Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 30 juillet 2003,
Adopte la décision ci-après:
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Antonio Hom. Il se dit victime de la violation
par les Philippines de ses droits en vertu du paragraphe 2 de l'article premier,
du paragraphe 1 de l'article 14, et de l'article 26 du Pacte. Membre du barreau,
il n'est pas représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 3 octobre 1992, l'auteur, qui en 1987 avait cessé ses fonctions
à la Banque nationale des Philippines, a intenté une action en dommages
et intérêts contre la Banque. Il a affirmé que celle-ci avait illégalement
retenu à la source un impôt sur l'équivalent monétaire des jours de congé
qu'il n'avait pas utilisés. Le 29 juin 1994, le tribunal régional de première
instance du Negros occidental a pris jugement contre l'auteur en premier
ressort, estimant que la Banque avait correctement appliqué la loi fiscale
pertinente alors en vigueur. Le 27 octobre 1998, trois juges de la cour
d'appel de Manille ont rejeté son appel.
2.2 Le 25 novembre 1998, l'auteur a demandé une révision par voie de certiorari
de la décision de la cour d'appel, invoquant une erreur de compétence. Cette
demande a été faite par courrier, sans mention du motif pour lequel elle
n'avait pas été faite en personne, comme l'exigeait habituellement la procédure
applicable.
2.3 Le 22 février 1999, la Cour suprême a rejeté la demande de révision
par voie de certiorari de la décision de la cour d'appel présentée par l'auteur,
faisant valoir que i) le jugement contesté n'avait pas été correctement
authentifié par un greffier du tribunal, ii) que la demande était viciée
quant à la forme et quant au fond, et iii) que la demande n'avait pas été
déposée en personne.
2.4 Le 26 avril 1999, l'auteur a formé un recours en révision, faisant
valoir que le jugement en question avait été correctement authentifié, que
son propre argument était bien fondé quant au fond et qu'il ne s'était pas
présenté en personne pour des raisons de commodité. Le 23 juin 1999, la
Cour a finalement rejeté le recours en révision de sa décision du 22 février
1999, au motif qu'il n'était justifié par aucun argument valable.
2.5 Le 2 août 1999, l'auteur a demandé à la Cour suprême de réexaminer
sa décision du 23 juin 1999, développant une argumentation détaillée sur
le fond à propos des erreurs de droit et du déni de justice dont il accusait
la juridiction inférieure. Le 8 septembre 1999, la Cour suprême a rejeté
sa requête du 2 août 1999, en invoquant des règles de procédure qui interdisaient
à la même partie de former deux recours en révision consécutifs. En conséquence,
le 27 octobre 1999, un jugement définitif a été rendu sur cette affaire.
2.6 Le 25 mars 2000, l'auteur s'est plaint du rejet de sa requête en révision
auprès du Président de la Cour. Le 8 mai 2000, un juge de la Cour suprême
lui a répondu, expliquant qu'un requérant devait établir la présomption
du bien-fondé de la contestation d'une décision rendue en appel, sans quoi
sa requête serait rejetée d'emblée. Le 26 mai 2000, l'auteur s'est de nouveau
plaint auprès du Président de la Cour. Le 26 juin 2000, la Cour suprême
a pris officiellement acte de la lettre que l'auteur avait adressée au Président
de la Cour le 25 mars 2002 mais n'y a donné aucune suite.
2.7 Le 25 août 2000, l'auteur s'est plaint une nouvelle fois auprès du
Président de la Cour. Le chef des assistants du Président lui a répondu
le 21 septembre 2000. Le 17 octobre 2000, l'auteur s'est de nouveau plaint
auprès du chef des assistants du Président,
contestant la décision rendue par la Cour le 22 février 1999. Le 24 janvier
2001, il s'est de nouveau plaint au chef, prétendant que les décisions de
la Cour suprême du 22 février 1999, du 23 juin 1999, du 26 juin 2000 et
du 8 septembre 1999 ainsi que le contenu de la lettre du juge adjoint datée
du 8 mai 2000 étaient entachées d'erreurs.
2.8 Le 24 janvier 2001, la Cour suprême, considérant que la lettre de l'auteur
datée du 17 octobre 2000 équivalait à un troisième recours en révision,
a décidé de «réitérer les fondements de sa décision» du 22 février 1999,
lorsqu'elle avait rejeté pour la première fois le recours formé par l'auteur.
