Comité des droits de l'homme
Soixante-dix-septième session
17 mars - 4 avril 2003
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques
- Soixante-dix-septième session -
Communication No. 1142/2002*
Présentée par: |
M. A.J. v. G. |
Au nom de: |
L'auteur et ses deux enfants |
État partie: |
Pays-Bas |
Date de la communication: |
21 novembre 2002 (date de la lettre initiale) |
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 27 mars 2003
Adopte ce qui suit:
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication, datée du 21 novembre 2002, est A.J. v. G.,
ayant la double nationalité néerlandaise et américaine, né en 1961, qui présente
la plainte en son nom et au nom de ses deux enfants. Il se déclare victime
de violations par les Pays-Bas des articles 7, 8, 14, paragraphes 1, 2, 3
a), b), c), d) et g), et 5, 15, 17, 23, paragraphe 1, 24, paragraphe 1, et
26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n'est
pas représenté par un conseil.
Rappel des faits
2.1 L'auteur dit que sa femme aurait tenté de tuer leurs deux enfants en
juin 1998. Les enfants ont ensuite été confiés à sa seule garde et sa femme
a dû suivre un traitement psychiatrique. L'auteur a demandé le divorce en
décembre 1998.
2.2 En juillet 1999, le tribunal (Rechtbank) de Bois-le-Duc (s' Hertogenbosch)
a accordé la garde conjointe aux parents, tout en décidant que les enfants
devaient vivre avec leur mère. Toutefois, lorsque la mère est venue chercher
les enfants au domicile de l'auteur en août, celui-ci l'a tuée. L'auteur
affirme avoir tué sa femme pour protéger les enfants de leur mère. Le 12
septembre 2001, l'auteur a été reconnu coupable du meurtre de sa femme par
la cour d'appel (Gerechtshof's-Hertogenbosch). Il a été condamné à six ans
d'emprisonnement.
2.3 Le 13 mars 2000, le tribunal de première instance (Rechtbank's-Hertogenbosch)
a décidé de retirer la garde au père et la demande introduite par l'auteur
en vue d'obtenir le droit de visite et de contact téléphonique avec ses
enfants a été rejetée. Le 12 juillet 2000, la cour d'appel (Gerechtshof's-Hertogenbosch)
a ordonné un nouvel examen de la situation et des besoins des enfants. Puis,
dans son arrêt du 2 janvier 2002, elle a confirmé la décision de la juridiction
inférieure selon laquelle il était dans l'intérêt des enfants de ne pas
voir leur père et de ne pas lui parler au téléphone. Le 12 février 2002,
son avocat a indiqué de façon détaillée à l'auteur pourquoi un pourvoi en
cassation n'avait aucune chance d'aboutir. Il lui a expliqué que comme sa
plainte ne reposait que sur l'appréciation par la cour des faits et des
éléments de preuve, il n'existait plus de possibilité de recours.
2.4 Le 4 septembre 2002, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré
la requête de l'auteur irrecevable au motif qu'elle ne faisait apparaître
aucune violation des articles de la Convention européenne des droits de
l'homme.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme avoir été soumis avec ses enfants à une torture psychologique
et à un traitement cruel, inhumain et dégradant, par le retrait de son droit
de garde, le refus de le laisser voir ses enfants et leur parler et la censure
de son courrier entre le 15 août 1999 et le 15 janvier 2002, en violation
de l'article 7 du Pacte.
3.2 L'auteur affirme avoir été tenu, avec ses enfants, sous la servitude
de l'État, en violation de l'article 8 du Pacte.
3.3 L'auteur affirme également que lui-même et ses enfants n'ont pas bénéficié
de l'égalité de traitement devant les tribunaux et que la procédure relative
à la garde n'a pas été équitable, puisque le tribunal des affaires familiales
siégeait à juge unique à l'audience du 13 mars 2000, en violation du paragraphe
1 de l'article 14 du Pacte.
3.4 L'auteur affirme qu'il a tué sa femme uniquement pour protéger ses
enfants et que par conséquent il n'aurait pas dû être condamné, cette condamnation
constituant une violation du paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte.
3.5 L'auteur affirme qu'il n'a pas été informé des charges retenues contre
lui dans l'affaire concernant la garde et n'a pas disposé du temps et des
facilités nécessaires à la préparation de sa défense parce que le chef d'accusation
a été modifié sans préavis, que la procédure relative à la garde s'est prolongée
indûment entre la première demande d'audience, le 29 septembre 1999, et
le prononcé du jugement, le 2 janvier 2002, et que sa défense devant la
cour n'a pas été prise en considération, qu'il a été contraint de renoncer
à ses droits parentaux et, enfin, qu'il n'a pas bénéficié du droit de faire
examiner son affaire par une juridiction supérieure, en violation du paragraphe
3 a) à d) et g) et du paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte.
