GENERALE
CCPR/C/86/D/1183/2003
27 avril 2006
FRANCAIS
Original: ESPAGNOL
Communication No. 1183/2003 : Spain. 27/04/2006.
CCPR/C/86/D/1183/2003. (Jurisprudence)
Convention Abbreviation: CCPR
Comité des droits de l'homme
Quatre-vingt-sixième session
13 - 31 mars 2006
ANNEXE*
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Quatre-vingt-sixième session -
Communication No. 1183/2003
Présentée par: Salvador Martínez Puertas (représenté par un conseil)
Au nom de: L'auteur
État partie: Espagne
Date de la communication: 13 septembre 2001 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 27 mars 2006,
Adopte ce qui suit:
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication, datée du 13 septembre 2001, est Salvador Martínez Puertas, de nationalité espagnole, qui affirme être victime de violations par l'Espagne du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l'État partie le 25 avril 1985. L'auteur est représenté par un conseil, M. José Luis Mazón Costa.
Exposé des faits
2.1 L'auteur travaillait comme concierge à l'Institut municipal des sports de la mairie de Murcie (ci-après dénommé «l'Institut»). Il avait signé un contrat de travail le 2 avril 1996 et s'occupait de l'entretien des installations sportives des piscines municipales.
2.2 Le 31 mars 1998, l'auteur a signé un reçu pour solde de tout compte ainsi libellé: «Entreprise: Institut municipal des sports. Détail du règlement: Salaire 73 310, prime d'été 36 654, prime d'affectation 42 909, prime spécifique 29 798, CM horaire 10 000, prime d'astreinte 15 315, total 207 987, moins CR T personnel 14 559, sécurité sociale 11 712, versé 181 716. Je soussigné, D. Salvador Martínez Puertas, déclare recevoir de l'entreprise susmentionnée la somme de 181 716 pesetas, solde en ma faveur en vertu de la législation en vigueur, compte tenu des sommes reçues jusqu'ici de l'entreprise susmentionnée, pour services rendus jusqu'à ce jour. Pour solde de tout compte et prétentions de quelque nature que ce soit […] En foi de quoi, j'atteste par ma signature accepter le présent règlement définitif et considérer comme résilié le contrat de travail souscrit avec l'entreprise susmentionnée à Molina de Segura.».
2.3 Le même jour, le 31 mars 1998, l'Institut a mis fin au contrat de travail. Le 26 mai 1998, l'auteur a déposé une plainte pour licenciement abusif, faisant valoir que le reçu pour solde de tout compte ne contenait que le détail de certains comptes non réglés, qu'il ne prévoyait pas d'indemnité de licenciement et qu'il ne mettait pas fin à la relation de travail. Dans sa décision du 30 septembre 1998, le tribunal des affaires sociales no 3 de Murcie a fait partiellement droit à la demande, déclarant que le licenciement était irrégulier et ordonnant à l'Institut de réintégrer l'auteur avec effet immédiat. Le tribunal a considéré que le reçu pour solde de tout compte ne contenait pas «les éléments nécessaires pour établir avec certitude la volonté de résiliation» et qu'il n'avait pas d'effet libératoire car il ne constituait qu'un simple règlement détaillé.
2.4 En novembre 1998, l'Institut a formé un recours en révision contre la décision du tribunal, affirmant que le reçu pour solde de tout compte avait bien un effet libératoire mettant fin à la relation de travail. En janvier 1999, l'auteur s'est opposé au recours, invoquant la jurisprudence du Tribunal suprême relative aux conditions que devait remplir un reçu pour solde de tout compte pour avoir un effet libératoire. Selon celle-ci, le fait de signer le reçu ne supposait pas automatiquement que l'on accepte de mettre fin à la relation de travail, encore fallait-il que l'employé manifeste clairement et sans ambiguïté sa volonté de résiliation. Le 23 février 1999, la Chambre sociale du Tribunal supérieur de justice de Murcie a accueilli le recours formé par l'Institut et annulé la décision du tribunal des affaires sociales no 3 de Murcie. La Chambre a considéré que les termes du reçu pour solde de tout compte étaient suffisamment clairs et qu'il y avait eu volonté de mettre fin à la relation de travail. L'auteur affirme que la Chambre s'est écartée de la jurisprudence du Tribunal suprême.