Elle a expliqué en détail que i) le jugement rendu en appel n'avait pas
été authentifié par un greffier de la Cour ainsi qu'il convenait, ii) que
dans sa demande, l'auteur n'avait pas expliqué pourquoi il ne s'était pas
déplacé et iii) que la demande, «en tout état de cause, était manifestement
viciée quant au fond et à la forme», car elle n'établissait prima facie
aucune erreur de la cour d'appel qui aurait permis de révoquer la décision
de cette dernière. Elle a donc rejeté le recours.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme qu'il y a eu violation du paragraphe 2 de l'article
premier du Pacte en ce sens qu'il aurait été privé d'une partie de ses prestations
de retraite, qui représentent ses seuls moyens de subsistance.
3.2 L'auteur affirme en outre qu'il y a eu violation du paragraphe 1 de
l'article 14, en ce sens qu'on lui aurait refusé l'égalité devant les tribunaux
ainsi qu'un procès équitable et conforme au droit. En particulier, il prétend,
en premier lieu, que la Cour suprême l'a privé d'une audience lorsqu'elle
a déclaré, dans sa décision du 24 janvier 2001, qu'aucune autre prétention
ne serait admise dans cette affaire. En deuxième lieu, la Cour suprême,
en estimant que la procédure n'avait pas été respectée, n'avait pas distingué
correctement entre authentification par un greffier du tribunal régional
de première instance et authentification par un greffier de la cour d'appel.
En outre, la Cour suprême a décidé de considérer la lettre de l'auteur datée
du 17 octobre 2000 comme un troisième recours en révision, alors qu'elle
avait auparavant décidé qu'elle n'admettrait plus de recours. En troisième
lieu, la Cour suprême avait abusivement invoqué le fait qu'il ne s'était
pas déplacé, car il y avait clairement un problème de distance géographique
et la Cour avait auparavant accepté qu'il dépose sa demande par courrier.
3.3 L'auteur invoque également une violation de l'article 26 en rapport
avec l'égale protection de la loi, sans étayer davantage cette allégation.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 En ce qui concerne la plainte soumise par l'auteur en vertu de l'article
premier du Pacte, le Comité renvoie à sa jurisprudence selon laquelle l'article
premier ne peut, en lui-même, faire l'objet d'une communication en vertu
du Protocole facultatif. (1) De plus, l'auteur n'a pas présenté sa
communication dans le contexte d'une plainte formulée par un «peuple», au
sens de l'article premier du Pacte. Par conséquent, cette partie de la communication
sort du champ d'application du Protocole facultatif, ratione materiae
et ratione personae, et la communication est irrecevable en vertu
des articles 3 et premier du Protocole facultatif.
4.3 En ce qui concerne les plaintes soumises par l'auteur en vertu du paragraphe
1 de l'article 14, le Comité fait observer qu'elles sont fondées sur un
procès intenté par l'auteur à la suite d'un impôt d'environ 10 % déduit
à la source de l'équivalent monétaire des jours de congé qu'il n'avait pas
utilisés lorsqu'il a pris sa retraite. Dans la mesure où la communication
peut être considérée comme portant sur l'interprétation du droit interne,
voire sur l'évaluation des faits et des éléments de preuve par le tribunal
régional de première instance, le Comité fait remarquer que l'auteur a saisi
la cour d'appel, qui était pleinement compétente pour examiner ces questions.
Le Comité se réfère à sa jurisprudence constante, selon laquelle il ne lui
appartient pas d'examiner ces questions, sauf si l'appréciation des tribunaux
internes est manifestement arbitraire ou équivaut à un déni de justice.
Il estime que l'auteur n'a pas démontré, aux fins de la recevabilité de
sa communication, que ce type de situation exceptionnelle se présentait
en l'espèce. En conséquence, cette partie de la communication est irrecevable
en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
4.4 En ce qui concerne les allégations de l'auteur en vertu du paragraphe
1 de l'article 14 et du paragraphe 26 concernant les circonstances qui ont
entouré le refus de la Cour suprême de réexaminer l'issue donnée à cette
affaire, le Comité estime, là aussi, que l'auteur n'a étayé, aux fins de
la recevabilité de sa communication, aucune allégation qui soulèverait des
questions en rapport avec les dispositions concernées. Par conséquent, ces
prétentions sont également irrecevables en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:
a) Que la communication est irrecevable;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information,
à l'État partie.
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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres suivants du Comité ont participé à l'examen de la présente
communication : M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
M. Alfredo Castillero Hoyos, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin,
M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin
Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.
Notes
1. Voir, par exemple, l'affaire no 167/1984, Ominayak et consorts
c. Canada, constatations adoptées le 26 mars 1990 au paragraphe 13.3.