3.6 L'auteur affirme que les tribunaux lui ont infligé une peine plus forte
que celle prévue par la loi dans l'affaire relative à la garde, malgré sa
bonne conduite, et que le droit de bénéficier des sanctions plus légères
prévues par la loi lui a été refusé, en violation de l'article 15 du Pacte.
3.7 L'auteur affirme ne pas avoir été protégé contre des immixtions illégales
dans sa vie privée ou sa famille ni contre des atteintes illégales à son
honneur, sa réputation ou sa dignité, en violation de l'article 17 du Pacte.
3.8 L'auteur affirme en outre que ni lui ni ses enfants n'ont été protégés
en tant que famille, en violation du paragraphe 1 de l'article 23 et du
paragraphe 1 de l'article 24 du Pacte.
3.9 L'auteur affirme enfin, pour ce qui est de son droit de garde, avoir
été victime d'une discrimination au motif de son sexe et de sa situation
de détenu. La Cour suprême ayant décidé, dans une affaire antérieure jugée
le 2 décembre 1958, que la détention du parent ne constituait pas un motif
de perte de la garde des enfants, il n'aurait pas dû être déchu de son droit
de garde en raison de sa détention.
Délibérations du Comité
4. Le 4 décembre 2002, le Comité, agissant par l'intermédiaire de son Rapporteur
spécial pour les nouvelles communications, a décidé d'examiner la question
de la recevabilité et le fond de l'affaire séparément.
5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 Le Comité s'est assuré que la même question n'était pas en cours d'examen
devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement, conformément
à l'alinéa a du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif.
5.3 Le Comité relève que l'auteur n'a apporté aucun élément montrant que
lui-même et ses enfants n'avaient pas bénéficié d'un traitement égal par
les tribunaux et que la procédure relative à la garde était inéquitable
et, de ce fait, contraire à l'article 14. En conséquence, le Comité estime
que ces griefs sont irrecevables au titre de l'article 2 du Protocole facultatif.
5.4 Pour ce qui est de l'allégation de violation du paragraphe 2 de l'article
14 du Pacte, le Comité relève que l'auteur n'a pas étayé, aux fins de la
recevabilité, l'affirmation selon laquelle il n'a pas été présumé innocent
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie. Cette partie de la plainte
est donc irrecevable au titre de l'article 2 du Protocole facultatif.
5.5 S'agissant des allégations de violation des articles 17, 23, 24 et
26 du Pacte, le Comité estime que l'auteur n'a pas montré, aux fins de la
recevabilité de sa communication, en quoi la perte de ses droits parentaux
constituerait, dans les circonstances de l'affaire, une violation des articles
susvisés du Pacte. Ces griefs sont donc également irrecevables au titre
de l'article 2 du Protocole facultatif.
5.6 En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'auteur et ses enfants
ont été soumis à une torture psychologique et à un traitement cruel, inhumain
et dégradant, le Comité note qu'en l'espèce, le retrait du droit de garde
à l'auteur, l'interdiction de le laisser voir ses enfants et de leur parler
et la censure du courrier destiné à ses enfants ne constituent pas une violation
de l'article 7 du Pacte. En outre, au vu des éléments de fait de l'affaire,
il estime que la plainte selon laquelle l'auteur et ses enfants sont tenus
sous la servitude de l'État ne relève pas du champ d'application de l'article
8 du Pacte. Dès lors, ces griefs sont incompatibles avec le Pacte et irrecevables
au titre de l'article 3 du Protocole facultatif.
5.7 En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle l'auteur a été condamné
par les tribunaux à une peine plus lourde que celles prévues par la loi
et le droit de bénéficier des peines plus légères prévues par la loi lui
a été refusé, en violation de l'article 15, le Comité relève que la disposition
visée du Pacte concerne les infractions pénales, tandis que l'allégation
de l'auteur porte sur l'affaire relative à la garde. Les éléments portés
à la connaissance du Comité n'étayent aucun argument et aucune allégation
selon lesquels les procédures portaient sur un «acte délictueux»
ou une «infraction pénale» au sens de l'article 15 du Pacte. Ce grief
et toute autre partie des griefs de l'auteur qui pourraient concerner l'applicabilité
du paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte aux procédures relatives à la garde
des enfants ne relèvent pas du champ d'application des dispositions du Pacte
invoquées par l'auteur et sont irrecevables, ratione materiae, en
vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.
6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 du
Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information,
à l'État partie.
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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal
Bhagwati, M. Alfredo Castillero Hoyos, Mme Christine Chanet, M. Franco Depasquale,
M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M.
Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin,
M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood, M. Roman
Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.