2.5 L'auteur a formé un pourvoi en cassation aux fins d'unification de la jurisprudence. Ce recours vise à éviter que des décisions judiciaires différentes ne soient prises à propos de situations de fait essentiellement identiques. L'auteur a invoqué la décision rendue le 24 juin 1998 par la Chambre sociale du Tribunal suprême, qui portait selon lui sur une situation identique à la sienne. Dans cette affaire, le Tribunal avait fait droit à la demande d'une personne qui avait travaillé à la tâche temporairement et qui, à la fin du contrat, avait signé un relevé détaillé dans lequel elle déclarait «avoir reçu une certaine somme à titre de liquidation définitive et de solde de tout compte, la relation de travail prenant fin pour cause d'expiration du contrat». Le document ajoutait: «par la présente liquidation, je déclare avoir perçu tous les émoluments qui me reviennent ou qui pourraient me revenir à l'avenir, sans que je puisse prétendre à une réclamation ou indemnisation ultérieure».
2.6 Pendant l'examen du pourvoi, le 22 novembre 1999, la Chambre, estimant qu'il pouvait y avoir un motif d'irrecevabilité, a ordonné que l'auteur soit entendu et que le ministère public donne son avis. Le ministère public a émis un avis dans lequel il se prononçait en faveur du rejet du pourvoi, mais l'auteur affirme que cet avis n'a jamais été porté à sa connaissance et qu'il n'a pas eu la possibilité d'y répondre. L'article 224 de la loi espagnole sur la procédure de règlement des conflits du travail dispose que lorsqu'il n'est pas partie au pourvoi, le ministère public doit rendre un avis sur la recevabilité du pourvoi en cassation. Cet avis ne s'impose pas au tribunal. Dans une décision datée du 3 février 2000, la Chambre sociale du Tribunal suprême a rejeté le pourvoi en cassation, considérant qu'il était impossible d'établir l'existence d'une contradiction entre les deux décisions invoquées par l'auteur. La Chambre a considéré que les deux reçus pour solde de tout compte étaient rédigés différemment et que celui que l'auteur avait signé était beaucoup plus explicite.
2.7 L'auteur a formé un recours en amparo auprès du Tribunal constitutionnel, alléguant qu'il y avait violation du droit à l'égalité de traitement devant les tribunaux et que l'argument du Tribunal suprême était illogique et irrationnel. Il a en outre affirmé qu'il y avait eu violation du droit à un débat contradictoire lors du pourvoi en cassation, parce qu'il n'avait pas pu contester l'avis du ministère public. À l'appui de cette dernière allégation, l'auteur a cité l'arrêt rendu le 20 février 1996 par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Lobo Machado c. Portugal, qui dispose ce qui suit: «l'impossibilité pour l'intéressé d'obtenir communication [de l'avis du procureur général adjoint] avant le prononcé de l'arrêt et d'y répondre a méconnu son droit à une procédure contradictoire. Celui-ci implique en principe la faculté pour les parties à un procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un magistrat indépendant, en vue d'influencer sa décision, et de la discuter».
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme qu'il y a eu violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, étant donné que la Chambre sociale a rejeté le pourvoi en cassation aux fins d'unification de la doctrine au motif qu'il n'y avait pas identité d'éléments entre l'arrêt rendu dans le cas de l'auteur et le précédent invoqué à titre de comparaison, alors que, selon l'auteur, il n'y avait pas de différence fondamentale entre les situations auxquelles renvoyaient les arrêts. L'auteur ajoute que la conclusion à laquelle la Chambre est parvenue est arbitraire, illogique et irrationnelle et fantaisiste. Il affirme que le caractère arbitraire de la décision est manifeste et qu'il constitue un déni de justice.
