée devant les tribunaux internes et de l'absence de publicité des débats. L'Etat partie conclut, à cet égard, à l'irrecevabilité au motif que les recours internes n'ont pas été épuisés. Le Comité rappelle que l'auteur d'une communication doit avoir fait valoir en substance devant les juridictions nationales le grief qu'il invoque par la suite devant le Comité et que de simples doutes quant à l'utilité d'un recours ne dispensent pas de l'obligation de l'épuiser. (4) Le Comité note qu'en l'espèce les auteurs n'ont saisi les juridictions internes des griefs mentionnés. Ces aspects de la communication sont donc irrecevables au regard de l'article 5, paragraphe 2 b), du Protocole facultatif.
7. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 5, paragraphe 2 b) du Protocole facultatif se rapportant au Pacte ;
b) Que la présente décision sera communiquée aux auteurs et à l'Etat partie.
__________________________
[Adopté en français (version originale), en espagnol et en anglais. Le texte est aussi traduit en arabe, en chinois et en russe aux fins du rapport annuel.]
** Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Bhagwati, M. Alfredo Castillero Hoyos, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Michael O'Flaherty, Mme. Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, M. Nigel Rodley, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari-Yrigoyen, Mme. Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.
Conformément à l'article 90 du règlement intérieur du Comité, Mme. Christine Chanet n'a pas participé à l'examen de cette communication.
Notes
1. Paul Triboulet c. France, constatations adoptées le 29 juillet 1997.
2. Jugement du 7 septembre 1994, page 2.
3. Michael Meiers c. France, décision du 16 juillet 2001.
4. Voir, par exemple, la communication No. 661/1995, Paul Triboulet c. France, par. 6.4.