3.2 L'auteur affirme en outre qu'il y a eu violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, parce qu'il n'a pas pu prendre connaissance de l'avis du ministère public dans lequel celui-ci contestait la recevabilité du pourvoi en cassation, et n'a donc pu y répondre.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond de la communication et commentaires de l'auteur
4.1 Selon l'État partie, la communication est irrecevable parce qu'elle constitue un abus du droit de présenter une communication et qu'elle est manifestement dénuée de fondement et incompatible avec les dispositions du Pacte. Pour l'État partie, l'auteur a eu plusieurs fois accès à la justice, ce qui a abouti à des décisions judiciaires pleinement motivées dans lesquelles des organes juridictionnels compétents ont répondu en détail à ses allégations. L'État partie indique que l'auteur est le seul à prétendre qu'il y a eu une inégalité, ce que nie expressément et en motivant sa conclusion la Chambre qui a rendu l'arrêt invoqué par l'auteur à titre de comparaison. Selon l'État partie, la communication est dénuée de fondement et l'auteur utilise le mécanisme du Protocole facultatif pour se plaindre d'une situation qui a fait l'objet d'un examen suffisant et nullement arbitraire, et dans lequel toutes les garanties de procédure ont été pleinement respectées.
4.2 En ce qui concerne le fond de la communication, l'État partie note que l'auteur prétend se trouver dans une situation identique à celle d'une autre personne qui a obtenu une décision favorable du Tribunal suprême. Cependant, l'auteur a signé un reçu pour solde de tout compte rédigé en des termes différents de celui du cas qu'il invoque pour alléguer l'existence d'un préjudice. L'État partie ajoute que c'est ce que le Tribunal suprême a fait savoir à l'auteur lorsqu'il a indiqué qu'il était impossible d'établir l'existence de contradictions entre les deux décisions comparées, lesquelles portaient sur les conséquences de reçus pour solde de tout compte différents, compte tenu des différences existant entre les libellés de ces reçus, qui pouvaient justifier l'adoption des décisions différentes dans l'un et l'autre cas; «le document en question, dans lequel les sommes perçues sont indiquées en détail et le contrat de travail considéré comme résilié, est rédigé de manière beaucoup plus explicite que le document du précédent invoqué, qui se bornait à attester le versement d'une certaine somme à titre de liquidation définitive et de solde de tout compte, sans mention expresse de la volonté de mettre fin à la relation».
4.3 L'État partie ajoute que le Tribunal constitutionnel a dûment répondu à l'allégation de l'auteur en ces termes: «Cette allégation précise ne peut servir de fondement à la demande d'amparo, car c'est uniquement à l'organe judiciaire compétent qu'il appartient de déterminer si les critères établis par la loi pour pouvoir exercer le recours envisagé sont réunis, de sorte que cette appréciation ne peut être corrigée par la voie de l'amparo que si la décision d'irrecevabilité était manifestement arbitraire ou non motivée. Il est évident qu'aucune de ces circonstances n'est présente en l'espèce, étant donné que la décision d'irrecevabilité était fondée sur les dispositions des articles 217 et 223 de la loi sur la procédure de règlement des conflits du travail, la Chambre sociale du Tribunal suprême ayant considéré, en motivant sa décision et conformément à sa propre jurisprudence constante et réitérée, que la décision prétendument incohérente citée dans le mémoire exposant les motifs du recours ne se prêtait pas à un débat contradictoire; par conséquent, la décision de la Chambre ne présente aucun défaut du point de vue constitutionnel.».
4.4 En ce qui concerne le grief de violation du droit à un débat contradictoire, l'État partie reproduit une partie du texte de l'arrêt du Tribunal constitutionnel relatif au recours en amparo formé par l'auteur: «Une deuxième allégation a trait à une violation du droit fondamental à un débat contradictoire dans le cadre d'une procédure de cassation, le requérant n'ayant pu répondre en amparo à l'avis du ministère public et citant à l'appui de son allégation l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme en date du 20 février 1996 (affaire Lobo Machado c. Portugal) […] il convient d'ajouter que les situations sur lesquelles porte l'arrêt en question et celle qui fait l'objet de la controverse actuelle ne présentent pas les similitudes nécessaires pour qu'il en découle des solutions analogues. Ainsi, alors que dans l'affaire examinée par la Cour européenne des droits de l'homme un membre du ministère public a participé aux délibérations lors d'une séance à huis clos, au côté de trois juges et du greffier de l'organe collégial (le Tribunal suprême), ce qui a donné pleine valeur de décision à son intervention, dans la situation examinée par ce tribunal, l'intervention du procureur s'est limitée, conformément à l'article 224 de la loi sur la procédure de règlement des conflits du travail, à la formulation d'un avis sur la recevabilité du pourvoi en cassation. Il convient donc d'en conclure qu'en l'espèce il n'y a pas eu violation du droit à la défense du requérant, puisque dans l'avis en question le procureur se contentait de présenter des arguments en vue de la défense de la légalité et de la sauvegarde de l'intérêt général, dans le droit fil des fonctions que notre Constitution attribue au ministère public. Il est évident que ce type d'avis n'a pas de valeur contraignante pour le juge ni valeur de décision, et qu'on ne peut donc considérer qu'il enfreint d'une quelconque manière le droit fondamental à un débat contradictoire.».
5.1 Dans ses commentaires datés du 5 novembre 2004, l'auteur affirme qu'il a perdu son emploi à l'Institut à cause du comportement arbitraire de la Chambre sociale du Tribunal suprême, qui lui a dénié le droit de recevoir le même traitement judiciaire que celui qui avait été accordé dans une affaire analogue. Dans l'affaire que le Tribunal suprême avait tranchée par sa décision du 24 juin 1998, l'employé concerné avait obtenu la reconnaissance de ses droits bien qu'il eût signé le texte ci après: «par la présente liquidation, je déclare avoir perçu tous les émoluments qui me reviennent ou qui pourraient me revenir à l'avenir, sans que je puisse prétendre à une réclamation ou indemnisation ultérieure». L'auteur fait valoir que, dans son cas, il n'a pas été procédé à un examen final alors que le document qu'il avait signé était identique au document susmentionné puisqu'il indiquait: «pour solde de tout compte et prétentions de quelque nature que ce soit […]». Dans les deux cas, les documents détaillaient les sommes versées aux plaignants à différents titres, sans inclure d'indemnité de licenciement. Selon l'auteur, le Tribunal suprême n'a pas procédé à une comparaison objective et raisonnable des deux documents d'annulation de la relation de travail. L'auteur ajoute que dans les deux cas, les documents mettent clairement fin à la relation de travail à l'expiration d'un contrat de travail temporaire, mais que dans l'affaire tranchée par la décision de 1998, le contrat de travail de l'ouvrier demandeur et le reçu pour solde de tout compte sont tous deux considérés comme nuls en raison d'une infraction de l'employeur à la loi sur les contrats temporaires et d'une renonciation invalide de l'employé à ses droits, alors que ses prétentions à lui ont été rejetées.
5.2 L'auteur ajoute que ni le Tribunal suprême ni le Tribunal constitutionnel n'ont analysé «concrètement» le fond du problème ni les similitudes et les différences entre les reçus pour solde de tout compte mettant fin à la relation de travail, se contentant de formuler des affirmations d'ordre général. L'auteur cite l'Observation générale no 13 du Comité et ajoute que lorsqu'un tribunal règle deux affaires différemment sans motif suffisant, il passe pour un tribunal arbitraire et injuste qui se prononce au gré de sa fantaisie. Il soutient que l'administration de la justice espagnole en général enfreint les principes énoncés à l'article 14 du Pacte, ce qui résulte à son avis, entre autres raisons, de l'inadéquation des critères de sélection des juges, de l'inefficacité des mécanismes visant à rendre effective la responsabilité des juges et de l'existence d'un esprit corporatiste affirmé. Il ajoute que les tribunaux masquent leurs abus sous un langage trompeur, un manque de rationalité et d'objectivité, la tergiversation et la manipulation des arguments, et indique que selon les meilleurs experts, le Tribunal constitutionnel «ne sert à rien», vu que seul un pourcentage infime des recours en amparo pour violation de droits fondamentaux est examiné au fond.
5.3 En ce qui concerne l'argument de l'État partie selon lequel l'affaire Lobo Machado c. Portugal examinée par la Cour européenne des droits de l'homme est différente de son propre cas, l'auteur fait valoir que l'État partie déforme la teneur de l'arrêt. D'après l'auteur, la Cour européenne a établi que «cette circonstance» – c'est-à-dire la non-communication de l'avis du ministère public au requérant et l'impossibilité pour celui-ci de répondre aux allégations du ministère public contestant la recevabilité de son recours – «constitue en soi une violation du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme». L'auteur ajoute que l'État partie a «manipulé» la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui constitue à son sens une violation supplémentaire du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n'était pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité constate en outre que l'État partie n'a pas objecté que tous les recours internes n'avaient pas été épuisés et décide, par conséquent, qu'il n'existe aucun obstacle à l'examen de la communication en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
6.3 Le Comité prend note de l'argument de l'auteur selon lequel la décision du Tribunal suprême relative au pourvoi en cassation aux fins d'unification de la jurisprudence était arbitraire étant donné que des situations de fait identiques ont abouti à des décisions très différentes. Le Comité considère que cette allégation porte essentiellement sur l'appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux espagnols. Il renvoie à sa jurisprudence et réaffirme qu'il appartient généralement aux juridictions des États parties d'examiner ou d'apprécier les faits et les éléments de preuve, sauf s'il peut être établi que la conduite du procès ou l'appréciation des faits et des éléments de preuve a été manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice. Le Comité considère que l'auteur n'a pas suffisamment étayé sa plainte pour pouvoir affirmer qu'il y a eu en l'espèce arbitraire ou déni de justice et estime par conséquent que cette partie de la communication doit être déclarée irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.4 Le Comité fait observer que le paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte n'oblige pas les États parties à offrir des recours contre les décisions portant sur des droits et obligations de caractère civil. Cependant, il considère que si un État partie offre ce type de recours judiciaires, les procédures doivent respecter les garanties d'un procès équitable implicitement contenues dans ladite disposition. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que le principe du procès équitable au sens du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte comporte, entre autres éléments, le respect des principes de l'égalité des moyens et du débat contradictoire. Le Comité relève que l'auteur indique que lorsqu'il s'est pourvu en cassation aux fins d'unification de la jurisprudence, l'avis que le ministère public a émis contre son recours n'a pas été porté à sa connaissance, ce qui l'a empêché d'y répondre. Il note également que, selon l'auteur, sa plainte est identique à celle à laquelle la Cour européenne des droits de l'homme a fait droit dans l'affaire Lobo Machado c. Portugal. Le Comité constate toutefois que l'auteur n'a pas contesté devant le Tribunal suprême l'intervention du ministère public, qu'en l'espèce celui-ci n'a pas agi en qualité de partie à la procédure mais pour la défense de la légalité et la sauvegarde de l'intérêt général, que l'avis du ministère public ne s'imposait pas au Tribunal suprême, que rien dans la décision de ce tribunal n'indique que l'avis du ministère public ait eu une influence et qu'à la différence du précédent invoqué par l'auteur, le ministère public n'a pas participé aux délibérations du Tribunal suprême. Le Comité constate en outre que la procédure à suivre pour obtenir l'avis du ministère public est définie à l'article 224 de la loi sur la procédure de règlement des conflits du travail. Rien dans les informations fournies au Comité n'indique que des obstacles juridiques empêchent la partie au pourvoi d'avoir accès à cet avis. En l'espèce, rien n'indique que l'auteur ait tenté de connaître le contenu de l'avis avant que le Tribunal suprême ne décide de l'irrecevabilité du pourvoi, ni qu'il ait saisi celui-ci d'une plainte concernant l'impossibilité d'avoir accès à cet avis. Le Comité estime que l'auteur a eu la possibilité de présenter ses allégations concernant la recevabilité du pourvoi en cassation aux fins d'unification de la jurisprudence et que lors de la procédure, il a eu également toute latitude pour faire valoir ses arguments. En conséquence, il considère que l'auteur n'a pas suffisamment étayé ce grief, aux fins de la recevabilité, et conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
7. En conséquence, le Comité décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur de la communication.
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[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Michael O'Flaherty, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari-Yrigoyen et M. Roman Wieruszewski.